Chapitre 2

"There was a time when men were kind,

And their voices were soft,

And their words inviting.

There was a time when love was blind,

And the world was a song,

And the song was exciting.

There was a time when it all went wrong..."

-The Dream I Dreamed, Les Miserable

La porte se referma derrière Sulayaa, et elle soupira. Flavien n'avait parlé, pas crié, pas même supplié. Mais elle avait la patience d'un maître, elle savait observer la peinture sécher sur une toile. Il finirait bien par craquer. Elle voulait qu'il l'implore, qu'il la supplie d'arrêter. De ce qu'elle voyait, cela prendrait du temps, mais elle finirait par le briser, et cela serait son plus grand accomplissement.

J'attendis que Sulayaa ferme la porte derrière elle pour respirer encore. Elle avait défait mes chaînes mais je n'avais pas fait le moindre mouvement pour attraper mes vêtements. Et si elle revenait…

Pourquoi moi? Pourquoi m'avait-elle choisi?

Pourquoi?

Une fois le silence installé dans la petite cellule, je m'asseyais lentement. Je pris machinalement mes vêtements et les enfilai. Puis je me rendis jusqu'à la porte et collai mon oreille au métal glacial.

Silence.

Je lâchai un soupire silencieux, et je retournai dans le coin le plus éloigné de la porte, et je m'y blottis, les genoux ramenés sous mon menton et mes bras autours de mon corps. Des larmes s'échappèrent de sous mes paupières et je les laissai couler. Elles étaient mon seul moyen de soulager la douleur qui me rongerait.

Je me sentais mort, étranger à moi-même.

~Pourquoi m'avait-on demandé de venir ici? ~

Durant les dernières heures, je maudis plusieurs fois les événements qui m'avaient emmenés ici, cette *stupide* raison pourquoi c'était moi qui avais été désigné pour l'accompagner sur son vaisseau. Oh bien sûr, je ne pouvais pas blâmer l'équipage du Romano Fafard, ils n'avaient aucun moyen de savoir la vérité à propos de Sulayaa.

Mais ici, dans ce vaisseau inhospitalier, je mourais à petit feu.

~Pourquoi le Capitaine ne venait-il pas me chercher maintenant? ~

*UNE JOURNÉE PLUS TÔT*

Le Capitaine avait reçut un message en fréquence subspatiale. Il était question d'une jeune femme qui avait entendu parler de notre mission, et qui possédait une planète correspondante à nos besoins. Elle expliquait ceci :

« Capitaine Patenaude,

J'ai en ma possession une planète qui, je crois, correspondrait à ce que les Terriens recherchent. J'ai entendu parler de votre mission dans le journal galactique et je serais intéressée à faire un marché avec les Terriens. Si vous êtes intéressés, veuillez me joindre à la même fréquence subspatiale.

Bien à vous,

Sulayaa Henquu »

Le Capitaine avait décidé de se renseigner. Brad était surexcité par cette nouvelle, et les autres attendaient avec anticipation des nouvelles de cette extra-terrestre sympathique. Il n'y avait que moi qui éprouvais un malaise face à cette lettre. Je le sentais dans mon «guts». Nous aurions des problèmes avec cette femme.

Pourtant, le Capitaine semblait bien confiant malgré les inquiétudes que je lui avais confiées. Pour ma part, elle ne m'inspirait aucune confiance. Ça avait juste été un sentiment, mais lorsqu'elle apparut sur le vaisseau en réponse à notre invitation, personne ne m'avait plus écouté.

Il était vrai qu'elle était charmante, ravissante même. Elle avait des cheveux cuivrés, des yeux verts comme deux billes de jade, un teint délicat, des lèvres rosées et une silhouette parfaite.

Pourtant…

Elle avait semblé être intéressée à moi à cause de ma moitié extra-terrestre, ou du moins, c'est ce qu'elle prétendait. Elle disait qu'elle n'était pas sure de faire confiance aux Terriens, mais moi, elle pouvait peut-être plus se risquer.

-Pourquoi ne venez-vous pas à bord de mon vaisseau, je voudrais discuter des détails du contrat.

Tous les yeux se retournèrent vers moi.

-Je sais pas si je…

Mais le Capitaine m'interrompit :

-Allons allons Flavien, elle est inoffensive. Vous avez entendu, elle nous l'échangerait contre quelques tonnes d'aluminium et d'acier pour construire son deuxième vaisseau. Ça ne se refuse pas.

Sulayaa acquiesça.

-Oui vous savez, moi j'en ai rien à faire de cette planète, je l'ai obtenu dans un pari.

Je ne savais pas pourquoi, mais j'eut l'impression qu'il y avait du faux dans chacune de ses paroles. Mais les autres semblaient penser autrement.

Je tentai de refuser à nouveau, mais l'équipage ne me laissa guère le choix. Le Capitaine insista même en disant que c'était très important, que le sort de l'humanité reposait entre mes mains.

Je n'eus pas le choix et j'acceptai à contrecoeur.

Je sentis un frisson parcourir mon dos. Je me souvenais trop bien lorsque j'avais été téléfaxé dans son vaisseau. Tout était tellement étrange…indéfinissable. Elle me guida vers un couloir, et je regardai l'architecture insolite, métallique et fluide.

Je ne vis jamais son pistolet et elle m'envoya une charge directement entre les omoplates. Je m'écroulai sans toutefois perdre connaissance. Elle me traîna jusqu'à cette petite cellule où elle me dévêtit, et m'attacha solidement au mur avec des chaînes.

-Si tu dis à qui que ce soit ce que je te fais, Cracha-t-elle, Le Deal est off. Ce que je veux c'est toi. Toi contre la planète.

Lorsque je repris le contrôle de mes moyens, elle était déjà partie.

J'entendis un son étranglé, un petit cris qui sortit de ma gorge en repensant aux événements. Le Capitaine avait eut tellement tort à propos de cette femme. Elle n'était pas inoffensive, c'était le diable en personne.

Mais ce qui était fait était fait. Et si j'arrivais à le supporter, nous pourrions enfin sauver la race humaine.

Alors j'allais supporter.

J'enfouis ma tête sur mes genoux et je pleurai silencieusement pour me libérer de cette douleur affligeante.

Derrière la porte, Sulayaa laissa un sourire se dessiner sur ses lèvres. Elle avait entendu Flavien émettre un petit gémissement. ~Alors, elle avait réussi à lui causer un peu de détresse… ~ Sulayaa sentit son sourire s'amplifier.

Il était si parfait. Elle s'était sentit presque bénie quand elle l'avait vu. Comment pouvait-elle être si chanceuse? Et tout était si simple : Quelques sourires, quelques battements de paupières, un peu de chantage et bien sûr la planète pour appâter le reste de l'équipage. Ça avait été tellement facile de les charmer.

Sulayaa rit doucement pour elle même. Le jeune officier avait était si bien berné. Un peu de chantage et il perdait toute confiance en lui. Il avait mordu à l'hameçon et maintenant elle le tenait dans le creux de sa poche, à sa mercie.