Chapitre 3

Vendredi 21 septembre

Il était dix-huit heures.

Les bâtiments étaient vides à cette heure, les entrainements de foot, de baseball, de tennis et de natation se faisant de quinze heures à dix-sept heures. Le silence était pesant et, pourtant, Clarke adorait ça. Elle pouvait se perdre dans son monde imaginaire, tracer les courbes délicates à main levée, remplir les zones de couleurs, se lever et reculer pour avoir un point de vue différents, etc. La salle de dessin était tout à elle depuis plus d'une heure, les autres élèves ne restant jamais au-delà des heures officielles même si leur projet avançait à pas d'escargot.

Heureusement, elle avançait vite. Sur les dix dessins qu'elle devait refaire, il y en avait déjà sept de terminés et elle en était à la moitié du huitième. Elle avait commencé par la peinture à l'huile, puis avait continué avec l'aquarelle et, ce soir, elle était passée aux crayons. Les deux derniers étaient à faire au fusain donc elle pourrait les faire intégralement chez elle. Ainsi elle aurait terminé ce week-end.

Toc ! Toc ! Toc !

Alors qu'elle retirait son crayon du papier et tournait la tête vers la porte, elle vit Lexa, les cheveux mouillés, dépasser sa tête de la porte.

- Désolée, j'ai vu de la lumière, expliqua la brune en ouvrant la porte en plus grand et s'appuyant sur le mur. Tu restes toujours aussi tard ?

- Pas toujours, non, souffla Clarke, essayant de masquer sa mauvaise humeur.

Ce n'était pas la faute de Lexa si sa petite-amie était une garce.

- C'est toi qui as fait ces trucs violets sur ta farde ? Demanda Lexa, réellement intriguée.

Atterrée, Clarke jeta un œil à Lexa avant de regarder sa farde. Il était vrai qu'une fois sèche, les tâches violettes ressemblaient à un décor de lampe à lave mais quand même !

- Non, c'est ta petite amie que je dois remercier pour ça, répondit sèchement Clarke. Elle a renversé son smoothie sur ma farde et, par extension, sur mon projet artistique, ajouta-t-elle en montrant le chevalet où reposait son dessin à moitié fini.

- Oh... Murmura Lexa, l'air penaud. Et elle s'est excusée ? S'enquit-elle.

Clarke se moqua.

- Non, elle a commenté sa maladresse avant de prendre la fuite, expliqua-t-elle avant de reconcentrer toute son attention sur son dessin.

Au bout d'une minute, se sentant ignorée, Lexa recula puis sortit de la pièce.

Entendant la porte se refermer derrière elle, Clarke soupira en baissant son crayon. Elle n'avait pas voulu parler sèchement à Lexa mais le fait que la brune ignore à quel point sa petite-amie n'était pas la fille parfaite qu'elle s'imaginait l'énervait au plus haut point.


Mardi 25 septembre

- A demain !

Raven partit en direction de l'aile scientifique alors que Clarke entrait dans la salle de dessin.

Elle avait cours les mardis et vendredis après-midi et elle adorait ça : Madame Cartwig était son enseignante préférée et elle savait de quoi elle parlait. La femme d'environ trente-cinq ans avait étudié à la très réputée Académie d'art de Cincinnati et avait côtoyé des artistes internationalement reconnus. Elle avait passé quelques années à peindre et à croquer –ses œuvres étaient d'ailleurs exposées- dans des galeries newyorkaises- avant de se tourner vers l'enseignement. Le plus amusant et plus intéressant, c'était qu'elle donnait souvent des anecdotes sur les ratés et les plus grandes réussites de ses anciens camarades, ce qui aidait grandement ses élèves à s'améliorer.

Madame Cartwig était aussi l'une des seules personnes à lui dire qu'elle a le potentielle d'une grande artiste. Son père le lui disait depuis toute petite et sa mère, bien qu'elle aurait préféré qu'elle suive sa voie en choisissant une carrière médicale, voulait que sa fille soit heureuse et la soutenait dans son parcours mais c'était ses parents. Alors qu'une personne experte comme son enseignante reconnaisse son talent ! Clarke avait parfois l'impression que Madame Cartwig exagérait un peu –oui, elle dessinait et peignait bien mais comme beaucoup d'autres élèves !- mais la femme semblait certaine de son potentiel.

- Il semblerait que vous ayez un fan, Clarke ! S'exclama l'enseignante alors que les élèves entraient un à un dans la salle.

Confuse, Clarke se dirigea vers son chevalet et remarqua une grande pochette noire avec le mot "pour Clarke" scotché dessus. Clarke la prit dans les mains et la regarda sous toutes les coutures : elle était en nylon noir, avait une fermeture à glissière, avait ses coins renforcés, une poignée en mousse et une bandoulière réglable. Une farde de luxe comparée à son ancienne farde à dessin cartonné et semi-plastifié qui lui avait quand même couté douze dollars. Sa famille était aisée mais son argent de poche était limité et elle payait elle-même ses fournitures d'art.

Alors qui la lui avait offerte ?

Certainement pas Octavia ni Raven. Ses amies le lui aurait dit ou aurait acheté la même farde que celle qu'elle possédait déjà.

Certainement pas Costia non plus. La fille n'était pas du genre à s'excuser et pourquoi le ferait-elle alors qu'elle avait renversé son smoothie exprès ?

Clarke regarda les autres élèves dans son cours de dessin. Sterling était sympa et dragueur mais pas du genre à faire des cadeaux. Monroe n'avait probablement pas remarqué l'état de sa farde donc non. Murphy faisait comme s'il n'avait de sentiments que pour Emori, alors qu'elle savait très bien qu'il aimait aussi ses amis malgré ses dires, donc pas lui non plus. Elle avait déjà parlé avec les autres élèves et s'entendait bien avec eux mais ils n'étaient pas assez proche pour qu'ils lui fassent ce cadeau.

Bellamy et Lincoln n'était pas au courant pour sa farde, donc ils étaient également à exclure de la liste des potentiels bienfaiteurs.

Il ne restait donc qu'une personne et Clarke préféra la rayer de sa liste aussi plutôt que de se faire de faux espoirs...


Samedi 29 septembre

Le samedi, Clarke fit un tour à la boutique d'art de Madame Trikru.

Sa fille Niylah était une amie de Clarke. Comme elle était déjà partie pour sa deuxième année à l'université en septembre, elle ne la croisa pas dans les rayons à aider sa mère comme elle le faisait l'été. Sa mère était très gentille et connaissait les habitudes de Clarke, lui parlant en avance des nouvelles marchandises sur le point d'arriver ou des futures promotions avant qu'elles ne soient encore en magasin.

Clarke y était allée à la base pour acheter quelques crayons de couleurs, ses crayons verts et bleus ne mesurant plus qu'un centimètre ou deux. Finalement, elle en profita pour aller dans le rayon où se vendaient les fardes et trouva le prix de la farde noire qu'on lui avait offerte.

Et qu'elle n'a pas été sa surprise en découvrant qu'elle coutait vingt-deux dollars !

Voulant en avoir le cœur net, Clarke prit la farde avec elle et alluma son portable tout en se dirigeant vers la caisse où attendait Madame Trikru.

- Excusez-moi Madame Trikru...

- Oui, ma chérie ?

- Est-ce que vous avez déjà vue cette fille entrer ici ? Demanda Clarke en montrant une photo de Lexa se trouvant sur sa page Instagram.

- Oui, je l'ai déjà vue ici ! Je dirais il y a quelques jours, précisa-t-elle.

- Et est-ce qu'elle a acheté ça ?

Madame Trikru levaun sourcil et Clarke se rendit compte que, peut-être, la femme ne pouvait pas dire ce que les clients achetaient. Alors elle lui dit la vérité :

- On m'a offerte une farde comme celle-là mais de manière anonyme et je pense que c'est elle qui me l'a offerte. Et si vous pouvez me le confirmer, ça me permettrait de la remercier.

Madame Trikru hocha la tête avec un sourire complice.

- Alors je te confirme qu'elle m'a bien acheté cette farde. Mais ne lui dit pas que je te l'ai dit ! Ajouta la vendeuse avec un clin d'œil.

Lundi, Clarke chercherait Lexa pour des explications.


Chapitre 4

Lundi 1er octobre

Croiser Lexa dans les couloirs était une chose, lui parler en était une autre. Elles n'avaient pas de cours en commun le premier jour de la semaine et Costia était toujours collée à ses basques. Il n'y avait qu'aux toilette que Lexa était seule mais ce n'était pas comme si Clarke savait à quelle heure exactement la brune s'y rendait.

Ce sera plus facile le lendemain.

Elles avaient cours d'anglais en commun et pas avec Costia. Donc elle pourrait probablement lui parler une minute ou deux après ce cours.


Mardi 02 octobre

Finalement, la garce –euh, Costia !- attendait Lexa à la porte.

Impossible de parler à la brune pendant le cours et impossible de l'approcher alors que Costia était là. Costia avait-elle une vie en dehors de "je colle Lexa toute la journée" ?

- Elle essayait peut-être juste d'être sympa, lui dit Octavia en mangeant son yahourt.

La cafétaria était spécialement bruyante aujourd'hui : il faisait de moins en moins chaud et il pleuvait, donc les élèves qui avaient l'habitude de manger à l'extérieur s'était vus obligés de manger à la cafétaria.

- Ou alors tu lui plais et c'était une tentative d'approche, suggéra Raven avant de mordre dans son deuxième sandwich poulet/tomates/concombre/sauce barbecue.

- Ca m'étonnerai, répondit Clarke à Raven. Tu as vu Costia ? C'est une garce mais même moi je reconnais qu'elle est canon !

- Oui, mais comme tu viens de le dire, c'est une garce, insista la jeune Blake.

- Pourquoi c'est si important pour toi de lui parler de la farde ? Demanda ensuite la latina. Accepte-la et ne te poses plus de question !

- Je veux quand même essayer de la croiser aujourd'hui ou demain. Si je n'y arrive pas, je laisse tomber, promit Clarke.


C'était risqué. Très risqué. Mais son cours de dessin venait de se terminer et elle n'avait rien de prévu tout de suite donc elle pouvait trainer.

Elle marcha lentement dans les couloirs et attendit au coin près de la porte menant aux vestiaires de la piscine intérieure du lycée.

Elle attendit. Et attendit. Son portable indiquait dix-sept heures quinze quand elle entendit les portes s'ouvrir et des élèves sortir. Les filles parlaient et riaient et elle reconnut le rire cristallin de Costia. Quand elles passèrent dans le couloir à côté d'elle sans la voir, elle constata que Lexa n'était pas parmi elles.

Elle attendit que les filles soient sorties de son champ de vision avant d'emprunter la porte à côté des vestiaires. Il y avait un accès pour les visiteurs à l'extérieur mais, comme il pleuvait, elle préférait passer par l'intérieur du lycée pour rejoindre les gradins.

En montant les escaliers, elle vit une silhouette vêtue d'un maillot de bain une pièce de couleur bleu marine et d'un bonnet noir dans le grand bassin. Alors qu'elle s'installait en hauteur, elle vit la nageuse entamer une autre longueur.

Clarke regarda Lexa nager pendant de longues minutes. Elle avait oublié à quel point c'était apaisant de regarder la brune nager alors que les seuls sons étaient ceux de ses bras entrant et sortant de l'eau et ses pieds battant la surface. Quand elle observait Lexa au collège, elle avait toujours trouvé ça un peu long mais elle était dévouée à attendre son amie alors elle venait à chaque entrainement et emmenait son carnet et ses crayons pour dessiner. Ainsi elle passait le temps.

Mais aujourd'hui, regarder Lexa n'était pas long ni ennuyant. Au contraire, c'était hypnotisant. Tellement hypnotisant d'ailleurs qu'elle se fit attraper par Lexa en train de la regarder. La brune la fixa un moment avant de se diriger vers le bord de la piscine et de sortir de l'eau.

La gorge de Clarke fut soudainement sèche lorsqu'elle déglutit en voyant l'eau ruisseler sur le corps de Lexa.

C'est pas le moment Griffin !

- Clarke ? T'es là depuis longtemps ? Demanda Lexa avec un air curieux en se rapprochant des gradins.

- Oh, seulement depuis quelques minutes, répondit-elle en rougissant.

Ou plutôt une bonne demi-heure...

- Et qu'est-ce qui t'as donné envie d'assister à nouveau à mes entrainements ?

Alors Lexa se souvenait que Clarke y venait auparavant, même si c'était il y a cinq ans.

La blonde se leva et descendit les escaliers.

- La farde de dessin, dit-elle sans tourner autour du pot. Je sais que c'est toi qui l'as achetée.

- Ce n'était pas un secret, rétorqua Lexa en souriant.

- Mais ton mot n'était pas signé, répliqua Clarke.

La brune haussa les épaules.

- Pourquoi ? Demanda Clarke. Pourquoi tu me l'as offerte ?

- Parce que ta farde était abimée, répondit évasivement la nageuse.

- Oui, mais c'est Costia qui l'a abimée, pas toi, insista la blonde.

Lexa soupira.

- Costia n'est pas douée pour s'excuser alors...

- Si Costia s'était excusée et m'avait offert cette farde, je ne l'aurai pas acceptée, dit Clarke en croisant les bras.

- Quoi ? S'exclama Lexa, confuse. Mais pourquoi ? Voulut-elle savoir.

- Parce qu'elle l'a fait exprès ! Répondit Clarke. Et je m'en fiche de ma farde : c'est tout mon projet d'art que j'ai dû recommencer parce que ta petite amie a volontairement renversé son smoothie dessus ! S'exclama-t-elle, exaspérée.

- C'est...

Lexa semblait abasourdit.

- Tu te rends compte de quoi tu l'accuses Clarke ? S'énerva-t-elle. Est-ce que tu peux le prouver au moins ?

- Non mais...

- Je ne pensais pas que tu étais comme ça, se désola la brune en se tournant vers les vestiaires.

Clarke était bouche bée. Elle ne s'attendait pas à ce que la conversation prenne cette tournure. Elle n'en revenait pas que Lexa soit aussi aveugle à propos de Costia. Cela l'énerva et elle décida que la brune n'aurait pas le dernier mot.

- Et il y a cinq ans ? S'exclama-t-elle faisant se retourner Lexa vers elle. Quand Costia est venue me voir pour me dire que je te déconcentrais pendant tes entrainements et que je n'y étais plus la bienvenue ? Ca venait d'elle ou de toi comme elle me l'a fait croire à l'époque ?

Parce qu'aujourd'hui, Clarke n'en était plus si sûre.

La brune ne répondit pas, les yeux écarquillés. Sa réaction ne répondait pas vraiment à la question bien qu'elle ne soit pas nécessaire. Clarke avait évolué : elle n'était plus aussi naïve qu'au collège et elle voyait de plus en plus comment était Costia, surtout s'agissant de Lexa. Elle espérait que sa question ferait réfléchir Lexa.

Elle quitta les gradins, laissant la brune dans ses pensées.


Jeudi 04 octobre

Elle avait vu Costia et Lexa hier et aujourd'hui. Mais ni côte à côté ni dans la même pièce.

Le moulin à rumeurs du lycée avait donc tourné et il se disait que les deux filles s'étaient violemment disputées.

Tromperie ? Désaccord ? Mensonge ?

Personne ne le savait mais tout le monde avait sa petite idée. Et le moulin à rumeurs grossissait d'heures en heures.

Costia continuait de trainer avec Rider, Nyko et Gaïa mais Anya était aux abonnées absentes de leur groupe, tenant plutôt compagnie à Lexa.

Clarke ne savait pas ce qu'elle devait en penser. Cette situation avait-elle un lien avec la révélation qu'elle avait faite à Lexa ? Costia avait-elle dépassé les bornes et Lexa en avait eu marre ? Ou Lexa avait-elle enfin ouvert les yeux ?

Alors qu'avant sa petite amie l'empêchait d'approcher Lexa, c'était maintenant sa cousine Anya qui agissait comme un garde du corps.

Pourquoi Lexa est-elle aussi difficilement accessible ? Soupira Clarke.


La suite demain !