Les ruelles sombres se taisaient à leur approche. Le chien n'aboyait plus, muselé de force par son maître et les habitats plongeaient dans le noir, la peur assaillant les cœurs comme si d'une seconde à l'autre, la mort allait s'inviter à leur porte.
Du coin de l'œil , interrogateur, Daz Bonez fixait l'homme qu'il avait juré de servir jusqu'au bout. Crocodile avait émis ses pensées, le Nouveau Monde restait leur seule portée et de là, l'ancien tueur à gage s'était attendu à tout sauf se retrouver dans un trou perdu au milieu de Grandline, à longer les dalles miteuses d'une île sans nom. Ils auraient tout aussi bien pu continuer la route après tout, ils avaient en leur possession un navire de guerre volé suite aux affrontements au sommet.
Malgré ses questionnements, les intentions de son boss ne percutèrent l'esprit du rasé et ce voile opaque s'intensifia d'autant plus quand il repensa au regard grave qu'avait arboré le crocodile, après qu'il eut fermé son journal hebdomadaire. Pourtant, après avoir revisité ce dernier, rien de suspect n'avait accaparé son attention. C'était donc ainsi, leur apparence contrastant fortement avec ce milieu délabré que l'ancien tueur à gages emboitait le pas de son patron, le suivant à l'intérieur d'une caverne qui empestait la liqueur.
L'ambiance générale n'était pas des plus originale : toujours les mêmes beuveries, toujours les mêmes soulards avachis sur les tables en bois. L'atmosphère lourde et moite connotait sur le genre du lieu, ne suffisant qu'à élever un froncement de nez chez l'ancien Shichibukai qui ne daigna un œil aux alentours, préférant expulser un écran de fumée de son cigare afin de se noyer dedans. Il ne prêta pas attention au calme qui vint de suite à régner, baissant plutôt son regard sombre sur le barman qui occupait la place.
Et ce dernier ne perdit pas de temps, l'ordre reçu dès que le grincement de la porte l'eut averti de leur arrivée.
— Par ici, je vous prie !
Droit comme un piquet et suant à grosses gouttes, celui qui s'avérait être l'hôte d'accueil tentait tant bien que mal de maintenir sa posture face à cet homme.
Ses pupilles tremblants n'osèrent se poser une fois de plus sur ce baron de l'ombre, se contentant tout simplement de tenir l'immense rideau en taffetas de soie noire qui décorait le fond de la salle et dont la simple fibre coûtait la peau des fesses.
Des chaussures noires, et très certainement en peau de croco, passèrent sur son champ de vision avant qu'une autre paire moins haut de gamme ne les suivent de près. Le pauvre homme crû revivre quand il abaissa son rideau avant de revenir à la charge, emmenant un œil curieux sur la mince ouverture que laissait le tissu. Friand des potins, son métier ne manquait de nourrir son registre à la pelle et il en tenait une bonne avec LE sir Crocodile qui était présent ce soir.
Certes il n'était pas aussi surpris que ça car après tout, sa maîtresse lui avait annoncé son apparition imminente.
Le voile sombre, tissé de pure soie, fut abaissé.
L'obscurité régnait en maître au sein de ces locaux embaumant la débauche car après la boisson, venait la panacée. La senteur flatteuse de l'opium noyait l'atmosphère, la toxicité prenant le pied sur l'oxygène vitale. Les chaises rembourrées le long du mur voyaient accueillir maintes postérieurs en soif de nouvelles sensations et les esprits se laissaient prendre, grisés par le bien-être factice qu'offrait la drogue. L'humain se faisait emporter dans des tréfonds oniriques, détaché de son environnement, les pieds sur terre mais l'âme vagabonde.
Des gémissements vaporeux suivaient la courbure de la fumée qui s'échappait des pipes, brouillant l'air et la rendant aussi irrespirable que jamais.
Au milieu de ce spectacle, exposant misérablement la condition humaine des bas-quartiers, Crocodile poursuivait son chemin sur le tapis qui recouvrait les lieux, secondé par Daz.
Les lueurs qui provenaient de quelques lampes chatoyèrent sur ce crochet connu de tous, suffisant à vous avertir du scélérat qui approchait. Cependant, à part l'hôte qui s'occupait de l'entrée , aucune âme n'était assez sobre pour ressentir la frayeur qu'évoquait cette aura dominatrice.
Après les ténèbres, vint la lumière. Ce semblant de vestibule laissa peu à peu place à des éclairages plus vifs et comme une ligne de démarcation entre l'inélégant et le chic, les gémissements vaporeux abdiquèrent face aux airs festifs d'un pipa.
La musicienne, entourée d'une couronne de coussins, maniait l'instrument à l'apparence d'une poire aplatie entre ses frêles mains. Les quatre cordes frétillaient sous ses doigts experts, ravivant les danseuses, aux ornements folklorique, qui tournoyaient dans la pièce et qui cachaient, dans la même foulée, celle dont les pupilles du reptile avaient d'ors et déjà attrapées.
La tension augmentait graduellement malgré l'indifférence notable de Crocodile nota Daz qui ne se dépêtra de son sérieux, suivant le chef alors qu'il avançait vers ce fauteuil qui semblait n'attendre que lui non. . .pas semblait, il n'attendait que sa personne.
Ce siège n'était disposé qu'à accueillir sir Crocodile, ex-Grand Corsaire, pirate de nouveau libre.
Le voilà, enfin ! Et cette exclamation exprimée dans le silence prit la forme d'un verre en cristal, qu'on élevait dans les airs.
Le pipa mourut, emportant avec lui sa mélodie et laissant aux danseuses, entreprendre la révérence. Discrètes, elles s'éclipsèrent une à une sur les côtés pour laisser l'attention à celle qui les dirigeait, tous.
Si il était le crocodile alors elle, symbolisait le pluvier.
Et pourtant. . .
Ses yeux félins semblaient bien trop sournois pour correspondre à ceux d'un petit piaf.
Ceux-ci, voilés d'un amusement qui ne regardait que leur possesseur, détaillaient Crocodile de haut en bas, familièrement. De petits bouts de sourcils se réhaussèrent ensuite, d'admiration. Son visage fin bougea, faisant tressauter sa frange droite alors qu'un rire accaparait son être, laissant couler dans les airs, une voix guillerette.
— Comme je le pensais, tu as bel et bien survécu au baptême d' Impel Down, Crocodile.
— Xian.
Percevant l'avertissement sous-jacente, la noiraude porta sa coupe à ses lèvres pour masquer son ricanement, bien trop tentée de titiller la bête mais elle savait mieux que de plomber l'ambiance de sitôt.
Elle était assise là, dans un costume classique noir et blanc qui pourtant, restait attrayant en soulignant sa morphologie svelte. Le pantalon foncé recouvrait ses longues jambes, s'arrêtant sur les commissures des talons qui ne rajoutaient que quelques centimètres à sa taille déjà conséquente.
Ses épaules carrées reposaient contre le dossier de son fauteuil, relevées par ses bras qu'elle vint enrouler autour de son buste après qu'elle ait déposée le verre sur la table-basse.
Une jambe croisée sur l'autre, la patronne tenait enfin sa posture.
Xian de son nom, évoluait vers le trente-cinquième acte de son existence. Séduite par la vision de grandeur et l'intelligence de Crocodile, ils ont fini ensemble dans les affaires. En dépit de ne faire confiance même aux êtres de leur genre, chacun avait vu chez l'autre un allié de taille. Vraie veuve noire dans la toile de la pègre, Xian était l'une des rares femmes à vivre du noir et à jouir d'une puissance démesurée. Elle n'était certes exemptée de l'attention du gouvernement mais contrairement à ses pairs, cette femme ne causait pas autant de grabuge là-haut.
Quelques jours plus tôt, elle avait usé de ses contacts afin de déposer un petit message sur le journal, à l'encontre d'un unique receveur.
Son regard gris survola ensuite le cadre de Crocodile, partant se poser quelques secondes sur son bras-droit qui n'avait cillé de sa posture.
— Enchantée de te rencontrer en chair et en acier, Mr.1.
Voyant ce dernier se tendre dans sa posture, le milieu de son monosourcil creusant vers le bas, la femme balaya nonchalamment sa main devant elle, offrant enfin des réponses aux questions non posées. Après tout, la manière dont elle avait élevé son nom et son affiliation avec Crocodile montrait qu'elle savait plus que ce que l'ancien tueur à gage lui laissait profit.
— Je vois que monsieur ne t'as même pas parlé de moi. Saches juste que j'étais là bien avant Alabasta et qu'à partir de maintenant, je serai aussi ton supérieur, Daz Bonez.
— Je ne sers qu'un seul homme. Dénota Daz, le regard dirigé vers l'avant, inébranlable.
Face à cet entêtement, Xian gloussa, reportant son regard sur Crocodile qui n'avait rien dit, les paupières closes et le cigare non loin de sa fin. Elle n'était pas encore au bout de sa tirade si la petite lueur provocatrice dans ses yeux noirs signifiait quelque chose.
— C'est un bon toutou que tu as là, je n'en attendais pas moins de toi cependant, Alabasta n'est qu'une toute autre histoire. Sérieusement Croc' ? Voir tous ses plans se faire capoter par un rookie ? La bonne blague. . .
Le petit surnom volontairement choisi et la petite pique lancée sur son ego, Xian ne bougea d'un iota quand une nuée de grains de sable vint s'enrouler autour de son cou. Une main se matérialisa ensuite, rugueuse et froide comme la carapace de son propriétaire. Les quelques bagues onéreuses qui l'ornaient grattèrent sa peau, s'y enfonçant alors qu'il resserrait sa prise.
L'air commençait à se faire rare mais son expression resta la même face à l'agacement du croco. Elle aimait ça, quand son visage se contorsionnait et que cette cicatrice, qui lui partageait le faciès, se froissait.
Un duel de regard s'imposa ensuite, l'un se voulant tout aussi supérieur que l'autre.
A son plus grand dam, Crocodile eut la confirmation que cette femme avait gardé son caractère. Cela faisait des mois qu'on ne lui avait tenu tête, ça l'horripilait quand on lui résistait. Elle le savait, jouant de l'humeur.
Ses menaces resteront vaines, il n'avait pas de doute là-dessus car à travers toutes ces années où ils s'étaient côtoyés, cette femme n'avait jamais montré une once de peur.
Ni envers lui, ni envers un quelconque individu.
C'était une folle à lier, dénuée d'instincts de survie qui flirtait avec sa propre perte. Sur ce trait là, elle rivalisait avec les plus grands de ce monde.
— Mesure ce qui sors de cette bouche en ma présence. Alabasta n'est désormais plus, nous partons vers d'autres projets.
Son regard ne laissait de place à la protestation, à un quelconque soulèvement alors que sa voix grave emplissait la petite pièce. Sa prise se desserra ensuite, ne manquant de gifler du sable sur le visage de Xian. Grimaçant face à l'affront, la noiraude porta une main pour se masser le cou, le sourire taquin n'ayant jamais quitté ses lèvres charnues.
— Dès demain on se dirigera vers le Nouveau Monde.
— Là, tu m'intéresses !
S'étant relevée dans son exclamation, elle claqua bruyamment ses paumes contre la surface de la petite table, rayonnant d'excitation.
Elle avait quelques affaires à entreprendre là-bas. Mettre fin à son séjour sur cette île, voilà ce qu'elle attendait de l'arrivée de Crocodile. Ce dernier n'avait daigné l'inclure dans ses plans au sujet d' Alabasta pour une raison qui lui échappait. Elle avait alors continué son commerce, restant dans l'ombre de l'ex-Shichibukai cependant cette fois-ci, elle allait avoir son moment.
Dans un claquement de doigts, et après que le nécessaire ait été partagé, deux des femmes qui dansaient autrefois firent leur entrée en emmenant avec elles, un paravent et une pile de vêtements onéreux.
Dès que l'objet fut posé, Xian s'éclipsa derrière suivies de ses servantes.
Aucun commentaire ne fut élevé, juste des morceaux de tissus qui voletaient dans tous les sens et un Daz qui lançait des œillades désabusées entre le spectacle qui se déroulait face à eux et son boss, qui n'eut d'autres réactions que de s'enfiler un autre cigare.
La roulée placée sur ses lèvres, le second interpella le signal alors qu'il décrochait le briquet, faisant vaciller la flamme.
Et alors qu'il la portait au cigare tendu, un acte brisa la quiétude ambiante, venant mettre un point d'honneur sur la santé mentale de la maîtresse des lieux.
Une boule de flamme, vive, aussi ardente que son prédécesseur traversa le fin espace qui séparait le baron du paravent. La flamme partie se loger sur le bout du cigare, l'enflammant à la seconde et avec ça, le spectacle plus que rare d'un Croco pris de court.
La fumée s'éleva et les yeux écarquillés, Bonez et Crocodile portèrent leur regard sur Xian qui avait refait son apparition.
Son costume fringant avait été remplacé par une robe rouge légère, coulant délicatement jusqu'au sol et dévoilant ses jambes crémeuses. Son visage autrefois démaquillé était passé sous les mains de ses servantes, la rendant aussi irrésistible qu'elle ne l'était déjà mais ce qui interpellait le plus, choquait le public, était cette flamme vive qui dansait sur son doigt, sa lueur éclairant ce visage noyé dans la folie.
Ce feu, n'était connu que pour appartenir à une seule entité. Un jeune homme qui avait ébranlé la piraterie autant à travers ses exploits que pour son appartenance à l'une des flottes les plus légendaires de tous les temps. Un jeune homme qui avait connu la mort sous la lave d'Akainu.
La mâchoire tendue, Crocodile fixait cette femme qui faisait mine d'ignorer les répercussions apportées par le simple fait de posséder ce fruit. Ses dents grincèrent, faisant vriller ce cigare nouvellement enfourné.
Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez elle ?
— Ça t'en bouche un coin, hein ? Croc'.
Elle se vantait de son influence, rapportant le fait que dès que la mort d' Ace aux poings ardents avait été annoncée, son réseau n'avait perdu son temps pour localiser le Mera Mera no Mi.
Elle aurait bien pu l'échanger contre un beau pactole cependant, une vision bien plus alléchante lui avait traversé l'esprit.
Qu'est-ce que ça ferait ? D'être maîtresse de ce fruit tant convoité ?
Loin d'être dupe, Xian savait que de gros poissons ne tarderont à vouloir sa peau et c'était cette perspective qu'elle recherchait. Qu'ils viennent ! Qu'ils viennent lui donner un semblant de frissons !
END (?)👀
bahaha vous en avez pensé quoi ? j'essaie de trouver quelque chose à dire mais rien ne me vient à l'esprit O_O. j'ai essayé de fournir un caractère potable à Xian, je sais qu'il y a des zones d'ombres sur son personnage but tout à son sens et si vous avez des questions hésitez pas.
merci d'avoir prit le temps de lire.
