« J'viens de recevoir un texto de Kim, ils se sont arrêtés sur l'aire qui s'appelle « La Pissodière » visiblement ça le fait rire…ah et Max est malade, pour changer. » Alix sourit en reposant son téléphone. Cela fait un moment qu'ils roulent. Rose a interrompu la playlist de Juleka pour lancer un jeu. Le but est de mettre la radio et d'arrêter cette dernière brusquement puis d'improviser la suite du dialogue. Alix est plutôt bonne, pour faire le pitre en règle générale, alors elle est très vite entrée dans le jeu, et étonnement, Adrien aussi. Depuis que ce dernier a quitté son travail de mannequin pour se concentrer sur ses études, tenant tête à son père, il est bien plus détendu, et naturel. C'est agréable.
« Ok, je vais m'arrêter aussi, je dois aller aux toilettes. »
« Moi aussi ! » réponds Nath et Juleka marmonne quelque chose qui ressemble vaguement à un « moi aussi ».
Arrivant sur l'aire de repos, ils n'ont pas beaucoup de mal à trouver la voiture d'Alya puisque Kim fait l'andouille, courant sur le parking. Luka se gare et tous sortent se dégourdir les jambes. Alix s'étire longuement en sautant de la voiture, se précipitant pour saluer Alya et Marinette. Elle en profite également pour offrir à Kim, son meilleur ami depuis toujours, leur check secret. Au lycée, des rumeurs circulaient sur leur relation. S'ils ont en effet couché ensemble plusieurs fois au fil des années, ils n'ont jamais été ensemble. L'un comme l'autre trouve cette idée bizarre. Ils sont amis, ils aiment s'amuser de temps à autre, mais ça s'arrête là, et l'idée même de donner des petits surnoms amoureux à Kim soulève le cœur de la brune.
Alix profite de la pause pour aller aux toilettes, accompagnée de Marinette. Sur le chemin, elles croisent Adrien qui offre un regard ennuyé à la jeune métisse, qui le lui rend bien.
« Ça ne s'arrange pas, entre vous ? »
« Je ne vois pas comment ça pourrait s'arranger, Alix. » répond froidement Marinette. Elle qui est toujours douce et pleine de vie, a brusquement changé après sa séparation, chaotique.
« Si vous discutiez, peut-être ? »
« Il n'y a rien à dire. Il a couché avec Lila, point. En discuter ne changerait rien. »
Alix soupire avant de pénétrer dans l'un des toilettes. Adrien et Marinette ont mis du temps à avouer les sentiments qu'ils éprouvaient à l'égard de l'autre, mais cela fait, tout le monde pensait qu'ils finiraient leur vie ensemble. Parce qu'Alix n'a jamais vu un couple aussi uni, aussi tendre, aussi sain, si ce n'est, peut-être, Ivan et Mylène. Mais ils restent des adolescents, de jeunes adultes et ils ont toute leur vie devant eux. On reste rarement avec son premier amour, il parait.
Mais Alix pensait vraiment que leur couple allait durer, et par-dessus tout, elle n'aurait jamais imaginé Adrien tromper Marinette, encore moins avec une fille aussi fade et mauvaise que Lila. Elle ne comprend pas. Personne ne comprend. Il savait pourtant, à quel point Marinette détestait Lila, à quel point cette dernière l'avait blessée, au collège, et si elle était ensuite partie dans un autre lycée, personne n'avait oublié les manigances de la brune. Pourtant, Alix pensait que c'était de l'histoire ancienne, jusqu'à ce qu'elle reçoive, sur le groupe Messenger des filles, un message de Marinette annonçant sa rupture avec Adrien et les raisons de cette dernière. Alix n'a jamais vu Alya aussi énervée. Le pire, c'est qu'Adrien refuse d'en parler. Les filles ont bien essayé de le cuisiner, d'en parler à Nino ou les autres, mais incapable de savoir ce qu'il s'est véritablement passé.
Les filles rejoignent les voitures et rapidement, Alya repart. Leur groupe doit attendre Rose qui est parti acheter des sucreries, et Juleka, qui a tenu à l'accompagner. Lorsqu'elles reviennent finalement, elles retrouvent les cinq autres assis dans l'herbe, près du van. Luka est allongé, un bras derrière sa tête et l'autre devant ses yeux.
« Ça va, Luka ? » demande Adrien en voyant que le garçon ne bouge pas.
« J'ai mal au crâne » avoue-t-il avant de se redresser.
« On aurait peut-être dû éviter de mettre tout ce qui ont le permis avec Alya. » marmonne Juleka en venant passer une main sur le front de son frère d'un geste tendre, le regard inquiet. Le silence s'installe, doucement, et Alix décide de le rompre, après un moment.
« J'ai mon permis, si vous voulez ? » dit-elle, hésitante. Elle ne voulait pas en parler parce qu'elle n'est pas sûre d'être prête de conduire sur l'autoroute. Mais Luka est pâle, et elle n'a pas envie de lui en demander trop.
« Sérieux ? Depuis quand ? » demande alors Nathanaël, l'un de ses plus vieux et plus proches amis.
« Deux mois. Mais pour être tout à fait honnête, à part la voiture de l'auto-école, je n'ai jamais vraiment conduit. Je l'ai passé au cas où, mais j'en ai pas besoin, vu que l'école est littéralement à cinquante mètres de mon appart… »
« Non mais je vais conduire, il reste juste trois heures, ça va le faire. » dit Luka en se redressant, mais sa vue se trouble et il s'accroche à sa sœur pour ne pas tomber.
« Vu ton état, on a encore moins de chance d'arriver en un seul morceau si c'est toi qui conduit, par apport à Alix. »
« Je ne sais pas comment je dois le prendre » répond l'intéressée en levant les yeux au ciel. « Mais je vais conduire, tu as qu'à te mettre à côté, et si je fais une bêtise, tu me le dis. Puis ça va, c'est des lignes droites l'autoroute, non ? »
Et c'est ainsi qu'ils se retrouvent tous dans la voiture, Alix derrière le volant (elle est obligée d'avancer le siège au maximum ce qui fait beaucoup rire Luka, malgré sa migraine carabinée), et le guitariste à sa droite. A l'arrière se trouve Rose, Juleka et Adrien puis, tout au fond, Marc et Nathanaël. La tête du brun vient trouver sa place dans le cou de son petit ami pour un somme improvisé. Il semble être le seul à ne pas être inquiet. Les autres affichent des airs mitigés et secrètement, Adrien prie pour arriver à destination sans accident.
« Ahh ! Mais pourquoi il me double lui ? Il a droit de faire ça ? » Alix hurle. Ses mains enserrent tellement fort le volant du van que les jointures de ses doigts sont blanches. Elle est tendue, le corps en avant, alerte, terrorisée.
« Et lui là, qu'est-ce qu'il fait ? Putain mais pourquoi il me fait des appels de phare ? » Elle a envie de pleurer. Voilà pourquoi elle n'a dit à personne qu'elle avait eu son permis. Déjà parce qu'elle a failli le raté, et ensuite parce qu'elle n'avait pas envie de se retrouver derrière le volant.
« Et pourquoi la voiture fait ce bruit ? »
« Passe la cinquième, Alix. » la voix de Luka est crispée. Il regrette amèrement de lui avoir laissé le volant. Quelle mauvaise idée. « Et accélère. C'est parce que tu ne vas pas assez vite qu'ils te doubles tous. Voilà, c'est mieux, maintenant, regarde devant toi et respire. »
Et finalement, Alix commence doucement à se détendre et étrangement, la moitié des passagers arrivent même à dormir. Luka, lui, reste aux aguets, même s'il a les paupières lourdes. Sa présence rassure la jeune femme, il le sait. A l'arrière, Rose ne cesse de piailler, racontant le stage qu'elle a effectué en fin d'année dans une classe de maternelle. Alix sert les dents, regardant la blonde dans le rétroviseur.
« Rose ferme la ou je te jure, je m'arrête en plein milieu de la route pour t'en coller une. » dit-elle, les mains tremblantes. Elle a besoin de se concentrer. Parce qu'il ne suffit pas de juste rouler droit, comme elle le pensait bêtement. Elle doit contrôler sa vitesse et les autres conducteurs. C'est comme si elle était un chaton au milieu d'une course de guépard. Tout le monde va horriblement vite, et elle a l'impression qu'à chaque instant, on pourrait lui rentrer dedans.
Sa voix claque et instantanément, Rose se tait et ses yeux se mouillent de larmes. Alix s'en veut mais ne laisse rien paraître. Elle leur a dit qu'elle avait besoin de se concentrer, ce n'est pas de sa faute si la plus jeune n'est pas capable de parler sans crier.
Alix roule deux heures sans problème notable, si ce n'est une mauvaise humeur croissante et une manie d'insulter tout le monde qui se développe naturellement chez la jeune femme, déjà très sanguine. Ils quittent l'autoroute et découvrent les petites routes de villes, se rapprochant de l'adresse envoyée par Chloé. Le téléphone de Luka sert de GPS et Alix est incapable de regarder à la fois la route et l'écran. Elle voudrait que Luka prenne la relève mais elle ne sait pas où s'arrêter pour lui laisser le volant, alors elle prend sur elle, inspire profondément et manque de pleurer en arrivant au premier rondpoint. Résultat, elle calle. Une fois. Deux fois, et derrière, quelqu'un klaxonne.
« Ta gueule, connard, c'est les vacances, tu peux attendre cinq minutes ! »
Tout le monde est tendu, dans la voiture, même Marc. Il s'est redressé et s'accroche maintenant au siège. Les coups de volant d'Alix sont secs, elle manque une dizaine de priorité. En somme, c'est un véritable danger ambulant. Luka essaie de la rassurer tout en lui indiquant le chemin.
« Comment tu veux que je tourne si tu me préviens à la dernière minute putain, Luka, t'es con ou quoi ? Ton GPS là, il peut pas te dire avant qu'il faut tourner, ou il est con lui aussi ? » Et alors que quelqu'un klaxonne de nouveau, derrière, Alix tourne, manquant de finir dans le décor. Lorsqu'il se retrouve sur une petite route de campagne, tout le monde respire de nouveau, au moins, il n'y a pas grand monde, et aucun rond-point à l'horizon.
« On arrive dans combien de temps ? » ose alors demander Adrien d'une voix peu assurée.
« Trente minutes. »
Luka pourrait prendre le volant, mais il a peur de vexer Alix, et dans le fond, il trouve la situation étrangement amusante. Son mal de tête s'est finalement envolé.
Les quinze minutes suivantes se font dans le silence. Alix ne peste plus, mais personne ne pipe mot. La situation se complexifie lorsqu'ils arrivent à proximité de la ville balnéaire où ils ont prévu de passer leurs vacances. Ce ne sont pas les seuls à arriver et Alix se trouve perdue au milieu de beaucoup d'autres voitures. Elle recommence à râler après tout le monde et n'importe qui. Parfois, elle a raison, les gens conduisent comme des pieds et ne font pas attention, mais la plupart du temps, elle est en tort, et, au fond de la voiture, Nathanaël se demande comme elle a pu conduire presque trois heures comme ça sans se faire arrêter par les flics ou sans les tuer, accessoirement. Sa main se ressert autour de celle de Marc et ce dernier lui murmure que tout ira bien.
« C'est la prochaine à droite. Ensuite tu tournes à gauche, puis encore à droite, et c'est le numéro 435. »
« Non mais Luka, tu le fais exprès ? Une info à la fois, tu crois que je suis Einstein ? » dit-elle en levant les yeux au ciel et alors qu'il se met à rire, elle grogne.
« Ouais, fous toi de ma gueule, c'est ça. En attendant, je nous ai conduit ici en un seul morceau alors que tu faisais ta mijaurée avec ton mal de tête. »
« En un seul morceau, tout est relatif, je crois que Rose est terrifiée à vie. » dit-il en la narguant et Juleka marmonne à son frère d'arrêter de chercher Alix.
Lorsqu'elle tourne dans la dernière rue, ils peuvent voir, à leur droite, la mer s'étendre à perte de vue. Alix, concentrée sur la route, aperçoit au loin la voiture d'Alya et les garçons s'activer pour décharger le coffre. Arrivant à leur hauteur, elle veut leur faire un signe de la main mais le moteur fait un drôle de bruit et elle calle. Personne ne dit rien, si ce n'est la jeune femme qui jure. A l'extérieur, tout le monde rit et Alix leur offre son majeur avant d'essayer de redémarrer, avant de se garer, tant bien que mal, devant la Picasso des Césaire.
Le moteur coupé, les sept jeunes sortent de la voiture et Alix soupire en claquant la porte. Elle a envie de vomir et ses muscles sont endoloris. Son regard se pose sur la maison louée par Chloé et cette dernière choisit ce moment pour faire son entrée, sortant, Sabrina sur ses talons. Mais personne ne la remarque, tous trop occupés à admirer la maison de location. Putain. Elle ne sait pas foutu d'eux.
