J'ouvre le rideau de la cabine, incertain. Ça me change, c'est sûr, mais je ne suis pas certain du choix... J'ai l'air vieux là-dedans. Usagi me dévisage longuement de haut en bas.

_ Hum, souffle-t-il en se frottant le menton.

_ Alors ? je lance, en rajustant le haut de la veste.

Je suis toujours aussi nul en cravate. Ça ne change pas. Je me tourne vers la glace, tâchant de mettre le nœud correctement et de régler la hauteur du ruban. Je dois pouvoir le faire !

Je le vois à travers le miroir, par-dessus mon épaule, les yeux toujours rivés sur moi, un sourire en coin étire ses lèvres.

_ Je n'aime pas trop celui-là. Retire-le, je vais t'en chercher un autre, pour comparer.

Je referme le rideau tandis qu'il part à la recherche d'un vendeur. C'est déjà le troisième qu'il me fait essayer. Une fois de plus, c'est lui qui décide. Mais je n'y connais rien, en costumes, en réceptions officielles… Un soupire m'échappe.

Quelques minutes plus tard, j'entends ses pas devant le rideau, il étend le bras et accroche le costume au portant. J'aime bien sa couleur, un bleu sombre, moins formel que le noir mais néanmoins très élégant. La chemine est blanche et la cravate noire.

J'ouvre le rideau :

_ J'ai l'air d'un garçon d'honneur là-dedans !

Mon air bougon le fait sourire :

_ Tu es très bien dans celui-là.

Je me tourne vers la glace, sentant son regard brûler le bas de mon dos. Je me bats à nouveau avec la cravate, col de chemise relevé. Je l'entends rire et le fusille du regard à travers le miroir.

_ Quoi !?

_ Gamin, souffle-t-il amusé.

_ Ce n'est pas pareil quand c'est sur moi ! Je fais toujours le nœud à l'envers, je n'y peux rien !

Un éclat étrange passe dans ses yeux. Il avance dans la cabine, sa main s'empare de mon début de cravate noué. Je proteste :

_ Hé ! Mais qu'est-ce que-

Il passe la boucle autour de son propre cou tout en me dévisageant :

_ Essaye sur moi alors, nous verrons bien comment tu t'en sors. Mais si tu rates…

Le regard qu'il me lance me fait frémir :

_ Prends garde à toi

_ Qu-quoi ? Comment ça ?

Le sourire en coin revient, il se penche - si vite que je n'ai pas le temps de réagir - sa bouche effleure la mienne avant de s'écarter. Sa langue caresse ses lèvres pincées.

Merde !

_ Tu me déconcentres !

_ Tiens donc ?

Il me couve de son regard pervers tandis que je m'escrime à faire le nœud de cravate sur lui. Il est plus grand que moi, je dois tendre les bras et mes yeux n'osent pas regarder plus haut que son cou. Il est très près de moi. Les doigts tremblants, je réalise que j'ai encore fait le nœud à l'envers. Je tente de défaire discrètement la boucle que je viens de faire pour la recommencer mais il pose ses mains sur mes poignets pour m'arrêter. Mon cœur s'emballe aussitôt et je me mets à bafouiller :

_ Usagi-san, n-nous sommes dans un magasin !

_ Oui, je sais.

Il s'approche encore et c'est la panique à bord lorsqu'il se met à m'embrasser sans le moindre filtre, sans la moindre once de retenue. Il n'a même pas fermé le rideau de la cabine ! Une de ses mains lâche mes poignets pour venir contre mon cou, soudant davantage nos visages. Mon cœur bat dans mes tympans, tout mon corps s'échauffe. Le souffle court, je le supplie :

_ Usagi-san… pas ici, pas ici !

Il s'écarte un peu, je l'entends déglutir :

_ Tout ça, c'est ta faute Misaki.

Il étend le bras, fermant le rideau sur nous tandis que je sens mes jambes gondoler.

_ Je ne tiendrais pas une heure vendredi à te voir habillé ainsi.

Qu'est-ce qu'il peut dire comme bêtises pour arriver à ses fins !

_ Arrêtes ça !

Il ne m'écoute pas. Ses mains défont les premiers boutons de la chemise pour permettre à sa bouche de venir embrasser mon cou.

_ Hum, Misaki.

Ses doigts caressent mon torse. J'ai encore la veste ! Il les passe en-dessous, effleurant le tissu de la chemise jusqu'à effleurer mes tétons qui protestent à ce contact soudain.

_ Usagi !

Sa bouche contre mon cou m'embrasse plus rudement, suçant la peau un instant :

_ Chuut, ils vont nous entendre si tu ne parles pas plus bas…

Ses yeux me couvent. Il a l'air si calme, si maître de lui ! Ça m'énerve ! Il m'énerve ! Je suis une pile électrique, mes doigts frémissent et s'engourdissent, tout comme- Non !

Sa main est déjà en train de défaire le bouton et la fermeture du pantalon. Elle s'insinue dans mon sous-vêtement, constatant d'elle-même l'état dans lequel il m'a déjà plongé. Je l'entends soupirer de contentement.

Bakayarô !

Il descend d'un geste le pantalon sur mes cuisses, m'exposant sans retenue. Mes mains outre-passent sa poigne et foncent aussitôt pour me cacher. Je n'aime pas quand il fait ça et il le sait très bien ! C'est de la folie ! Nous sommes dans une cabine ! En plein après-midi ! N'importe qui pourrait nous entendre ! Pourrait m'entendre !

Il se penche près de moi, je sens son souffle, son odeur, sa chaleur. Mes mains ne parviennent pas à arrêter la sienne, qui vient m'aguicher, me frotter, me… branler sans la moindre retenue. J'entends mon souffle perdre déjà toute mesure, je me raidis, je ne sais plus quoi faire :

_ Usagi-san ! A-arrête !

Il ralenti l'allure, pressant mon membre engorgé contre sa paume:

_ Tu veux vraiment que j'arrête ? Que je te laisse dans cet état ?

Il relâche sa poigne, me scrutant de son regard brûlant tandis que tout mon corps frémit et proteste.

Quel enfoiré !

Il attend, patient, embrasse ma joue, mon front, le coin de mes lèvres ou de ma mâchoire avant de murmurer :

_ Misaki ?

Je grommèle, penaud :

_ Vas-y…

Il reprend sa besogne et je sens mes jambes frémir quand il accélère. J'ai chaud et tellement honte. Les frissons me gagnent jusque dans le bout des doigts. Je frémis tout entier avant de paniquer : le costume !

_ Je…

_ Oui, je sens.

Le traître presse plus fort, découvrant et recouvrant ma longueur à une allure folle.

_ Usagi ! je souffle : le costume !

Un tremblement me secoue tout entier. Je tâche de me retenir, pour ne pas tout salir. Il semble chercher quelque chose dans sa poche, se fige, fouille l'autre poche sans résultat :

_ Merde ! souffle-t-il.

Il me jauge. J'ignore la tête que je fais mais il se pince les lèvres, hésites un instant avant de s'agenouiller devant moi.

Non ! N-n-non !

Il s'humecte rapidement les lèvres et sa bouche s'empare de ma queue. OH ! Je retiens mon gémissement lorsque sa langue brûlante vient s'enrouler autour de…

_ AH !

Je plaque une main sur mes lèvres. Mes jambes cèdent. Je dois prendre appuie contre ses épaules pour ne pas tomber. Il ne faut pas plus d'une minute avant de rendre les armes et de venir dans sa bouche. Mon souffle, heurté et étouffé résonne dans la cabine. Ses mains pressent mes hanches, je l'entends me sucer encore avant de déglutir.

_ U-Usagi, je souffle.

Il s'écarte, se relève, frotte ses genoux et réajuste sa veste, l'air de rien. Je le dévisage, rouge et ahuri, tâchant de reprendre mon souffle. Il sourit, caresse mon visage brûlant puis mes lèvres encore entre ouvertes avec le bout de son pouce:

_ Tu m'en dois une, vendredi.

Quoi ?!

_ Ha ? Mais je n'ai rien demandé moi ! Rien du tout ! C'est toi qui-

Il m'embrasse, je le repousse prêt à protester mais il me devance :

_ Rhabilles-toi avant que je ne change d'avis. Il faut encore te trouver des chaussures.

Il s'éclipse, me laissant seul dans la cabine, en proie à mes invectives intérieures.

Nous passons en caisse. J'ignore qui est le plus rouge : moi, en déposant le costume bleu sur le comptoir de la caisse, ou la caissière, face au sourire graveleux de cet imbécile d'Usagi ! Le magasin de chaussures se trouve un étage au-dessus dans le centre commercial. J'opte pour un modèle en cuir classique, que je tente de payer avec mon argent de poche jusqu'à l'intervention véhémente du vénérable Akihiko qui tend sa carte bancaire au vendeur.

La seule chose que je parviens à lui acheter sans faire d'esclandre est un café tandis que nous faisons une pause dans le petit café au décor français juste à côté. Il prend place à l'une des petites tables rondes tandis que je gagne le comptoir pour régler nos boissons et deux muffins. Je reviens avec le plateau, constatant au passage que nous sommes entourés de couples enamourés ou de lycéennes aux abois. Je baisse les yeux sur mon muffin, sur sa serviette en carreaux Vichy rose, mal à l'aise soudain. Je m'attaque à mon capuccino.

Imperturbable, Usagi remue son café, souffle un moment dessus avant de le déguster. Après un moment, il me surprend dans ma contemplation. Il me regarde par-dessus sa tasse et l'image de nous deux dans la cabine d'essayage, sa bouche autour de ma queue, revient me frapper. Je manque d'avaler de travers et détourne le regard.

Quel idiot ! Mais quel idiot !

Je n'arrive pas à le regarder en face lorsqu'il me fait des trucs pervers… ou qu'il tire profit de son expérience pour me mettre dans une situation embarrassante. Lui agit toujours avec calme, désinvolture, nonchalance. Quand je pense qu'il y a une demi-heure à peine, il était à genoux devant moi entrain de….

Je secoue la tête pour ne plus y penser !

_ Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il intrigué.

_ Rien ! Je dis juste que tu n'es pas un vrai Japonais, ce n'est pas possible !

Son sourire en coin revient et il plisse les yeux tout en me regardant d'un air entendu.

Sur le chemin de la sortie, je remarque dans la petite librairie un encart avec le résultat du dernier prix littéraire attribué à Usami Akihiko : « auteur de la Lune en boîte qui continue de gravir les échelons avec son tout dernier roman Un Soleil pour deux, le plus intime de ses ouvrages ».

_ C'est ton livre !

_ Rentrons, Misaki.

_ Mais c'est super ! Regarde, la devanture !

_ Oui, j'ai vue. Allez viens.

Je ne l'écoute pas et m'approche du petit libraire, fasciné par la couverture de son livre, d'un camaïeu bleu céleste éblouissant. Pourquoi ne m'en a-t-il jamais parlé ? Je relis le descriptif, intrigué : le plus intime de ses ouvrages. Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est étrange. J'avance de quelques pas, prêt à entrer quand une poigne m'arrête :

_ Où vas-tu ?

_ Je veux t'en acheter un !

Je secoue le bras pour me défaire de son emprise mais il serre fort. Il soupire, presque agacé, cachant un instant son visage dans son autre main :

_ Ne sois pas ridicule !

_ Quoi ? Pourquoi ? Je sais que je ne suis pas un lecteur très courageux et ça me gêne vis-à-vis de toi, de ton travail. Je voudrais faire un effort.

Il relève la tête juste un peu, de sorte que seuls ses yeux passent au-dessus de sa main. Son regard est étrange tout à coup, profond. Ça ne dure qu'un instant, son air bougon revient sur le devant de la scène :

_ Rentrons.

Et il se met à avancer, me tirant derrière lui comme un môme désobéissant sous les regards incrédules et amusés des passants.

_ Hé ! Arrête ! J'ai dit que je voulais t'en acheter un !

_ Il y en a un carton plein à la maison ! Garde ton argent pour autre chose!