NDA : je rappelle que le prénom de Setagawa est 'Masahiro', et que Kousuke l'appelle par son prénom. Ne soyez donc pas perdus lorsque vous verrez Kousuke s'adresser à Setagawa en disant "Masahiro" !
CHAPITRE 2
Setagawa retint un long et profond bâillement. Il n'avait presque pas dormi de la nuit, et tombait donc littéralement de sommeil. Il n'avait pas du tout réussi à suivre les cours de la matinée, et à présent, même la perspective d'un bon déjeuner, ne suffisait pas à lui faire retrouver son énergie. Le jeune lycéen avait l'impression d'être un automate, qui avançait sans réellement s'en rendre compte. Il n'était pas vraiment attentif à tout ce qu'il se passait autour de lui. Debout, immobile dans la file d'attente pour récupérer son plateau repas du midi, il ne réalisa donc pas que cela faisait déjà trente bonnes secondes que c'était à lui de se servir, et que les autres élèves derrière lui, s'impatientaient.
« Setagawa ! »
La voix aigue de son meilleur ami, Kensuke, parvint tout de même à faire revenir le blond sur terre. Il cligna plusieurs fois des yeux, se demandant pendant un instant où il se trouvait, avant de secouer la tête et de s'excuser. Il attrapa son plateau et se dirigea machinalement vers une table de libre. Il s'y assit lentement, avant de relever les yeux vers Kensuke qui l'avait rejoint, suivi d'Hasekura. Les iris de Kensuke reflétaient son inquiétude vis à vis de son ami d'enfance.
« Tu es sûr que tout va bien, Setagawa ? Tu m'as l'air complètement à l'ouest depuis ce matin... murmura le plus petit, visiblement réellement apeuré de voir l'autre dans un tel état. »
A ses côtés, Hasekura haussa les épaules.
« Oui, enfin, Setagawa est toujours à l'ouest. Ça ne change pas de d'habitude.
- Hasekura, tais-toi ! »
Setagawa émit un léger sourire devant son ami qui réprimandait son petit copain. Malgré les pics que lui lançait Hasekura, le blond ne pouvait s'empêcher de le trouver, lui et Kensuke, adorables. Plus encore, il les enviait.
A cette pensée, le lycéen manqua de s'étouffer ; cela ne lui rappelait que trop bien les paroles de Kousuke. « Lorsque tu les regardais, tu les enviais, n'est-ce pas ? » Voilà ce que lui avait dit le professeur. Mais le pire avait été ce qui avait suivi. « Je ne peux pas répondre à tes sentiments », et « ton visage me dit que tu as envie de coucher avec moi, et que je te défonce ».
Sérieusement, quelle mouche avait piqué Kousuke ? Setagawa ne ressentait strictement rien pour lui ! Pourquoi diable lui avait-il dit cela ?
Finalement, le jeune homme soupira. Après tout, Kousuke ne faisait probablement que le taquiner. Comme d'habitude. Plus ou moins.
Enfin, c'était ce qu'il espérait.
Résigné, Setagawa attrapa ses baguettes pour entamer son repas. Ne prononçant pas le moindre mot, il se contenta d'avaler la moitié de son assiette, avant de repousser son plateau en un soupir las. Ce qui n'échappa clairement pas à Kensuke.
« Je t'ai connu avec bien plus d'appétit que ça ! se plaignit-il. Décidemment, qu'est-ce qui ne va pas aujourd'hui ? »
Setagawa se mordit la lèvre inférieure, hésitant un instant à tout révéler à son camarade. Mais il se résigna. Il lui était impossible de parler de cette façon du grand frère de Kensuke. Cela ne ferait qu'attiser l'incendie qui avait commencé à se déclarer.
« Rien, je te le promets. J'ai juste... mal dormi, maugréa Setagawa en se grattant la nuque, mal à l'aise.
- Mmmmh... »
Kensuke n'avait pas l'air convaincu. Cependant, il n'ajouta rien et ne chercha pas à creuser plus loin. Il se contenta simplement de lancer un regard voulant dire « je suis là pour toi » à son ami, avant de se mettre à bavarder avec Hasekura qui était jusque là resté plutôt silencieux.
Setagawa, lui, se releva et attrapa son plateau.
« Je vais en salle de permanence, pour... réviser un peu, lança-t-il en direction des deux autres garçons assis devant lui. »
En réalité, j'y vais surtout pour dormir, mais ça, vous n'avez pas besoin de le savoir.
« D'accord ! A tout à l'heure ! sourit Kensuke en agitant sa main gauche en signe de salut. »
Le blond sourit, avant de faire volte-face et d'aller déposer son plateau, de réajuster son sac sur son épaule, et de se mettre à marcher d'un pas nonchalant vers la sortie du self. Lorsqu'il se retrouva à l'extérieur, le soleil éclaira son visage, apportant également une douce vague de chaleur sur sa peau. Setagawa inspira longuement, avant d'accélérer le pas. Il ne restait pas très longtemps avant que les cours ne reprennent, et il voulait avoir le temps de se reposer un peu.
La salle de permanence n'était jamais surveillée par personne, et honnêtement, la plupart des élèves qui y allaient, avaient pour seul et unique but de piquer un somme. Et c'était bien ce que Setagawa comptait faire, là, tout de suite.
Il finit par pénétrer dans la grande salle, où un silence impassible régnait. Il n'y avait que deux autres étudiants, dont un qui était sur son téléphone portable, et l'autre qui était apparemment endormi. Le jeune homme soupira et alla s'affaler sur une chaise, avant de laisser ses bras tomber sur le bureau devant lui, et d'y nicher son front. Il ferma presqu'aussitôt les yeux, et tenta de dormir.
Trop de choses se bousculaient dans sa tête. Il se souvenait des mots de Kousuke. Du baiser qu'il lui avait arraché. De son regard. De son parfum de cigarette mélangé à l'eau de Cologne. De ses cheveux. De sa peau. De ses lèvres. De tout en fait.
Setagawa se crispa sur sa chaise, mais il ne rouvrit pas les paupières. Il voulait oublier. Juste, oublier. Pourquoi cela était-il si compliqué ? Pourquoi cela lui semblait-il autant hors de portée ? Tout ça n'avait été que taquineries de la part de son professeur, alors pourquoi cela l'obsédait-il autant ?
Il en devenait malade.
Le lycéen tenta de faire le vide dans sa tête. Et alors qu'il commençait même à faire quelques exercices de respiration pour tenter de calmer l'angoisse qui lui enserrait le coeur, il sentit quelque chose (ou plutôt quelqu'un), lui tapoter l'épaule.
Persuadé qu'il s'agissait de Kensuke, Setagawa ne releva même pas la tête et maugréa quelque chose de presque incompréhensible.
« 'pas envie... pars... j'suis fatigué... »
Les tapotements s'intensifièrent malgré tout.
Agacé, le blond finit par relever la tête en fronçant les sourcils.
« Je t'ai dit que j'étais fati— »
Les mots moururent dans sa gorge. Car devant lui, se tenait non pas Kensuke, mais Kousuke. Le professeur affichait un demi-sourire, et semblait amusé de la situation.
« Oui, j'ai compris. Cependant, la salle de permanence n'est pas un endroit pour dormir, mais plutôt pour étudier, déclara le plus âgé en faisant tournoyer un stylo entre ses doigts.
Setagawa, lui, sentit son cœur s'accélérer. Instinctivement, il porta une main à sa cage thoracique, et recula de quelques centimètres.
« Je... je te signale que je ne suis pas le seul à dormir ici ! »
Kousuke laissa échapper un rire.
« Je sais. Je les ai d'ailleurs déjà virés de la salle. »
Surpris, le lycéen battit des paupières et regarda autour de lui : effectivement, il n'y avait plus personne à part lui et Kousuke. Et cette réalisation le fit paniquer. Il se releva si brusquement, que sa chaise en tomba dans un fracas épouvantable. Il serra les dents, attrapa son sac, et fit mine de s'enfuir.
« Masahiro, attend. Qu'est-ce qui t'arrive, exactement ? le questionna le professeur de mathématiques, en mettant ses mains sur ses hanches. »
Ce qu'il m'arrive ? Ce qu'il m'arrive ?! C'est une blague j'espère ?!
Setagawa ouvrit la bouche, mais la referma presque directement. Que pouvait-il dire ? « Désolé, tes paroles m'ont tellement perturbées que je n'en dors plus la nuit » ? Ou encore « depuis que tu m'as embrassé, je ne pense plus qu'à toi » ? Ou même « pourquoi m'as-tu attrapé le bras comme tu l'as fait hier soir, quand je suis sorti de chez toi ? Que voulais-tu me dire ? Pourquoi ce regard si intense ? » ?
Non, aucune de ces phrases ne semblaient convenir. Ce fut d'ailleurs pour cela que Setagawa garda le silence. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua même pas que Kousuke s'était rapproché. Très rapproché. Trop rapproché.
En fait, il était si proche que le plus jeune pouvait sentir son souffle sur son visage. Visage qui était vraisemblablement devenu rouge comme une tomate. Ses lèvres tremblaient, ses mains étaient moites, ses jambes semblaient être sur le point de se dérober.
C'était une situation intenable.
Bientôt acculé entre le mur de la salle, et son professeur, Setagawa se mit alors sérieusement à paniquer. Il plaqua ses mains contre le torse de Kousuke, et le poussa en arrière. Des larmes lui montèrent aux yeux, et il haleta.
« A quoi tu joues, Kousuke ? Ça t'amuse tant que ça ? gémit-il, le cœur au bord des lèvres, frissonnant de tous ses membres. »
Setagawa ne comprenait pas ce qui lui arrivait. A chaque fois qu'il se retrouvait en présence du professeur, il perdait tous ses moyens et son corps ne répondait plus. Pourtant, le lycéen était persuadé de ne rien ressentir pour Kousuke. Enfin... il commençait à en douter.
Le blond essuya le coin de ses yeux avec le revers de sa manche, renifla, et attrapa son sac de cours qui était tombé au sol. Il ne prit pas la peine d'ajouter quoi que ce soit envers le frère de Kensuke, qui était resté debout, statique, l'air déboussolé.
Setagawa déglutit, et sortit de la salle de permanence comme un voleur prit la main dans le sac. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, et ne semblait pas vouloir se calmer. Il serra son uniforme au niveau de ses poumons, et s'arrêta quelques instants pour s'asseoir dans des escaliers. Il se prit alors le visage entre ses mains, et se mordit la langue jusqu'au sang.
Je ne ressens rien pour Kousuke, alors pourquoi est-ce que j'agis comme ça ?
Oui, Setagawa continuait de se répéter qu'entre lui et Kousuke, il n'y avait rien de plus qu'une simple amitié. Mais au fond, qui essayait-il vraiment de convaincre ? Kousuke, ou lui-même ?
