Oui cette enfance est improbable, au mieux. Mais c'est Harry Potter.
Bonne lecture L.
"Tu ne dois l'utiliser que comme une arme, ne t'y attache pas."
Dietfried Bougainvillea, Violet Evergarden
-Sa mère est morte, Mon Seigneur. Il n'y a plus personne pour s'occuper d'elle.
-Que voulez-vous que je fasse d'un bébé ? Une fille, en plus de cela ?
-Faites-en ce que vous voulez. Elle pourrait être tout ce que vous voulez.
Voldemort jeta un coup d'œil à Bellatrix et Nagini. Pourrait-il faire de cette enfant l'arme qui lui manque ?
C'est ainsi que j'ai été enrôlée dès mon plus jeune âge parmi les mangemorts. Ma naissance inconnue de tous a permis à Mon Seigneur de faire ce qu'il voulait de moi, de me permettre de rester auprès de lui jusqu'à sa disparition quand il a tenté de tuer Harry Potter et d'être à nouveau près de lui quand il est revenu.
J'ai grandi loin des gens. Je n'avais personne pour me raconter une histoire, personne avec qui jouer. Je ne savais même pas qu'on pouvait jouer. Je vivais dans une pièce. Petite, avec un lit et un bureau. Je devais savoir écrire et lire. Mais je ne lisais pas de contes. Je lisais des récits de guerre, de batailles, de conquérants. Uniquement des récits et témoignages pas de fiction. Je devais apprendre les techniques et stratégies militaires. Je devais proposer des alternatives aux choix faits par de grands guerriers.
Je passais mes journées à lancer des sorts, à en éviter. A m'entraîner pour devenir une arme. C'est ce qu'on me répétait.
-Tu es une arme. Pense comme une arme.
Je devais être plus forte, plus rapide, plus intelligente que l'ennemi. Je passais la plupart de mes journées à m'entraîner, à me renforcer. J'apprenais à lancer les sorts qu'on me lançait. On me torturait pour mieux m'apprendre. J'ai appris à supporter la douleur, à ne pas crier.
Je n'étais élevée par personne, j'étais formée par tout le cercle intérieur.
Je n'avais aucun lien avec les enfants. On m'appelait Kid. C'est resté mon surnom comme une blague ironique. Je n'avais jamais été une enfant. Et en même temps je l'ai toujours été : ignorante des sentiments, des émotions, ignorante des relation sociales, du sens de l'amitié ou de la famille. Je devais simplement connaître la fidélité au Seigneur des Ténèbres.
C'était le seul à venir me rendre visite dans ma chambre. C'était le seul à prendre du temps pour me parler. Ce n'était pas un père. Je n'aurais même pas su ce que c'était d'ailleurs. Mais il était régulièrement présent pour vérifier mes progrès. Pour m'apprendre ce que je devais savoir à ses yeux : la suprématie des sang purs. Il me rappelait sans cesse qu'il était mon maître, que je devais lui obéir, que j'étais à lui. J'acquiesçais. Je ne savais pas faire autre chose avec lui.
Il m'a marquée rapidement. Je ne me souviens pas d'avoir eu mon bras sans le tatouage en forme de tête de serpent.
J'appartenais à quelque chose. Je savais que ce symbole était important et j'en étais très respectueuse.
J'avais quatre ans et il m'emmenait avec lui sur des champs de bataille. Il m'emmenait voir des maisons détruites où des cadavres reposaient fraîchement morts. Parfois, il demandait à laisser des prisonniers vivants pour me voir leur lancer les sorts que j'avais appris. Je sortais à peine des couches. Je marchais depuis quelques années. Je parlais très peu. Et je devais lancer des sorts dont la plupart des adultes n'ont aucune idée ou n'oseraient jamais jeter.
Et puis ça s'est arrêté. On m'a appris que le Seigneur des Ténèbres avait disparu. Je n'étais pas heureuse, je n'étais pas triste. C'était un fait. C'est tout. On m'a aussi dit qu'on ne savait pas quoi faire de moi. Notre maître avait refusé que je sois inscrite dans une école de magie. On ne savait pas s'il reviendrait. Je n'avais plus de raison d'être. Mon seul but était d'exister pour lui. S'il disparaissait, je devais logiquement disparaître avec lui.
Finalement, mes journées étaient les mêmes que pendant son règne. Je m'entraînais, je lisais des textes de pratiques, d'enseignement, des récits. Je sortais dans des lieux isolés. On m'empêchait toujours de me créer des relations. Les seuls liens que j'avais étaient avec les sorciers et sorcières qui me sortaient et m'entraînaient. Ils étaient plusieurs. Ils revenaient irrégulièrement. Je ne pouvais pas en faire de calendrier.
Peu à peu ils se relâchaient, fatigués d'attendre le retour de notre maître, je suppose, ou n'y croyant plus. Alors, j'ai appris leur nom : Lucius Malefoy, Théodore Nott Senior, Narcissa Malefoy, Crabbe, Goyle, McNair… Ils m'ont appris l'histoire de leurs familles. J'ai appris que la sorcière qui m'accompagnait lors des raids était Bellatrix. Certains avaient presque aussi peur de prononcer son nom que celui du Seigneur des Ténèbres. Narcissa m'a parlé d'elle. Mais je ne comprenais pas ce qu'elle ressentait pour elle. J'écoutais surtout. Je parlais peu. Tout cela m'intriguait mais je ne savais pas quels mots utiliser pour poser mes questions. J'étais toujours aussi ignorante.
Les années ont passé. J'ai grandi. Les mangemorts me parlaient moins. Je crois qu'ils étaient gênés par mon regard vide, mon visage qui n'exprimait aucune expression, aucun sentiment.
Je n'étais jamais vraiment seule, mais jamais vraiment avec quelqu'un. Seule Nagini était avec moi tout le temps.
Et quand j'ai eu 16 ans j'ai ressenti quelque chose. Mon tatouage reprenait vie. Par conséquent, moi aussi. Si mon tatouage réagissait c'est que mon maître était de retour. Si mon maître était de retour alors je retrouvais un sens à ma vie. Je ne servais qu'à mon maître. Personne n'avait besoin de moi.
J'étais dehors avec les Malefoy. Je les ai entendus parler.
-Qu'as-tu fait ? On en était sorti. On a du pouvoir, tu as un rôle important au ministère. Notre fils est en sécurité et toi tu donnes un vieux journal à ce gamin ?
-Chut, Narcissa. Tu n'as pas à t'en préoccuper. Je devais m'en débarrasser. Quoi de mieux que de le donner à Potter ?
Potter. Je savais que ce nom était détesté parmi les nôtres. Il avait quelque chose qu'il n'aurait pas dû avoir. Et vu l'état de Narcissa et la tension de Lucius, ce ne pouvait être qu'en rapport avec le Seigneur des Ténèbres. Je souriais. J'avais appris à sourire au cours des dernières années. J'imitais le sourire de sorciers et sorcières qui venaient me voir. J'essayais de reproduire leurs expressions de visage. Mais rien ne me paraît naturel. C'est un effort. J'ai réussi à sourire après beaucoup d'entraînement. Je n'aurais pas pu le décrire. Je me suis rarement vu dans un miroir.
Je souriais parce que le retour de notre maître approchait. Je souriais parce que je comprenais que j'allais avoir à nouveau un sens. Je suis un outil. Si on ne m'utilise pas, je n'ai aucun sens.
Un jour, on a ouvert la porte de ma chambre. Nagini en a profité pour sortir. Quand je suis revenue, elle n'était plus là. Il n'y avait qu'un endroit où elle aurait pu aller : là où se trouvait son maître. Elle était partie à sa recherche.
Un jour, on est venu me chercher. Je n'attendais personne. On m'a fait sortir de ma chambre, de la maison, une bicoque en bois dans une forêt, abandonnée, sale. On n'avait préservé que ma chambre. Une petite pièce avec un simple lit, un bureau et une bibliothèque qui s'était étoffée au fil des années, impersonnelle. Je n'allais plus jamais y retourner. J'avais quitté ce que certains considéreraient comme une prison, mais je n'allais jamais être libre.
