La scène qui se déroulait devant elle la dégoûtait. Si elle avait su, elle serait allée se coucher plus tôt en prétextant un mal de crâne.
Voir Nobara boire toutes les paroles de sa sœur lui racontant ses péripéties à l'étranger, lui filait la gerbe.
Ses yeux brillaient autant, voire plus que lorsqu'elle réussissait à avoir une minuscule preuve d'amour verbal que Mai pouvait lui offrir. Ses lèvres, entrouvertes formaient un petit "o" et ses cils de biche battaient à tout rompre. Tout son corps était tourné vers Maki, oubliant totalement qu'elle se trouvait elle aussi là.
Comme si elle n'existait plus à ses yeux.
La jeune femme avait finit par allumer la télévision, la regardant vaguement. Et Maki.
Maki regardait sa petite-amie comme une petite chose mignonne et fragile.
Nobara était une petite chose mignonne. Mais pas fragile. Loin de là.
"...N'est-ce pas, Mai ?"
Elle tourna son regard vers Nobara qui clignait des yeux.
"J'ai pas écouté."
Elle détourna son attention vers son téléphone et le prit. Un coude lui tapa la côte. Nobara devait la regarder avec un regard assassin, parce qu'elle doit la trouver odieuse.
"Aïe !", s'exclama celle aux cheveux sombres en jetant un regard noir à Nobara qui lui offrit un sourire crispé.
"Je disais", grogna la rouquine en grinçant des dents. "Que nous devrions sortir un soir avec Maki histoire d'apprendre un peu mieux à se connaître."
Sa voix était devenue plus douce lorsqu'elle prononçait le prénom de son aînée. Son cœur se serra violemment, lui donnant une envie de vomir. Toute la douceur dont elle avait le droit, celle qu'elle n'accordait à personne d'autres, Maki la recevait juste en clignant des yeux.
En réponse, elle haussa les épaules.
"Mai, si tu te sens épuisée je peux-"
"Roh", coupa Mai en se levant. Sa main fit un mouvement rotatif alors qu'elle se dirigeait vers le balcon. Elle n'avait pas besoin de la fausse compassion de Maki. Tout le monde l'aime déjà, alors pourquoi se comporter comme un sainte ? Qu'est-ce que cela pouvait lui apporter ?
"Mais qu'est-ce qui te prends à la fin ?!"
" 'Me fais pas chier."
Nobara se leva à son tour. En réponse, Mai lui fit un doigt d'honneur, sans prendre la peine de se retourner.
"Nobara, laisse-la", lui intima Maki, d'une voix calme.
"Non mais c'est quoi son problème à cette p-"
Elle ouvrit doucement la porte vitrée et referma derrière elle. La voix de sa petite amie s'étouffait, mais elle savait qu'elle criait et gigotait dans tous les sens en l'insultant de tous les noms. Comme la petite boule de nerfs qu'elle était.
Mai n'avait jamais parlé de sa sœur à sa petite amie. Elle n'avait jamais fait référence à la relation qu'elle entretenait avec cette dernière. Alors elle pouvait comprendre la réaction de Nobara. Elle ne lui en voulait pas tant que ça.
Enfin. Si. Elle lui en voulait, parce que ça n'était pas la première fois que Nobara la mettait de côté.
C'était le jour où elles frôlaient la rupture.
Nobara s'énerve vite. Mai est une provocatrice née. Nobara est sincère. Mai ne l'est pas. Et pourtant, elle n'était pas en tort dans cette histoire.
Et le fait qu'elle soit en compagnie de Maki et qu'elle soit aussi obnubilée par sa présence...Ça lui reste en travers de la gorge.
Mais quelque part, elle s'en voulait aussi de ne pas être suffisamment parfaite pour elle. Et maintenant que les nerfs de sa jolie rousse étaient à vifs, Mai se recroquevilla sur sa chaise.
Nobara va pouvoir se consoler dans les bras de sa sœur qu'elle regardait avec tant de passion.
C'en est fini.
Les lèvres de la jeune femme se pinçaient. La petite voix qui représentait sa conscience n'était pas tendre. Et d'un côté, elle énonçait à la lettre ses peurs et ses angoisses. L'ongle entre les dents et les yeux rivés sur le paysage urbain de nuit, Mai se demandait pourquoi elle luttait tant contre ses vieux démons.
Qu'elle pourrait juste les laisser et puis disparaître. Ne laisser aucune trace de sa venue sur Terre.
En effet. Quelle place occupait-elle dans ce monde ? Elle n'était même pas une personne à part entière dans sa famille. Juste une entité qui a eu la chance d'être là. Elle était invisible au yeux du monde. Invisible aux yeux de sa petite amie. Car tous se braquaient sur la huitième merveille du monde qu'était Maki.
Elle n'a pas vraiment souhaité être quelqu'un. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle eut décidé de faire des études dans le social. Elle voulait juste avoir une place quelque part et aider les personnes qui en avait besoin.
En tant que psychologue, elle n'était personne. Juste l'intermédiaire entre les pensées les plus profondes et abstraites de l'être humain et l'être humain lui-même. Rien que ça.
Mais les attentes au sein du domicile familial étaient élevées car son aînée visait le sommet. Pas elle. Elle voulait vivre une vie tranquille, sans rien devoir à personne. Juste vivre.
Et elle restait seule, au final, car tout lui échappait des mains. Tout est plus grand qu'elle.
Mai avait bien remarqué qu'elle a des problèmes de confiance en elle et envers les autres et que sa gestion des émotions est pathétiquement naze. Qu'elle devait elle-même consulter un spécialiste, comme le lui avait conseillé sa rouquine.
Mais non. Ça ne l'intéressait pas spécialement de discuter de son manque d'amour et de considération.
L'air frais lui procurait un bien fou. Elle inspira longuement tout en fermant les yeux. Elle posa les yeux sur la petite table où se trouvait un paquet de cigarettes à moitié vide et un briquet. S'en griller une lui tentait fortement.
Elle sortit alors une cigarette.
Si elle pouvait qualifier ce dimanche, ça serait merdique. En tout point.
Premièrement, elle s'était réveillée de mauvaise humeur pour aucune raison apparente. Elle avait juste ouvert les yeux et les volets à moitiés baissés la faisait grincer des dents. La voix stridente de sa petite-amie au téléphone dans le salon lui tapait encore plus sur les nerfs. Le fait qu'il n'y ait plus de café dans leur placard la forçait à faire un tour afin de souffler.
Deuxièmement, elle avait perdu son portefeuille durant sa balade improvisée (et sa recherche de café). Elle dut faire opposition sur sa carte bancaire, initier une demande de carte d'identité et en rentrant, elle s'était faite incendiée par Nobara qui avait laissé sa black card dans son portefeuille parce qu'elle était "la plus précautionneuse" des deux. Elle eut seulement claqué sa langue contre son palet en allant dans la cuisine faire son café.
Troisièmement, la gourmette que lui avait offert sa tendre - pas si tendre que ça - et bien aimée, qu'elle portait depuis leur premier anniversaire en tant que couple, s'était cassée. Mai avait seulement regardé l'objet, misérable sur la table. Ses lèvres étaient pincées et ses yeux picotaient. Nobara qui était face à elle, la regarda avec interrogation. Jusqu'à ce qu'elle aperçoive l'objet, suivant le regard de Mai.
Une session de câlins et de mots rassurants s'ensuivit, car oui, elle restait sensible à ces choses là.
Quatrièmement, le dîner avec sa famille.
Et dernièrement…
Sa petite-amie flirtant avec sa brillante jumelle. Sans même lui accorder un seul regard trahissant de la culpabilité.
Mai écrasa le mégot dans le cendrier et se leva. Elle pénétra dans le salon, où elle pouvait voir sa Nobora, assise en tailleur sur le fauteuil, se blottissant contre une grosse peluche rose pastel. Maki était face à elle, aussi en tailleur semblant écouter la rouquine.
Elles ne l'avaient pas vu arriver dans le salon, continuant de discuter. Nobara avait la voix quelque peu brisée, comme si elle venait de pleurer. Et dire que la rouquine ne pleurait même pas devant elle, alors pourquoi le ferait-elle devant sa jumelle qu'elle connaissait à peine ?
Mai posa son regard sur la grosse peluche, pensive.
Les yeux bandés et tapant dans ses mains avec excitation, Nobara sautillait sur place. Elle suppliait Mai de sa petite voix, curieuse de connaître le cadeau qu'elle allait lui offrir. Lorsque le tissu glissait de ses yeux, elle prit une grande bouffée d'air.
"Le nounours !", s'écria-t-elle en sautant sur la grande peluche faisant presque sa taille. "Oh Mai t'es la meilleure !"
Elle lui esquissait un petit sourire alors qu'elle s'était assise sur le canapé, les jambes croisées.
"Elle te ressemble, cette peluche. C'est comme si c'était toi que j'avais dans mes bras."
La joie dans sa voix et dans son regard n'avait pas de prix, sauf un énorme battement de coeur raté et des papillons dans le ventre. Et la façon dont elle serrait la peluche tout contre elle lui fournissait une joie immense qu'elle ne put contenir qu'en se mordant la lèvre.
La voix de Nobara la fit sortir de sa transe :
"Parfois je me demande bien ce qu'il se passe dans sa tête."
Une pointe de tristesse dans la voix, sa petite rouquine serrait la peluche encore plus fort contre elle.
"Tout est si flou..."
"Mai ne montre jamais rien", affirma Maki en soupirant. "Même s'il m'est possible de lire en elle comme dans un livre ouvert."
La rouquine soupira exagérément.
"Je me vois mal t'appeler à chaque fois que la situation est aussi incompréhensible."
"T'es sa petite-amie non ? Donc, ça ne me dérange pas."
"Oh...euh...Je ne suis pas-"
"Ça va", coupa-t-elle en arborant un air las. "Ça se voit à des milliards de kilomètres que vous vivez en concubinage."
Le visage de Nobara devint instantanément rouge. De la gêne. Mai roulait des yeux et traversa la pièce sans piper mot.
"Bonne nuit", entend-elle.
Elle claqua la porte de sa chambre en réponse à son aînée.
...
Au milieu de la nuit, Mai s'était réveillée, sentant quelque chose de froid lui caresser les pieds. Elle entrouvrit les yeux, pour voir sa petite-amie, qui amenait sa main vers sa joue. Son regard brillait d'une étrange lueur, qu'elle n'avait jamais vu auparavant.
Ah.
Mai ressentait pour elle un amour doux et pur. Une envie de l'enlacer, de lui susurrer tous les mots doux que leur dialecte contenait. Sa lèvre inférieure, maltraitée par ses dents, devenait de plus en plus rouge.
Mai frottait ses pieds contre celle de sa petite femme afin de les réchauffer. C'était la moindre des choses à faire, même si elle lui faisait la tête.
"Tu vas me dire ce qu'il se passe à la fin ?"
Doux était le son de sa voix, mais de la distance, beaucoup de distance entre elle et la Nobara qu'elle côtoyait en temps normal. Malgré la proximité entre leurs deux corps, les pieds froids de sa rouquine caractérisait parfaitement la situation.
"Je ne peux pas t'aider si tu ne me dis rien."
Tu mérites mieux.
"Je vais bien."
Mai lui tourna le dos, ne souhaitant plus en parler. Étrangement, Nobara resta silencieuse. Seuls les froissements du drap contre leurs pyjamas brisaient le silence instauré -forcé- entre les deux femmes.
"Elle est sympa ta sœur."
Mai serra les poings et les dents. La voilà face au moment le plus craint de toute sa vie. Et ça n'était pas une blague. Sa petite amie trouve, aux premiers abords, que sa soeur est sympa.
Information qui devrait lui plaire, si sa famille ne portait pas le nom maudit de Zenin. Puis...
Elle haussa les épaules.
"On a beaucoup parlé de toi."
D'à quel point j'étais naze ?
Encore un haussement d'épaules.
"Et..."
Elle sentit la tête de Nobara contre son dos. Ses deux mains lui caressaient la nuque, puis les épaules.
"Je t'aime, tu le sais hein ?"
Pas autant que moi je t'aime.
"De quoi as-tu peur ?"
Que tu m'abandonnes.
"Tu agis comme un chaton apeuré depuis que ta sœur est là. C'est une manie chez toi de paniquer lorsque je me fais des amis."
J'ai simplement peur de te voir préférer une autre ombre que la mienne.
"Laisse-moi t'aider."
Non.
"Laisse moi t'enlacer et te prouver à quel point je t'aime."
Tu ne m'aimes pas.
"Maki est cool."
Je le sais.
"Mais toi tu l'es infiniment plus."
Mai inspira grandement alors que Nobara touchait ses cheveux et lui massait le crâne.
"Tu te poses beaucoup des questions et moi aussi. Parfois, je ne me trouve pas suffisamment bien pour toi."
"Tu mérites bien plus que tu ne le penses."
Elle put entendre Nobara inspirer grandement. La satisfaction de la rousse ne passa pas inaperçue. Elle n'attendait qu'une réponse et elle l'avait eut. Mai avait ouvert la porte pour que Nobara puisse lui faire une grossière séance de psychanalyse.
"Et par là tu veux insinuer quoi ?", demanda calmement la rousse, ses mains glissant sur le dos de Mai. "Que je mérites mieux que toi ?"
"Tu mérites tout. Sauf-"
"J'ai la petite-amie la plus mignonne du monde", coupa Nobara en posant ses lèvres sur la nuque chaude de Mai. "Aux premiers abords, elle semble froide et distante. Méchante aussi. Mais au fond c'est un fraisier décoré minutieusement. Une crème aussi douce que sucrée. Elle est la chantilly qui me rend heureuse quand je la mets sur mon fondant au chocolat."
"Elle en a de la chance."
Nobara grogna en lui tapant la nuque.
"C'est de toi que je parle, idiote."
Mai émit un petit son, comme pour confirmer qu'elle avait bien comprit.
"Alors arrête de croire que j'vais tomber dans les bras de n'importe qui. Ta sœur est sympathique et il est vrai que j'aimerais bien la connaître un peu plus. Mais c'est parce qu'elle est ta jumelle. Et que, comme je te l'ai dit, je veux rencontrer les membres de ta famille." Elle fit une petite pause. "Tu n'as pas de quoi être jalouse ou penser que je t'abandonnerais pour une autre."
Elle eut un petit rire.
"Puis je ne suis pas partie, au final. Je suis toujours là, parce que tu veux toujours de moi dans ta vie, malgré mon caractère et mes manies."
Nobara enfouissait son visage sur la nuque de Mai qui frissonna.
"Je sais que tu me fais sortir de mes gonds juste pour le plaisir de me voir crier et je dois avouer que la plupart du temps, ça me donne envie de t'étrangler. Je déteste te voir fumer parce que ça te détruit la santé, mais à chaque fois que je te vois dans le balcon, ta clope à la main avec un shot de tequila, je me dis que j'ai la femme la plus sexy du monde. Et quand tu-"
"Nobara", la coupa Mai.
A l'entente de son prénom, elle se redressa, et posa sa tête sur l'épaule de Mai.
"Oui ?"
Son cœur battait à mille à l'heure.
Nobara faisait toujours des efforts pour la mettre à l'aise et discuter quand quelque chose n'allait pas. Elle n'aimait pas prendre des pincettes. Et elle se forçait parce qu'elle restait une femme qui possède de l'empathie. À sa manière.
Même si cela impliquait le fait qu'elle fasse un monologue avec les tenants et les aboutissants. Et le pire, c'est que Nobara visait toujours juste. Et que toute cette retenue lui avait fait prendre en maturité et en patience depuis.
Et en cette belle nuit, Mai se rendit compte qu'elle avait agit comme une imbécile. Envers sa petite-amie et envers elle-même.
Envers sa sœur.
"Eh bien...je…", hésita alors Mai, sentant ses joues chauffer. La main froide de Nobara dégagea les mèches qui cachaient le visage et l'oreille de sa bien-aimée. Elle posa ses lèvres sur le lobe d'oreille de la Zenin, qui avaient pris une teinte pourpre. "Je…"
"Dis moi", susurra la rouquine en posant sa main sur la cuisse de Mai qui avala difficilement sa salive.
Leur dynamique de couple était assez simple.
En dehors de leur intimité, Mai gérait le tout avec poigne et force. Et ce, malgré les réticences de la plus petite, elle imposait ses règles avec une étonnante facilité.
Cependant, une fois qu'elles pénétraient dans leur chambre, les tendances basculaient. Nobara devenait la main dominante. Elle pouvait faire ce qu'elle souhaitait de Mai. Elle avait cette aura qui l'écrasait. Son cœur tambourinait d'une force et à une vitesse qui ne pourrait que la rendre plus lente que la normale. Ses pensées et ses doutes prenaient le dessus.
Et actuellement, elle jouait sur ce fait là pour lui faire cracher le morceau. Tout son corps brûlait sous les caresses et baisers de Nobara. Elle souriait tout contre sa peau, provoquant un long et froid frisson chez Mai.
"Je…", réitéra-t-elle tout en laissant échapper un soupir. Elle allait le lui faire payer le lendemain. Oh que oui.
La main de la rousse, posée sur sa cuisse, glissa délicatement vers l'intérieur de cette dernière. Elle lâcha un petit cri qu'elle étouffa avec sa main.
"J'attends toujours", murmura la rouquine d'un ton autoritaire. "Qu'as-tu de si important à me dire..?"
"A-ah…", fut sa seule réponse.
En effet, sa petite-amie lui titillait le clitoris de son majeur, lui offrant de multiples baisers brûlants sur sa nuque.
"Nobara…", souffla Mai en posant sa main contre celle qui la caressait. "Attends je-"
"Tu parles un peu trop pour rien. Va à l'essentiel."
Mai éloigna sa nuque des lèvres assassines de Nobara et se mit sur le dos, retirant la main de cette dernière.
"Ah ?"
"Ecoute moi un peu", s'agaça Mai en se redressant. Elle hésita un petit instant, sentant son cœur rater un battement en regardant les joues pourpres de Nobara. "Je ne suis pas d'humeur. Enfin...Ce n'est pas le moment."
Les joues de Nobara se retrouvaient encerclées par les mains de Mai qui effectua une pression dessus. Chauds...
"Écoute moi bien. Je ne te le dirais qu'une seule fois."
La rousse clignait des yeux, surprise.
"Si cela m'assure une sécurité éternelle et que tu resteras toujours à mes côtés."
"Pas besoin de me dire grand-chose pour que je reste", dixit la rouquine, l'air perplexe. "Ça", elle pointa du doigt son corps - Mai grimaça. "Ça", elle toucha du bout de ses doigts le menton de Mai. "Et ça", cette fois elle toucha la poitrine de l'autre femme, au côté du cœur. "Ces trois choses me suffisent amplement. Ton silence est-"
"Je t'aime."
Nobara s'était arrêtée, sa main tombant lourdement près de son corps.
Du côté de Mai, la panique se ressentait. Ses mains tremblaient tout contre les joues de Nobara qui la regardait avec des yeux ronds. Son cœur avait fait une longue chute. Et sa tête tournait fortement. Oh, ses yeux picotaient maintenant.
"Vraiment ?"
Elle ne put qu'acquiescer en réponse. Aucun son ne devait sortir de sa gorge, à défaut qu'elle se mette à pleurer.
La petite femme se mordit la lèvre inférieure.
"Je t'aime, moi aussi", ses doigts touchèrent ceux de Mai avec force avant de s'adoucir.
Nobara s'humidifia les lèvres d'un coup de langue rapide avant de fermer les yeux en soupirant.
"Par contre, il serait plus judicieux que t'aille dormir avec ta sœur dans ma chambre."
Plusieurs battements de cils de la part de Mai.
"Pourquoi ?"
Nobara fit de même, comme si l'évidence devrait lui sauter aux yeux.
"Je sais que si je t'ai à côté de moi, la nuit va être longue."
"C'est tout ?"
"Si toi tu oublies que ta sœur est là, moi je ne l'oublie pas."
A cette remarque, Mai prit son téléphone et sortit de la chambre, sous l'air à la fois satisfaite et frustré de la rousse.
...
Le lendemain, Maki partit assez tôt, laissant un petit message de remerciement. Elle parut d'abord surprise de voir sa jumelle dormir près d'elle, ses mains enroulant la sienne.
Elle avait eut un petit sourire et lui avait offert un bisou sur le front.
Quand elle dormait, toute sa vulnérabilité faisait surface. Et cela lui rappelait le temps où elles étaient petites et que Mai dormait sur elle en bavant, tout son corps par dessus le sien. Et qu'elle la gardait tout contre elle, de peur qu'elle ne s'échappe elle-ne-savait-où.
Maki eut un petit sourire en posant le mot sur la table du salon.
Sa petite sœur était entre de bonnes mains. Elle n'avait plus à s'inquiéter maintenant.
...
Dimanche arriva bien vite. Mai s'était levée assez tôt, s'éclipsant de son lit sans faire de bruit. Nobara dormait à poings fermés, elle s'étalait alors sur le lit lorsque la plus grande en sortit.
Mai enfila un gilet et alla dans le balcon.
Leur sixième anniversaire en tant que couple arrivait à grands pas. Le temps passait à une vitesse fulgurante, elle se souvient de leur premier rendez-vous comme si cela s'était déroulé la veille.
Elle cracha la fumée blanche tout en observant une petite boîte acquise la veille. L'objet s'ouvrît après qu'elle ait appuyée sur un petit bouton, dévoilant une bague ornée d'un diamant plutôt voyant.
Nobara pourrait lui arracher les yeux d'avoir acheté une bague aussi onéreuse, mais elle aime tout ce qui est bling-bling. Et même si elle lui fera la morale, elle n'arrêtera pas de regarder sa bague avec les yeux qui brillent.
Mai inspira une bouffée.
Elle compte lui faire une demande en mariage. Quand ça ? Elle n'en avait aucune idée. Lorsque le moment sera venu, Mai dégainera la bague et lui demandera de l'épouser.
Ouais. Et sa décision fut prise sur lequel de leurs noms sera le principal. Plus de place pour les doutes.
...
"Si je porte ça, tu penses que ça fera pas trop formel ?"
Mai soupirait longuement, alors qu'elle enfilait une longue jupe noire fendue des deux côtés de ses jambes. Elle portait un croc-top au col montant sans manches par dessus un haut résilles à manches longues.
Nobara commençait à stresser. Elle courait à droite, puis à gauche. Sautillait sur place, s'énervait pour un rien. Cherchait le contact avec elle à n'importe quel moyen.
Cela l'énervait.
"Habille toi comme tu le fais habituellement", répondit-elle lasse. "Tiens, par exemple, tu peux mettre le short qui te fait un joli cul."
"Mais ça ne va pas ?!"
Elle lui jeta un oreiller que Mai esquiva.
"Avec ça tu mets ma chemise oversize", Nobara grogna. "Oh mets juste un bandeau, et prends un de mes hauts résilles."
"T'es clairement en train de faire ma tenue là ?"
"Vu que tu ne te décides pas. Aller grouille, bestie."
Nobara roula des yeux.
"Sérieusement ?"
"Ouaip."
"C'est autant la merde ?"
Mai accrocha ce qui semblait être une banane autour de sa taille.
"Le vieux a faillit crever en sachant que Maki est lesbienne, si je lui dis que je suis en couple avec une femme il sera bon pour l'incinération."
"Une sacrée paire de jumelles, ma foi."
Mai réprima une grognement tout en secouant sa main vigoureusement devant elle.
Dégueu...
...
La maison traditionnelle de la famille Zenin se trouvaient dans un lieu reculé de la ville, une vaste propriété entourée de verdure et d'ensemble d'arbres qui forment une forêt.
Nobara observait l'air tranquille de Mai, qui maintenait le volant d'une main. Ses courts cheveux s'éparpillaient à l'aide du vent. Des lunettes de soleil rondes au nez, elle chantait la chanson de sa playlist qui passait.
Elles arrivaient dans des chemins sinueux et Mai ne ralentissait pas pour un sou.
"Chérie, tu devrais peut-être-"
"Je gère" répondit-elle en haussant les sourcils, l'air lasse. "Ah, évites les surnoms", ordonna-t-elle, le regard sur la route. "J'ai des cousins qui savent lire entre les lignes."
"Ok, ok."
Au bout de quelques minutes, Nobara pouvait apercevoir à travers la foule d'arbres une grande maison. Elle sentait ses mains devenir moites, se demandant alors si c'était une bonne idée d'avoir proposé -imposé- de rencontrer sa famille. S'ils étaient tous aussi impressionnants que les jumelles, elle allait finir par fondre comme une glace au soleil.
Mai voyait du coin de l'œil que Nobara s'agitait quelque peu. Elle la taquina alors, voulant lui retirer le stress qui montrait le bout de son nez.
"Ça va, ce n'est pas la mer à boire. Présente toi, mets toi en valeur", elle toucha de son index le nez de Nobara en passant par son ventre, puis sa poitrine. Cette dernière roula des yeux. "Ils sont plutôt machos donc si tu joues à l'idiote, ils devront bien t'aimer."
"T'es sûre que tout ira bien ?"
Mai claqua sa langue contre son palet, remonta le frein à main et sortit de la voiture. Nobara sortit à son tour, se faisant minuscule.
"Eh, elle est où ma pétasse fière qui n'hésiterait pas à se battre contre ceux qui lui pète les couilles hein ?"
"Mai."
Nobara avait vraiment l'air inquiète. Mai roula des yeux.
"Oublie tout ce que j'ai pu dire avant", dixit la jeune femme en sortant une cigarette de sa banane. "Sois toi et s'ils t'aiment pas, j'les emmerde."
Elle alluma sa cigarette et fit un signe de la main à la rousse, qui la suivait de près. A peine eut-elle pénétré dans le jardin qu'elle remarquait que toutes sortes de fleurs colorées y étaient plantées.
"Le vieux aime les fleurs, ça ne l'empêche pas d'être un gros connard."
Nobara acquiesça, enregistrant l'information. Voir Mai aussi sûre d'elle n'était pas rare, mais cette fois, elle avait l'air un peu plus confiante qu'à l'accoutumée. Et cela lui donnait des papillons dans le ventre.
"Débilos, ta cigarette-"
"Déstresse", dixit Mai en expirant la fumée par son nez. "Qu'est-ce que je dois faire pour que ça aille mieux ? Te donner un baiser ? Une fessée ? Ou peut-être un-"
"Ça va mieux, ça y est, arrête-toi là."
Elle eut un minuscule étirement des lèvres. Mai avait réussi à la calmer, juste en étant odieuse. Enfin, elle était elle-même quoi. Nobara la remercia d'un sourire gratifiant.
A peine était-elle entrée que des femmes vêtues de kimono traditionnel les accueillaient et les dirigeaient vers le lieux de rendez-vous. Les couloirs étaient plutôt sobres, quelques peintures et statuettes le décoraient. Nobara percuta alors le dos de Mai qui ne lui adressa pas un regard. Elle plissait des yeux, se plaçant à côté d'elle, marmonnant dans sa barbe.
"Tout d'abord", commença Mai en regardant droit devant elle. "On se retrouve dans la salle à manger, on discute un peu histoire de connaître un peu la semaine de tous et de toutes. C'est un peu le moment où les hostilités...oups", elle eut un petit rire gêné. "Les festivités commencent. Ensuite, on passe à table, entrée - plat - dessert. Le dessert est le moment le plus intéressant de la soirée. Généralement, c'est à ce moment là que ça boit énormément, c'est assez drôle à voir."
Nobara acquiesce sans vraiment trop écouter ce que disait sa petite amie.
Qu'est-ce qu'il était perturbant de ne pas exprimer ses sentiments. Elle avait une folle envie de lui tenir la main, de l'embêter avec ses lèvres, de lui faire des caresses...Puis elle devait se l'avouer, voir sa femme chérie être aussi…
"Mai."
"Mhm."
La rousse se mit sur la pointe des pieds, voulant lui parler à l'oreille. Mai ne prit même pas la peine de s'abaisser, regardant la porte qui s'ouvrait vers la salle à manger et écrasant sa cigarette sur un cendrier qu'une des domestiques tenait.
"T'es beaucoup trop sexy", murmura la rouquine qui pinça ses lèvres, sentant le rouge lui monter aux joues.
"C'est pas vrai", marmonna Mai en levant les yeux en l'air. Elle se reprit assez rapidement et fouilla alors dans son petit sac. Des clés. "Garde-les."
"C'est pas parce que je conduis au retour que tu dois me les donner maintenant."
"Simple précaution."
La rouquine haussa les épaules alors que la salle à manger, immense lui faisait face. Une pièce décorée d'un papier peint brillant et lumineux. La nappe devait être de soie, Nobara en est certaine. Plusieurs tableaux ressemblant étrangement à des originaux de grands peintres impressionnistes français habillaient les quatre coin du mur.
Une grande table où plusieurs têtes les regardaient avec insistance se trouvait en plein milieu de la pièce.
Mai avait déjà avancé, elle la rattrapa bien vite avant de lui attraper le bras. Ses doigts s'agrippèrent à son haut en résille. Elle remerciait les étoiles de lui avoir donné une petite amie aussi grande, car par sa simple présence, Nobara se sent rassurée.
Une drôle d'aura émanait de la pièce. Une aura malsaine et quelque part, elle commence à comprendre la réticence de Mai.
Un vieil homme, assit à l'autre bout de la table les regardait avec dureté.
"Tu es en retard", grogne-t-il d'une voix qui aurait pu faire trembler les murs.
"Circulation", répond Mai en continuant d'avancer vers la table.
Deux chaises de libres, l'une à côté de l'autre. Cela soulagea Nobara. Elle pourra toujours avoir du réconfort par la simple aura familière de sa petite copine.
Mai lui tira la chaise. Une habitude qui ne passa pas inaperçue aux yeux des autres convives. Nobara pu entendre plusieurs rires.
Elle ignore, le stress refaisant surface et s'assied et adresse un bref coup d'œil aux personnes présentes autour de la table.
Ils ont pratiquement tous les cheveux sombres. Ils ont pratiquement tous cet air mauvais de voyous pouvant lui briser les jambes à tout instant.
Mai ne voulait pas lui présenter sa famille, parce qu'ils ressemblent à une bande de mafieux sur pattes.
Maki avait les cheveux lâchés et toisait avec animosité tous les hommes de la table. Elle n'hésitait pas à prendre la main d'une petite brunette, qui se faisait minuscule. Elle devait sentir la pression qui lui pèse sur les épaules. Elle compatissait, car pour elle, le statut de petite-amie est écrit sur son front. La pauvre...
Un homme, plutôt jeune, les cheveux en bataille et les yeux d'un bleu se rapprochant d'un vert océanique scrutait son téléphone. De temps à autre, il levait la tête, prouvant par ses nombreuses grimaces qu'il ne souhaitait pas être en leur compagnie.
Un autre homme, les cheveux teints et les oreilles percés. Il ne prenait même pas la peine de toiser la population. Il avait les pieds sur la table, la tête vers le plafond. Il n'a pas l'air très ravi d'être parmi eux. Cependant personne de dit rien de sa posture, comme si cela était normal.
Encore un autre homme, assis à côté du jeune homme aux pics. Elle ne pouvait voir que son profil mais avait l'air bien ennuyé. Il bailla en marmonnant des choses qui lui valut un regard noir de la part du jeune homme.
Le vieil homme les regardait tous avec un air dépité. Comme si la dernière génération de leur famille lui faisait honte. Vu comment ils se toisent, les questions qu'il se pose n'ont pas lieu d'être. Le vieil homme devrait plutôt se demander pourquoi les membres de sa famille se détestent autant ?
Cette famille dysfonctionnelle était la cause du caractère anxieux de Mai. Et elle avait peut-être réouvert des plaies en forçant une rencontre avec eux. Nobara sentit la culpabilité monter. Elle n'eut pas le temps de s'y consacrer qu'elle croisa le regard marron de la mère de Mai.
Cette dernière lui offrit un sourire. Il est vrai qu'elles se sont déjà rencontrées. Cependant, le regard de l'homme assit à ses côtés n'est absolument pas tendre. Comme s'il lui faisait comprendre qu'elle n'avait pas sa place à cette table. Comme s'il se doutait de quelque chose.
Nobara plissa des yeux. Mai ne parlait jamais de ses parents. Encore moins des autres membres de sa famille. Après presque six ans de relation, elle a apprit il y a de cela quelques semaines que sa petite amie a une sœur jumelle. C'est dire d'à quel point Mai faisait des mystères autour de sa vie familiale. Et il y a de quoi en faire.
Ils ont tous l'air de psychopathes.
"Il faut que je vous raconte notre seconde lune de miel aux Bahamas", débuta la mère des jumelles en prenant délicatement son verre de vin. "Un plaisir pour-."
Maki et Mai grognèrent en même temps, elles burent simultanément leur verre. Entièrement.
"Aie la décence de ne pas parler de tes amants à table."
Mai acquiesça silencieusement aux paroles de sa jumelle. Amants ? Devant son père ? Nobara secoua sa tête, ne souhaitant pas en savoir plus. Elle avait déjà dû mal à supporter l'ambiance de ce dîner, il ne fallait surtout pas qu'elle s'enquiquine à penser à ce que sa potentielle belle-mère fait.
"Ne soyez pas aussi farouches...", elle balança ses cheveux bruns en arrière, retenant un petite rire espiègle. "Vous allez me dire que vous n'avez jamais prit votre du bon temps en allant en vacances ?"
"M'man", Maki reprit la parole, presque agacée.
Mai soupira. Au même moment, le chef de famille toussota. Volontairement.
"Bien, jeune fille", il s'adressait à Nobara.
Elle remarquera qu'il dirigeait son regard vers elle et seulement elle. La brunette accompagnant Maki n'y avait pas le droit. Ah. C'était donc ça.
"Bienvenue dans notre humble demeure."
Elle le remercia avec un petit sourire cordial.
Bienvenu chez les fous, oui.
...
A peine que l'entrée fut servie que sa belle-mère lui posait des questions. Sur ce qu'elle faisait, en quoi cela pouvait être intéressant d'être styliste. Puis elle se mettait à rire bruyamment lorsque Mai soupirait.
"Mais dis-moi Nobara", la femme mûre se penchait, les coudes sur la table. "Tu as un petit-ami ?"
La salade était plutôt bonne. La vinaigrette divine. Elle répondit sans vraiment réfléchir, amenant sa fourchette à sa bouche.
"Vous pensez réellement qu'il est sensé d'aimer les hommes quand les femmes existent ?"
Ou...ps...
Le regard de Mai lui transperçait la nuque. Elle a envie de la tuer à coup sûr. Nobara tenta un coup d'œil sur Mai. L'attention de la Zenin se portait sur son assiette. Néanmoins, la mâchoire de cette dernière, serrée, ne présageait rien de bon.
"Oh !", s'exclama la femme en tapant des mains. "Alors tu as une petite amie !"
"Pas exactement."
Double oups.
Nobara ferma les yeux. Mai allait la tuer.
"Je veux dire...C'est compliqué."
Un petit rire nerveux lui échappa et sans même qu'elle s'en aperçoive, elle prit le verre de sa petite-amie cachée et avala une grande gorgée.
La boisson glissait dans sa gorge et lui brûlait toute sa cage thoracique. Elle ne buvait pas quelque chose de doux. Merde.
Mai la regardait. Longuement. Ses yeux lançaient des lasers.
"C'est mon verre", lui dit-elle d'une voix sèche. Cela lui rappelait les années lycée, où Mai s'adressait à elle de la même manière.
Nobara retint un gémissement. Elle n'a jamais été aussi inattentive. C'était juste qu'elle a été...prise de court.
"Désolée", des excuses à double sens.
Elle détourna son attention d'elle et Nobara sentit son cœur devenir lourd. Elle lui en voulait. Ses ongles longs et manucurés tapotaient la table. La nervosité s'emparait de son corps.
Jusqu'à ce qu'elle croise le regard du jeune homme à la coupe décoiffée. Il clignait seulement des yeux, tout en la fixant. Gênant.
"J'ai l'impression de vous avoir déjà vu."
Il parla en la vouvoyant. C'était mignon. Cependant...
"Je dois avoir ton âge, alors tutoie moi."
"Ça ne résout pas le problème que j'ai soulevé."
Encore un illuminé qui se croit au dessus de tout et de tous. Nobara soupira.
"Eh bien désolée, Monsieur, j'en sais foutrement rien."
"Vous vous êtes déjà rencontrés", la voix de Mai retentissait. Elle avait la tête baissée touchant ses cheveux. Les autres convives étaient plutôt silencieux. Le calme avant la tempête. "Vous avez un ami en commun."
"Ah bon ? Genre un ami proche ?"
Elle s'était penchée afin de croiser les prunelles dorés de Mai. Elle lui offrit un minuscule sourire. Son cœur rata un battement. Elle avait envie de l'embrasser...
"Itadori Yuuji", Nobara sortit de ses songes. "T'es allée à son vingt-troisième anniversaire."
Des souvenirs de cet anniversaire lui venaient en mémoire. Enfin, le peu qu'elle s'en souvenait.
Elle se voyait secouer et ouvrir une bouteille de champagne. Yuuji, son meilleur ami qui se trouvait à genoux au sol alors qu'elle lui versait la boisson alcoolisée dans sa bouche.
Nobara amena son verre (celui de Mai) à ses lèvres et prit une gorgée, pensive. Ils avaient cette mauvaise habitude de boire comme des idiots et de faire toutes les bêtises du monde, par la suite. Bon. Ensuite...
Ensuite, elle se trouvait sur le dos, allongée et quelque peu nauséeuse...ou plutôt...fiévreuse. Elle voyait le visage de son meilleur ami, proche du sien et une autre tête. Des cheveux en pics, noirs. Les deux hommes s'embrassaient alors que-
Oh oh.
Elle recracha la boisson qu'elle avait en bouche avant de se lever en le pointant du doigt. Elle entendit un "oh" d'étonnement qu'elle pouvait désigner comme celui de Maki. Fort heureusement, elle n'éclaboussa personne, mais l'illumination était telle que Nobara ne sût faire une phrase correcte.
"Tu..! T'es..!"
Elle se rasseyait, laissant sa main tomber le long de son corps.
Il s'agit du petit-copain de Yuuji. Le même que celui dans ses souvenirs.
Et Nobara ne se souvenait pas de lui, car cet anniversaire se déroulait un dimanche.
Yuuji lui avait dit que son copain arriverait plus tard. Les invités étaient déjà là et il avait pas encore soufflé ses bougies. Ils avaient commencés les festivités.
Ce soir là Nobara s'était disputé avec Mai qui lui avait claqué la porte au nez en l'insultant de tous les noms possibles. Nobara fit de même en rouvrant la porte, arrachant et jetant alors le collier que sa petite amie lui avait offert. Celui auquel Nobara tenait énormément.
Tout ça parce que Mai était jalouse et sans raison.
Nobara noyait son désarroi dans l'alcool. Yuuji l'accompagnait car c'était une éponge absorbant toute négativité autour de lui. Puis elle lui avait raconté, parce qu'il souhaitait vraiment en savoir plus.
"Mon plus beau cadeau d'anniversaire serait de te voir sourire."
Il lui avait fait un sourire et ils trinquèrent.
L'ouverture d'une première bouteille. Puis une deuxième. La troisième, elle l'avait renversée dans la bouche de Yuuji alors que tout le monde les acclamait. Elle but à la bouteille, avant de tout recracher dans la bouche de son meilleur ami, en lui souhaitant un joyeux anniversaire.
Puis ce fameux petit-ami arriva. Un peu dans un sale état lui aussi. Il avait parlé d'un dîner, d'un échange de coups et de tantes ? Enfin. Elle s'en foutait.
Son téléphone sonnait. Mai l'appelait. Elle n'y répondit pas. Un message vocal et écrit.
Mai *coeur*
Est-ce qu'il est possible pour toi de parler ?
Nobara tapota sur son écran.
"Pas envie, va crever."
Un vibreur.
Mai *coeur*
Écoute, je ne suis pas d'humeur, alors soit tu réponds, soit je débarque et je te botte le cul en bonne et due forme.
Son téléphone sonna alors. Elle appuya sur l'icône verte.
"J'ai répondu. Maintenant, ciao."
Elle raccrocha aussitôt et jeta son téléphone sur la table.
A partir de là, ses pensées devenaient flous.
Nobara se souvient de Mai lui attrapant le poignet. Mai silencieuse. Mai qui la fit prendre un bain plutôt chaud. Mai qui parle. Longuement. Cette soirée où elle souhaitait vraiment tout arrêter.
Cette soirée où elle lui avouait qu'elle était jalouse de la relation qu'elle avait avec Yuuji.
Le petit-ami de Yuuji ne répondit pas mais eut alors les yeux qui s'écarquillent. Comme s'il avait lui aussi eut une révélation. Il ouvrit la bouche avant de dévier le regard. Une impression, au loin, que ses joues devenaient roses.
"Je m'en souviens, maintenant."
Nobara aurait clairement préféré qu'il ne s'en souvienne pas. Surtout durant le dîner de famille et que sa petite amie se trouve à côté d'elle.
Cette dernière souffla longuement. L'air d'être dépassée. Elle se pencha vers elle. Son parfum fruité lui titillait les narines. Elle posa sa main sur la sienne qui tenait le verre, avec douceur. Nobara se figea et sentit ses joues prendre de la chaleur.
Non, non, non, non...Qu'est-ce qui lui prenait ? Ça n'était pas elle qui ne voulait absolument pas de gestes ambigus afin d'éviter un malaise ? Alors pourquoi approche-t-elle son visage près du sien, les lèvres entrouvertes et avec des yeux aussi intenses ? Et tristes ?
Ses lèvres se rapprochaient des siennes avant de dévier vers son oreille. Nobara ne se souciait pas des yeux discrets qui les observaient, bien trop occupée à maintenir un souffle normal.
"Il s'agit de Megumi, mon neveu", murmure alors Mai en récupérant son verre et s'éloignant. Sa voix devient plus audible pour les autres. "Tu conduis, ne l'oublies pas."
Elle termina son verre alors que Nobara se sentait acculée par tout ce qui lui arrivait.
L'homme dont Yuuji était amoureux était le neveu de Mai. Elle s'enfonça dans sa chaise. Mai ne lui avait rien dit, certainement pour ne pas la faire culpabiliser. Néanmoins, elle ne cherchait plus a le cacher et Nobara savait que c'est par pure jalousie qu'elle lui dévoilait tout.
"Mon neveu a été mon premier amour."
Mai lui annonçait cela de but en blanc, alors que Nobara était dans la baignoire remplie d'eau chaude et de mousse, dessoûlant petit à petit. Ses yeux étaient gonflés, suite à la dispute qui avait éclaté il y'a quelques dizaines de minutes.
Ses cheveux mouillés lui collaient au visage alors qu'elle plissait des yeux. La Zenin était assise au sol, touchant ces mêmes cheveux mouillés et bruns. Nobara retira ses mains de l'eau, afin de les poser sur chacun des bords.
Le fait que Mai lui dise une chose aussi...improbable et sans contexte, la laissait perplexe. Surtout après qu'elle ait mit en sursis leur relation. Qu'est-ce que qu'elle cherchait ?
"Je n'ai pas grandit avec lui", continua-t-elle en mordant sa lèvre inférieure. "D'ailleurs je ne savais même pas qu'il était de ma famille lorsque...Mais lorsqu'il est venu vivre chez nous. J'ai...je l'ai vraiment aimé."
Nobara ne savait pas quoi dire, alors elle hocha la tête. Que pouvait-elle dire de toutes les façons ? Elle est celle qui n'avait pas son mot à dire. Surtout qu'elle était en tort dans toute cette histoire. Que si elles en étaient là, c'était totalement de sa faute. Que si Mai était aussi mal, c'est parce qu'elle n'en avait fait qu'à sa tête. Comme toujours. Et que Mai faisait des concessions pour elle. Pour que leur couple tienne.
Et cela, elle n'aurait jamais dû l'oublier. Parce qu'elle n'aurait pas insisté pour que Mai organise sa venue en ce dimanche. Et la Zenin était pourtant si calme. Ou, elle le cachait très bien. Dans ces moments là, il lui est pratiquement impossible de savoir à quoi elle pense.
"Eh bah", l'homme âgé qui ressemblait à Megumi haussait les sourcils. "Vous êtes meilleures amie ou amantes ?"
Nobara sursauta. C'était beaucoup trop. Ses yeux lui picotaient. Tout allait de traviole. Est-ce qu'elle devait répondre ? Ignorer ? Mai ne dit rien. Est-ce qu'elle devrait la fixer pour qu'elle réagisse ? Est-ce qu'elle-
"Oh, ce n'est pas parce que l'une de mes filles aime les femmes que ça veut dire que l'autre mange obligatoirement de ce pain là."
Nobara ne sût quoi dire. Juste, elle sentait que son cœur lui serrait.
"On en revient toujours aux mêmes débats avec vous", Maki passa ses mains dans ses cheveux et les attacha négligemment. "On s'en fout de ce qu'elle fait et avec qui, c'est une grande fille."
"Une grande fille incapable de se trouver un mari potable."
L'un des hommes, celui à la teinture blonde avait parlé. Il lui souriait mesquinement.
"Nah, c'est vrai quoi. Comment une femme aussi bonne et passive que toi ne trouve pas d'homme décent ?"
Mai leva les yeux au plafond.
"Homme et décent dans la même phrase", murmura la jumelle en buvant cul-sec son verre.
Le plat arriva bien vite. Plus le temps passait, et plus Nobara voyait que sa moitié buvait plus qu'elle ne mangeait. Elle se touchait la lèvre inférieure, en laissant son regard vagabonder dans la pièce.
Elle lui tapota l'épaule.
"Tu devrais manger un peu, tu vas avoir une gueule de bois monstrueuse demain."
Mai lui adressa enfin un minimum d'attention. Lasse, elle étendit son bras sur le dossier de la chaise de Nobara.
"Dis moi, Nobara."
Sa voix était forte. Tous regardaient Mai. Le doré de ses yeux brillaient. Le lustre captivait son attention.
"Quel effet cela fait d'être aimé inconditionnellement ?"
Elle lui en voulait. Encore plus que lorsqu'elle ne savait pas qui était ce Megumi pour elle. La blâmer de ce qu'elle avait pu faire il y a de cela un an, c'était une chose. Mais l'air las qu'elle arborait...Était-elle dévastée par le fait que les deux seules personnes qu'elle ait pu aimer dans cette vie se retrouvent à manger dans la même table ?
Que cela rendait son mal encore plus intense ? Plus réel ?
Avant qu'elle ne puisse dire quoique ce soit, l'invitée de Maki prit la parole.
"C'est comme être sur un petit nuage. C'est faire aveuglément confiance à l'être aimé. C'est se sentir chouchouté. Chéri. Adulé, parfois. C'est un sentiment de sécurité."
Mai ria. L'homme assit à côté de Megumi aussi. Nobara ne comprit pas pourquoi ils riaient autant au point de s'en tenir le ventre. Sa réponse était plutôt adorable ?
Le vieil homme regardait avec dégoût la jeune femme.
"Tu entends ça Toji ?! Que des niaiseries !"
Mai riait encore, tapant du poing sur la table. L'homme lui, jeta sa tête en arrière, hurlant de rire.
"Vraiment ma petite", il essaie de reprendre son souffle. "Tu devrais sortir de ton monde de bisounours et voir un peu comment ça se passe dehors."
La main de Mai essuyait une larme naissante.
"Foutaises."
La brune joignit ses deux mains, brusquée par la rudesse des deux Zenin. Maki enveloppa sa poigne d'une main avant de toiser sa sœur et son cousin.
"Laisse-la, elle n'y est pour rien si tu as un chagrin d'amour."
Maki avait parlé. Elle s'adressait à sa sœur. Et pas de manière gentille.
"Oh c'est pas vrai", Megumi roulait des yeux en sortant son téléphone. "Ça ne va pas recommencer..."
"Mai, Maki. Évitez d'abîmer les couverts et les assiettes, elles sont très précieuses."
Leur mère qui continuait de manger, comme si de rien était.
"Ces deux idiotes me font honte."
Le père les regardait avec pitié.
"Ces deux 'hystériques' tu veux dire."
Le cousin blond nargua en riant de manière monotone.
"Oh les filles, liguez vous contre celui qui mérite le plus, pas l'une contre l'autre. C'est contre productif."
L'homme à la cicatrice sur la lèvre avait vraiment l'air ennuyé de les voir se toiser comme si elles préparaient une guerre sanglante.
"Tu me prouves une fois de plus que j'ai bien raison de ne pas vouloir entretenir 'nos liens'."
"Tu restes une gamine capricieuse."
"Oh, désolée Madame-je-réussis-tout-ce-que-j'entreprends ! C'est pas facile d'assumer que l'on excelle dans n'importe quel domaine ! Oh oui épuisant d'avoir l'admiration de tous et de toutes ! Putain, tu dois être bien malheureuse."
Elle se leva et sortit de table, sans se retourner une seule fois.
Nobara l'observa pendant une demie seconde avant de la poursuive, s'excusant auprès des convives.
"Ché...Mai ! "
Elle la chercha du regard et la vit alors entrer dans une pièce, claquant la porte derrière elle.
Nobara resta un petit instant devant la porte avant de toquer. Elle n'entendît rien. Mai n'avait peut-être pas envie de la voir.
"Mai, je suis désolée."
Elle se colla à la porte.
"Si j'avais su, je n'aurai pas autant insisté."
Aucune réaction.
"Je suis une piètre petite-amie."
La porte s'ouvrît à la volé. Mai attrapa son poignet et la fit entrer de force dans la pièce qui se trouvait être une salle de bain. Plutôt spacieuse et illuminée.
Elle la plaquait contre le mur avant même qu'elle n'eut le temps de dire quoique ce soit. Une douleur vive sur le dos, le souffle coupé, Mai ne lui laissait pas plus de temps de reprendre sa respiration. Ses lèvres dévoraient les siennes. Les poignets de Nobara, coincés entre les mains de la Zenin, elle se sentait étouffer.
Ce baiser avait un goût salé.
Mai pleurait.
Elle secoua ses bras afin qu'elle lâche ses poignets. Elle gémissait, levant la tête.
"Calme toi s'il-te-plaît", Nobara murmurait alors que son cou était assailli par les lèvres brûlantes de Mai. "S'il te plaît, écoute mo-"
"Tais-toi. Juste. Ferme-la."
Sur ces paroles, la grande femme recula relâchant ses prises sur la plus petite.
"Je n'y arrive pas. Je ne peux pas", continua-t-elle en se laissant tomber au sol. "Arrêtons tout."
Mai mit ses mains contre son visage. Ses épaules tremblaient.
"Je ne veux plus continuer."
Nobara passa près de Mai, la laissant au sol.
L'eau coula. Ses mains passèrent sous l'eau. Elle s'accroupissait près de Mai et posa ses mains contre sa nuque, son cou, ses mains.
Elle réitéra les mêmes actions à plusieurs reprises. Les mains cachant le visage tombèrent sur ses cuisses.
"Tu dois avoir chaud", devinait la rousse en passant ses mains sur ses joues humides. "Ça fait du bien de relâcher un peu de pression, non ?"
"Pourquoi ?"
Elle haussa les épaules.
"Je t'aime. Même si tu n'y crois pas à fond. Le fait que Megumi soit le petit ami de Yuuji...Tu le savais depuis le début, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu voulais pas que j'y aille seule à cet anniversaire ?
Nobara lui rafraîchissait les joues, le front, son cou...
"Et tu n'as rien dit parce que tu n'avais pas envie de me faire culpabiliser ? T'as tout gardé pour toi. Tu gardes beaucoup de choses pour toi..."
Elle la regarda. Des larmes coulaient le long de ses joues. Sans même plus attendre, ses petits bras entouraient la nuque de Mai.
"Je t'aime", un baiser sur la joue. "Je t'aime", un autre sur l'autre joue. "Je t'aime...", un sur le nez. "Zenin Mai, tu es l'amour de ma vie."
"C'est si facile pour toi...de dire ce que tu penses..."
"Tu le fais bien avec Maki non ?"
"Ce n'est pas pareil."
"Quoiqu'il en soit", elle lui offrit un bisou sur la mâchoire. "Je resterais toujours auprès de toi, Mai. Jamais je ne te laisserai, je te l'ai déjà dis non ?"
"Je ne mérite pas autant", elle se détacha violemment et essuya ses larmes. "C'est à peine si j'assume notre relation, tu...Tu mérites une femme qui t'aime et qui t'assumes. Qui te fasse briller. Pas d'une ombre qui poursuit un idéal inaccessible. Pas une qui est jalouse, qui vit dans le passé", elle ferma les yeux et inspira longuement. "Tu veux savoir pourquoi je ne t'ai jamais parlé de ma sœur ? J'ai eu peur qu'elle te prenne de mes bras. Que tu t'en ailles loin de moi. Car tout ceux que j'aime s'en vont loin de moi."
Nobara écoutait calmement, tout en continuant de tremper ses mains dans de l'eau froide et de les passer sur chaque parties visibles de son corps.
"J'envie ma grande sœur, parce qu'elle sait ce qu'elle veut. Qu'elle n'a peur de rien ni de personne. Que ses doutes, elle les jette toujours plus loin et repousse toujours ses limites. Elle a amené sa petite-amie en annonçant la couleur. Et moi qu'est-ce que j'ai fais ?"
"Tu-"
"Laisse-moi finir", Mai inspira longuement. Ses mains dégageaient son visage et sa frange allait dans tout les sens. Nobara l'arrangea du bout des doigts. "Je t'envie aussi...Je t'envie aussi parce que tu as réussis là où j'ai échoué. Que tu aies eue aussi facilement ce que j'ai tant espéré avoir. C'est ce qui m'a le plus blessé. Le reste aussi. Mais pas autant que ce constat."
Elle respira longuement, sa poitrine remontant à chaque fois qu'elle inspirait.
Nobara croisait ses bras. Sa petite-amie était clairement ivre. Elle ne lui parlait jamais. Même quand ça n'allait pas. Toutes les fois où elles avaient pu parler autant, comme deux personnes matures, fut lorsque Mai buvait. En dehors de ça, elle restait aussi muette qu'une tombe. Ou bien ses nerfs déjà tendus se coupaient. Une colère froide.
"Premièrement Mai, tu n'es pas Maki. Et Maki n'est pas toi. C'est justement parce que tu es celle que tu es que je suis avec toi. Je t'aime pour ce que tu es. Tes peurs et tes insécurités sont les miennes. Je suis là pour y palier. Et tu pâlies à mes peurs et insécurités", elle posa sa main contre sa joue. "Mai. Tu n'as pas envie de décevoir les membres de ta famille et c'est noble de ta part. Maki ne t'en veut pas. Et moi je n'ai pas mon mot à dire là dessus. D'accord chérie ?"
Mai ne l'avait quitté des yeux. Elle acquiesça silencieusement. Même si Nobara savait qu'elle ne l'assimilait pas forcément, elle préférait voir que Mai, la têtue et trouble-fête Mai aille dans son sens.
"Et pour Megumi...", murmura-t-elle en baissant la tête. "Je me suis excusée mille fois, j'ai même arrêté de parler à Yuuji pendant plus de six mois...Je sais pas quoi faire d'autre pour que-"
"Oublie", coupa Mai en soupirant. "C'est du passé."
Sa voix tremblait quelque peu. La crise de larmes étaient à peine finie, elle tentait de reprendre une respiration constante.
La rouquine lui essuyait le mascara qui avait coulé sous ses yeux.
"Tu ne bois plus de la soirée d'accord ?"
Mai acquiesça silencieusement.
"Tu m'aimes ?"
Mai hésita un instant, ses cils battant lentement. Elle secoua sa tête doucement, de haut en bas.
"Ça va mieux ?"
Encore un hochement de tête.
Nobara eut un petit rire et l'embrassa chastement sur les lèvres.
"J'adore te voir aussi docile."
Mai répondit d'un minuscule sourire.
Nobara avait remarqué, durant le temps où elles avaient apprit à se connaître que Mai se cachait derrière ses airs hautains. Qu'elle jouait un rôle devant la Terre entière et qu'elle usait de ses connaissances en tant que psychologue pour mieux tromper les autres.
Et la voir aussi vraie dans l'une des salles de bain chez sa belle-famille...Nobara eut un sourire aussi grand que rayonnant.
"Ton make-up est foutu...Tu ne ressembles à rien."
Le front de Mai toucha celui de Nobara. Leurs nez se frôlent.
"Merci, ma petite fleur."
Les grandes mains de Mai entouraient sa mâchoire.
"Merci pour tout."
Le rire de Nobara retentissait alors que leurs lèvres se touchaient.
Mai est chiante.
Nobara serra l'étreinte. Toutefois, Mai c'était sa chieuse.
...
Mai regardait Nobara qui fit le tour de la table pour aller dire quelques mots à sa sœur qui hochait la tête, son visage se détendant de plus en plus.
Comment aurait été sa vie si elle avait été aussi audacieuse que sa sœur ? Est-ce que Nobara l'aurait regardé de la même manière ? Est-ce qu'elle aurait pu elle aussi assumer pleinement sa bisexualité et jeter à la poubelle l'avis des membres arriérés de sa famille ?
Elle aurait pu présenter Nobara en tant que sa petite amie. La femme de sa vie. Elle aurait pu crier au monde entier que Nobara est la plus belle, la plus forte et la plus talentueuse des femmes dans cet univers.
Mai inspira et expira fortement. Elle amena une main à son cœur. Il battait violemment. S'il pouvait s'échapper de sa cage thoracique, il le ferait avec grand plaisir.
Son regard observait chacune des personnes autour de la table. Ils étaient tous si audacieux. Et elle était là. Avec ses peurs ne la quittant pas.
Nobara discutait avec la petite-amie de Maki, qui riait. Nobara aussi.
Un rire si précieux. Une grimace si délicieuse à regarder. Tous, méritaient de savoir que ce sourire lui appartenait. Que lorsque Nobara lui souriait avec amour, ses joues rosissaient. Que ses yeux brillaient. Que ses dents mordaient sa lèvre inférieure après s'être rendue compte qu'elle l'observait.
La concernée rejoignait sa place et s'installait sur sa chaise...
"Nobara est plus que ma meilleure amie."
Cependant, elle tomba lourdement au sol, lâchant un cri aigu. Elle posa ses yeux sur elle, horrifiée, comme si elle venait de commettre un meurtre.
Maki qui buvait une gorgée d'eau la recracha immédiatement et toussota. Sa petite-amie lui tapotait le dos, afin de l'aider à reprendre son souffle.
Tous regardaient Mai. Sa mère s'était figée. Son père posa son verre de saké qu'il appréciait grandement bien avant qu'elle ne dise quoique ce soit.
"Nobara est ma petite-amie. Je vis avec elle. Je dors avec elle. Je partage toute ma vie avec elle."
Mai souffla longuement. Et bien...Ça n'était pas si dur que ça, finalement...Avoir bu et pleuré comme une merde dans la salle de bain lui avait donc servit.
"Qu'est-ce que j'ai bien pu faire aux étoiles pour mériter cela...", murmura le chef de famille en mettant sa main devant son visage. Il avait l'air épuisé et durant sa jeunesse, il aurait pu maintenir cette famille d'une main de fer. Aucune déviance. Que de la droiture.
"Ah, elle est gouine elle aussi", Naobito soupira en entendant son fils rire de ce qu'il se passe. "Si tu comptes achever le vieux, fait le correctement et roule lui une pelle."
"Voyeur", murmura alors son cousin en buvant son verre de vin.
Nobara s'était levée et se posa durement sur sa chaise. Ses mains tremblaient. Son corps entier tremblait. Elle ne devait pas s'y attendre. Et la voir aussi surprise lui plaisait. Elle lui caressa la main.
"Je n'ai plus à me cacher derrière un titre aussi fade pour une femme qui mérite le monde entier."
Mai fouilla alors dans sa banane.
"Mai", Nobara se tourna vers elle, paniquée. "Si ce sont les clés que tu cherches c'est moi qui...les ait..?"
Elle s'était agenouillée. Nobara avait la bouche ouverte, la clé de voiture dans sa main.
Mai tenait une boîte.
"Nobara..."
La boîte s'ouvrit, dévoilant une bague.
La dulcinée de Maki s'était levée et tapotait le bras de cette dernière, lui secouant son bras par la suite. Elle avait la bouche ouverte. Maki clignait des yeux avec étonnement, mais un sourire s'étirait.
A la tête que tirait Megumi, il devait se demander si c'était un rêve qui se déroulait sous ses yeux. Son père murmura un truc qui ressemble fortement à "c'est une belle chose, la jeunesse". Le fils acquiesça silencieusement.
"Me ferais-tu l'honneur de devenir ma femme ?"
Nobara se figea, observant la bague puis Mai. Puis les autres membres de la famille. Puis Mai. Sa main se posait devant ses lèvres, entrouvertes.
Une bague. Un mariage.
Elle s'agenouille à son tour. Mai la regarda avec attention. Nobara avait l'air si surprise, qu'elle finit par se demander si elle n'avait pas fait le mauvais choix. Cependant, les petites mains de Nobara couvraient sa mâchoire.
Ses lèvres se posèrent sur les siennes. Douces, chaudes et sucrées. Mai entourait son bras autour de sa taille, répondant à son baiser.
Qu'est-ce que c'était agréable...
Les autres ne pouvaient pas les voir et elles ne pouvaient pas voir les autres. Mais elle devait se douter que son oncle devait être en train de faire un arrêt cardiaque. Que son père préparait son reniement et que sa mère doit être tombée dans les pommes. Maki devait certainement être fière.
Nobara se détacha, posant sa tête contre son front.
"Oui", sa voix se brisait en un murmure. "Oui, oui et oui !"
Le temps s'était écoulé depuis le dîner familial où Mai avait amené sa petite amie sous couverture.
Les choses s'étaient terminées de manière assez...intenses.
Mai, avait haussé le ton avec sa mère et son père, Maki y mettant son grain de sel. Elle supportait les choix de sa petite sœur qui l'avait regardé avec étonnement.
Nobara avait la bague à son doigt, ignorant tous les cris autour d'elle. Elle souriait béatement en touchant le bijou du bout des doigts. Mai l'avait attrapé par le poignet et avait proféré des insultes florissantes à leur encontre. Maki suivait le mouvement et jeta sa fourchette sur Naoya qui prononçait des paroles déplacées.
Megumi décidait de partir avec elles, la soirée devenant plus intéressante ailleurs que dans cette maison.
Mai et Maki ne leur adressèrent pas la parole pendant un bon bout de temps avant que sa mère ne cède, ayant du mal à bouder ses filles.
Des bulles arrivent devant son champ de vision. Mai porta son attention vers le visage rougit de Nobara qui soufflait sur la mousse un petit sourire ornant ses lèvres. Ses cheveux, attachés en un chignon négligé lui dégageait le visage un peu rond, comme si elle n'avait jamais dépassé le stade de l'adolescence.
"Madame Zenin...", murmure alors la rousse en contemplant la bague.
Cela faisait six mois maintenant qu'elles s'étaient fiancées. Six mois qu'elles préparaient leur mariage. Six mois qu'elles filaient des jours heureux. Six mois de pur bonheur.
Enfin. Il y a eu l'épisode avec Megumi. Mais ça c'était réglé depuis un petit moment déjà.
"Kugisaki", corrigea Mai en regardant le plafond.
"Kugisaki Mai ?"
Elle acquiesça en émettant un petit son.
"Un nom de famille neutre qui ne m'empoisonnera pas la vie."
Nobara haussa les épaules.
"N'oublie pas que je suis une styliste de grande renommée !"
Mai eut un petit rire avant de poser sa tête contre la paume de sa main. Son coude contre le rebord de la baignoire, elle laissait ses prunelles dorés sur la fenêtre, où la buée masquait toute visibilité vers l'extérieur.
"Tu vas peut-être me détester, mais je m'en fou."
Nobara plongea ses mains dans l'eau alors que Mai rapprocha ses jambes, levant une hors de l'eau.
"Et si on s'en allait vivre à l'étranger ?"
Elle en avait finit avec le Japon. Elle a put faire face à ses peurs. Ses amis étaient au courant pour sa relation avec Nobara. Tous s'en était doutés, car elle lui lançait des "regards langoureux".
Sa famille aussi. Au début la presse à scandales n'en savait rien, car la parfaite famille Zenin ne souhaite rien divulguer. Maki et Megumi suffisaient amplement.
Cependant, Nobara reste l'une des plus grandes stylistes du Japon. Et elle avait annoncé son mariage avec Mai. L'information avait fait exploser l'internet et les magazines dédiés à la politique.
Elle fit la moue.
"T'avais dit que c'était la dernière fois."
"Désolée. J'aime le renouvellement. Tu le sais bien."
"Et tu voudrais aller où ?"
Mai fit mine de réfléchir. Elle savait déjà ce qu'elle voulait. D'un geste du doigt, elle intima à la rousse de s'approcher. Ce qu'elle fit.
"N'importe où, tant que je suis à tes côtés. Je m'y sentirai comme à la maison."
Ouais. Peu importe où elles iraient. Sa maison, c'était Nobara.
Et rien d'autre.
Le fait que FFNET n'autorise plus les caractères spéciaux...
Bon eh bien. Voilà la fin de ce Nobamai. Je sais pas quoi en penser, juste que j'en suis plutôt satisfait.e.
Enfin, merci de me lire et merci à Saiken-chan pour ta review qui m'a bien fait hurlé !
Je pense poster tous mes textes de Ao3 ici, histoire que celles et ceux qui n'ont pas la plateforme puisse me lire.
Encore merci et à bientôt les cocos !
