Chapitre deux : Mot magique et Coupe du Monde
« Meurs ! Tu dois disparaître ! »
Il avait l'impression de mourir.
« Rends-moi ma vie ! »
Une dernière et interminable gerbe de sang franchit ses lèvres pour s'écraser sur l'émail de la cabine de douche. L'eau tiède s'abattait sans discontinuer sur lui, créant une multitude de minuscules rivières pourpres alors que le sang s'écoulait jusqu'à la bouche d'évacuation.
« Abomination ! »
Recroquevillé sur le sol trempé et froid, Envy serrait les dents pour ne pas crier de douleur. Sinon Edward pourrait l'entendre, endormi dans les dortoirs d'à côté. C'était la même chose depuis qu'il avait été tué par Lupin deux mois plus tôt. Cette douleur atroce dans la poitrine se manifestait fréquemment, le plus souvent lorsqu'il se réveillait de ses cauchemars. Et ceux-ci s'étaient multipliés depuis le début des congés.
« Va en Enfer ! »
Ils devenaient de plus en plus violents. À chaque fois, il tuait, égorgeait, dépeçait, torturait... C'était comme si son inconscient ne supportait pas qu'il devienne moins brutal, moins cruel et qu'il se rebellait contre ce comportement contre nature. Puis il se réveillait et ressentait cet étau autour de sa Pierre qui la compressait jusqu'à menacer de la réduire en poussière.
« Crève, monstre ignoble ! »
Depuis que tout cela avait commencé, il vivait avec la peur constante de mourir. Rien n'empêchait son impuissance face à cet état de fait de se manifester.
« Lâche ! Rends-moi ce que tu m'as pris ! »
Étouffant un gémissement derrière son poing, Envy se coucha sur le dos, laissant l'eau lui fouetter la poitrine, espérant par là que la faible chaleur atténuerait la douleur y prenant racine. Allongé, inerte et les yeux tournés vers le plafond blanc, il gardait cette sensation de mourir. À tout instant, il s'attendait à voir apparaître la Vérité, qui lui annoncerait qu'il avait épuisé toutes ses chances et échoué dans sa mission.
« La Vérité n'avait pas le droit ! Elle n'avait pas le droit ! Trahison ! »
Quand il avait passé ce pacte avec la Vérité, il n'aurait jamais pensé qu'il en souffrirait tant. Il s'était montré trop confiant. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même maintenant.
Si seulement il osait en parler à Edward... Il savait toujours tout...
- Alors, il est où ce nouveau passage secret ? s'impatienta Edward tandis qu'Envy marchait en silence le long du lac, l'air de savoir où il se rendait. On doit marcher encore longtemps ?
– Arrête de geindre et déshabille-toi.
Edward s'arrêta net, pétrifié. Il venait vraiment d'entendre ce qu'il croyait avoir entendu ? Alors qu'ils étaient arrivés loin du château, caché à l'abri d'un bosquet bordant le lac, Envy lui proposait quelque chose d'aussi étrange ? Et il le faisait vraiment ce taré ! Réalisa-t-il alors qu'Envy lançait son débardeur sur un buisson avant de s'attaquer à sa ceinture.
– T'es sourd ou quoi ? dit-il en voyant qu'il ne bougeait pas. Déshabille-toi.
– Mais qu'est-ce que tu fiches !
– Si tu préfères nager tout habillé, c'est ton problème.
– Nager ?
– Bien sûr. Tu pensais quoi ? Que je te faisais une proposition indécente ? railla Envy en le fixant d'un œil narquois.
Puis il parut comprendre que c'était exactement le cas et il rit. Vexé, Edward arracha ses vêtements à la hâte avant de les jeter sur une branche.
– Garde ta baguette avec toi, tu en auras besoin pour un sortilège d'apnée.
– Tu veux bien arrêter avec tes mystères et me dire ce que tu as trouvé ?
Envy ne répondit pas et plongea souplement dans l'eau profonde en contre-bas. Ennuyé, Edward le rejoignit plus maladroitement, peu habitué à nager étant donné son manque d'entraînement et le nombre d'années qu'il avait passé avec ses automails. Avant de plonger, il se lança un sortilège de Têtenbulle puis nagea à la suite d'Envy qui l'attendait en paraissant loin d'être dérangé par le manque d'oxygène ou de luminosité. Edward, de son côté, avait le plus grand mal à distinguer quoi que ce soit, à part quand quelque chose bougeait. Il remarqua la fuite désespérée de plusieurs poissons et créatures sur la route d'Envy alors que ce dernier nageait entre les algues. Il le vit même donner sciemment un coup dans une souche vide pour effrayer les animaux s'y cachant. Ça ne l'étonnait pas venant de lui.
L'Homonculus lui signala la direction à suivre en lui indiquant qu'ils devaient descendre, avant de joindre le geste à la parole. De plus en plus intrigué, Edward le suivit avec mal, évoluant plus difficilement que lui dans le milieu aquatique, à devoir traverser les algues et autres obstacles encombrants. Quelques mètres plus bas, la silhouette pâle d'Envy avançait souplement, ondulant entre les rideaux de plantes.
Plusieurs fois, il crut le perdre de vue, jusqu'à ce que cela arrive vraiment. Il aperçut de loin une autre silhouette qu'il voulut suivre, mais il reconnut Mimi Geignarde et fit demi-tour, perdu définitivement.
Edward s'arrêta et tourna sur lui-même, captant chaque mouvement dans les parages. Soudain, quelque chose de glacé se referma sur son avant-bras et il pointa sa baguette sur la gorge d'Envy. L'Homonculus agita sa main avec impatience pour qu'il vienne vers la paroi rocheuse. Là, Edward aperçut bientôt nettement l'ouverture béante qui s'allongeait indéfiniment. Ils s'y engouffrèrent l'un derrière l'autre.
Une obscurité totale les accueillit. Edward y mit un terme en lançant un Lumos devant lui. Envy tourna un regard intrigué dans sa direction et Edward comprit mieux comment il faisait pour naviguer ainsi dans le noir sans problème. Ses yeux, félins et fendus d'une fine pupille verticale, ne devaient pas être dérangés comme ceux des humains. Ébloui par la lumière, Envy se détourna de lui pour continuer.
Au bout d'un moment, Edward commençait à fatiguer et n'en voyait plus le bout, quand finalement, l'étroit tunnel remonta doucement d'abord, avant de devenir perpendiculaire. Ne souffrant heureusement pas de claustrophobie, il se demanda tout de même comment faire demi-tour plus tard. Il n'aurait jamais assez de place ! Affolé, il accéléra en voyant qu'Envy s'était arrêté deux mètres au-dessus de lui et qu'il ne bougeait plus, restant en nage statique. Il s'était poussé au maximum contre la paroi poisseuse afin de laisser assez d'espace à Edward pour venir à côté de lui.
Crevant la surface, le sortilège d'apnée prit fin alors qu'Edward prenait sa première goulée d'air. Ils étaient arrivés au bout du tunnel, dans une espèce de poche d'air. L'espace pour leurs têtes, à peine plus large que celui qu'ils avaient emprunté pour arriver, formait un cône s'élargissant vers une sorte de trappe. Au centre de celle-ci, une poignée en bronze verdâtre trônait fièrement, ornée d'un visage strict et figé.
– J'espère pour toi que c'est pas des latrines, commenta Edward avant de boire la tasse alors qu'il commençait à couler.
Envy le remonta en roulant des yeux et le tint contre la pierre en comprenant qu'il fatiguait à force de nager aussi longtemps.
- Comment on fait pour ouvrir ? demanda Edward en tendant le bras.
Il ne réussit qu'à frôler la poignée, trop haute par rapport au niveau de l'eau. Envy l'attrapa soudain par la taille et le souleva sans effort.
– Eh ! Qu'est-ce que tu fous ?
– Je n'arrive pas à l'ouvrir, répondit Envy qui devait se tordre le cou pour le regarder dans les yeux. J'espérais que tu y arriverais. Demande-lui de s'ouvrir.
– Quoi ?
Edward fixa la porte qui maintenant tombait à sa portée puis enroula sa main autour de la poignée. Il la tourna, mais l'entrée resta bloquée. Alors il la prit à deux mains et tenta de forcer. Le visage s'anima et fronça les sourcils.
– Ohé ! s'écria une voix inconnue et crachotante. Personne ne t'a appris les bonnes manières ?
Edward eut un mouvement de recul et lâcha la poignée. Une porte qui parle, il aurait dû s'en douter.
– Nous aimerions entrer. Pourriez-vous nous laisser passer ?
– Pas avant d'avoir entendu le mot magique, répondit la porte, têtue.
- Et voilà qu'elle recommence ! s'énerva Envy en dessous. J'en ai marre ! Déjà la dernière fois elle m'a demandé ça, comme si je devais deviner duquel elle voulait parler sur tous ceux qui existent —
– S'il vous plaît, ajouta Edward poliment.
Il y eut un déclic sourd qui coupa la parole d'Envy. Il n'en crut pas ses yeux. La porte se laissa alors ouvrir docilement.
– Merci, conclut Edward en s'agrippant aux bords en pierre avant de se hisser dans l'ouverture.
Grelottant alors qu'il débouchait soudain dans les courants d'air, Edward fit mine de se pencher pour aider son ami à s'extirper du tunnel, mais avant d'avoir pu bouger, Envy se propulsa hors du trou pour atterrir à côté de lui. La porte se referma d'un claquement sec qui résonna contre les murs noirs en pierre. La seule source de lumière subsistante provenait de la baguette d'Edward.
– On dirait les cachots, nota Edward en éclairant les murs jusqu'à trouver une porte derrière eux.
– Attends deux secondes, c'était quoi ce foutu « mot magique » ? Je ne comprends rien !
– C'est une formule que les adultes disent aux enfants pour leur apprendre la politesse, expliqua brièvement Edward en se dirigeant vers la porte en bois qui pourrissait dans les coins. Mais c'est plus moldu que sorcier. Je me demande qui a ensorcelé cette porte.
– Il suffisait de lui dire « s'il vous plaît » ? répéta Envy, éberlué. C'est complètement débile !
– Je trouve ça amusant.
En même temps, Edward tira sur la vieille poignée en fer forgé et la porte s'ouvrit difficilement, grinçant bruyamment. La pièce secrète donnait sur une des tapisseries décorant les couloirs de l'école. Edward la longea jusqu'à en arriver à l'extrémité puis déboucha sur l'un des couloirs des cachots.
- La porte a disparu ! s'exclama Envy derrière lui.
– C'est sûrement pour ça qu'aucun élève ne l'a encore trouvé. On ne peut pas l'utiliser pour sortir et personne ne va assez nager dans le lac pour découvrir l'issue.
À moitié nus et trempés, ils remontèrent les escaliers pour gagner le hall. Évitant les détours, ils marchaient à allure soutenue sous les regards étonnés des tableaux qui les suivaient du regard. Leurs pieds clapotaient sur la pierre et ils laissaient des empreintes humides derrière eux. On aurait pu les suivre à la trace.
Par chance, le hall d'entrée se profila bientôt à leur vue, non pas désert comme à l'accoutumée. Dumbledore, en compagnie de deux sorciers, semblait les accueillir à l'instant. Edward crut reconnaître de dos le frère aîné de Ron, Percy Weasley, qui d'après ce dont il se souvenait, venait d'entrer au ministère. Par contre, l'homme à ses côtés ne lui disait rien.
Face à eux, Dumbledore les aperçut alors qu'ils atteignaient les dernières marches. Le directeur les interpela par un signe discret les enjoignant à s'approcher puis les présenta aux deux membres du ministère avant de les leur présenter.
– Edward, Envy, laissez-moi vous présenter Mr Bartemius Croupton, du Département de la coopération magique internationale. Vous connaissez bien sûr déjà Percy Weasley, son assistant. Ils nous tiendront compagnie au déjeuner qui doit sûrement bientôt être servi par ailleurs.
Il invita Croupton et Percy à entrer. Edward ne lâchait pas le premier des yeux. Le voilà, l'homme au cœur de glace qui avait envoyé son propre fils de dix-sept ans à Azkaban. Les choses se précisaient, le tournoi approchait.
– Prenez, offrit Dumbledore en leur tendant à tous les deux des peignoirs qu'il venait de transfigurer. Il serait dommage d'attraper froid pendant vos vacances, n'est-ce pas ?
Ses yeux s'illuminèrent alors qu'il observait la cuisse gauche d'Envy. Après qu'il ait pu mémoriser le dessin, le tatouage de l'Homonculus disparut sous le vêtement long. Il ne dit rien, mais conserva soigneusement l'information à l'esprit. Serait-ce un indice ?
Inconscient du renseignement qu'il avait laissé filtrer, Envy entra dans la Grande Salle avec Edward et ils s'installèrent face à Percy, qui restait près de son supérieur. L'image fit ricaner Edward. Un vrai chien fidèle. Il comprenait mieux les remarques désobligeantes de Ron sur son frère quand ils discutaient par correspondance. Et ce fut encore davantage le cas quand Percy leur ordonna d'un ton hautain de ne rien révéler sur le Tournoi des Trois Sorciers à Ron ni à aucun de leurs amis. À Edward de répondre d'une voix innocente : « Oh mince ! J'ai déjà tout raconté à mes amis dans les moindres détails ! C'est ballot ».
Quand Percy était devenu violet, Envy avait éclaté de rire et le frère de Ron avait compris que c'était totalement faux et que les deux quatrièmes années se moquaient impudemment de lui. Il ne dit plus un mot du reste du déjeuner et repartit la fierté blessée.
Deux semaines avant la rentrée, Edward et Envy désespéraient d'ennui. Ils connaissaient tous les points forts et faibles des Mangemorts et de leur organisation. Ils savaient comment Voldemort était autrefois monté au pouvoir et avaient prévu les différentes manières avec lesquelles il pourrait s'y prendre la prochaine fois. Ils ignoraient uniquement « quand ». D'après Trelawney, ce serait bientôt et par la main de Pettigrow. D'après la Vérité, ce serait en fin d'année. Il leur restait donc un an à vivre auprès de leurs amis en pouvant profiter un tant soit peu de la vie étudiante avant d'être appelés à la dure réalité. Quand Voldemort serait de retour, ils n'avaient aucune idée d'où ils seraient eux-mêmes. Peut-être iraient-ils dans la nature, à vagabonder en cherchant leur cible, avant de l'abattre. Peut-être Dumbledore les retiendrait-il encore à Poudlard, à cause de son contrat magique. Ils sauraient en temps voulu.
Pour l'instant, ils avaient tout de même parlé sérieusement d'un projet de se trouver un toit où vivre en dehors de Poudlard. Ils le programmèrent pour les vacances d'été prochaines et repérèrent des cibles dans les rues de Londres afin de trouver la perle rare qui leur servirait de point d'ancrage, ou de quartier général durant la guerre. Malheureusement, Dumbledore commençait à se douter de quelque chose et ils ralentirent leur rythme de sorties au strict minimum. Afin de s'occuper, ils s'entraînaient à la magie et Edward entreprit des recherches sur l'origine des flux de pouvoir afin de comprendre comment devenir plus puissants, ou au moins pallier leurs pouvoirs qui se trouvaient divisés en deux.
C'était pour ces raisons qu'ils accueillirent la dernière semaine de vacances avec joie. En effet, Edward, après avoir correspondu avec Luna, Harry, Hermione et Ron, ce dernier lui fit parvenir une très bonne nouvelle. Molly Weasley les invitait la dernière semaine au Terrier, comme Mr Weasley l'avait promis, pour qu'ils viennent à la Coupe du Monde de Quidditch avec eux. Ils acceptèrent après que Dumbledore ait donné son accord à Edward de quitter le château. Les quelques jours qu'il leur fallut attendre les accablèrent d'impatience. Ils peinaient à tenir en place. Pour compenser toute cette énergie, Hagrid les réquisitionna pour nourrir ses bêtes et passer quelques fois dans la Forêt interdite pour y chercher des plantes qui serviraient en potion et botanique dès la rentrée.
La veille du match, fin prêts et leurs maigres sacs de voyage sur l'épaule, ils se rendirent à Pré-au-lard pour leur trajet en Portoloin jusqu'à la vallée où résidait les Weasley. D'après les indications de la mère de Ron, ils n'auraient aucun mal à reconnaître le Terrier quand ils le verraient. Mystérieuse formule. Mais elle n'avait pas menti, pensa Edward en levant les yeux vers l'immense maison biscornue et à la structure incompréhensible quand il la vit au loin. Elle paraissait ne tenir que par un miracle de la gravité impossible à expliquer de façon rationnelle.
La maison lui semblait étrangement chaleureuse et il s'arrêta dans sa marche pour admirer la vue un moment. Les doux vallons et collines étaient recouverts d'herbes hautes ployant sous la brise. C'était agréable. Il connaissait ce paysage, c'était celui de sa maison d'enfance. Les arbres, la maison haute, les buttes, la nature, même les bruits de conversation et les rires... À tout instant, il s'attendait à voir apparaître Alphonse, courant dans les champs en riant.
Sa gorge se serra. Il se détourna de ses souvenirs et rattrapa Envy qui ne l'avait pas attendu. Déterminé et impatient, celui-ci marchait obstinément vers le Terrier. Ses habitants, qui dînaient dehors, ne les avaient pas encore vus et ils discutaient dans un joyeux capharnaüm. Heureux de revoir ses amis, Edward accéléra pour dévaler la pente menant vers eux.
– Eh !
L'exclamation d'Envy et la cavalcade attirèrent l'attention de leurs hôtes qui pour certains se levèrent afin de les accueillir. Arrivant à leur niveau, Edward lâcha son sac et échangea une rapide accolade avec Hermione, Ron puis Harry avant que Mrs Weasley vienne à son tour pour le rencontrer.
– Je suis très heureuse de te rencontrer, Edward, annonça-t-elle en le serrant brièvement contre elle avant de se tourner vers Envy qui venait de débarquer. Et toi aussi, Envy. Bienvenu à vous deux. Le trajet s'est bien passé ?
Hermione échangea un regard surpris avec ses deux camarades de Gryffondors devant le manque de réaction d'Envy face à l'étreinte, alors qu'avant les vacances, il avait réagi de manière bien plus violente à celle de Hagrid. C'était un progrès agréable et inattendu.
D'ailleurs, ce n'était pas le seul changement s'étant opéré pendant les deux mois sans se voir, remarquèrent-ils. Edward avait beaucoup changé. Il semblait plus adulte. Sa mâchoire était plus carrée, ses épaules plus larges et son t-shirt ne laissaient pas de place au doute quant aux exercices physiques subis pendant plusieurs semaines. Il avait belle allure. Si l'on se fiait aux regards intéressés et aux joues roses d'Hermione et de Ginny, elles le trouvaient tout à fait à leur goût.
Mrs Weasley mit fin aux regards curieux en présentant toute sa famille à ses invités. Ils connaissaient déjà la majorité d'entre eux, à l'exception de Charlie et Bill. Les salutations terminées, la mère de famille assit ses deux invités entre Bill et Ron. Elle les servit copieusement et Edward se fit une joie de faire honneur à sa cuisine. Envy, n'ayant toujours qu'un appétit restreint, lui passa discrètement la moitié du contenu de son assiette que son ami accepta sans rechigner. Voyant leur manège, Hermione et Harry, assis face à eux, sourirent avec amusement. Certaines choses par contre n'avaient pas changé.
- Quels beaux garçons vraiment ! s'exclama Molly en les regardant alternativement avec admiration. Ronald ne m'en avait rien dit. Mais qu'avez-vous tous à vouloir porter les cheveux longs ? ajouta-t-elle en jetant un coup d'œil à Bill assis à côté d'Edward.
– Moi je les aime bien comme ça, intervint Ginny, assise à côté de son frère. Tu es tellement vieux jeu, maman.
– Pourtant..., murmura-t-elle en caressant tendrement sa baguette magique. J'aimerais bien les rafraîchir un peu...
– Je suis sûr qu'Envy en meurt d'envie, répondit Edward en souriant. Après le repas vous pourrez l'utiliser comme cobaye.
– Eh !
- C'est vrai ? demanda Molly, les yeux pleins d'espoir.
Confus face à ce regard, Envy ne put que s'enfoncer dans sa chaise en hochant simplement la tête avant de bouder, les bras croisés, sous les rires de ses amis. Personne ne résistait à Molly Weasley. Pas même le plus retors des Serpentards.
– Nous avons énormément de travail, dans notre service, à cause de la préparation de la Coupe du Monde, annonça pompeusement Percy, qui parlait sans discontinuer de son travail depuis le début du repas. Malheureusement, nous ne bénéficions pas de tout le soutien que nous aurions pu espérer de la part du Département des jeux et sports magiques. Ludo Verpey —
– J'aime bien Ludo, confia Mr Weasley, alors qu'Edward suivait tout à coup la discussion avec grand intérêt à la mention du Mangemort. C'est lui qui nous a obtenu les billets pour la coupe. Je lui ai rendu un petit service : son frère Otto a eu quelques ennuis, une histoire de tendeuse à gazon dotée de pouvoirs surnaturels, je me suis arrangé pour qu'il n'y ait pas de suites.
Otto Verpey : aucune information sur une quelconque participation à la guerre contre Voldemort. À mettre cependant sur la liste des ennemis « présumés » s'il lui venait l'idée de se joindre à son frère.
– Oh, Verpey est sympathique, bien sûr, admit Percy d'un ton dédaigneux. Mais de là à devenir directeur d'un département... Quand je le compare à Mr Croupton ! Je n'imagine pas Mr Croupton constatant la disparition d'un membre de notre service sans se soucier de savoir ce qu'il en est devenu. Est-ce que tu te rends compte que Bertha Jorkins est absente depuis un mois, maintenant ? Elle est allée en Albanie et elle n'est jamais revenue.
Finalement, Percy n'était peut-être pas l'idiot qu'il avait pu penser à la base. Il se rendait bien compte que Verpey pouvait paraître louche, ou au moins qu'il ne fallait pas forcément le prendre uniquement pour un joyeux luron ancien sportif chéri de la Nation. Il pourrait être utile de se rapprocher de Percy ou au moins de garder contact pour réunir des informations plus tard. Surtout à propos de cette Bertha Jorkins dont il entendait déjà parler pour la seconde fois. Déjà quand Croupton et Percy étaient venus à Poudlard, il avait perçu une bribe de conversation entre Dumbledore et eux à propos de cette femme disparue.
Malheureusement, avant d'avoir pu en apprendre plus sur ce sujet, il se clôt rapidement sur un soupir impressionnant de Percy.
– Enfin, nous avons suffisamment de pain sur la planche au Département de la coopération magique internationale pour ne pas nous occuper en plus de retrouver les membres des autres services. Comme tu le sais, nous avons un autre grand événement à organiser juste après la Coupe du Monde.
Il s'éclaircit la gorge d'un air important qui agaça Edward au plus haut point. D'accord, il retirait tout ce qu'il avait pu penser. Percy était un idiot condescendant qui lui tapait sur les nerfs.
– Tu sais de quoi je veux parler, père. Celui qui est top secret, ajouta-t-il en élevant légèrement la voix pour être mieux entendu.
Ron leva les yeux au ciel et marmonna quelque chose à l'adresse de Harry, Hermione, Edward et Envy :
– Depuis qu'il a commencé à travailler, il fait tout pour qu'on lui demande quel est ce grand événement si secret. Sans doute une exposition de chaudrons épais.
Les deux pensionnaires permanents de Poudlard n'échangèrent pas un seul regard, souriant seulement en coin.
Le lendemain à l'aube, les plus jeunes et le couple Weasley préparèrent au départ. Bill, Charlie, Percy et Envy les rejoindraient à midi, en transplanant. C'était Edward qui, au début des vacances, avait conseillé à son ami de passer son permis afin de faciliter ses déplacements lors de missions qu'ils pourraient avoir dans les temps à venir. Maintenant il l'enviait, ce bougre avait le droit de faire la grasse matinée pendant que lui était obligé de se lever aux aurores. Malgré ses complaintes, Edward n'était pas le plus mal loti. Depuis deux mois, il suivait un rythme à peu près semblable et avait les idées claires en plus de se sentir plein d'énergie, alors que derrière, ses amis traînaient la patte. Il contenait difficilement son excitation tandis que seule son envie de courir jusqu'au Portoloin et arriver sur le terrain de la Coupe du Monde l'animait.
À vrai dire, le Quidditch ne l'intéressait pas outre mesure, mais la perspective de rencontrer des sorciers du monde entier l'emplissait d'impatience. C'était complètement nouveau ! Plus de cent mille sorciers allaient assister à la Coupe du Monde selon Mr Weasley. Cent mille ! Ça devait équivaloir à la population d'une grande ville de la Cité de l'Est en y réfléchissant bien. Dans son pays d'origine, il venait d'un milieu trop modeste pour avoir le loisir d'assister à ce genre de rencontres sportives internationales. À vrai dire, quand il avait eu les moyens d'y participer grâce à son salaire d'alchimiste d'État, il n'avait alors pas le temps ni l'envie.
Une fois le village de Loutry Sainte Chaspoule dépassé et la colline de Têtafouine gravie, ils retrouvèrent les Diggory, Amos et Cédric. Si le fils ne lui inspirait rien d'autre que de l'indifférence, le père, lui, ne sut jamais qu'il passa près d'un bon direct du droit. Sans gêne, Diggory senior insulta pratiquement Harry en disant qu'il était un moins bon joueur de Quidditch que son fils. Ce n'était pas la faute de Harry si de stupides Détraqueurs l'avaient attaqué en plein match et fait chuter de trente mètres. Ce qui aurait très bien pu le tuer !
Heureusement — selon le point de vue —, le Portoloin les envoya bientôt à leur destination. Là-bas, ils rencontrèrent le moldu en charge du terrain de camping utilisé par les spectateurs de la rencontre sportive, et Edward assista, impuissant, à l'utilisation répétée des sortilèges d'amnésie sur le pauvre homme. L'incident faillit le refaire sortir de ses gonds, mais il se retint et passa son chemin, avec un vague regard compatissant pour le moldu.
Son mécontentement fut bien vite oublié lorsqu'il vit la foule diversifiée et les tentes toutes plus loufoques les unes que les autres. Certaines présentaient des cheminées, des cloches, des girouettes, plusieurs étages. D'autres comportaient des jardins de tellement mauvais goût qu'Edward, Hermione et Harry ne purent s'empêcher de rire, amusés par les manies des sorciers.
Arrivés à l'orée d'un bois, ils trouvèrent les trois emplacements réservés au nom de « Weezly ». Sur la demande de Mr Weasley, ils décidèrent de monter les tentes « façon moldue » et Edward dû venir leur prêter main-forte afin d'éviter la catastrophe. Au final, il garda ces dangers publics à l'écart et monta les deux tentes en un tour de main. Arthur le remercia chaleureusement, impressionné par son efficacité, pendant que les enfants allaient installer et déballer leurs affaires. Puis Edward récupéra son propre sac duquel il extirpa la tente qu'Envy s'était procurée pour eux. D'occasion, Envy l'avait obtenu à un prix défiant toute concurrence en la marchandant avec un certain Mondingus Fletcher, une vague connaissance. Edward se demandait bien où il avait pu le rencontrer, et surtout quand. Envy n'avait partagé que peu d'éléments sur le bonhomme apparemment « tombé sous le charme dévastateur d'Envy » comme celui-ci le disait fièrement.
Ce type, pensa Edward en roulant des yeux alors qu'il dépliait la toile de tente. Irrécupérable.
Pendant qu'il plantait les piquets, il ne put s'empêcher de se remémorer la période qu'il avait passée sur la fameuse île avant que Maître Izumi l'accepte avec Alphonse comme disciple. Rien à voir avec ce camping. Ici, il n'aurait pas besoin de tuer ni de lapin, ni de pêcher et encore moins de gober des fourmis. Et encore heureux, pas non plus à manger une de ses bottes, pensa-t-il en soupirant. Il n'arrivait pas à croire qu'il ait vraiment avalé ça un jour.
- Ed, Mr Weasley aimerait que l'on aille chercher de l'eau, tu veux nous accompagner ? demanda Hermione suivie par Ron et Harry portant chacun une casserole.
Pressé de découvrir le reste du camping, Edward balança son sac sous la tente et prit la bouilloire d'Hermione pour la débarrasser avant qu'ils commencent leur expédition, un Serdaigle intenable et surexcité sur les bras.
Des sorciers africains, des familles européennes, des sorcières américaines... Tout ce mélange de couleur, de culture et de langues réjouissait Edward à un point qui surprenait presque ses trois amis.
– C'est vrai que tu n'as pas dû beaucoup sortir, convint Hermione.
– Pourtant papa nous a raconté qu'il vous a rencontré au ministère, intervint Ron.
Harry et Hermione, étrangers à l'anecdote, se tournèrent vers Edward qui haussa les épaules.
– On voulait en découvrir un peu plus sur Londres et sa communauté magique. Si vous voulez tout savoir, j'ai même établi un nouveau record chez Fortarôme sur le chemin de traverse, raconta Edward pour changer de sujet. Mais c'est vrai, sinon on est pas beaucoup sorti. C'est fascinant de rencontrer tellement de gens de pays différents ! J'ai toujours aimé voyager. Avec Al on ne restait jamais en place.
Nostalgique, son sourire ne souffrit que légèrement puis reprit avec plus d'éclat alors qu'il voyait un sorcier en chemise de nuit de femme passer près d'eux. Derrière lui, le trio mourrait d'envie de l'interroger plus précisément sur ses précédents voyages et sur son frère. Après tout, ils ne savaient que peu de choses sur lui.
– Où êtes vous déjà allés ensemble ? s'intéressa Harry en venant à sa hauteur.
– Oh... Un peu partout. On était de vrais nomades. Je crois qu'on a plus vécu dans des auberges que chez nous.
– Ta nouvelle vie à Poudlard doit te paraître bien ennuyeuse alors, remarqua Hermione.
– Ça arrive, mais c'est difficile de s'ennuyer avec la magie. Et puis il faut bien se poser quelque part un jour. Si c'est en Grande-Bretagne, eh bien ça me convient.
- Tu ne comptes jamais rentrer chez toi ? demanda Ron, éberlué. Ton pays ne te manque pas ?
Pris de court par la tournure que prenait la conversation, Edward resta un moment sans voix alors qu'il s'était arrêté pour réfléchir à une manière de détourner le sujet.
– Bien sûr qu'il me manque, avoua-t-il. Mais j'ai Envy avec moi pour en discuter. Je n'ai pas perdu tous mes repères en arrivant ici.
– Tu es très indépendant, marmonna Harry, envieux. J'aimerais beaucoup pouvoir faire comme toi et vivre où j'en ai envie.
– Quand Sniffle sera innocenté, je suis sûr que tu le pourras, l'encouragea Edward en le prenant par l'épaule. Les recherches continueront jusqu'à ce qu'on ait retrouvé ce rat. Dumbledore ne laissera pas tomber.
Quand leurs casseroles, bouilloires et autres furent remplis à raz bord d'eau, le trajet de retour fut plus lent, rythmé par leurs rencontres avec des camarades de classe. Seamus Finnigan, Dean Thomas, Olivier Dubois ou encore Cho Chang — l'insupportable attrapeuse de sa propre maison qu'Edward ne supportait pas —, mais qui paraissait beaucoup plaire à Harry d'après sa réaction quand il la croisa. Les hormones, pensa-t-il en roulant des yeux.
– Bonjour Edward Elric.
Surpris, Edward se dévissa la nuque pour voir qui venait de l'interpeler sur sa droite. En voyant la tente à la couleur indéfinissable entre l'orange, le rose et le vert, et brodée de symboles inconnus ainsi que le petit plant de pruniers à fruits dirigeables devant l'entrée, il sut immédiatement qui y habitait. Un grand sourire illumina son visage. Assise derrière la plante et pratiquement entièrement cachée par le feuillage, Luna surgit sur le côté.
– Salut Luna ! J'ai appris que tu étais déjà là depuis une semaine. Ton plant a bien poussé depuis ta dernière lettre dis-moi.
– Tu as remarqué, se réjouit Luna en caressant doucement les feuilles larges du végétal qui frémit perceptiblement. Papa a trouvé une recette pour un engrais à base de bave de Nargol. Je suis sure que si tu en utilisais, tu ne resterais pas petit très longtemps.
Contrairement à d'habitude, Edward ne se vexa pas de la remarque sur sa taille et se mit à rire avant de brièvement présenter Harry, Ron et Hermione, restés à l'écart. Au même moment, un homme aux longs cheveux blonds sortit de la tente avec un étrange biberon à la main, rempli d'un liquide boueux — sûrement le fameux engrais miracle. Aucune chance qu'il en boive, jamais.
– Oh, tu as de la visite Luna ?
Ils étaient définitivement pères et filles, la ressemblance n'aurait pas pu être plus frappante. Les cheveux blonds, les yeux bleus sans cesse rêveurs et les étranges accessoires et vêtements...
– Mon ami Edward est arrivé ce matin.
– C'est donc toi le camarade dont Luna me parle si souvent, déclara simplement Mr Lovegood avec un sourire.
Il se pencha pour lui serrer la main de façon étrange et le regard d'Edward ne put s'empêcher d'être attiré par le pendentif brillant du sorcier. La longue chaîne, sortie de sa robe, se terminait par un symbole lui paraissant familier, bien qu'il ne se souvienne pas de l'avoir déjà vu nulle part. Finalement, Mr Lovegood le lâcha tout aussi brusquement qu'il avait pris sa main et se redressa.
– Je serai ravi de t'inviter à dîner ce soir si le cœur t'en dit. J'ai beaucoup de théories à discuter avec toi. Luna m'a dit que tu en étais friand.
– Ce serait avec un grand plaisir, accepta Edward avec enthousiasme. Merci pour l'invitation.
Puis Edward s'excusa auprès d'eux, expliquant la tâche qu'on leur avait donnée d'apporter l'eau pour le déjeuner, et ils se séparèrent sur la promesse de se revoir très vite. Une fois qu'ils furent éloignés, Ron ne put s'empêcher de faire remarquer que les Lovegood avaient toujours été un peu décalés, mais Edward ne commenta pas.
Plus tard, venant au secours de Mr Weasley qui était loin de se montrer efficace avec les allumettes, Edward alluma le feu de camp en deux temps trois mouvements puis se mit à la cuisine avec l'aide de ses assistants. Pendant ce temps, Mr Weasley leur désignait chaque membre du ministère passant près de leur tente en commentant leur poste et leur service. Les Langues de plomb du Département des mystères l'intriguèrent tout particulièrement, en plus de leur rôle plus que « mystérieux ». L'apprenti McKollughan passa lui aussi, salua Arthur, sans jeter un seul regard à Edward qui ne le remarqua pas non plus.
Lorsqu'ils avaient commencé à faire cuire des œufs et des saucisses, Bill, Charlie, Percy et Envy sortirent du bois pour venir les rejoindre. Il y eut un moment de flottement face au nouvel aspect de l'Homonculus. Finalement, il semblerait que Molly avait réellement réussi à le convaincre de lui couper les cheveux. Trop enthousiaste, elle les avait raccourcis d'au moins une quarantaine de centimètres et ils lui arrivaient désormais aux épaules. Son visage de poupée n'en paraissait que plus féminin et il affichait une moue boudeuse alors que les deux fils aînés des Weasley se moquaient de lui. Selon eux, Envy venait d'entrer dans le club très large des personnes soumises à la volonté de la mère Weasley.
Au même moment, Ludo Verpey entra en scène. Edward et Envy le rencontraient pour la première fois en chair et en os après avoir étudié son passé trouble. Comme Edward le craignait, il avait un air jovial tout à fait convaincant. C'étaient les pires selon lui. Puis Bertha Jorkins revint dans la discussion peu de temps avant la fin du déjeuner. Rien de nouveau à se mettre sous la dent cependant.
Enfin, Barty Croupton vint les saluer. Contrairement à leur première rencontre, dans sa tenue moldue, il se conformait exactement à l'image qu'Edward s'était imaginé. Droit, impeccable, homme de loi jusqu'au bout des ongles. Un excellent élément du ministère, sans nul doute, malgré l'ombre de l'arrestation de son fils. Cette « anecdote » restait en travers de la gorge d'Edward. La loi, oui, la justice, bien sûr, mais en vendant la famille ? Son avis divergeait entièrement de celui de Barty Croupton sur ce point, contre toute logique rationnelle. Un Mangemort était un Mangemort, qu'il soit un voisin, un frère ou un enfant.
Son point de vue allait grandement évoluer avec le temps, même s'il ne le savait pas encore.
