A/N : Merci pour les commentaires encourageants. Ce chapitre a été un peu plus compliqué à écrire et a fait chauffer mes méninges.
Il n'est pas facile, pour un enfant, d'être en proie aux bouleversements et aux questionnements, mais c'est une étape nécessaire à son développement (qu'il soit enfant ou adolescent d'ailleurs).
Pas facile non plus, d'être un parent qui doit rassurer son enfant/adolescent et le guider dans ce processus d'apprentissage.
Et encore moins facile d'être un écrivain qui doit se mettre à la fois dans la peau d'un enfant de six ans, dans celle de son père soucieux de bien faire (surtout si c'est Seiya), et de retranscrire les états émotionnels des deux dans ce chapitre...
J'ai fait ce que j'ai pu; je ne suis pas entièrement satisfaite du résultat, mais j'en ai marre de tergiverser, alors soyez indulgents...
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Les recherches de Seiya l'avaient conduit dans l'ancienne maison de Shaina, laissée à l'abandon. Il savait qu'Eva venait parfois jouer dans ces ruines, mais là encore aucune trace d'elle, pas même un reste de cosmos. Quand elle ne voulait pas être trouvée, elle y réussissait parfaitement.
Pestant pour la millième fois, il rebroussa chemin. S'il avait su que tous les enfants n'étaient pas aussi sages que Théo, il n'aurait pas persuadé sa femme d'en avoir un troisième. Mais trop tard, un petit garçon arriverait dans deux mois.
Cette fois, Shaina ne voulait rien savoir hormis le sexe du bébé; Athéna n'avait donc pas dévoilé si le petit garçon serait un chevalier. Mais Seiya et Shaina s'en moquaient, du moment que leur petit Cassios naisse en parfaite santé.
Seiya s'arrêta net. Se pourrait-il que ? ...
Accélérant l'allure, il se dirigea vers un endroit particulier afin de vérifier ses soupçons.
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Eva était là, assise dans l'herbe, jambes croisées, les coudes sur les genoux et la tête au creux de ses mains. Devant elle se trouvait un petit bouquet de fleurs des champs fraîchement cueillies, déposé au pied d'une tombe marquée d'une simple croix de bois, avec un nom gravé en noir. Cassios.
Shaina entretenait toujours la tombe de son élève, et quand son ventre de femme enceinte l'empêchait de le faire, Seiya la remplaçait, relayé plus tard par Théo et maintenant par Eva.
Quand sa fille releva la tête, Seiya sentit sa colère fondre comme neige au soleil. Elle avait beau avoir son petit caractère, Seiya ne supportait pas de la voir pleurer. Quand Eva était malade, Seiya était malade aussi; quand elle avait mal il partageait sa douleur; quand elle était triste il aurait lui-même fait une pitrerie pour la voir sourire. Car quand elle souriait, elle resplendissait et le monde de Seiya s'illuminait. Sa femme et ses enfants avaient le pouvoir de chasser les ténèbres, ils étaient son monde, son havre de paix, et le Sagittaire préférait supporter mille douleurs que de voir sa famille souffrir.
Il s'agenouilla près d'Eva et l'enveloppa dans ses bras. D'une main posée sur sa chevelure verte, il attira sa tête vers lui jusqu'à ce que sa joue potelée repose sur sa poitrine.
- Ne pleure pas, ma princesse, murmura le chevalier. Tout va s'arranger, tu verras. Dis-moi ce qui ne va pas. C'est à cause de ce qu'a dit Oncle Shaka?
- Non, c'est juste que...
- Que quoi mon trésor?
Eva passa ses petits bras autour de la taille de son père et ils restèrent un moment enlacés, Seiya berçant doucement sa fille.
- Dis papa, tu n'es pas déçu d'avoir une fille comme moi? Tu aurais préféré avoir un autre enfant?
- Mais qu'est-ce que tu racontes? Chuchota le chevalier. Pourquoi serais-je déçu de t'avoir? Et que veux-tu dire par « une fille comme moi »?
- Ben, une fille qui fait plein de bêtises, et pas un gentil garçon comme Théo. Je ne le fais pas exprès, je te le jure, papa.
- Qu'est-ce que tu ne fais pas exprès?
- Faire des bêtises.
- Je le sais, ma chérie. Mais tu ne fais pas que des bêtises, enfin pas la plupart du temps. Tu sais, parfois on pense aider quelqu'un et faire la bonne chose, alors qu'en réalité on fait l'inverse. Cela part d'un bon sentiment. Mais je sais que tu ne le fais pas exprès, tu es encore petite après tout.
- Je ne suis pas petite, j'ai six ans, presque sept, et je m'entraîne très durement pour devenir une amazone aussi forte que maman, s'indigna Eva.
- Calme-toi, Eva. Je voulais simplement dire qu'il est normal à ton âge de faire des expériences, corrigea diplomatiquement Seiya. Et même si tu fais des bêtises, cela ne m'empêchera pas de t'aimer.
- Et même si... commença Eva.
- Même si quoi?
Seiya pouvait presque voir les engrenages tourner dans le cerveau fumeux de sa fille. Mentalement il remercia Shun de lui avoir offert divers livres sur le comportement et l'éducation des enfants, même si la psychologie n'était pas sa tasse de thé. Quand il était enfant, personne ne s'était soucié de son bien-être mental, et il était heureux de constater que les choses évoluaient.
Même si les apprentis étaient soumis à un entraînement physique extrêmement dur, Saori, dans ses nombreux projets de réorganisation du Sanctuaire, avait pensé à offrir aux enfants une éducation presque normale. Elle avait même sensibilisé les instructeurs au fait que le développement mental, basé sur la valorisation et l'estime de soi, était tout aussi important que la force physique, peu importe l'âge et le sexe. Sophia avait continué les réformes entreprises par Saori.
Afin de se rassurer sur le comportement irrationnel de sa fille et de trouver les réponses adéquates à ses questionnements, Seiya essaya de se rappeler les différentes phases du développement émotionnel des enfants, apprises au travers de ses lectures.
Manifestement Eva quittait sa phase d'exploration et d'expérimentation, sources des multiples incidents, et approchait de « l'âge de raison ». Elle commençait à s'interroger, à analyser les conséquences de ses actes, à se comparer avec d'autres enfants, et s'auto-critiquer. Des tas de questions devaient se bousculer dans sa tête, suffisamment pour renforcer les craintes et les incertitudes (peut-être sans fondement) qu'il voyait dans ses yeux émeraude.
De quoi apporter un mal de tête supplémentaire à Seiya, qui détestait réfléchir. Il aurait préféré qu' Eva lui pose des questions sur des techniques de combat ou lui demande son aide pour s'entraîner, mais il se doutait que ce n'était pas cela qui dérangeait sa fille.
D'un autre côté, un peu de réflexion ne lui ferait pas de mal. Elle n'aurait peut-être pas besoin de méditation avec Shaka après tout.
Il décida d'attendre qu'Eva déclenche l'avalanche de questions, il verrait bien ensuite comment réagir quitte à improviser.
- Je me suis disputée avec des apprentis aujourd'hui...
Seulement aujourd'hui ? Pensa Seiya.
- ... et ils m'ont dit que peu importe ce que je fais, je serai toujours faible parce que je suis une fille.
- Et pourtant tu t'entraînes pour l'armure d'argent du Cobra.
- Oui mais ils disent que l'armure va me choisir parce que j'ai un mauvais caractère comme maman.
- Je me demande s'ils oseraient le répéter devant ta mère...
Eva fit semblant de ne pas avoir entendu et continua à se morfondre.
- Ils ont dit aussi, que seuls les garçons étaient assez forts pour devenir chevaliers. C'est pour cette raison qu'il y a peu d'amazones, et que je n'aurai aucune chance d'être choisie par une armure d'or, contrairement à eux.
- Eva, si tu réfléchis une seconde, tu t'apercevras que c'est totalement faux, et que ces méchants garçons veulent uniquement t'embêter; ils n'arrivent probablement pas à te battre alors ils essaient de saper ton moral et de te faire perdre confiance en toi.
- Tu le penses?
- J'en suis certain. Quand j'avais ton âge, certaines personnes pensaient que je n'avais pas ma place ici dans le Sanctuaire uniquement parce que j'étais japonais. Utiliser le sexe ou la nationalité est un prétexte comme un autre pour dénigrer quelqu'un.
- Mais ils ont raison sur un point : un chevalier d'or est quand même plus fort qu'un chevalier d'argent ou de bronze.
- En principe oui, mais crois-tu pour autant que les chevaliers d'argent ou de bronze aient moins de valeur? C'est manquer de respect à tous les chevaliers ou amazones, et même aux soldats, qui donnent leur vie pour défendre Athéna. La force d'un défenseur d'Athena ne dépend pas uniquement de son sexe ou du métal dont est faite son armure.
- Je sais, mais ça me fait mal quand même.
- Alors ne les écoute pas. Il est plus facile de critiquer les autres et de se trouver des excuses que de travailler pour montrer sa valeur. Heureusement je n'ai pas écouté mes détracteurs, et regarde ce que je suis devenu.
- Justement, tu es un chevalier d'or.
- Mais cela n'a pas toujours été le cas. J'ai d'abord été choisi par l'armure de bronze de Pégase. Et malgré le fait que je possédais une armure, c'est Cassios, un simple soldat, qui m'a sauvé la vie en sacrifiant la sienne.
Son regard erra avec émotion sur la tombe du disciple de Shaina.
- D'autre part, je te rappelle que tes oncles Shun, Ikki, Shiryu, Hyoga et moi avons vaincu les chevaliers d'or avec nos « simples » armures de bronze. On ne naît pas fort ou faible, gentil ou méchant. A la limite nous sommes peut-être prédestinés à faire quelque chose ou à devenir quelqu'un. Mais c'est à toi de te construire, en fonction de ton caractère et de tes capacités, de tirer parti des ressources mises à ta disposition et de les exploiter au maximum, tout en restant fidèle à toi-même et à tes valeurs, sans écraser les autres. Fais ton possible pour atteindre le but que tu t'es fixé, et ne crois pas que vouloir devenir soldat a moins de valeur que de vouloir devenir chevalier d'or. Ce n'est pas le niveau, le sexe ou la nationalité qui détermine la valeur d'une personne, ce sont les efforts qu'elle fait pour persévérer; et même si elle ne parvient pas au but qu'elle s'est fixé, elle aura tout de même eu le mérite d'avoir essayé.
- Donc même si je n'ai pas d'armure d'or comme Théo, tu seras fier de moi ?
- Mais bien sûr ! Et qui te dis que tu ne peux pas devenir une amazone d'or? Tout n'est pas gravé dans le marbre. Je n'aurais jamais cru être capable d'obtenir une armure de bronze, encore moins une armure d'or.
- Et même si je suis une fille? Insista Eva, qui avait besoin d'être totalement rassurée.
- Et alors? Cela n'a jamais empêché ta mère de me protéger ! Et sois fière d'être une fille, une amazone est plus rare qu'un chevalier ! Honnêtement, qui est le patron dans le temple du Lion? Tante Marin ou Oncle Aioria?
- Tante Marin ! Répondit la petite fille sans hésitation en gloussant.
- Et tante Seika peut parfois se montrer effrayante, et pourtant elle ne porte pas d'armure. Et qui est le patron du Sanctuaire?
- Le grand Pope.
- Non, c'est Athena. Et aux dernières nouvelles Sophia est une femme. Tu vois, je pourrais te citer de nombreux exemples pour démentir les propos de ces apprentis.
- Tu pourrais me raconter un de ces exemples ce soir, avant d'aller me coucher...
- Je pourrais te raconter une histoire chaque soir pendant des mois, tellement il y en a, et... Attends un peu, tu n'es pas en train de m'embobiner, petit serpent ?
- Moi? répondit la petite fille d'un air innocent.
Seiya ne put s'empêcher de rire. Si sa fille redevenait cabotine, cela signifiait qu'il avait réussi à lui remonter le moral et à apaiser ses craintes. Elle s'imprégnait de ses paroles, ses conseils faisant leur chemin vers son cerveau.
- Je crois... que tu as raison papa.
- Évidemment, ton père a toujours raison !
- Sauf quand maman dit que tu as tort, rétorqua sa fille avec un petit sourire.
Oh oui, sa petite princesse redevenait elle-même. Ces appentis n'avaient qu'à bien se tenir...
- Je vais continuer à m'entraîner très dur, peu importe ce que disent les gens; ils devront m'accepter comme je suis. Et si Théo et même Cassios ont une armure d'or, tant mieux pour eux. Je serai fière de porter l'armure d'argent de maman, et j'essaierai de m'améliorer et de réfléchir avant de faire une bêtise; du moment que vous m'aimez maman et toi, le reste n'a pas d'importance.
- Bien dit, ma chérie. Mais si on rentrait maintenant, maman doit s'inquiéter et ce n'est pas bon dans son état. De plus elle va préparer des spaghetti alla carbonara , tu ne voudrais pas manquer ça?
- C'est mon plat préféré !
- Tu grimpes sur mes épaules pour aller plus vite?
Eva répondit de son air le plus dédaigneux :
- Papa, je suis une future amazone, pas une petite fille fragile, je peux courir aussi vite que toi.
- Alors faisons la course. A vos marques, prêts, partez !
Tous les deux se mirent à courir, appréciant l'air frais sur leur visage, chacun plus léger d'un poids. Bien sûr Seiya n'avoua pas à sa fille qu'il ne donnait pas sa pleine puissance pour qu'elle puisse le suivre.
Le Sagittaire était soulagé et fier de lui, il avait réussi à rebooster Eva tout en abordant le thème délicat de ses bêtises, et avec un peu de chance, elle réfléchirait à ses actes et se calmerait en grandissant.
Après tout, ce n'était peut-être pas un trait de caractère comme il l'avait craint. Juste un mauvais passage avant « l'âge de raison ».
Et si Cassios se révélait aussi facile que Théo, il aurait trois merveilleux enfants sages.
Une famille formidable et une vie sans souci.
Au même moment, dans la salle du Trône
Sophia sentit une douce chaleur l'envahir, et sut que la déesse Athena avait réintégré son corps.
Elle revenait de l'Olympe et ne manquait jamais d'informer Sophia des derniers potins dont elles étaient toutes les deux friandes. A défaut de plans de bataille, il fallait bien s'occuper en temps de paix.
- Alors Athena, quoi de neuf sur l'Olympe?
- Oh, rien d'extraordinaire. Les chamailleries habituelles. Mais j'ai quand même réussi à obtenir quelques informations sur la prochaine génération de chevaliers. Ça t'intéresse?
L'air faussement désinvolte de la déesse ne trompa pas Sophia. Athena tenait un scoop.
- Vas-y, montre-moi !
Athena projeta alors la vision de la salle du trône remplie de nouveaux chevaliers d'or.
Certains visages étaient totalement inconnus, mais le regard de Sophia capta une scène qui la fit sourire.
Elle identifia tout de suite Cassios, devenu adulte, grâce à sa ressemblance avec son frère Théo du Sagittaire. Malgré la différence d'âge, ces deux-là auraient pu se faire passer pour des jumeaux. Ils semblaient avoir une discussion houleuse avec un autre chevalier, qui avait l'air de les engueuler. A bien y regarder, il s'agissait plutôt d'une belle amazone sans masque, aux cheveux verts et au regard impérieux, portant une armure d'or que Sophia n'avait jamais vue, mais qu'Athena avait tout de suite identifiée.
- Il semblerait que Seiya n'en ait pas fini d'en baver avec ses enfants, ils ont hérité du sang chaud de Shaina, murmura Sophia avec un gloussement.
- Tu sais ce qu'on dit : « Petits enfants, petits problèmes. Grands enfants, ... »
Elles regardèrent la vision d'Eva gesticuler et tenir tête à ses frères, tous les trois se disputant en Italien, sous le regard amusé des autres chevaliers. Un spectacle digne de la Commedia dell'arte.
- Qu'est-ce qu'on fait? reprit Athena hilare. On lui annonce que sa fille ressuscitera l'armure d'or du Serpentaire?
- Oh non, pas tout de suite; il faut savoir faire durer le plaisir.
- Tu as raison. Attendons d'abord la naissance de Cassios. Nous pourrons ensuite annoncer à Seiya que son fils deviendra le nouveau chevalier d'or du Cancer.
- Il lui faudra au moins quelques années pour s'en remettre.
- Et digérer le fait que Cassios devienne l'apprenti de DM.
- Et que DM apprenne à ses enfants à jurer en Italien...
Les deux amies eurent un rire complice. Déranger Seiya et voir sa tête ahurie était toujours un tel plaisir.
Fin