Quand je rouvris les yeux, Tsukasa me tenait toujours fermement dans ses bras. Je caressais les boucles de ses cheveux. Son visage semblait paisible. J'éprouvais toujours autant de tendresse à le regarder dormir.
La douleur se réveilla peu à peu dans mon corps. Je me tendis involontairement, ce qui réveilla aussitôt Dômyôji. Il regarda autour de lui, hagard, puis son regard se posa sur moi et ses sourcils se froncèrent :
- Makino… Tu as mal ?
Il caressa ma joue avec douceur. Je posais ma main droite sur la sienne :
- Oui… Mais ne t'en fais pas, ça va.
- Sois pas « soute »… Je reviens.
- C'est sotte, pas soute.
- C'est la même chose.
- Pas du tout, idiot !
Il se leva et sortit de la chambre. J'étais tellement heureuse qu'il soit là. Je portais mon regard sur l'extérieur pour penser à autre chose. Tsukasa ne tarda pas à revenir tout comme Rui l'avait fait.
L'infirmière me donna des anti-douleurs et regarda que l'attelle de mon poignet était correctement ajustée. On ne m'avait rien dit à ce sujet mais j'en avais déduit qu'il devait être cassé. Le médecin était un homme cette fois :
- Madame, commença t-il, nous allons vous emmener faire des examens de contrôle tout de suite et, si tout va bien, vous pourrez sortir dans la journée.
- Si vite ? S'inquiéta Tsukasa.
- Elle n'a eu qu'une légère commotion.
Une autre infirmière fit son apparition avec un fauteuil roulant et m'aida à m'y installer :
- Je viens avec toi ! Intervint aussitôt Tsukasa.
Je lui sourit et lui pris la main :
- Attends moi ici. Je suis certaine que ma famille ne va pas tarder. Tu pourras les rassurer.
- Tsukushi…
- Fais ça pour moi, d'accord ? Je vais bien !
Il acquiesça et se laissa tomber dans le fauteuil près du lit. On m'installa pour passer le scanner. Ça ne dura que quelques minutes. Je n'avais qu'une envie : rentrer à la maison et être seule.
Comme je m'y attendais, à mon retour dans la chambre, mes parents et mon frère étaient là. Ma mère et mon père étaient en larmes :
- Tu nous as fait une de ces frayeurs, Tsukushi ! sanglota-t-elle.
- Calme toi maman, ça va, regarde. Je vais sans doute rentrer ce soir alors plus besoin de vous inquiéter.
Le médecin toqua à la porte et fit son entrée. Il regarda une dernière fois mon dossier :
- Je voudrais vous parler de vos résultats, madame Dômyôji.
Ma famille s'éclipsa dans le couloir mais j'étais certaine qu'ils avaient l'oreille collé à la porte. Tsukasa me prit la main :
- Vos résultats sont bons. On peut dire que vous avez eu de la chance. À part quelques fractures, vous en êtes sortie indemne.
Je sentis la main de mon mari se crisper sur la mienne :
- De la chance ? DE LA CHANCE ?! cria Dômyôji. Elle a failli mourir à cause d'un chauffard. Elle a perdu notre enfant ! Vous appelez ça de la chance ?! dit-il en l'attrapant par le col.
Je me retins de pleurer car il avait raison. C'était de ma faute. La culpabilité me fit un nœud dans le ventre. Je tirais faiblement Tsukasa par la manche pour le calmer. Le médecin se racla la gorge :
- Veuillez m'excuser, je me suis mal exprimé. Je vais faire les démarches pour que vous puissiez sortir dans l'après midi. dit-il sans nous regarder.
Il sortit de la chambre et ma mère se jeta sur moi :
- Je vais te chercher à boire. déclara Tsukasa avant de sortir de la chambre.
- Tout va bien, maman, le médecin a dit que j'allais sortir.
Elle me donna une tape :
- Tu as eu de la chance. La prochaine fois, fais plus attention.
- La prochaine fois ? m'étonnais-je.
- Oui. Vous allez rapidement nous remettre un enfant en route ! Tu dois faire un hériter à monsieur Dômyôji.
- Tu as raison, maman. Je ferai attention. dis-je pour masquer le mal que m'avait fait sa remarque.
- Bien ! Je suis rassurée. La prochaine fois sera la bonne. dit-elle, les yeux rêveurs.
- Maman, arrête de l'embêter. Tu vois bien qu'elle est fatiguée. On devrait la laisser avec monsieur Dômyôji ! Intervint mon père.
- Tu as raison, papa. Maintenant qu'on sait que tu es saine et sauve, on va rentrer. Tu viendras avec monsieur Dômyôji, bientôt ? On fera une fondue comme au bon vieux temps.
- Tsukasa va sûrement repartir à New York. Après tout, j'ai mis la pagaille dans ses affaires.
Le concerné passa la porte à ce moment, une canette à la main. Il avait l'air furieux :
- Tu crois vraiment que je vais retourner là-bas maintenant ?
Sa voix était glaciale. Je ne trouvais rien à répondre. Ma famille s'inclina devant mon mari :
- Merci de prendre soin d'elle. On va vous laisser entre vous.
- Merci mère ! répondit Tsukasa.
Ma mère et mon père rougirent puis tirèrent Susumu dehors :
- On viendra bientôt vous voir pour cette fondue. lança mon mari avant de fermer la porte.
Il s'approcha du lit et me tendit la canette :
- Tu restes, alors ? dis-je timidement.
- Évidemment, idiote. Nishida me tient au courant et je réglerai ça à mon retour, là-bas. Et puis, je peux travailler quelques jours de la maison.
- Pardon.
- Arrête de t'excuser, crétine !
Je lui posais des questions sur son séjour aux États-Unis. il me raconta qu'il avait croisé sa sœur qui était justement de passage sur la côte est. Ses yeux ne me quittaient pas, comme s'il avait peur que je disparaisse. Mais, à vrai dire, je n'écoutais ses réponses qu'à moitié. Luttant contre la fatigue et la douleur. Une douleur indicible que je peinais à contenir.
Bientôt, on toqua à la porte pour déposer un plateau repas devant moi. Je me rendis aussitôt compte que je n'avais pas faim du tout. Je restais un long moment à regarder le plateau quand la voix de Dômyôji me fit sursauter :
- Tu ne manges pas ? demanda t-il, soucieux.
- Je suis sûre que tu n'as pas vraiment mangé, toi non plus.
- Tu sais, moi, la bouffe d'hôpital…
- On partage ? Ça fait longtemps qu'on a pas partagé un repas aussi simple.
Il se passa la main sur le visage et soupira :
- Très bien… Commence, « tête de moule » !
- On dit tête de mule… Poulpe !
Il me tendit les baguettes et me regarda porter la première bouchée à mes lèvres. La nausée m'envahit aussitôt mais je fis mon possible pour ne rien montré et tendit un plat à mon mari :
- Vas-y, c'est ton tour.
Il ne se fit pas prier et je fus soulagée de voir qu'il tenait le coup.
Après le repas, Tsukasa disparut de nouveau pour informer sa sœur et sa mère des dernières nouvelles. À l'aide d'une infirmière, je me levais pour la première fois. La tête me tourna légèrement. Je me glissais sous le jet de la douche. Je frottais doucement ma peau couverte d'hématomes, puis mon ventre et je sentis les larmes couler sans que je puisse me contrôler.
J'entendis la porte de la chambre s'ouvrir et la voix de Tsukasa échangeant avec l'infirmière. Je me mordis violemment la main pour qu'ils ne m'entendent pas :
- Vous avez besoin d'aide, madame ?
Je pris une profonde respiration pour reprendre contenance :
- Tout va bien ?… commença la jeune fille.
- Je vais entrer. coupa mon époux devant mon absence de réponse.
- Non ! criais-je.
- Tsukushi, il y a un problème ?
- Non, tout va bien, j'arrive ! m'empressais-je de répondre de la voix la plus calme possible.
Je me séchais tant bien que mal d'une seule main et me glissais dans les vêtements que j'avais préparés au préalable et qui, je le supposais, avaient été apportés par Rui Hanazawa. Il y avait aussi un petit sac avec mes effets personnels. Ma montre était complètement hors d'usage. Elle affichait l'heure du choc, ce qui me noua le ventre. L'heure exacte à laquelle notre enfant avait quitté ce monde. Il y avait aussi le collier de saturne. Lui, au moins, je ne l'avais pas perdu. Impossible de le mettre seule.
En ouvrant la porte, je me cognais contre le torse de Tsukasa. Il m'entoura de ses bras puis m'obligea à le regarder :
- Tu es sûre que ça va ?
- Oui, j'ai juste hâte de rentrer. Tu peux m'aider à le mettre ? dis-je en tendant le collier à mon mari.
Il me le passa autour du cou et déposa un baiser sur mon front. En prenant appui sur ma jambe, la douleur dans mes côtes me tira une grimace et je me sentis aussitôt soulevée :
- Fais donc attention ! Décidément, je te suis indispensable.
Je pris son visage dans mes mains et l'attirer vers moi pour l'embrasser avec tendresse. Un raclement de gorge nous interrompit. Dômyôji me posa avec précaution dans le fauteuil, rouge jusqu'aux oreilles.
- Excusez moi, mais le médecin vient de signer vos papiers de sortie. Vous êtes libre de partir. Annonça l'infirmière, visiblement gênée par ce qu'elle avait surpris.
Elle ne se fit d'ailleurs pas prier pour disparaître. Tsukasa se tourna vers moi et attrapa son téléphone et dit à son interlocuteur :
- Attendez nous dans le hall, on arrive. Et je veux que la voiture soit aussi près de l'entrée que possible.
Il était vraiment le président du groupe Dômyôji, à présent. Son ton ne supportait aucune contradiction.
- Débrouillez vous, on est là dans cinq minutes !
Il me prit de nouveau dans ses bras , plongeant ses yeux dans les miens quelques instants :
- Je peux marcher… Il va y avoir des journalistes à coup sûr !
- Rien à faire de ces abrutis ! répondit-il en me serrant un plus contre son torse.
- Tsukasa… Sois raisonnable !
- Je fais ce que j'ai envie ! Laisse toi faire, pour une fois !
- D'accord, seulement si tu me laisses marcher quand on sortira de l'ascenseur.
J'aurais pu voir les rouages de son cerveau tourner. Il continua à marcher :
- Regarde, il porte sa femme… Comme c'est beau. murmura une voix sur notre passage.
- Oh oui, tu as raison… Mais, ce ne serait pas Tsukasa Dômyôji, le PDG du groupe du même nom ? répondit une autre voix.
- Oh, mais si !
Je me sentis m'empourprer. Voilà justement ce que je redoutais. Je ne voulais pas ternir l'image du groupe. Sa mère me l'avait bien assez reproché avant de concéder à notre union. Une fois dans l'ascenseur, Dômyôji me reposa avec douceur et me tendit son bras :
- Tiens toi bien , il ne faudrait pas que tu t'écrases face contre terre douée comme tu es !
- Dômyôji ! Dis je en lui donnant une tape sur l'épaule
Il esquissa un sourire et m'ébouriffa les cheveux. Je me recoiffais rapidement en me regardant dans le miroir. La porte s'ouvrit et immédiatement nous fûmes entourés de garde du corps et de journalistes. Je serrais un peu plus mon étreinte sur le bras de l'homme que j'aime. Les hommes chargés de notre sécurité nous ouvrirent un chemin. Les portes automatiques s'ouvrirent. Le vent me caressa le visage. Une première question de journaliste fusa :
- Que ressentez vous après avoir perdu votre fils ?
Mon cœur battit plus fort. Comment savait-il que c'était un garçon ? Nous ne l'avions pourtant dit à personne.
- Je suis désolée. balbutiais-je.
- Pourquoi être désolée ? Vous êtes vous jetée sous les roues de cette voiture ?
Je sentis les larmes me brûler les yeux. Je déglutis difficilement. Tsukasa m'attira contre lui, son bras autour de mon épaule :
- Ma femme a failli mourir et je compte bien faire tout ce qui est en mon pouvoir pour retrouver le responsable pour l'empêcher de faire plus de mal qu'il n'en a déjà fait.
- Monsieur Dômyôji, comptez vous retourner à New York ?
- Pas dans l'immédiat. Je compte bien prendre soin de mon épouse.
- Madame Dômyôji, êtes vous consciente de mettre l'économie de notre pays en péril !
Des milliers d'emplois dépendant des filiales du groupe, je n'avais pas le moindre doute sur le fait que la décision de Tsukasa de rester près de moi quelques jours était effectivement risqué. Je tremblais légèrement. La main de mon mari se glissa dans mes cheveux :
- Je n'aime pas votre insinuation. Soyez sûre que je mettrai toujours tout en œuvre pour protéger les emplois dépendant de mes décisions et de moi même ! Si vous le voulez bien, nous allons rentrer chez nous. Vous comprenez que madame Dômyôji a besoin de repos.
Sa voix assurée amena le silence. Son regard était noir de colère. Sa main chaude et douce passa dans ma nuque et il m'aida à me glisser dans la berline de luxe.
Dès que la voiture eut démarré, il m'attira sur ses genoux et enfouit son visage dans mes cheveux. Je le sentis trembler :
- Tsukasa, ça va ?
- Je leur aurait bien foutu un raclée à ces cons de journalistes ! Comment ont-ils pu dire des horreurs pareilles ? J'ai failli perdre l'amour de ma vie… Et on a perdu notre fils.
- Tsukasa… murmurais-je, les larmes coulant sur mes joues.
Son chagrin se lisait sur ses traits, ses poings serrés à faire blanchir ses articulations. Je le pris dans mes bras où il se laissa aller à sa tristesse. J'essuyais maladroitement ses joues. Il prit mon poignet blessé avec précaution et y déposa un baiser. Il m'entoura de ses bras et j'emplis mes poumons de son parfum.
Nous restâmes ainsi sans rien dire et, la fatigue aidant, je finis par m'endormir bercée par les battements du cœur de l'homme que j'aimais de tout le mien.
POV Tsukasa
La voiture se gara dans l'allée devant notre demeure. Tsukushi dormait à point fermés et il était hors de question que je la réveille. À ma grande surprise, ce fut Rui qui ouvrit la portière :
- Passe la moi.
Je lui jetais un regard noir :
- Tu vas faire comment pour sortir de là sans la réveiller, sinon ? dit-il en affichant un sourire en coin.
J'expirais par le nez. Celui là, il ne changera jamais. Il adorait s'amuser a mes dépens. Je lui tendis délicatement ma Tsukushi et sortit rapidement de la voiture qui disparut après que j'eus claqué la porte. La tête de ma femme reposée sur le torse de mon ami, je sentis la jalousie me chauffer les oreilles et tendis les bras :
- Tu ne changeras jamais ! ricana Rui.
- Je ne vois pas pourquoi je devrais le faire. Grommelais-je.
Nous marchâmes jusque devant la maison où la porte s'ouvrit presque instantanément. Rui me donna une tape dans le dos :
- C'est ici que je vous laisse, maintenant que je suis rassuré. Prenez soin de vous. On repasse bientôt.
- « On » ?
- Tu croyais vraiment que Yuki et Shigeru n'allaient pas apprendre ça ?
Je haussais des épaules. C'est vrai que j'avais complètement oublié des les prévenir.
Le personnel de maison était là au grand complet. Je leur fis signe de ne faire aucun bruit. Une fois dans notre chambre, je déposais Tsukushi dans les draps et me dépêchais de la border. Son visage était encore pâle. Je restais quelques minutes à la contempler. Le ton qu'elle avait eu au téléphone… Le son horrible qui s'en était suivi puis le bip de la ligne qui se coupe… Mon cœur avait manqué un battement, mais ce n'était rien en comparaison de ce que j'avais ressenti quand Akira m'avait raconté ce qu'il venait de se passer. Le voyage en jet avait été une vraie torture.
Me glissant hors de la chambre, je rencontrais une domestique :
- Ne dérangez madame sous aucun prétexte. Quand il sera l'heure du repas, venez me chercher dans mon bureau. J'irai la réveiller moi même.
- Bien, monsieur. répondit l'employée en s'inclinant devant moi.
Je me dirigeais sans grand enthousiasme vers mon bureau et me mit aussitôt au travail pour ne plus penser à la tristesse qui enserrait mon cœur.
J'étais en train de relire un énième dossier quand on vint m'informer que le repas était prêt. Une fois dans la chambre, je constatais que ma femme dormait toujours mais son visage était crispé dans une expression douloureuse. Je m'assis sur le rebord du lit et posais ma main sur son bras pour la réveiller en douceur. Elle ne tarda pas à ouvrir les yeux :
- Le dîner va être servi. Tu viens ?
- Je n'ai pas faim. murmura-t-elle sans me regarder.
- Tsukushi… Tu n'as presque rien mangé à l'hôpital et ton organisme à besoin de forces.
Ses yeux se posèrent sur moi. Ils n'avaient plus cette étincelle qu'ils avaient encore à mon départ à New York. Elle soupira :
- D'accord. dit-elle en se redressant tant bien que mal.
Elle gémit de douleur.
- Laisse moi t'aider.
- Ça va aller.
- Ne soit pas si têtue. répliquais-je en prenant sa main.
Je la pris dans mes bras et la soulevais de terre. Cette fois, elle ne protesta pas, se contentant d'enrouler ses bras autour de mon cou. Une fois près de la table déjà garnie, je la déposais sur sa chaise et m'installais en face d'elle. Elle prit ses baguettes mais sa main resta en suspend, le regard perdu :
- Mange avant que ce soit froid, Makino.
Elle ne semblait pas m'entendre :
- Hé, Makino ! dis-je plus fort.
Elle sursauta et me sourit tendrement :
- Excuse moi, tu as raison !
Elle commença à manger mais ça se voyait qu'elle se forçait juste pour me tranquilliser. Elle ne tarda cependant pas à reposer ses baguettes et, le menton dans la paume, elle me regarda manger.
- On va se promener dans le parc ? Proposa-t-elle.
- Tu as besoin de te reposer.
- Non… J'ai besoin d'être avec toi.
Elle affichait un sourire triste. Mon cœur se serra douloureusement dans ma poitrine. Dès le début, je n'avais jamais aimé voir de la tristesse dans son regard. Elle se leva et me serra contre sa poitrine :
- Je veux être seule avec toi… j'en ai besoin.
- D'accord.
Elle ferma les yeux :
- Merci. murmura-t-elle.
Je me levais et la pris sur mon dos :
- Tsukasa, je peux marcher ! Protesta-t-elle en me martelant le dos.
- Hey, espèce de furie. dis-je en la reposant.
- Donne moi ton bras, idiot !
Je le lui tendis sans rechigner et on sortit dans le parc entourant notre demeure. Je dus adapter mon pas sur le sien. Au milieu d'une allée de cerisiers se trouvait un banc :
- Si on allait s'asseoir ?
Elle ne répondit rien mais elle resserra sa prise sur mon bras. On s'installa. Je m'affalais contre le dossier quand ma femme, elle, resta le dos bien droit, les doigts crispé sur ses genoux :
- Viens là. dis-je en l'attirant contre mon torse. Si tu as mal, on rentre.
- Non, je suis bien là avec toi.
J'enroulais une mèche de ses cheveux autour de mes doigts :
- Est-ce que ça va, Tsukasa ? Comment tu te sens ?
- Comment je me sens ? Moi, je vais très bien !
- Ne me prends pas pour une idiote… Tu viens de perdre ton fils.
Sa voix n'était qu'un murmure.
- Je mentirais en disant que ça ne me fait rien. Mais tu es en vie et c'est le plus important.
- La montre que tu m'as offert… Elle est hors de service.
- Et alors ? Dis-je en haussant les épaules.
- Tu me l'avais offerte et ça valait extrêmement cher. Pardon.
- Arrête… Je t'en offrirais une autre.
Elle enfouit son visage dans ma chemise et resta un long moment sans rien dire. La nuit commençait à tomber en même temps que le vent se faisait plus mordant :
- On rentre ?
Elle acquiesça et nous fîmes le chemin du retour en silence. Elle déposa un baiser sur mes lèvres :
- Je vais dans la bibliothèque. On se retrouve dans une heure dans la chambre.
- Je vais finir un dossier. On se retrouve là bas. Dis-je en déposant un baiser sur ses cheveux.
Je bouclais rapidement le dossier et appelais le majordome pour lui demander d'acheter un nouveau téléphone à Tsukushi et de contacter des bijoutiers pour choisir une nouvelle montre.
L'heure venue, je rejoignis Tsukushi dans la chambre mais, comme elle n'était pas encore là, je décidais de prendre une douche. Quand je revins dans la chambre, elle était assise sur le bord du lit en nuisette et me fit un sourire :
- J'ai l'impression que ça fait une éternité que nous n'avons pas dormi ensemble.
On se glissa dans les draps où elle se blottit contre moi. Je ne tardais pas à m'endormir.
Le lendemain et les jours suivants, quand je me réveillais, Tsukushi n'était déjà plus là. Nous avions tout le temps de la visite, si bien qu'elle sembla retrouver le sourire mais je voyais bien qu'elle mangeait du bout des lèvres.
Arriva le jour où mes obligations professionnelles me rattrapèrent et où je dus me résoudre à retourner à New-York pour y terminer ce que j'avais commencé. Elle m'accompagna à l'embarquement :
- Je reviens bientôt.
- J'y compte bien ! déclara-t-elle en se dressant sur la pointe des pieds pour m'embrasser.
- Monsieur, on doit y aller ! m'informa le pilote.
- Vas-y, on se reparle bientôt.
- Tu es sûre que tu ne veux pas venir ? demandais-je anxieux.
- Non, j'aimerais venir mais j'ai plusieurs soirées à honorer en ton nom.
- Au moindre problème, tu m'appelles et je reviens !
- Ne t'inquiète pas. essaya-t-elle de me rassurer.
Une fois installé dans mon fauteuil, je regardais par le hublot. Elle me faisait de grand signes de la main. Alors que l'avion décollait, je ne pus empêcher mon ventre de se nouer d'appréhension. J'avais un mauvais pressentiment.
