Hello ! Me revoici pour un nouveau texte Pièce de huit sur le forum de tous les périls, rien n'a changé depuis le premier "chapitre" vous connaissez.
Cette fois, le thème était "fleurs fanées", qui m'a bien inspirée même si le résultat final est un peu différent du plan ! ("un peu" dit-elle alors que ça a rien à voir)
Bref, bonne lecture !
Fleurs fanées
Un ciel vide et pâle l'avait accueilli au réveil, comme si un matin d'été le soleil avait oublié de se montrer, laissant le jour prendre de l'avance sur lui. Aucun nuage, aucun rayon ne venait casser la monotonie du bleu. Il n'était pas certain d'être vraiment éveillé, mais tourner la tête pour voir autre chose que le néant était au-dessus des forces de son esprit embrumé, et il ferma les yeux.
Quand il les rouvrit quelques heures plus tard, il était plus reposé et prêt à affronter le monde, et il se leva sans laisser son regard se perdre. Il avait à faire, et le moment se n'était pas à l'exploration dans laquelle il avait souvent tendance à se perdre. Autour de lui, le paysage ne ressemblait en rien à celui qu'il avait quitté la veille, mais il nota seulement l'information dans un coin de son esprit sans plus y réfléchir, plus intéressé par l'état de ses amis.
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– Derrière toi, Koza !
Il se baisse juste à temps pour éviter la lance, trébuche dans la manœuvre mais ne s'arrête pas. Il ferme ses oreilles au chaos ambiant, ne laissant passer que les cris de Sabo, chargé de couvrir ses arrières. Il sait déjà qui est contre eux, il devine qui tombera et il ne veut pas être distrait par quelque exclamation qui ne lui serait pas adressée.
Devant lui, la tour penche de plus en plus, mais elle ne tombe pas encore ; il a encore une chance.
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Le silence était à la fois pesant et rafraîchissant, rassurant par l'absence des dieux honnis et inquiétant par celle des alliés qui l'avaient porté toute sa vie. Il ne se souvenait plus d'un temps où au moins un des deux n'était à portée de regard, tant ils avaient été essentiels dans la construction de son bonheur et de sa vie ; il n'avait plus été seul depuis si longtemps, cette isolation soudaine était étouffante. Ses amis étaient tout, ils sauveraient l'ambiance.
Une tache orange attira son regard et il se précipita vers la gauche, finissant à genoux dans un dérapage presque maîtrisé. Un corps, un premier, roux et féminin, pas celui de Koala mais sa respiration s'arrêta quand même, son esprit submergé par une vague de sentiments indistincts ; il ne savait pas qu'il appréhendait tant, et sa peur se faisait savoir entière maintenant, étouffant le soulagement qu'il aurait dû trouver à la place – pas Koala, pas encore, pas Sabo, pas ici.
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Les anciens n'ont aucune chance, et toutes les générations vont se faire décimer par leur faute s'il ne fait rien. Leur orgueil mêlé d'espoir sera leur perte – comme s'ils pouvaient lutter contre des êtres tellement plus puissants qu'eux. Il le voudrait, mais même lui sait que ce n'est pas raisonnable ! Et puis il l'a promis, aussi.
Ils ont espionné les réunions pendant des mois, assisté à chaque débat et vu tous les plans. Koza a suggéré de détruire les morceaux avant qu'ils ne soient assemblés, mais Sabo l'a arrêté – un petit sabotage ne mettrait fin à rien, il réduirait juste les chances déjà inexistantes des rebelles anciens.
Il esquive chaque ennemi et chaque duo, s'en tenant au plan même si celui-ci lui interdit d'aider son voisin, son oncle, cet homme qu'il croisait chaque fois à la boucherie. Son sang bout, mais c'est ce qu'il faut, un sacrifice pour le bien final… Il se déteste de penser ça, mais il entend trop la voix de son ami plus sage pour dévier. Sabo ne dit rien, mais c'est ce silence qui le rend plus important dans sa mémoire.
Si cette tentative ne doit pas être vaine, il doit ignorer le combat – l'exécution de ses concitoyens, plutôt – et atteindre le haut de la tour maudite avant sa chute.
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Se forçant à respirer lentement et profondément, il se releva, s'octroyant un moment avant de se remettre en marche. Il avait arraché une promesse aux nuages, et il tenait à en trouver le fruit avant qu'il ne pourrisse comme le reste du vieux monde. Et avant qu'il ne cède à une panique injustifiée une fois de plus. Il fallait qu'il leur annonce la bonne nouvelle, et qu'il entende leur voix – ils avaient réussi, bon sang, il méritait de se sentir mieux que ça !
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Son pied se pose enfin sur la première marche du bâtiment, miraculeusement assemblé en une nuit. Malgré leur désespoir, les anciens ont été efficaces, dans la limite du possible.
Il avance vite, en espérant que ce soit suffisant. Le temps est doublement contre lui : la chute de la tour ne fera plus que s'accélérer, et même s'il ne compte pas pas sauver les guerriers de fortune, il espère encore réussir quelque chose avant que la mort n'atteigne aussi ses deux amis.
Personne ne l'arrête, contrairement à l'émissaire armé jusqu'aux dents qui l'a précédé. Soit les dieux sont ouverts à la discussion paisible, soit ils sont trop occupés à punir en bas pour faire attention à lui.
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Autour de lui, certains éléments disparaissaient déjà, laissant place à un monde nouveau. Une plaine verdoyante, brûlée par le soleil, se superposait aux graviers imbibés de sang, comme une caresse qui effaçait un affreux cauchemar.
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– Non ! Pas seul, c'est trop !
– Combien ?
– Trois. Laissez nous trois, au moins.
Il n'ose demander plus. Il a déjà de la chance, il ne va pas se risquer à la pousser… Pourtant, l'indignation crépite dans ses veines. Moins marqué par les ans que ses parents, il reste profondément antipathique aux dieux, et il n'est pas certain pourquoi ils l'écoutent alors qu'ils le savent forcément.
– Très bien. Vous serez trois, mais pas un de plus, et si pareille tour revient vous ne serez aucun.
La voix invisible est calme mais il sent la menace qui s'en dégage, et il se garde de protester. Se rebeller encore est la dernière chose que ses amis voudront, pourrait-il signaler, même si le dieu le sait certainement – il veut que ce soit fini, pas que la conversation s'éternise. Il se contentera de protéger ses futurs enfants et la ville qu'ils bâtiront ensemble, sans plus s'adresser aux dieux. Peut-être les autoriseront-ils à les oublier.
Le ciel sourit autour de lui – comment ? il n'en a aucune idée – et le noir l'enveloppe alors que le tas de métal atteint le point critique et fonce vers le sol.
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– Sabo ! Koala !
Sa voix déchirait le silence, mais il remarquait régulièrement qu'elle n'était plus seule : là un buisson secoué par le vent, là une abeille bourdonnante, là –
– Sabo !
Le gémissement l'attira avant la silhouette assise, curieusement, mais le résultat était le même. Il ne devait y avoir que deux autres survivants, et il connaissait trop bien la voix et la stature du blond pour se laisser tromper. Quand il arriva au niveau de son ami, encore en pleine inspection de son corps blessé, un sourire avait eu le temps de se dessiner sur ton visage.
– Sabo !
– Koza ?
Le blond clair leva la tête vers lui et il s'agenouilla à côté de lui.
– Tu vas bien ! sourit le réveillé. Où est la tour ?
– Détruite. Enfin, effacée. On a réussi, Sabo ! On n'a plus qu'à trouver Koala, mais on est vivants, et on peut refaire le monde comme on veut !
– Quoi ? Attends, et les autres ? Vivi ?
Il grimace de gêne autant que d'agacement – pourquoi, pour une fois, son ami ne pouvait-il pas se montrer un peu optimiste ? Ils avaient survécu à l'impossible, c'était pas suffisant comme miracle ?
– C'était trop, désolé. Ils étaient déjà pas très chauds pour trois, en fait, alors…
– Ceux d'avant –
– Ceux d'avant étaient stupides, pas régicides, coupa Koza. Enfin déicides.
Un silence accompagna ses mots, finalement interrompu par un soupir.
– C'est vrai, t'as raison. On savait comment ça finirait, je sais pas ce que j'espérais.
Que la princesse reste, pensa-t-il amèrement. Il se demanda un instant s'il aurait pu vouloir quatre – mais non. Certainement pas, pas pour la fille de l'homme qui avait tout orchestré. Il l'aurait fait, sinon, Sabo devrait le savoir, c'était sa première amie, la perte lui faisait plus mal qu'au petit révolutionnaire…
– Bon, on va chercher Koala ?
Sabo s'était levé, visiblement remis, et il dut lever la tête pour le regarder – derrière lui, le ciel était d'un bleu éclatant. Il saisit la main tendue et se redressa lui aussi. Autour d'eux, il ne restait quasiment rien du conflit qui avait failli éteindre l'humanité, ni du village qui l'avait déclenché ; seulement une étendue d'herbe, quelques tas gris qui disparaissaient à vue d'œil, et le clapotement de la rivière au loin.
– T'es sûr qu'elle va bien, hein ? Parce que là elle devrait être réveillée quand même, si ils l'ont pas supprimée par accident…
– Mais oui, dit-il en levant les yeux au ciel. Elle doit déjà être partie chercher une forêt pour s'abriter. Allez, viens.
Main dans la main, les deux hommes partirent chercher leur dernière amie, prêts à tirer le meilleur du monde épuré.
Des avis ? *sort ses meilleures photos de chat* J'ai de quoi les payer !
