Petit mot de l'auteure : et voici un deuxième petit texte ! Il se passe dans le tome 1, au moment d'embarquer vers la mission.
Merci à Marina, Angelica, Guest et Quimress pour leurs review sur l'OS précédent !
Une balle le frôla, mais il fut vivement poussé sur le côté, ce qui lui permit d'esquiver de peu le projectile.
- Fais un peu attention, mercurien.
Jesper.
Wylan ne savait pas encore quoi penser du zemini, mais une chose était sûre, il venait de lui sauver la vie. Il n'eut toutefois pas l'occasion de le remercier qu'il s'était relancé dans la bataille, non sans lui avoir lancé un dernier « reste là et meurs pas ! ». D'ordinaire, Wylan n'aimait pas vraiment les ordres. Son père avait passé sa vie entière à lui en donner, ce qui ne lui avait jamais laissé une très bonne impression des phrases impératives. Pourtant, cet ordre là, il était bien disposé à le respecter. Il ne voulait pas mourir, c'était un fait certain. Alors oui, il allait rester gentiment dans son coin, attendant que la bande de criminels avec qui le destin l'avait fichu finisse son travail.
Ce qui lui sembla être plusieurs minutes passèrent et la fusillade continuait de retentir tout autant. Wylan finit ainsi par jeter derrière la goélette où il avait trouvé refuge. Jesper virevoltait pour échapper aux projectiles ennemis tout en tirant à une vitesse incroyable. Malgré la terreur qui le saisissait, le roux ne put s'empêcher d'être impressionné. Le zemini était d'une précision et dextérité admirables. Son aisance était toutefois inquiétante ; il semblait si à l'aise, presque heureux, que cela en était effrayant. Wylan se demandait bien comment l'on pouvait ressentir quoi que ce soit qui se rapproche du plaisir lorsqu'on était en train de se faire tirer dessus. Il n'y avait que les êtres détraqués qui pouvaient en être heureux ? Restait à savoir si Jesper était détraqué de nature ou si c'était le Barrel qui l'avait rendu comme ça.
Quoi qu'il en était, il était toujours en train de dégainer, sans interruption – tant et si bien que même Wylan finit par se rendre compte sur chose évidente : plutôt, il serait à court de balles. Et alors... Il préférait ne pas l'envisager. Il ne connaissait peut-être Jesper que depuis quelques jours, ce dernier était peut-être un voleur, assassin, joueur, tricheur... il ne voulait pas qu'il meurt. Après tout, ils étaient coéquipiers. Et surtout, Wylan ne voulait pas avoir sa mort sur la conscience.
Il commença donc à faire un pas vers lui, lorsqu'une balle fut tirée en sa direction, le forçant à replonger derrière son abris de fortune. Il sentit alors le découragement l'envahir. Il n'était qu'un fils de mercurien, comme s'amusaient si bien les corbeaux à le surnommer depuis qu'ils avaient appris la vérité à son sujet. Que pouvait-il bien faire ? Il n'était pas comme eux, ni comme ceux qui leur tiraient dessus. Il était né une cuillère en argent dans la main, un toit sur sa tête. Ce soir était le premier soir où il était aussi confronté à la mort – c'était une soirée spéciale à ses yeux, qui le marquerait, alors que pour les autres... cela n'était qu'une routine comme une autre. Lutter lui était impossible. Peut-être fallait-il mieux attendre là, que tout cela s'arrête, d'une manière ou d'une autre.
C'est alors qu'il entendit Jesper lâcher un élégant « merde ». Un rapide regard par dessus l'embarcation lui appris qu'il allait bien, mais attaquait avec ses dernières balles.
Je n'abandonnerai pas, songea alors résolument Wylan. Il s'était laissé allé à l'abattement, et Jesper aurait pu en payer le prix – le merde aurait pu être pour une balle particulièrement proche, voire pire. Il était donc hors de question de se morfondre plus. Il était un fils de mercurien ? C'était vrai. Mais il était aussi un démolisseur – un démolisseur seulement « passable » d'après Kaz, mais un démolisseur tout de même. Alors il allait faire ce pour quoi il avait été engagé dans cette quête insensée et se battre avec ses armes : la science.
Et puisqu'il était apparemment incapable de faire un pas sans se faire repérer, il allait fabriquer quelque chose avec ce qu'il avait aux alentours.
C'est ainsi qu'il cria à Jesper de fermer les yeux, avant de lâcher sa bombe.
Alors, pas mal pour un fils de mercurien, non ? Voulu-t-il lui dire après qu'il eut finit d'éliminer leurs concurrents. Mais malheureusement, ils n'avaient pas le temps – leurs ennuis ne seraient terminés que lorsqu'ils seraient à bord de l'embarcation. Enfin. Terminés... c'était une façon de parler. Disons qu'ils seraient terminés pour quelques jours.
Ils coururent alors vers le quai ensemble. Jesper laissa échapper de sa gorge un léger rire, et Wylan se surprit à le rejoindre – ils étaient vivants.
Il était vivant.
C'était une sensation extrêmement paradoxale. Depuis qu'il était arrivé dans le Barrel, il n'avait eu de cesse d'être entouré par la mort et la violence. Pourtant, et il lui avait fallu de manquer de mourir ce soir pour le réaliser, il ne s'était jamais sentit aussi vivant. Peut-être parce qu'ici, il n'était pas sans cesse obligé de jouer un rôle qui ne lui correspondait pas, de cacher ses failles et faiblesses, de feindre le bonheur parfait qu'il était censé connaître. Ici, il pouvait être la chose brisée qu'il était au fond de lui – car ici, tous l'étaient à leur manière.
Alors oui, ce soir, Wylan se sentait pour la première fois depuis bien longtemps vivant.
Et il comptait bien continuer à l'être le plus longtemps possible.
