—Aller ! Comme le dit notre cher Président, c'est l'heure de devenir des héros sœurette ! me dit Victor alors que la sonnette de la porte d'entrée retentit. Oh, ça doit être Nabil, dépêche ! Je ne veux pas être en retard pour choisir !
—Yo ! fait Nabil en entrant alors que mon frère lui ouvre rapidement.
Je les entends discuter et notre voisin s'extasier sur le nouveau téléphone de mon jumeau. Pendant que ce dernier acquiesce je prends le temps d'éteindre mon propre portable sur lequel nous regardions encore un match de Tarak, le Maitre de la Ligue Pokemon et plus grand dresseur de Galar. Enfin, Victor regardait et commentait avec enthousiasme pendant que pour ma part je restais silencieuse. Les combats pokemon, les matchs de la Ligue, tout ceci ne m'emballe pas vraiment autant que tous les jeunes de mon âge. Je ne le dis pas, j'ai peur de passer pour une sorte d'extraterrestre si j'osais dire que regarder une retransmission m'ennuie au plus haut point. Ou bien que l'idée de bientôt commencer mon voyage initiatique dans la région ne me fait pas particulièrement bondir de joie. J'ai essayé de le dire une fois, que cela ne m'intéressait pas, mais tout le monde doit en passer par là, ça « forme la jeunesse » !
Bien, il semble donc que je n'ai pas le choix et que je doive faire ce voyage, attraper des Pokemon et affronter les champions des huit arènes avant de parvenir au sommet et me mesurer à notre star : Tarak. Très bien oui, mais et ensuite ? Que font donc les dresseurs de leur vie une fois tout ce programme achevé ? Maman a arrêté d'être dresseuse. D'autres comme nos voisins aussi à un moment, mais comment ont-ils eu l'idée de le faire ? N'est-il pas possible d'avoir un autre avenir que celui de dresseur obligatoirement en premier ? Et suis-je vraiment la seule à me poser autant de questions sur tout ça ? Maman dit que je réfléchis trop et que le voyage m'éclairera de toute façon sur tout ça tôt ou tard. Quant à Victor, lui, son enthousiasme n'est absolument pas à remettre en cause. Il en a même peut-être assez pour deux d'ailleurs.
J'entends Maman saluer Nabil qui dit être venu en courant pour nous chercher. Avec mon frère, ces deux-là sont décidément totalement mon opposé à être si empressés et excités pour un rien.
—N'oubliez pas vos sacs ! Peut-être qu'on va recevoir des cadeaux, dit notre voisin, toujours aussi fou-fou.
—J'ai déjà le mien, je suis prêt ! Et toi Victoire ?
—Je vais le chercher et j'arrive, je réponds posément.
—Bien ! Dépêche, j'en peux plus tellement je suis impatient, ajoute mon frère. On t'attend devant la maison !
Et les voilà à sortir tels deux courants d'air avec un rapide salut à Maman. Je lève les yeux au ciel avec un demi sourire. Il n'avait pas besoin de me le dire pour que je le devine, c'est inscrit sur son visage. Bien ! Je me lève et me dirige donc vers ma chambre pour aller chercher mon sac et rejoindre les garçons. Empressés comme ils sont, ils pourraient tout aussi bien ne pas m'attendre si je traine trop. Je fais une petite caresse sur la tête de notre Goinfrex endormi au passage, ce qui le réveil avec un drôle d'air sur sa petite bouille.
J'attrape le sac qui appartenait à Maman quand elle était plus jeune ainsi que mon chapeau et je suis fin prête pour débuter cette aventure donc. L'avantage de devoir partir sur les routes c'est qu'au moins je pourrais rencontrer beaucoup de monde et voir autre chose que notre village. Juste avant de me diriger vers la porte d'entrée, j'approche de ma commode où repose ma pokepoupée à l'effigie d'Evoli pour prendre la petite pokeball qui se trouve à côté. Je la saisi et l'observe avec un léger sourire nostalgique. Contrairement mon jumeau, aujourd'hui je ne vais pas recevoir mon premier Pokemon, mais bien mon second. J'en ai déjà un, même si c'est un peu atypique. Un peu comme moi en fin de compte, mais c'est vrai, mon stater ne sera pas mon premier compagnon.
J'empoche la ball et ça y est, il est temps de quitter la maison. Je fais une bise à Maman qui me couve d'un regard mêlant tristesse de me voir partir et joie en même temps que je grandisse et fasse mes premiers pas dans la vie. Ce n'est que demain que nous la quitterons vraiment pourtant.
—Je sais que tu dois encore te poser cent mille questions ma chérie, mais ne t'en fais pas. Tu trouveras des réponses grâce à ce voyage, aux amis que tu te feras en route. Ce sera aussi grâce à ton petit compagnon que tu as déjà depuis que vous vous êtes rencontrés et à ceux que tu croiseras encore. Prends soin de toi et veille sur ton frère et Nabil, d'accord ? Ils auront besoin de ton tempérament plus calme et posé.
Une dernière caresse sur ma joue de sa douce main et enfin, je passe le pas de la porte. Les garçons me font signe depuis le chemin et je les rejoins rapidement avant que nous nous mettions en route pour la maison de Nabil. Ce dernier se fend au passage d'une remarque sur mon sac avant de convenir que ça pourrait être utile si son frère me donne un Pokemon énorme. Encore une fois, mes yeux viennent rencontrer les nuages quand je les lève. Il sait pourtant quels sont les starters que nous allons avoir, je le lui ai déjà dit. Et non, ils ne sont pas énormes du tout. Enfin peu importe leur taille de toute façon, puisque dans une pokeball ils ne pèsent rien et ne prennent pas de place non plus. Mais enfin, je ne réponds rien et nous poursuivons notre chemin.
Un Moumouton s'acharne sur la barrière menant à la Forêt de Sleepwood et nous nous étonnons de son comportement quand on sait que ces Pokemon sont particulièrement calmes et pacifiques d'ordinaire. Nous n'avons pas le temps de nous attarder cependant, Nabil fait déjà la course avec Victor et je vais être à la traine encore.
Paddoxton est tout de même très joli comme village où grandir et chaque champ devant lequel je passe me rappelle nos parties de cache-cache avec mon frère dans ces derniers. Cela me rappelle aussi lorsque durant l'un de nos jeux j'ai trouvé mon premier compagnon blessé et terré dans un fourré. Quelle belle rencontre quand j'y pense. D'un autre côté, je crois que c'est aussi là que ma vision des choses concernant les combats pokemon et ce voyage pour devenir dresseur a changé. Je secoue la tête, ce n'est pas le moment de songer à ça. Resserrant ma main sur la pokeball dans ma poche, je presse le pas pour rejoindre les garçons.
Arrivés, nous entrons et saluons la maman de Nabil qui se trouve dans la cuisine. Bien sûr, notre ami demande immédiatement après son frère et sa mère tente de les temporiser un peu, lui et son impatience légendaire. Elle nous indique ensuite que Tarak doit être à la gare de Brasswick et bien entendu, Nabil veut que nous allions à sa rencontre, argumentant que son frère va se perdre en chemin puisqu'il n'a aucun sens de l'orientation. Leur relation est assez spéciale, je n'oserais jamais dire ça de Victor et pourtant, lui non n'est très doué en orientation.
Les deux jeunes hommes sont déjà ressortis pour filer à la gare. Je salue poliment la maman de Nabil et les rejoins rapidement. Cela va-t-il toujours être ainsi durant ce voyage ? Eux qui courent devant et moi qui les suis ? Je suis déjà fatiguée rien qu'à cette idée…
La route menant à Brasswick regorge de Pokemon sauvages, nous devons faire attention. Nabil dit que lui ne risque rien grâce à son Moumouton et que moi aussi cela devrait aller grâce à mon ami. Victor boude un peu de ne pas avoir lui aussi un Pokemon mais il se déride vite lorsque je lui rappelle que bientôt il en aura un à son tour. Les garçons sont vraiment des bébés quand même… De toute façon, hors de question que je m'approche des hautes herbes. Je ne veux pas avoir à faire combattre mon pokemon inutilement si je peux l'éviter et en l'occurrence, ce n'est pas nécessaire pour le moment.
Nous finissons par arriver à la gare sans encombre. Même Nabil n'a pas joué avec le feu et a préféré rejoindre son frère au plus vite plutôt que de trainer dans les hautes herbes. Lorsque nous arrivons, nous pouvons observer un attroupement sur la place devant la gare et le doute n'est pas permit : Tarak est bien là. La foule se met soudain à applaudir et en me hissant sur la pointe de mes pieds, je peux voir le Maitre de la Ligue qui prend justement sa célèbre pose comme à la télé. Les gens l'acclament comme si nous étions dans un stade alors qu'aucun combat n'a lieu, mais la renommée de Tarak n'est plus à faire pour déclencher ces réactions partout où il se rend. En plus, son Dracaufeu est à ses côtés également, cela ajoute encore au spectacle. Tous sont forcément fiers de cet « enfant du pays » qui est devenu le Maitre incontesté.
Tarak salue la foule et dit qu'il continuera à se battre pour eux, son public. Soudain je me demande : est-ce vraiment ça sa motivation à livrer tous ces combats ? Est-ce aussi ce que Nabil et Victor, dont les yeux brillent en dévorant leur idole, ont comme désir pour leur avenir et celui de leurs futurs compagnons Pokemon ? Je dois vraiment être là seule que cela laisse sceptique comme destin j'ai l'impression car personne ne semble choqué des propos du Maitre. Personne sauf moi, mais comme d'habitude, je reste silencieuse. Je dois sans doute exagérer, Tarak à l'air très gentil et aime les Pokemon, je le vois bien aussi dans ses paroles suivantes, mais je ne peux m'empêcher d'avoir ces pensées tandis que de mauvais souvenirs me reviennent. Je tente de les chasser alors que Nabil attire l'attention de son frère qui avance vers nous.
Ils se charrient l'un l'autre dans cette drôle de relation qu'ils ont toujours, même en public, avant que le grand dresseur ne s'intéresse à Victor et moi. Il se présente succinctement et puis nous voilà tous partis pour retourner chez celui que l'on surnomme l'Invaincu. Bien entendu, les garçons font encore la course et partent les premiers quand je reste éternellement derrière, avec Tarak cependant. Il salue ses fans et nous partons à notre tour rejoindre les deux pressés devant nous qui sont déjà loin.
Ca y est, nous allons recevoir notre starter alors que Tarak les fait sortir de leur pokeball pour nous les présenter. Immédiatement, les trois petits Pokemon se mettent à courir dans tous les sens, heureux de se dégourdir un peu les pattes je suppose. Je les observe jouer et je me demande lequel je vais choisir. J'ai presque envie de dire à Tarak que je n'ai pas besoin d'avoir déjà un second Pokemon, mais ce serait très impoli de refuser un cadeau. Si tant est qu'on puisse considérer un Pokemon comme quelque chose qui peut s'offrir, mais c'est un autre débat.
C'est soudain la débandade parmi les starters alors que le Larméléon a, sans le faire exprès, arrosé le Flambino. Le pauvre, il n'a pas dû apprécier oui. Rapidement, le calme revient cependant et les petites créatures se réconcilient vite, leur nature n'était pas de se battre entre elles. Je l'avoue, mes yeux brillent aussi lorsque je regarde les trois starters s'approcher de nous pour que nous choisissions lequel nous allons prendre. J'aime les Pokemon, comme la majorité des gens, et ce malgré toutes les questions que je me pose à leur sujet et sur comment nous les traitons. Peut-être que je réfléchis trop et que Maman a raison, je ne sais pas. J'espère juste que les réponses qu'elle m'a promises que je trouverais arriveront vite.
Comme Victor n'a aucun Pokemon, contrairement à Nabil et moi, c'est lui le premier à choisir. Son choix se porte sur le Larméléon et je suis surprise de cela. Je pensais qu'il prendrait l'un des deux autres, lui qui brûle de posséder un Pokemon aussi ardent et classe que le Dracaufeu de Tarak, mais soit. Ne reste donc que Nabil et moi pour choisir. Bien entendu, notre ami me dit de le faire avant lui puisque je suis une fille, il veut être galant. Je n'y vois pas d'objection, mais lorsque j'approche des deux petits starters qu'il reste, j'hésite. Lequel prendre ? Et si l'un des deux, ou même les deux, n'avait aucune envie de venir avec moi ?
Je serre encore la pokeball que je possède déjà dans la poche, indécise, alors que Nabil commence à s'impatienter. Je le sens bien même si pour une fois il ne dit rien. Victor, de l'autre côté, penche la tête en me regardant d'un air interrogatif. Contrairement à la légende, nous n'avons pas vraiment de lien gémellaire qui nous permet de communiquer sans parler. On s'entend bien, très bien, mais nous sommes aussi très différents. Il ne doit pas comprendre pourquoi j'hésite autant et à vrai dire, personne ne doit pouvoir le comprendre je pense. C'est ridicule, je n'ai qu'à en prendre un au hasard je suppose, pourquoi je n'arrive tout simplement pas à me décider ?
—Flamm !
Je sursaute, tombant presque en arrière alors que j'étais accroupie devant les Pokemon. Devant moi, bien plus proche que lorsque je me suis approchée, se tient le Flambino. En appui sur ses pattes arrières qui semblent déjà prêtes à sautiller partout, il me regarde d'un air déterminé où brille comme une flamme. Une flamme incandescente mais en même temps chaleureuse.
—Flambino ! crie-t-il encore.
Cette fois il sautille vraiment tout autour de moi alors que je l'observe faire, peu certaine de bien comprendre la situation.
—Eh bien, on dirait que ce petit a choisi pour toi Victoire, dit Tarak avec un sourire. Alors ? Veux-tu de lui comme partenaire ?
—Heu…. Oui ? dis-je avec un temps de retard, toujours surprise de l'attitude du petit Pokemon de type feu.
Ce dernier se met alors à sauter partout, tout heureux visiblement et j'ai un petit sourire qui se dessine sur mes lèvres. Bien, je n'ai pas à m'inquiéter qu'il ne soit pas heureux de cheminer avec moi s'il m'a choisi je suppose. Nabil quant à lui est très content de recevoir le Ouistempo, arguant que c'était justement son choix premier. Le petit Pokemon plante semble lui aussi content de faire connaissance avec son nouveau dresseur et le Moumouton de ce dernier. Soudain, Maman et la mère des deux frangins arrivent pour nous dire que c'est l'heure de manger. Durant la soirée barbecue organisée pour l'occasion, tous discutent joyeusement alors que j'apprends de mon côté à connaitre mon nouveau compagnon. Je l'introduis aussi à mon tout premier ami rencontré lorsque j'étais plus jeune et je suis heureuse de constater que les deux semblent bien s'entendre.
Bien, demain sera le jour de notre départ officiel et c'est vrai, une part de moi est tout de même enthousiaste à cette idée. De retour à la maison, je laisse sortir mes deux amis qui viennent se blottir près de moi pour la nuit. Je caresse alors tour à tour la douce fourrure de Flambino et les plumes brillantes de mon cher Minisange. Notre grande aventure débute à peine, qui sait où cela nous mènera…
