Vision macabre

Être de garde un soir de pluie n'était pas chose agréable. Pourtant, c'était son devoir. Même si la cité était calme et prospère depuis des années, l'Ordre de Favonius veillait à maintenir cette paix.

Dans son habituelle tenue rouge trempée par la pluie, Amber était assez discrète, idéal pour se cacher et peaufiner le Baron Lapinou, du moins la version imperméabilisée. Mais avec cette pluie, ses cheveux allaient encore n'en faire qu'à leur tête… Même le Baron Lapinou était d'accord. Lui non plus n'appréciait pas vraiment l'humidité. Pour le moment. Il fallait dire que malgré ses efforts, elle ne parvenait pas à trouver l'accord parfait pour le rendre pleinement opérationnel avec autant d'humidité.

Alors qu'elle ronchonnait intérieurement, elle se cogna contre son supérieur dont le regard semblait perdu vers le sud-est. Suivant la même direction, la brune fût étonnée. Des lumières qui brillaient et s'étaignaient de façon irrégulière, non loin du grand arbre de Vent Levé.

« Kaeya, c'est quoi à ton avis ? » commença-t-elle en tirant sur sa manche pour attirer son attention « Ca ne te fait pas penser à... »

« Vas en reconnaissance. Diluc n'utilise que rarement son phoenix. » déclara-t-il pensif, « J'ai un mauvais présentiment. »

A vrai dire, la demoiselle aussi avait cette petite boule d'angoisse au creux de l'estomac depuis qu'elle avait reconnue la magie ultime en forme d'oiseau légendaire. Pourtant les dernières patrouilles n'avaient rien signalées de suspect dans les alentours de la ville.

Obéissante, elle attrapa un cheval à la robe noire comme la nuit dans l'écurie de l'ordre, et s'en alla au galop en direction de Vent Levé, espérant ne pas faire de mauvaise rencontre.

La distance, si elle pouvait être un peu longue à pied, n'était pas supérieur à quelques minutes à cette allure et ses vêtements devenus sombres avec la pluie l'arrangeait bien finalement.

Alors qu'elle chevauchait, les flammes vives laissèrent place à des lueurs chancelantes, mais sa vue perçante suffit à voir le spectacle macabre qui s'offrait à elle. Retenant un souffle, elle n'en croyait pas ses yeux. C'était… un cauchemar. En réalité… est-il possible que ce genre de chose se produise vraiment ?

Deux corps gisaient sur le sol. Celui de Diluc, le frère de Kaeya, face contre terre près de la vieille statue de l'Archon, et celui de Jean, un peu plus loin dans les racines de l'arbre. Aucun d'eux ne répondaient à ses appels. Aucun d'eux ne bougeaient.

Sous le choc, elle resta paralysée quelques instants, l'esprit perturbé. Réalisant que tout ceci était réel, elle se hâta de décocher une double flèche enflammée dans les airs, signe d'un besoin urgent d'aide avant de se précipiter vers le roux, plus proche, dont il ne restait que des lambeaux de chemise teinté de rouge et de boue.

Usant de toutes ses forces, elle parvint à le retourner son le dos, mettant à nue une plaie béante dans la poitrine entourée d'une lueur verte à peine perceptible qui la stupéfiat.

Il ne semblait plus respirer, mais en collant son miroir de poche près de sa bouche, une légère buée se créa, soulageant un peu l'archère dans son inquiétude.

« Jean... » Murmura-t-elle soudainement avant de se diriger vers la blonde.

Elle aussi était au sol, visage vers le ciel, elle était dans le même état sur l'autre épéiste. Il y avait tellement de sang partout que la jeune fille n'osa même pas toucher au corps de sa patronne, la visions embrumé de larmes, effrayée à l'idée de ce qu'il avait bien pu se passer quelques minutes plus tôt.

« Amber ! » entendit-elle au loin.

Le capitaine de la garde la ramena à la raison, Essuyant ses yeux, elle se leva prestement, courant vers lui et les quelques gardes pour lui exposer la situation.

N'y croyant pas, il était descendu de sa monture encore au trot, manquant de tomber, avant de se rendre au milieu du carnage à toute vitesse, constatant, bouche bée la triste scène sous ses yeux. Après tout, ces deux-là étaient connus pour leur puissance phénoménale, même s'ils ne la laissaient habituellement pas transparaître.

Il réfléchirait à tout ceci plus tard, le plus urgent était de transporter les blessés dans les meilleurs conditions possibles pour ne pas leur infliger plus de souffrance ou les affaiblir d'avantage.

Son corps lui faisait mal. Terriblement mal. Et il lui semblait également si lourd… D'ailleurs, où était-elle ? Cette odeur de fleurs ne venait pas de chez elle.

Ouvrant péniblement les yeux, sa vision floue ne lui permit pas de distinguer suffisamment de détails pour reconnaître l'endroit, mais il faisait plutôt clair. Certainement l'aube ou le crépuscule au vu de la couleur rougeâtre qu'elle distinguait par la fenêtre.

Respirer profondément lui était difficile. Pas vraiment douloureux, mais très désagréable. Laissant de côté la pièce, elle tenta de rassembler ses souvenirs, mais ils n'étaient encore de vagues bribes dans son esprit.

Un homme au sourire carnassier avec un masque… un autre semblant venir d'Inazuma. Diluc et un archer. Qu'avaient-ils pu faire ? Que s'était-il passé pour qu'elle soit dans un état pareil ?

« Jean ? » murmura doucement une voix qu'elle connaissait bien.

« B...arb…. » souffla-t-elle avec difficultés, s'étonnant elle-même par sa faiblesse.

« Chut… Ne parle pas. » demanda-t-elle calmement, « Tu dois te reposer. »

« Où… ? »

« Nous sommes à l'église, dans l'infirmerie réservée aux Soeurs. » expliqua-t-elle, « Amber et Kaeya t'ont retrouvée à Vent Levé. » reprit-t-elle, « Je ne sais pas ce qu'il s'est passé et pour le moment, je m'en fiche. Tu m'as fichue la peur de ma vie, alors c'est moi qui vais jouer le rôle de la grande sœur temporairement. » déclara-t-elle, la voix tremblante, « Et tu as obligation de te reposer pour le moment. »

Sans ajouter un mot, la Diaconesse prit la main de sa sœur, caressant sa joue dont quelques larmes s'échappaient.

« P-ardon... » murmura-t-elle avec difficulté

« On parlera de tout ça plus tard. Pour le moment, repose-toi. »

Sans répliquer, elle obéit. Ce bref échange l'avait vidé du peu de forces qu'elle avait. Pourtant une question la taraudait.

Les souvenirs étaient trop disparates pour former une quelconque histoire, sans compter ces images du passé qui se mélangeaient avec. Diluc était-il vraiment avec elle quand elle s'est retrouvée dans cet état ? Malgré l'épuisement, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiter pour lui. Elle avait pourtant mis ce genre de sentiments de côté il y a bien longtemps, non ?