Un drame qui couvait depuis des années, une de ses meilleures idées de génie (et c'est qu'elles avaient été nombreuses à s'illuminer puis se succéder !), prémisse d'un ouragan, début de burnout, signe avant-coureur mais rassurant puis le pire reste à venir ensuite, plus tard, trop tard...
Richie ne savait pas très bien ce qui lui avait pris tout à coup. Ou en fait si, il le savait. Tout simplement un sérieux besoin de changer d'air. Sérieux au point de devoir momentanément quitter Derry, et le Maine... Après tout, en plus de ne pas faire les choses à moitié, Trashmouth méritait bien de partir en tournée ! Partir ailleurs, voir un nouveau public et prendre sa température pour renouveler ses blagues déjà au poil mais qui ne seraient que bien mieux accueillies par ce sang neuf pas encore rodé à son humour et ne prévoyant pas toujours les chutes soi-disant réchauffées. Là c'était la surprise, le mystère, le grand frisson, la vraie consécration qui lui ferait jaillir le tilt à tant lui manquer ces temps-ci ! Même les blagues ayant pour sujets central (et centré) la mère d'Eddie le bottaient beaucoup moins qu'avant. Mais ça l'amusait toujours. Et il aimait toujours Eddie, c'était peut-être ça le souci... Enfin, peu importe puisqu'il était aussi loin de lui également maintenant.
Donc voilà, c'était ça qu'il répondrait à Stanley Uris qui lui reprocherait forcément cette fugue de jeune adulte inconscient (puisque ses parents s'en foutaient bien où il pouvait aller) : Richie Tozier avait eu besoin d'un nouveau terrain de jeu, avec scène et public intégrés.
Au moins là il trouverait enfin des gens à réellement apprécier son art ! Même que plus tard, en se produisant sur une vraie scène, le plus grand comique du groupe des Losers dira qu'il avait dû aller jusque dans le Maryland, dans une sinistre gargote de Baltimore, pour finalement faire ses preuves et se faire apprécier à sa juste valeur ! Il fallait toujours aller plus loin pour avoir ce qu'on désirait, une façon de penser qui réconfortait et encourageait le jeune homme bien qu'il ne la tienne pas à chaque fois (Sinon, il aurait déjà avoué explicitement ses sentiments à une certaine personne). Sauf cette fois-ci, où il ne voulait pas faire les choses à moitié. Ou trop se cacher derrière l'humour, les blagues vaseuses et les sorties aussi provocantes que savoureuses. Au contraire, là, le rire devait le mettre en avant mais de façon sérieuse.
Bien que pour l'instant, Richie la grande gueule se trouvait en transit. Encore dans les coulisses, bien confortablement attablé dans sa loge. Une loge fort animée en vérité, une ambiance de bar plus précisément. Un bar qui lui avait fait une bonne impression quand il était passé devant, non loin d'où son bus l'avait déposé. La nuit commençait à tomber et le Clement Street Cafe ne lui avait pas semblé trop sinistre pour s'y engouffrer sans nourrir de la peur. Juste une petite appréhension, bien normale après tout puisque c'était le grand couloir avant d'entrer en scène ! En effet, vu l'heure pas encore trop tardive, les habitués et boute-en-train notables ne devaient pas être encore de la fête, ça lui laissait le temps de revoir ou plutôt penser à son propre texte. Ses fameuses blagues censées redorer son blason et faire autant rire qu'à Derry...
S'il pouvait au moins s'y réfugier une ou deux heures, dans cette loge de fortune, boire quelques verres avant de se rendre compte qu'en fait il avait fait une sacrée belle connerie en se rendant ici.
Quoique, ce n'était pas si mal comme endroit en fait. Ce cher Stan froncerait certainement les sourcils et le nez devant cette ambiance tamisée par quelques restes de fumée de cigarettes et d'effluves forcément alcoolisées mais ça lui convenait. Ça lui ressemblait, en quelque sorte. Un petit bar avec son charme qui sautait directement aux yeux et prenait aux tripes à peine installé dans un coin de table après avoir passé commande à une femme (la propriétaire certainement). Qui avait, en plus de noter cette nouvelle tête, vite pigé que ce jeune homme ne tenait pas à s'épancher ou se faire remarquer. Sinon, il aurait pris place au bar. Et aurait sorti le grand jeu façon Richie Tozier dans ses grands moments à l'aide de quelques plaisanteries bien senties en guise de salutations. Comme lui faire savoir qu'elle était presque aussi attirante que la mère d'un de ses amis ! Patience... La clef pour un artiste se produisant en live était de jauger, observer, ressentir le terrain.
Certains diraient (pour faire bien) que c'était un vrai endroit d'hommes, pas un bar clandestin de tarlouzes, Richie avait simplement l'impression de se sentir déjà chez lui ! Comme si un certain destin, aussi sage mais plus sympathique que Stan Uris, avait décidé de poser ce bar précis sur son chemin et qu'à chaque coup d'œil posé en ce lieu de retrouvailles avec son humour et sa petite personne, il découvrait un truc à lui plaire : Un coin où il était possible de disputer des parties de billards, de jouer, ou bien de mettre de la musique, quelques types vaguement patibulaires mais certainement pas aussi féroces et malsains qu'un certain clown. Un gars qui venait d'entrer et qui portait une chemise à tomber... Le bon goût au détail près !
Oui, de façon totalement prévisible, Richie Tozier matait dans un premier temps l'habillement d'un homme, dans le meilleur des cas la chemise, avant que son regard se pose enfin sur le cul puis l'entièreté d'un potentiel partenaire de conversation ou plus si affinités. Et Richie l'assumait autant que sa légendaire grande gueule à l'humour décapant et son attirance supposément contre nature !
Ça tombait bien, cette charmante chemise aux tons fauves se mouvant dans un parfait dégradé de couleurs était aussi agréable à regarder que le dos de ce gars s'étant directement installé au bar. Un habitué à première vue, qui lui offrait d'ailleurs une jolie vue tout court. Des mauvaises langues diraient que c'était bien son style ce genre de spécimen masculin pas trop grand de taille mais avec de la classe tout bonnement adorable. À l'image d'Eddie Kaspbrak, fatalement.
Mais, tout abonné au goût du risque qu'il soit, Richie n'irait jamais charmer cet inconnu aussi ouvertement qu'il le faisait avec son ami Eddie. Ce n'était pas le genre de folies aussi marrantes et inoffensives que, par exemple, choquer quelques personnes frileuses niveau mœurs quand il se trouvait devant le cinéma de quartier avec son meilleur ami Bill et qu'il demandait à celui-ci quel acteur il trouvait le plus mignon et sexy. Meilleur ami et meilleur complice en plus d'être lui aussi à moitié un soi-disant déviant, Big Bill répondait tout aussi sérieusement avec même parfois un petit commentaire élogieux pour l'acteur choisi. Et à chaque fois, Richie l'apostrophait en disant qu'il allait le répéter à Stan !
Repenser furtivement à ses amis restés à Derry le rendait presque nostalgique... Alors qu'il ne les avait pas quittés depuis des semaines, certes, mais au moins il se sentirait moins démuni si l'un d'eux était présent. Moins con de devoir attendre la suite des événements au lieu de foncer dans le tas comme il le faisait toujours mais visiblement un terrain familier et surtout la présence des Losers l'y aidait.
En plus d'avoir une superbe chemise et un cul qui donnait envie d'y passer respectueusement les mains après y avoir posé les yeux, son petit coup de cœur de tout à l'heure avait une bonne descente. Il l'avait entendu commander "comme d'habitude" selon ses mots, c'est à dire une bière et un alcool probablement assez fort pour trouver sa place dans un verre à shot, et voilà qu'il redemandait la même chose. Un souci au travail, avec sa famille, une peine de cœur... ?
Richie serait bien bête de ne pas partager avec une personne à lui sembler somme toute très sympathique un échantillon d'un autre de ses talents innés pour consoler les gens ! À l'aide de quelques bonnes plaisanteries bien tournées, des bons mots, de belles anecdotes, que de bonnes choses pour redonner le sourire à ce jeune homme qui méritait mieux que finir complètement bourré dans un coin du bar. Aussi, s'il revenait en voiture, il pourrait se tuer lui-même en plus de menacer des vies, Trashmouth ne faisait que remplir son devoir de bon petit citoyen américain qui n'était pas qu'un méchant pervers qui baisait avec des hommes et n'aurait donc jamais d'épouse ni d'enfants dans le parfait cliché de la famille américaine modèle formant une vie saine pour l'honneur de leur beau pays... Cette petite bêtise pourrait bien se rattraper en aidant ce charmant inconnu tout en profitant pour faire un brin de causette avec lui. Rien de plus, Richie Tozier se montrait prudent pour ne pas mettre de plomb dans l'aile à sa future carrière. Et cette métaphore à base d'oiseau lui apportait une petite pensée tournée vers Stan qui lèverait les yeux au ciel en lâchant qu'il savait très bien que Richie voulait sauter ce gars et faisait tout ça pour tenter sa chance et non par pure bonté d'âme... Peut-être un peu. Mais le concerné n'était pas en manque à ce point, il avait plutôt un réel besoin de dépaysement. D'une compagnie qui ne connaissait pas l'humour à la Tozier mais qui lui faisait déjà une bonne impression et cette si jolie chemise ne lui laissait plus aucun doute sur la marche à suivre : Il devait aller parler à ce gars pour le moment uniquement vu de dos et vaguement de profil mais qui méritait un A+ en matière de mode.
Qu'est-ce que disait ce foutu magazine à la con déjà ?
Un magazine que Bev avait laissé, exprès ou non, dans le Refuge. Faussement à l'abandon, près du hamac. Prévoyant peut-être qu'un des Losers en ferait bon usage... Que Richie précisément soit tout d'abord amusé en tombant sur ledit magazine, pour des années plus tard se tourner vers ce précieux bout de papier en fouillant dans sa mémoire pour feuilleter mentalement les pages. Car oui, sans prendre la peine de lui trouver une planque compliquée dans sa chambre vu que ses parents n'y mettaient jamais les pieds, Trashmouth l'avait lu et relu plus ou moins attentivement en se penchant ensuite sur certaines pages en particulier. Par chance, celles à concerner l'opération précise de ce soir en faisait partie.
L'article sur plusieurs pages qui décrivait en détails les meilleures techniques de drague pour conquérir le garçon de ses rêves. Ça tombait bien, Richie était justement déjà intéressé par les garçons à l'époque, et son actuel dévolu se classait (à première vue) toujours dans le genre masculin. Quelle chance, quel heureux hasard ! Pour un peu, Richie en aurait presque été soulagé d'être gay.
En fait c'était plutôt rassurant car d'une certaine manière, telle une sœur spirituelle, Beverly était à ses côtés. Avec lui en cette soirée s'annonçant comme un grand moment d'anthologie dans le jeu de séduction amoureuse, cette approche à n'en point douter romantiquement réussie puisque c'était sur les précieux conseils d'un magazines pour adolescentes qui avait dû être approuvé par toute une flopée de grands penseurs ne tenant pas compte des jeunes personnes concernées pour rédiger le fameux article...!
Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, une des premières choses à faire stipulées par ce fameux article pour amorcer la magie, l'électrisante tension sexuelle, la petite musique comme dans tous les films romantiques, était de capter son regard. Pour de cette manière parvenir à l'hypnotisant eye contact endiablé ! Des œillades lourdes de sens pour arriver à dire tant de choses sur des intentions plus ou moins avouables tant celles-ci craignaient de se faire écarter d'un vulgaire revers de main. Surtout quand on ne savait pas très bien de quel bord était le gars convoité...
Rien de plus facile pour un charmeur né tel que Richie Tozier, approuvé par les soupirs alanguis de Madame K ! Ce dernier s'était tout naturellement avancé vers le bar, comme s'il faisait ça tous les soirs en rentrant d'un boulot qu'il aurait eu comme par magie dans cette charmante petite ville où les gens ne pouvaient pas être pires qu'à Derry soit dit en passant... Sans être aussi parfaite que la divine Sonia Kaspbrak, la tenancière de ce bar avait déjà toute sa reconnaissance : Comme si elle avait flairé le petit manège de nature homosexuelle à se jouer quasi sous ses yeux et dans son bar, elle avait resservi un verre à Richie sans que ce dernier n'ait rien demandé. Histoire de rendre plus naturelle cette tentative d'approche, forcément ! Heureusement que cette bière pas désagréable se buvait sans soif et que l'investigateur de tout ce cirque n'avait pas l'air d'un gamin comme Eddie sinon cette gentille dame, qui au premier abord pouvait sembler un peu bourrue, l'aurait chassé ou blâmé sur le champ en scandant qu'elle ne voulait pas de pd dans son bar qui osait en plus importuner un de ses fidèles clients.
Et en parlant d'Eddie justement, ce gars lui ressemblait étrangement ! En effet, en lui coulant quelques petits regards par en dessous, feignant de savourer son breuvage complice, celui qui se considérait le mieux placé pour juger puisque Eddie Spaghetti était (restait) son premier amour et cause première de la découverte de son homosexualité lui trouvait quelques airs de ressemblance. Au niveau du nez, même si celui d'Eddie était plus droit (parfait). Également dans le regard, bien que les yeux sombres d'Eddie restaient plus envoûtants (parfaits aussi). Une petite similarité se jouait aussi au niveau de la forme du visage même si celui d'Eddie était moins creusé (vraiment parfait). Sans parler d'un véritable sosie ou d'un sinistre doppelgänger, il y avait un truc. Quelques similitudes assez troublantes pour ne pas savoir si c'était une bonne ou mauvaise chose. Et puis, maintenant qu'il y était, il n'allait quand même pas se défiler, Richie Tozier n'était pas un dégonflé comme Stan the man qui avait attendu des années avant d'avouer ses sentiments à son grand amour sous les conseils de son irremplaçable ami Richie. Richie, qui se demandait vraiment ce que les Losers feraient sans lui...
Seul petit bémol à cette divine séduction presque aussi parfaite que la première fois où il avait fait du gringue à Sonia Kaspbrak : Sa cible ne daignait pas lever les yeux vers lui. Pas du tout !
Au lieu de ça, ce gars préférait s'abîmer dans la contemplation de son verre encore rempli. Un regard perdu dans le vide, un regard pensif, un regard qui l'attirait encore plus. Lui donnait envie de faire des conneries.
Enfin, dire des conneries plutôt. C'est-à-dire suivre à la lettre tous les conseils de cette discutable revue pourtant exclusivement tournée vers un public féminin. Alors que faisait ce jeune adulte homosexuel en prenant pour argent comptant chaque conseil destiné aux filles désirant entretenir une relation sans nuage avec un garçon... La cible était la même au final ! Un gars lui paraissant un peu paumé, perdu dans ses pensées, et vraiment pas mal. Avec un goût certain pour les belles chemises et ça, ça l'excitait bien plus que tout plein de beaux joueurs de foot. Enfin, pour du plaisir vraiment délectable et pas de la masturbation purement mécanique mais satisfaisante malgré tout.
Quoique, pas sûr que ce genre d'ouvrages à brider les jeunes têtes blondes conseille aux jeunes filles de faire doublement le premier pas et en quelques sorte jouer le rôle de l'homme. Déjà que certains regardaient Richie avec de grands yeux ronds quand celui-ci accordait un point d'honneur à ses journées shopping visant à parfaire sa
garde-robe... Rien à foutre, ça s'était sa petite touche perso, la patte à la Trashmouth qu'il insufflerait à ses propres conseils quand ses amis auront des gosses et qu'il faudrait un peu seconder ces derniers dans leur vie amoureuse puisque leurs parents étaient trop empotés en la matière (Surtout Stan).
En attendant, Richie devait ardemment s'occuper de la sienne, de vie amoureuse, et hypothétiquement sexuelle. Intensément même. Trouver un truc tout con mais aussi percutant que l'avait été la vision de cet inconnu. Pas forcément un truc intelligent mais qui le forcerait à répondre. À s'intéresser à lui... Qui a dit que les amorces de la drague devaient forcément se calquer sur la perfection (tout relative) de celles des films à l'eau de rose...
- T'as l'air de souvent venir ici.
D'après certains grands sages pas toujours à la hauteur de ce qu'ils avançaient, aucun début de conversation ne pouvait se qualifier de stupide s'il s'agissait de faire ce fameux premier pas tellement angoissant. Sortir le truc avec des mots, capter l'attention de cette personne à détenir aussi sensiblement la sienne...
Mais celle-ci, cette formule d'accroche, méritait de figurer dans les pires conneries à sortir lors d'une tentative de drague même la plus désespérée (et donc désespérante). Pourtant, force est de constater que ça fonctionnait. Ça ne faisait pas des miracles mais ça produisait au moins quelque chose, ce cher inconnu le forçant à faire gaiement toutes ces bêtises dignes d'un adolescent n'ayant pas encore fait sa première fois en tout tournait enfin son regard vers lui. Un regard un peu hagard d'ailleurs... Il n'était quand même pas déjà complètement bourré ? Ou alors ce gars était sincèrement étonné qu'un sympathique, très beau et sexy, inconnu vienne faire la conversation ? À moins qu'il en avait vu tellement que ce genre d'approche maladroite ne l'impressionnait plus tant que ça... Pas possible, aucun ne pouvait rivaliser avec la verv(g)e de Richie Tozier !
Non, ce petit sourire incertain mais pas mécontent parlait de lui-même en plus d'être aussi agréable à regarder que celui à l'esquisser. Au moins Richie, plutôt habitué aux déceptions amoureuses il fallait bien le reconnaître, ne se retrouvait pas face à un gars hautain et méprisant c'était déjà une bonne chose. Et avec une peu de chance, s'il pouvait ne pas être hétérosexuel...
Son gaydar lui murmurait à l'oreille qu'un hétéro pur et dur ne laisserait jamais échapper ce genre de rire qui sonnait comme agréablement (gaiement) amusé. Et une petite voix, presque aussi aiguë que celle de Stan Uris lorsque ce dernier perdait son calme, l'apostrophait mentalement en disant que ce genre de conclusion hâtive était ridicule.
- Toi par contre, je ne t'ai jamais vu.
C'était comme enchaîner un super combo à Street Fighter, il avait gagné son intérêt pour le moment alors pas question de le perdre. Là, l'inspiration était facile maintenant que Trashmouth était lancé et appréciait la voix de ce type vraiment pas désagréable à tous niveaux.
- Je viens du Maine.
- Et t'as fait tout ce chemin pour venir jusqu'ici...!
Malgré son ouïe déjà rodée à son propre sarcasme, Richie n'arrivait pas à percevoir si dans son petit sifflement et commentaire à avoir succédé il y lisait une espèce d'admiration mesurée, de la pitié passant à l'aberration, de l'incrédulité amusée et un minimum polie... Dans tous les cas, ce jeune homme semblait sincèrement étonné. Comme si Baltimore était un véritable trou perdu, pas le meilleur endroit pour y passer ses vacances et encore moins le lieu où il y faisait bon vivre. À vrai dire, le nouvel arrivant ne s'était pas vraiment penché sur la question et venait tout juste d'arriver sur les lieux qui endossaient un air peu accueillant avec la nuit. Pas plus qu'il avait songé où il pourrait bien dormir, comme cela lui avait paru évident de passer la nuit chez un gars qui ne lui aurait pas refait le portrait en tentant un petit jeu de séduction où un peu de plaisir et un lit étaient à gagner. C'était ça, l'aventure !
Pour être tout à fait honnête, Trashmouth ne pensait qu'à une chose en cet instant : La prouesse était possible, le conseil un peu cliché faisait ses preuves, ce gars à avoir tant faire s'échauffer ses méninges l'observait à présent avec un certain intérêt... Et Richie adorait ça, à en jubiler intérieurement sans manquer de lui répondre d'un petit sourire tout à fait mesuré mais tout de même radieux ! À même en oublier de le comparer plus en détail à Eddie Kaspbrak... Quoique la mère de ce dernier interdirait formellement à son fils, malgré sa vingtaine, de sortir dans la rue pas rasé de près et avec des cheveux qu'elle jugerait vraiment pas coiffés convenablement. Richie Tozier, lui, trouvait ça assez cool pour être noté d'un bon A+ également.
- … T'es venu à Baltimore pour du boulot ?
Question piège, curiosité pure ou furieusement intéressée, simple politesse en usage dans cet État... Peut-être même que lui aussi suivait les principes sacrés d'un ouvrage pour ado, qui sait !
Autant répondre sincèrement, il n'avait rien à cacher à ce niveau et savait en dire assez sans en faire savoir de trop sur sa vie privée qui pouvait lui attirer des ennuis sur certains points. Bien que ce gars ne soit pas une armoire à glace, il pouvait très bien rameuter quelques un de ses copains plus baraqués et surtout décidés à en découdre avec une tarlouze n'étant pas la bienvenue ici. Ni nulle part ailleurs selon certains.
- Pas besoin, je suis disc-jockey dans la boite d'un ami.
Une boite gay plus précisément, mais une petite voix lui rappelant toujours étrangement celle de Stanley Uris, lui soufflait à l'instant de ne pas trop se la jouer Trashmouth pour ce petit numéro de charme. De faire preuve de vraie subtilité, pour une fois. Deal !
Certes, d'expériences pas toujours heureuses, Richie savait que son homosexualité devait rester enfouie quand il ne se trouvait pas en lieu sûr, en terrain plus engagé que véritablement neutre, mais là il voulait se permettre d'inclure ses propres conseils et les suivre à la lettre pour continuer ce petit jeu de séduction pas trop foiré (Pour l'instant, comme le lui soufflait cette maudite voix vraiment trop proche de celle de Stan).
En plus de définitivement lui plaire et lui confirmer qu'il avait eu raison de très légèrement se rendre ridicule avec son premier pas tout sauf naturel, sa chère cible l'encourageait à faire des folies en lui confiant que lui aussi avait été disc-jockey. Quand il était petit et qu'il jouait avec le tourne-disque de son père. Même que ça amusait beaucoup ses tantes et son cousin, qu'il faisait des mini concerts quand sa grand-mère le gardait tout en lui conseillant les musiques.
Pour un peu, Richie oserait s'avancer en se disant qu'ils auraient très bien pu s'entendre étant gosses ! (Sans s'avancer en pensant que ce gars aurait pu faire partie des Losers, il y avait des limites) À la place, toujours armé de son petit sourire déjà tout fier de sa sortie, il avait agi avec cette fameuse subtilité aussi compliquée à manier que le plus imposant sex-toy de la mère d'Eddie. Même si ses mains tremblaient malgré tout puisqu'il allait bientôt jouer quitte ou double, définitivement se passer ou oublier volontairement les conseils de ce maudit magazine décidément pas assez complet sur certains points.
- Et je mets souvent la nouvelle chanson de Nancy Sinatra.
Stan the man serait fier de lui, de sa subtilité aussi splendide qu'une chemise à motifs floraux flamboyants ! Si ce gars était un des siens, pour dire les choses ainsi, il connaissait forcément la chanson "Another gay sunshine day" commençant à devenir un véritable hymne pour les homosexuels ravis d'un tel cadeau de la part d'une de leurs icônes gay devenue maintenant complètement officielle (Enfin, de toute manière, Richie avait toujours adoré Nancy Sinatra).
Oui, ce cher inconnu la connaissait. Il y avait des signes qui ne trompaient définitivement pas et le regard de cet homme venait de le clouer (presque littéralement) sur place...
