Merci pour vos commentaires sur le premier chapitre, je suis ravie que cette histoire vous plaise !
Réponse à Avril : Je suis contente que tu apprécies Eric, j'ai prit grand plaisir à écrire ce personnage. Merci pour tes compliments sur l'écriture, et le titre (j'adore imaginer les titres) :D
Voici donc la suite !
LE PRISME DE VERRE
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Chapitre 2 : Vert
Le corps de Sherlock est habitué depuis bientôt deux décennies à ne pas se soumettre à trop d'heures de sommeil, afin d'avoir le plus de temps possible tout en étant suffisamment reposé. Les deux années passées à travers le monde pour démanteler le réseau de Moriarty ne font guère exception, ayant même poussé le détective à ne dormir que très peu d'heures par nuit. Il arrivait même parfois qu'il veille presque une semaine entière, quand les situations étaient vraiment critiques et instables.
Mais ce matin-là, ce qui réveille doucement Sherlock, c'est la lumière du soleil, filtrant à travers le rideau blanc et fin de la chambre. Le détective est perdu un bref instant en constatant qu'il n'est pas dans le logement de luxe prêté par Mycroft. Mais une demie seconde lui suffit pour se rappeler de la veille. Le rejet de John, Mary, le taxi partant au loin, la promenade en solitaire, le cornet de frite, Eric, Eric qui l'embrasse, Eric qui le plaque contre la porte, Eric qui l'emmène au lit, Eric qui le soigne avec tendresse, Eric qui le caresse, l'embrasse, et lui parle avec des mots doux. Eric, Eric…
Couché sur le ventre, les bras pliés sous l'oreiller où repose sa tête, Sherlock ressent bien plus ses joues chauffer plutôt que les compresses dans son dos. Il en est certain, il y a bien longtemps qu'il n'a pas dormi comme ça. Un sommeil long, réparateur, et sans aucun rêve. Une nuit dont il souhaiterait avoir à chaque fois qu'il se couche. En bougeant dans le lit, Sherlock se rend compte qu'il est seul, son corps dénudé seulement couvert d'un drap. Il lève la tête pour regarder l'heure sur radio-réveil posé sur la table de chevet, et lit 10:07. Bon sang, lui qui rejette toute forme de grasse matinée, quelle ironie.
Sherlock s'assoit au bord du lit, étirant ses bras comme un chat. Dans la manœuvre, il sent les bandages dans son dos. Eric a fait un bon travail, il ne sent plus ses cicatrices tirailler sa peau. Sherlock regarde autour du lit, cherchant ses vêtements. Après avoir enfilé son caleçon (légèrement tâché sur le devant pour une certaine raison), ses chaussettes et son pantalon, le détective soupire en constatant que sa chemise blanche est tâchée çà et là de sang. Elle est fichue. Dommage, c'était une de ses préférées. Sherlock va pour tout de même la remettre, jusqu'à ce que ses yeux remarquent une chemise propre posée sur la commode à côté de la table de chevet. Il y a un petit papier dessus. Je pense qu'on fait à peu près la même taille, ça remplacera la tienne. Un petit visage souriant accompagne le mot posé sur la chemise blanche. Sherlock sourit, attendri de cette marque d'attention. Il enfile le vêtement, et à part les manches qui sont un peu trop courtes, la chemise lui va bien. Ça ne vaut guère le sur-mesure, mais c'est très convenable.
Satisfait de sa tenue, Sherlock quitte la chambre et cherche les cabinets. Ils se trouvent à côté de la salle de bains. Une petite minute plus tard, le détective se dirige vers ladite salle de bains pour se laver les mains. Tout est propre dans la pièce de la cabine de douche au lavabo ainsi que les meubles et étagères. Eric a tout l'air d'une fée du logis. Piqué par la curiosité, Sherlock ouvre la petite armoire au dessus du lavabo, observant les médicaments la remplissant. Il n'y a rien de particulier, si ce n'est que Eric semble largement privilégier les soins par les plantes, une multitude d'huiles essentielles occupant toute la partie gauche du petit meuble, ainsi d'un bon tiers de l'autre côté. En bas sont rangés le paquet de compresses, le sparadrap et le désinfectant. Sherlock sourit, une fois de plus reconnaissant. Eric était vraiment doux dans ses gestes pour soigner son dos égratigné, le tout sans poser de questions.
Sherlock prend le couloir, jetant un œil distrait aux posters de groupes de musiques accrochées. Peut-être que ça parle à John « Mogwai », « Depeche Mode » et « U2 » ? Le détective n'y connaît rien, les rares musiques contemporaines qu'il connaît viennent de divers artistes. Il remarque aussi la barre de traction fixée au milieu du couloir. Elle doit servir très souvent, étant donné les bras assez musclés de Eric.
En arrivant dans le séjour, Sherlock est surprit de constater que Eric ne s'y trouve guère non plus. Un petit carré jaune fluo attire son attention. Il faut croire que le restaurateur aime laisser des mots. Celui-ci dit Il ne restait vraiment rien pour faire un petit déjeuner décent pour nous deux. Je suis vite fait parti chercher au Tesco de quoi manger. Là encore, un petit visage souriant orne le mot. Sherlock se dit que Eric doit être le genre de personnes à mettre beaucoup d'émojis dans ses messages. En attendant, il ne sait guère quoi penser du fait que cet homme est parti faire des courses en laissant un parfait inconnu chez lui. Est-ce de l'inconscience ou autre chose ? Sherlock est dubitatif.
Il décide donc d'attendre son hôte en observant une fois de plus son environnement. Le brun peut voir plus en détail ce qu'il avait aperçu hier en arrivant, avant de se faire embrasser à en perdre la raison. Sherlock hoche la tête, chassant se souvenir réveillant trop son anatomie à son goût. Ses yeux parcourent ainsi la longue étagère métallique remplie de livres, tous alignés impeccablement, aucun ouvrage ne dépassant. Il voit beaucoup de polars, de romans noirs, et quelques histoires semble t-il romantique, à en juger les titres. Il remarque aussi beaucoup de livres photos, sur de nombreux pays de l'Amérique du Sud, d'Asie et d'Océanie, ainsi que des biographies de musiciens, de peintres. Sherlock regarde du bas vers le haut et de droite à gauche, remarquant en dernier un livre serré entre la surface métallique de l'étagère et un dictionnaire une Bible, dans une édition élégante. De nombreux bouts de papiers dépassent des pages. Curieux, Sherlock prend le livre, et l'ouvre là où reposent les marques pages.
Le détective a une assez piètre connaissance des religions, peu importe les continents d'où elles viennent. Et en lisant un verset ci ou là, cela ne lui parle aucunement. Mais Eric semble s'y intéresser. Rien de bien particulier. Beaucoup de personnes lisent un ouvrage religieux pour se cultiver. Ce que Sherlock se demande, c'est est-ce que si Eric pratique, comment se fait-il que-
Un pas lourd résonne dans la cage d'escaliers, surprenant Sherlock. Il range le livre, veillant à ce que l'ouvrage soit bien aligné avec le reste. Il en prend un autre au hasard, tandis que les pas se rapprochent naturellement de la porte. Quand Eric ouvre, il tombe sur le détective feignant de s'intéresser aux cinquante dates les plus marquantes de la carrière de Etta James.
- Salut, dit-il avec un sourire.
- Salut, répond Sherlock avec un drôle de rictus.
- Tu n'es pas très doué pour faire semblant, dis-moi ?
Sherlock rougit furtivement, il pensait être crédible. Il peut voir aussi que le jean noir et la chemise à petits carreaux rouges et noirs vont très bien à Eric.
- Tu n'as pas attendu trop longtemps ?
- Non, je me suis réveillé il y a un quart d'heure.
- D'accord. J'ai acheté plusieurs trucs, je ne sais pas ce que tu manges.
- Je ne mange pas souvent le matin en fait, répond Sherlock en rangeant le livre.
Eric fait les yeux ronds, surpris. Il invite le détective à s'installer devant l'îlot central de la cuisine, tandis qu'il range ses achats. Après une (longue) liste de suggestions de repas du matin, Sherlock opte pour les tartines grillées beurrées et à la confiture de groseille avec un bol de café noir. Eric prend un croissant avec un café au lait. Pendant qu'il observe son vis à vis préparer les boissons, Sherlock se rappelle que John prend, lui, un grand bol de café brut, deux tartines grillées et beurrées aussi, mais avec de la confiture d'abricot ou de fraise, en fonction de son humeur.
- Je crois que tu n'as pas encore entièrement émergé, fait doucement remarquer Eric, sortant Sherlock de ses pensées.
- Plutôt, oui. Habitue-toi à ce que je m'absente souvent comme ça.
- Que je m'habitue ?
La voix de Eric est emprunt d'une surprise non dissimulée, et Sherlock relève d'un coup la tête en constatant sa remarque. Qu'est-ce qui lui a prit de dire ça ? Et puis il voit le visage de son interlocuteur. Bienveillant, toujours souriant, et teinté d'une légère malice. Avec la lumière du matin provenant de la grande fenêtre du séjour, Sherlock remarque plus en détail les nuances de bleu des iris de Eric, ainsi que les reflets blonds de sa chevelure grise. Sa peau assez olive. Les petites ridules entourant ses yeux et les coins de ses lèvres. La couleur rosée desdites lèvres, fines. Sherlock sent son regard se perdre quelques instants sur cette bouche. Eric aussi.
- Encore une absence ? demande t-il d'un ton taquin.
- Pardon, répond Sherlock d'une petite voix.
- Ça ne me dérange pas.
Ils s'échangent un dernier regard avant de terminer silencieusement leur petit déjeuner, l'appartement étant principalement rythmé par les sons de la rue. Une fois le repas terminé, Eric récupère la vaisselle et la dépose dans l'évier, tandis que Sherlock réfléchit à ce qu'il va faire à présent. Il faut qu'il mette au courant les personnes « principales » de son entourage de son retour. Même si ça n'est pas équivalent à John (ne pas penser à son rejet, ne pas penser à son rejet...), Madame Hudson, Lestrade et Molly Hooper comptent aussi. Et puis Sherlock doit beaucoup à cette dernière, la légiste ayant accepté sans broncher de participer à son plan, non sans une larme ou deux. D'après Mycroft, les dernières personnes en lien avec le réseau ne posent plus de soucis, étant décédées ou emprisonnées, et l'annonce officielle du retour du détective ne devrait plus tarder. Sherlock estime l'annonce vers le milieu d'après-midi, au plus tard.
Sherlock cligne des yeux en sentant une main sur son épaule. Il regarde Eric, ce dernier ayant une étrange aura dans les yeux.
- Est-ce que je peux vérifier tes cicatrices ?
- Je n'ai pas mal.
- D'accord. Tu sais si elles sont quand même bien restées fermées ?
- Je ne pense pas mais… Oui. Vérifie quand même, s'il te plaît.
Sans guère savoir pourquoi, Sherlock se laisse spontanément se faire déboutonner la chemise, voyant bien les pupilles légèrement dilatées de Eric. Au fond de lui, il sent bien son cœur battre plus vite qu'il y a quelques secondes. Eric le contourne et observe sans un mot les blessures, changeant les compresses. Le froid du désinfectant fait quelque peu frissonner Sherlock, qui veille tout de même à ne pas trop gesticuler sur son tabouret. Il ne veut pas trembler comme une feuille comme la veille, surtout quand Eric lui caressait l'oreille avec sa langue pendant qu'il pinçait ses tétons. Sherlock se demande ce que ça fait quand les mamelons sont-
- J'ai changé les compresses, et ton dos a bien cicatrisé.
- Merci, chuchote le détective.
Il faut qu'il parte, au plus vite.
Il remet sa chemise, la boutonnant en vitesse. Il sent que Eric ne le lâche pas des yeux, une question lui brûlant les lèvres. Sherlock l'invite d'un petit Oui ? à la poser. Eric se pince la lèvre et triture ses doigts avant de parler.
- Je me doute que c'est confidentiel, mais...Qu'est-ce qui s'est passé ? Je veux dire… ce faux suicide, cette absence de deux ans…?
Sherlock regarde Eric d'un air sérieux. Pourquoi cet inconnu, car il en est plus ou moins un, s'inquiète autant pour lui ? Le détective se sent bête à ne pas savoir. C'est si perturbant de voir quelqu'un aussi nerveux quant à sa situation alors qu'il se sont rencontrés la veille. En fait, c'était pareil pour John… Et comme John, Sherlock sent qu'il peut faire confiance à Eric. Il prend une brève inspiration.
- L'homme qui s'appelait Moriarty menaçait de faire tuer mes amis si je ne suicidai pas. Et pour être certain que je le fasse, il s'est tiré dans la bouche. La seule façon de faire en sorte que mon entourage reste en vie, c'était de feindre de mourir. Alors… Avec l'aide de plusieurs anonymes, j'ai… j'ai fais mine de me suicider en sautant du toit devant mon meilleur ami. Il y avait un grand matelas de réception, et mon ami ne voyait rien grâce à un petit bâtiment. Et… Et les anonymes, déguisés en médecins et infirmiers sont venus récupérer mon « corps », sous les yeux de… de…
Sherlock ne pleure pas, mais il sent son corps se bloquer, ses cordes vocales clairement devenues incapables de faire le moindre son, ou ses membres de faire un mouvement. Cependant, il perçoit bien la grande chaleur qu'émet le corps de Eric lorsque ce dernier le sert tendrement dans ses bras, son visage reposant sur son épaule. Délicatement, pour ne pas faire bouger les compresses, il frotte sa paume sur le dos du détective, tout en chuchotant.
- Cet ami, c'est John Watson ?
Sherlock parvient a légèrement hocher de la tête.
- J'ai lu chaque article de son blog, continue Eric, et rien qu'avec ses textes, je pouvais sentir la complicité entre vous deux. Il y a… Il y a un post datant après ta « mort », et son amitié et sa confiance sont restées intactes.
- Peut-être à l'époque, mais plus maintenant…
- Comment ça ?
Eric va pour se retirer et regarder Sherlock, mais ce dernier le sert à son tour dans ses bras, de sorte à ce que lui et son interlocuteur demeurent dans cette position d'accolade qui empêche de voir le visage de l'autre. Les chuchotements continuent.
- Je suis allé le voir pour la première fois depuis deux ans… Et il m'a rejeté. Il m'a reproché de ne lui avoir donné aucun signe de vie…
- Tu ne pouvais pas prévoir. Toutes les réactions sont possibles.
- Je sais, mais… Voir toute cette colère dans son regard, et aussi l'entendre dans sa voix, c'était sans aucun doute plus douloureux que quand il m'a frappé.
- Il t'a frappé ?
- Il a ses mauvais jours, comme il dit…
- Je suis désolé, Sherlock, vraiment.
Eric n'entend rien d'autre qu'un vague murmure en guise de réponse. Lui et Sherlock restent plusieurs minutes dans cette position, leurs respirations se synchronisant naturellement. Finalement, ils se séparent, s'échangeant un bref regard de compassion. Puis Sherlock récupère son manteau posé sur un fauteuil du séjour, n'ayant au final aucune autre affaire à prendre. Si, la chemise tâchée, ce serait tout de même plus poli de la récupérer pour la jeter. Sherlock va la chercher dans la chambre. Comprenant sa requête, Eric lui désigne la poubelle. Quand le détective fourre le vêtement dans le compartiment, son vis à vis pousse un léger soupir de déception.
- C'est dommage, elle t'allait bien.
- Merci de m'en avoir prêtée une.
- Garde-la, j'en ai d'autres. Et puis elle te va bien.
Eric dit cela avec une lueur étrange dans le regard, et Sherlock a du mal à déglutir, tandis qu'il enfile son manteau. Le détective réfléchit, espérant n'avoir rien oublié de dire. Mais le restaurateur lui pose une autre question.
- Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
- Je vais annoncer le retour de Sherlock Holmes, répond le brun avec un sourire jovial.
Eric pouffe, ravi, et rassuré que son interlocuteur puisse plaisanter malgré sa situation délicate.
- Tu devrais réessayer avec John, dit-il d'un ton plus formel.
- J'y compte bien.
- Attends.
Sherlock se stoppe, tandis qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte. Il observe Eric sortir un nouveau post-it, écrivant en une poignée de secondes quelque chose. Il lui tend le bout de papier, et Sherlock comprend.
- Appelle-moi si tu as besoin de quoique ce soit.
- Merci, Eric.
Sherlock articule bien le prénom, glissant lentement le papier dans une poche intérieure du manteau. Il ouvre la porte. Il peut partir dès maintenant. Descendre les marches et s'en aller. Mais quelque chose le pousse à se retourner. Et il ne regrette guère ce choix. Eric ne le lâche pas des yeux, sa poitrine se mouvant plus rapidement qu'il y a quelques instants. Sherlock constate cela, et juste après, il se retrouve collé contre la rambarde de l'escalier, ouvrant la bouche à l'instant où les lèvres de Eric se collent précipitamment sur les siennes. Quelques soupirs s'échappent, tandis que les cheveux bouclés de Sherlock sont légèrement tirés par une main vorace. Eric n'est pas en reste, ses épaules emprisonnées par les mains de Sherlock. Le besoin d'air finit par se faire ressentir, et les hommes se séparent, se lorgnant quelques secondes. Finalement, ils se raclent la gorge et font tout pour reprendre une respiration convenable. Eric ne peut s'empêcher de remettre en place le col du manteau, ses doigts effleurant le doux tissu de l'écharpe. Sherlock se décolle de la rambarde. Il tousse brièvement, avant de hocher la tête.
- Bo… Bonne journée.
Il ne sait guère si Eric lui répond, il préfère descendre à toutes jambes les escaliers.
•
Au départ, Sherlock craignait que le moindre passant le reconnaisse, mais contre toute attente, seules quelques personnes l'accostent timidement, et le détective feint d'être quelqu'un d'autre, répondant qu'elles confondent. Sans le chapeau ridicule que le public a retenu, il reste plutôt discret. Ce n'est pas plus mal, Sherlock ne compte pas le remettre. Marchant d'un pas déterminé en plein cœur de Londres, il réfléchit à qui il devrait d'abord rendre visite. Une voiture de police passe à toute vitesse dans la rue, la sirène hurlant. Sherlock sourit. Il sait qui sera sa première victime.
Le parking souterrain où il se retrouve est vraiment sombre, mais suffisamment éclairé pour bien distinguer la silhouette familière de Lestrade. Sherlock le suit de loin, son côté théâtral voulant réapparaître de manière mystique aux yeux de l'inspecteur. Le signal de départ est clairement le moment où Lestrade choisit de s'allumer une cigarette. S'il était dans un environnement plus éclairé, Sherlock sait qu'il pourrait déduire à partir de quand le policier a recommencé. D'un pas ferme, les mains dans le dos, il prend sa voix sérieuse, celle où son ton sonne le plus mystérieux. Il adore cette voix.
- Ça va vous tuer.
L'effet cherché semble fonctionner. Sherlock retient un sourire en voyant Lestrade se figer pendant plusieurs secondes.
- Oh, espèce de fumier ! s'exclame t-il.
Sherlock sort de l'ombre, craignant un instant que son nez souffre à nouveau. Comme à John, il faut s'expliquer.
- Il est temps pour moi de revenir. Faîtes attention à ne pas vous laissez aller.
Il regarde l'inspecteur, essayant d'anticiper sa réaction. Être prit dans ses bras, tel un ours en peluche dans les bras d'une fillette n'en faisait pas parti. Ça fait au moins une bonne réaction de son retour dans son entourage…
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Molly Hooper ferait de la concurrence à toutes les boîtes à ressort du monde, sursautant en voyant Sherlock dans le miroir de son casier.
- Merci encore pour votre aide, dit le détective avec un sourire reconnaissant.
Hooper avait toutes les raisons de refuser, mais elle a tout de même accepté. Cette fidélité n'est clairement pas donnée à tout le monde, et Sherlock en a conscience. Il s'en veut au fond de lui briser le cœur involontairement.
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Madame Hudson est celle qui a la réaction la plus incongrue. Par sécurité, Sherlock compose le 999 avant de franchir le seuil du hall, le risque d'évanouissement de la part de la logeuse étant élevé. Finalement, Sherlock hésite tout de même à contacter les urgences, pour lui-même, étant donné le nombre de décibels que reçoivent ses oreilles. Et en plus d'une probable lésion des tympans, Sherlock pense ajouter une à la peau, et plus précisément sur les joues, ayant reçu un nombre incalculable de baisers mi-affectueux mi-agressifs.
C'est d'ailleurs avec un grand sourire que Hudson invite aussitôt Sherlock à se réinstaller au 221B, après un bon dépoussiérage. Et en guise d'excuse, le détective accepte sans trop rechigner d'aider sa vieille dame préférée. À la fin du ménage, vers quatorze heures, il reçoit un appel. C'est Mycroft. Pour confirmer sa totale liberté. Ça, ça peut attendre. Pour le moment, il doit faire quelque chose. Eric et Madame Hudson sont au courant de la réaction de John, et partagent la même opinion. Il doit retenter. Inutile de le dire. Même si les Dieux venaient le voir en personne pour le déconseiller, Sherlock désobéirai. Il faut qu'il revoit John. Il faut qu'il comprenne. Il le faut.
•
Parcourant un dossier médical d'un patient, Mary repense avec un sourire non dissimulé à un message que lui a envoyé une de ses amies. Visiblement, sur Twitter, le hashtag SherlockHolmeslives est monté Top trending mondial en une demie heure. D'un autre côté, cela la rend assez mélancolique. Elle n'a jamais vu John autant en proie à la colère jusqu'à hier. Il faut dire que la petite mise en scène de Sherlock ne figure pas dans ses meilleurs plans, même si c'était très drôle, surtout avec son accent français assez cliché et sa moustache dessinée au khôl. Sur le coup, elle a aussi été choquée de la révélation, mais a très vite comprit la bonne nouvelle que ça cachait. Il faut croire que ça ne l'était pas pour John. Son futur époux (elle a vu la bague) n'a pas dormi de la nuit. Mary le sait, elle l'a entendu à plusieurs reprises remuer et grommeler dans sa moustache, en plein débat intérieur. Il se retrouve aujourd'hui avec des cernes terribles !
Concentrée sur l'écran de son ordinateur, Mary ne remarque pas tout de suite l'arrivée d'un nouveau patient. Elle lève la tête pour accueillir comme à son habitude, et reconnaît aussitôt Sherlock.
- Bonjour, Sherlock, chuchote t-elle, ne voulant pas que John l'entende.
- Salut, répond le détective avec un sourire, et Mary comprend le message. John est ici, j'imagine ?
- Il est juste à côté, en consultation. Il devrait finir d'ici cinq minutes, et nous n'avons pas de rendez vous dans la prochaine demie heure.
- Est-ce que vous… tu peux faire en sorte que je sois comme un patient urgent ?
- Tu es sûr de ton coup ? demande Mary, le sourcil haussé.
- Pas le moins du monde, mais je veux essayer.
- Bon, d'accord.
Elle appuie sur le raccourci de son téléphone pour contacter celui du cabinet de John. Elle lui explique d'un ton professionnel l'arrivée d'un patient très anxieux ayant besoin d'un rapide avis d'un médecin quant à l'ongle de l'auriculaire gauche devenu noir à cause d'un choc. Sherlock peut entendre un vague Ok. Il faut dire que Mary a été convaincante dans sa drôle d'histoire improvisée. Ainsi, Sherlock s'assit dans la salle d'attente vide. Les minutes suivantes, ses pensées tournent en boucle.
Il faut que ça marche. Il le faut.
o
À suivre...
