Nouvel OS et nouveau couple, cette fois-ci ça sera du Hadès/Orphée, je trouve qu'ils vont bien ensemble. Je le dédie à Pancake Lion qui m'a inspirée.
A la base, cet écrit devait être un seul OS, mais j'ai bien envie d'écrire Orphée en couple avec différents personnages. Alors, pourquoi ne pas en faire un recueil regroupant tout ça ?
Disclaimer : les personnages ne m'appartiennent pas.
Apprendre à aimer et savoir pardonner
Cela faisait maintenant un an que la guerre sainte avait pris fin. Après une énième défaite contre Athéna, Hadès fut lasse de toutes ces batailles qui duraient depuis des millénaires, aussi il accepta la trêve qu'elle lui avait proposée : ainsi fut décrété un traité de paix entre les deux camps. Le roi des Enfers avait également ramené à la vie tous les guerriers tombés au combat, quel que soit son rang et son appartenance à tel parti, c'était un des termes du contrat. Depuis, chacun reprit tant bien que mal son poste et son quotidien, acceptant leur nouvelle situation plus ou moins facilement.
Du côté du Sanctuaire, la déesse avait souhaité que ses chevaliers vécussent comme bon leur semblaient. Prenant conscience que ces guerres les avaient privés d'une vie normale, elle ne voulait en aucun cas qu'ils gâchassent cette nouvelle opportunité. Touchés par la compassion infinie dont faisait preuve Athéna envers eux, les chevaliers avaient décidé de rester à son service, tout en découvrant les nouvelles possibilités qui s'offraient à eux : bien de choses avaient changé, à présent, tout était paisible et calme, il n'y avait plus de danger qui menaçait la Terre.
Quant aux Enfers, tout allait pour le mieux : chaque spectre avait repris son poste et ses habitudes. Seulement... Hadès trouvait ce quotidien bien monotone et se sentait étrangement seul... Bien que son armée lui vouât une admiration, un respect et une loyauté sans borne, il sentit un vide au fond de lui. Mais cette sensation disparaissait quand une certaine personne se présentait à lui : c'était Orphée, le chevalier d'argent de la lyre. Le musicien fut désigné comme représentant diplomatique du Sanctuaire, lui qui avait vécu pendant plusieurs années aux Enfers et connaissait bien le domaine, fut la personne idéale pour ce rôle. C'est donc lui qui faisait les allées-venues entre les deux territoires, maintenant leurs rapports, il se présentait une fois par mois à la Giudecca pour s'entretenir avec lui.
Bien que d'apparence impassible à l'extérieure, intérieurement le dieu ressentait une douce chaleur monter en lui quand il voyait le chevalier, qu'il trouvait beau et élégant, avec son allure élancée mise en valeur par son armure d'argent étincelante, sa chevelure d'une tendre couleur myosotis et ses yeux d'un bleu miroitant où il pouvait y lire beaucoup de mélancolie. Il se surprit à attendre impatiemment l'unique jour du mois où il lui rendait visite, juste pour le voir, même si ce n'était que pour parler de politiques. Hélas, ces moments étaient bien trop courts et rares à son goût... Et Orphée paraissait si formel et distant, Hadès aurait aimé pouvoir passer plus de temps en sa compagnie, apprendre à le connaître. Cependant, il savait bien qu'avec leur passé, le chevalier éprouvait encore de la rancune à son égard. Comment lui en vouloir ? A cause de son désir égoïste, il l'avait condamné à rester aux Enfers et à vivre sans sa bien-aimée Eurydice. A l'époque aussi, le virtuose l'avait charmé avec sa musique : elle était si belle, si poignante et ses sentiments si authentiques ! Tout cela l'avait profondément touché, il n'avait jamais rien connu de tel durant ses siècles d'existence... Pour la première fois de sa vie, il voulait garder un être humain auprès de lui et rien que pour lui. Encore aujourd'hui, ce sentiment persistait mais il ne pouvait rien exiger de lui, il l'avait déjà assez fait souffrir, alors il se contenta de taire cette sensation et le laisser en paix.
Le roi savait qu'Orphée avait accepté ce poste également pour revoir son amour perdu, il l'avait autorisé à lui rendre visite, elle n'avait pas changé d'emplacement sauf qu'à présent, elle demeurait inerte. Hadès ne pouvait pas la ressusciter, elle était morte depuis un moment déjà et il n'avait pas le droit de ramener les morts, il avait déjà bien entaché cette règle en ravivant tous les guerriers. Mais la détresse du lyrode l'attristait aussi, son cœur se serrait en l'observant se recueillir auprès de la jeune femme transformée en pierre. Il aurait tant aimé faire disparaître toute trace de chagrin de son regard bleu ciel, il se sentait impuissant face à cela. Pour peu il ne se reconnaissait pas, lui qui avait toujours agi de façon froide et rationnelle, croyant son cœur dénué de sentiment, ce qui se révéla faux. Était-ce dont ça « l'amour » ? Ce sentiment que valorisait tant Athéna, ce en quoi elle croyait fermement être la force de l'humanité ? Quelle plaie ! L'amour n'apportait que de la souffrance, il n'y avait qu'à voir Orphée pour s'en rendre compte. Alors pourquoi vouloir le défendre ? C'était incompréhensible, de même qu'il pût en éprouver pour un mortel. Malgré tout, il fallait bien l'avouer, il en était tombé amoureux, dès qu'il l'avait vu pour la première fois.
Orphée, comme à son habitude, se rendait en Enfers pour accomplir son devoir et aller voir Eurydice. Bien qu'elle demeurât morte, le fait de la revoir l'apaisait un peu. Ô combien il aurait voulu rester avec elle, mais le destin en avait décidé autrement : il était de nouveau en vie et devait arrêter de se lamenter pour aller de l'avant, il était intimement convaincu que c'était ce qu'elle aurait souhaité pour lui. Mais comment ne pas l'oublier ? Surtout que quelque chose d'inattendue s'était produite : il se sentait attirer par le Seigneur Hadès ! Non seulement son ancien ennemi, mais aussi une divinité !
Tout avait commencé, il y avait quelques mois, la première fois qu'il dut se rendre à la Giudecca après la résurrection, plus exactement. Alors qu'il attendait dans la salle d'audience, agenouillé et la tête baissée, comme il avait l'habitude de faire dans sa précédente vie. Lorsque le roi apparut enfin devant lui, ce fut la surprise : c'était la première fois qu'il voyait Hadès dans son vrai corps ! Sa réputation n'était pas à refaire, il était vraiment magnifique avec ses longs cheveux noir de jais et son physique des plus avantageux. Le chevalier comprenait pourquoi il prenait toujours possession d'un autre corps pour affronter Athéna. Il avait du mal à imaginer qu'on pût vouloir endommager un si beau visage, le dieu dégageait une telle prestance et un tel charisme, impossible de détourner son regard tant il l'attirait. Ce fut alors l'instant où il éprouva de la peur : lui être captivé par son ennemi ? C'était une plaisanterie ! Plutôt mourir pour de bon ! Comment pourrait-il éprouver autre chose que du mépris pour cet être ? C'était à cause de lui que sa bien-aimée et lui fussent séparés ! Rien que le fait d'y penser le dégoûtait. Non, il ne pouvait pas l'apprécier ! Et pourtant... il demeura tiraillé : à chaque rencontre, son penchant pour le maître des Enfers grandissait. Il se détestait pour ça, ne comprenant pas comment cela était possible, « le cœur avait ses raisons que la raison ignorait », comme on disait...
Cet attrait le faisait culpabiliser, tellement qu'il en venait à pleurer sur la sépulture de la jeune femme, lui demandant pardon d'être aussi faible. Il aurait tant aimé qu'elle lui donnât conseil, un signe de sa part pour le guider. Eurydice... si douce et compréhensive... il n'y avait qu'elle qui pouvait lui apporter de la sérénité. Qu'en aurait-elle pensé ? Au fond, il connaissait la réponse mais en avait si peur, refusant de l'accepter.
Hadès se doutait que le chevalier d'argent ne le portait pas dans son cœur, cette pensée le peinait. Il voulait sincèrement se rapprocher de lui, lui parler, apprendre à le connaître. Jamais il n'avait désiré cela pour quiconque, convaincu que c'était l'opportunité de savoir ce qu'était l'amour, quitte à en souffrir.
Alors que le musicien s'apprêtait à repartir, il entendit la voix du dieu l'appeler derrière lui. En se retournant, ce qu'il vit le bouleversa : le regard, d'ordinaire indifférent du roi, reflétait une telle douceur et mélancolie, il y avait autre chose... qu'il n'arrivait pas à définir... mais ces yeux l'hypnotisaient. Lorsqu'il reprit la parole, Orphée sortit de sa transe : « Accepterais-tu de prendre le thé avec moi ? J'aimerais te parler en dehors du cadre diplomatique. », la demande ainsi que le timbre doux d'Hadès le surprirent, était-il en train de rêver ? Cela paraissait tellement irréaliste ! Pris au dépourvu et se méfiant de son vis-à-vis, il avait décliné poliment l'offre, prétextant devoir rentrer au Sanctuaire au plus vite. Cependant, la profonde déception qu'il put lire dans ses iris vert clair, le chamboula. Le voir aussi expressif remua quelque chose en lui, il se surprit à le trouver... touchant. Prenant un peu pitié de lui, le chevalier reconsidéra la proposition et accepta, après tout, il n'avait rien à perdre, non ?
En entendant cela, l'attitude maussade du dieu changea : une étincelle s'était allumée dans ses yeux et son visage semblait s'être illuminé. Orphée le trouva juste magnifique... et même plutôt mignon : l'homme si charismatique qui inspirait la terreur rien qu'en entendant le nom, ressemblait à un enfant heureux de recevoir ce qu'on lui avait refusé. C'était assez étrange... mais pas moins attendrissant. Décidément, cette divinité provoquait des sensations qu'il ne pensait pas un jour éprouver pour lui !
D'abord étonné du changement d'avis de son hôte, la surprise fit rapidement place à un bonheur qu'il n'avait pas souvenir d'avoir déjà éprouvé. Hadès l'emmena à Elysion, jugeant ce que lieu était le plus propice pour prendre le thé et discuter tranquillement, et bien plus charmant que les paysages sombres des Enfers. Orphée fut ébahi, il n'aurait jamais cru qu'il viendrait un jour en ces lieux mythiques ! Surtout invité par Hadès lui-même ! C'était aussi beau et lumineux que ce qu'on racontait : le temps était doux, le ciel parsemé de quelques nuages, les plaines fleuries jonchées de colonnes de marbre s'étendaient à perte de vue. On pouvait distinguer les temples de Thanatos, Hypnos et Hadès non loin. C'était sur le parvis de son temple qu'ils s'installèrent, les nymphes virent leur servir le thé et des collations. C'était un thé blanc avec une délicieuse note de jasmin, accompagné de succulents muffins à la vanille et de savoureux roulés à la cannelle. Malgré cette atmosphère idyllique, le malaise persistait, Hadès lança alors la discussion, après tout, c'était lui qui l'avait invité. Il parla un peu d'Elysion, puis il enchaîna avec les activités qu'il exerçait : le dieu profitait de la sérénité du lieu pour lire, jardiner et écouter de la musique. A l'évocation du dernier passe-temps, le roi sut qu'il avait capté son attention. Ce n'était guère étonnant, il avait bien écouté le jeu d'Orphée pendant plusieurs années, sans jamais s'en lasser. Sa mélodie était vraiment envoûtante, et contrairement à celle de Pharaon, elle savait toucher les cœurs.
Le chevalier d'argent fut assez gêné par les compliments du dieu sur son jeu, mais quelque part c'était très flatteur pour lui. Il avait pu remarquer une certaine lueur briller dans ses pupilles, lorsqu'il parlait de musique. Hadès semblait porter un réel intérêt aux arts, il fut agréablement surpris par ses goûts, qu'il trouvait raffinés. A cet instant, Orphée ignorait qu'il était une des rares personnes à être témoin d'une facette cachée du roi. Cet être d'ordinaire si froid et calculateur, se montrait très doux et courtois avec lui. Pendant un moment, le lyrode en oublia son malaise et sa méfiance envers lui et se surprit à trouver sa compagnie agréable.
Ils passèrent ainsi une heure à parler tranquillement, dans la quiétude de ce paradis. Lorsqu'il fut grand temps pour le chevalier de rentrer, Hadès le raccompagna jusqu'à la sortie des Enfers, avec un petit pincement au cœur de devoir lui dire au revoir. Il lui proposa tout de même de réitérer l'expérience, la prochaine fois qu'ils se reverraient, il avait espoir qu'il acceptât.
Orphée hésita, néanmoins, en voyant l'air soucieux qu'arborait Hadès, il n'eut pas le cœur à lui refuser sa demande, ce qui enchanta le maître des lieux. Le charme qu'exerçait Hadès sur lui était stupéfiant. Mais l'innocence et la bienveillance, qu'il dégageait, le mirent en confiance, il ne se sentait pas menacé. C'était à cette époque que son avis et ses sentiments envers lui avaient commencé à changer.
S'en fut ainsi à chacune de leur rencontre, après les formalités habituelles, ils prirent le temps de discuter autour d'une boisson à Elysion. C'était devenu leur petit rituel, et aucun des deux ne voulaient le manquer : même Orphée avait fini par y prendre goût.
Ce dernier se sentit privilégier et flatter de passer autant de temps en compagnie du dieu, il savait bien que le maître des Enfers était une personne solitaire et que peu de personnes étaient autorisées à l'approcher. Au fur et à mesure de leurs rendez-vous, il en apprenait davantage sur lui et le trouva de plus en plus charmant. Ce qui l'enchantait le plus chez lui, c'était la gentillesse dont il faisait preuve : il était loin d'être la divinité maléfique qu'ils avaient affrontée ! Il y avait aussi son regard si expressif et son sourire qui le captivaient, ces traits s'étaient considérablement adoucis et il ne le trouvait que plus beau qu'il ne l'était.
Hadès était tout simplement heureux de l'évolution de leur relation : si au début, tout n'était que méfiance, maintenant, ils avaient une vraie complicité. Le jeune homme n'éprouvait plus d'indifférence, ni de mépris envers lui. Ils échangeaient tranquillement, comme le ferait de bons amis, chose qui aurait paru impossible quelques mois auparavant ! Orphée lui avait même fait l'honneur de jouer pour lui volontairement ! Ses mélodies étaient aussi belles que dans ses souvenirs, le son de sa lyre était une pure merveille, pouvoir en profiter dans un paradis comme Elysion était tout bonnement divin. Le talent du chevalier était tel, que même les nymphes s'étaient rapprochées pour l'écouter jouer, au plus grand déplaisir de Thanatos qui s'était vu voler la vedette par un simple mortel.
Un jour, sentant que le moment était propice, Hadès ordonna aux habitants d'Elysion de ne les déranger sous aucun prétexte et prit le parti prix de se déclarer :
« Orphée, je voulais te dire quelque chose.
— Je vous écoute, Seigneur Hadès. Répondit-il, curieux de savoir ce qu'allait annoncer le dieu avec un air aussi sérieux.
— Je sais qu'il n'y a pas longtemps encore, nous étions ennemis, et que j'ai causé beaucoup de torts, surtout envers toi. Je ne sais pas si un jour tu pourras me pardonner, mais sache que je tiens à te présenter mes excuses les plus sincères.
— … Je ne pourrai jamais oublier le passé, pour ça, je vous garderai toujours une certaine rancœur. Toutefois, en passant du temps avec vous, j'ai compris que vos intentions ont changé : vous ne m'êtes pas hostile et je me sens en confiance avec vous. Ma colère à votre égard est passée, j'en suis même venu... à vous apprécier. Avoua-t-il tout bas, les joues rosies de gêne. »
Hadès n'en cru pas ses oreilles, Orphée l'appréciait ? Cette nouvelle le mit, intérieurement, en joie ! Ce n'était pas grand-chose, mais c'était déjà plus que ce qu'il ne pouvait imaginer ! De plus, la mine embarrassée du lyrode le faisait fondre, il trouvait cela tellement adorable. Une étincelle d'espoir naquit dans sa poitrine, emporté par ses sentiments, le dieu continua : « Je me sens honoré, tes paroles me touchent sincèrement, tout comme ta musique. Non, en fait... tout ton être fait battre mon cœur, comme personne n'a su le faire, jusqu'à présent. Jamais je n'aurais pensé, un jour, éprouver cela. Je pense que c'est de l'amour... Maintenant, je comprends... Athéna avait raison, les mortels sont incroyables et l'amour peut accomplir des miracles. Orphée de la Lyre, je peux te dire, avec certitude, que je suis tombé amoureux de toi. », dit-il avec un doux sourire.
Le chevalier demeura statique face à cette déclaration si inattendue ! Il croirait rêver tellement ça paraissait inouï ! Hadès, un dieu, ancien ennemi d'Athéna... Était amoureux de lui ? Un simple mortel, au service d'une autre divinité ? Impossible ! Et pourtant... il était là, devant lui, lui adressant un regard et un sourire pleins de tendresse. Non, c'était bel et bien réel... Ses mots, ses attentions à son égard... c'était trop... son cœur battait à la chamade, il ne s'était jamais senti aussi troublé depuis sa résurrection ! C'était à cet instant, qu'il se rendit compte qu'il ressentait la même chose... Ou plutôt... il accepta de voir la vérité en face : il en était amoureux. Il aimait cet homme si bon, attentionné et généreux avec lui, si magnifique et majestueux. Il en était sûr, maintenant, ses craintes s'étaient envolées.
Devant le silence du jeune homme, Hadès baissa la tête et ferma les yeux, résigné à l'idée que ses espoirs furent vains. Tout à coup, le son de la lyre d'Orphée se fit entendre, le dieu releva son regard dans sa direction et fut frappé par ce qu'il voyait : le musicien jouant sa mélopée, l'air serein et un doux sourire au visage.
« Bien que nous n'ayons eu un différend par le passé, votre attention et vos sentiments à mon égard m'ont profondément touché. Je peux aussi vous dire que vous me plaisez, depuis notre première vraie rencontre, vous avez capté mon intérêt. Puis mes sentiments ont évolué, j'ai fini par tomber sous votre charme, je ne vous cache pas que, dans un premier temps, je m'en étais voulu. J'étais terrifié à l'idée de vous aimer alors que jusque-là, mon cœur n'appartenait qu'à Eurydice. Mais maintenant, ce n'est plus le cas, j'ai fini par comprendre que ce n'était pas un mal d'aimer à nouveau, même si c'est une personne que l'on détestait. Après tout, on dit que de la haine à l'amour, il n'y a qu'un pas... Je suis prêt à penser que c'est vrai. », déclara-t-il tout en jouant le récital, une sérénade empreinte de ses sentiments pour le dieu.
Ce dernier en était extrêmement ému, les larmes lui montaient aux yeux. Ses paroles et sa musique lui procuraient tant de joie et de bonheur, des sensations totalement inédites pour lui. Lentement, il s'approcha du chevalier, passa doucement une main sur l'une de ses joues, tout en fixant ses orbes bleu aigue-marine. Il pencha son visage vers le sien, continuant à détailler son faciès.
Bien qu'un peu intimidé par le dieu, Orphée soutint son regard, ce fut la première fois qu'il voyait son beau visage d'aussi près : il avait des traits élégants, les iris de couleur émeraude, des mèches ébènes tombant sur sa figure, et surtout une bouche si tentante. N'y résistant pas, il parcourut les derniers centimètres qui les séparaient et posa ses lèvres sur les siennes, surprenant le roi qui ne tarda pas à répondre et approfondir le baiser. Ils se découvraient à travers ce doux contact rempli d'affection. Ils mirent fin à l'échange au bout de quelques minutes, le lyrode en fut encore étourdi. Néanmoins, un doute subsista en lui, Hadès le voyait bien dans son regard troublé. Il lui caressa délicatement la joue, l'encourageant silencieusement à parler. Mis en confiance, le jeune homme se confessa : « Êtes-vous sûr de vous ? Êtes-vous certain de vouloir aimer un mortel tel que moi ? Ma vie est si éphémère comparée à la vôtre... »
Le maître des Enfers soupira, bien sûr qu'il avait pensé à ce détail et cela l'avait attristé. Il avait mûrement réfléchi et était arrivé à une seule conclusion.
« Oui, je sais à quoi tu penses. Je t'avoue que cette réalité m'a beaucoup affligé, toutefois je suis certain de mon choix : je suis prêt à t'aimer, même si ce n'est que pour quelques décennies. Je devrai continuer de voir le monde tourner quand tu ne seras plus là... Mais tout ce temps passé avec toi vaudra bien cette peine.
— Je... Je n'ai pas les mots pour vous exprimer toute mon admiration et ma reconnaissance envers vous. Je suis profondément ému, votre sincérité me touche.
— Ne pensons plus à cela, profitons plutôt du moment présent. Je chérirai chaque instant passé en ta compagnie pour l'éternité.
— Merci, j'en ferai de même. Il y a une dernière chose dont j'aimerais m'acquitter : rendons-nous dans la Deuxième Prison, voulez-vous ?
— Tout ce que tu voudras, tu peux me tutoyer et m'appeler par mon prénom. Ça me ferait plaisir.
— Comme il vous... hum... te plaira... Hadès. Réussit-il à prononcer, légèrement gêné. »
Sur ces mots, ils revinrent aux Enfers et se rendirent jusqu'à la Deuxième Prison. Ils s'approchèrent du corps pétrifié de la jeune femme, au milieu de ce champ fleuri, rien n'avait changé : on aurait dit que cet endroit était devenu immuable au temps. Avant, ce lieu n'était composé que de paysages rocheux, alors que sa dulcinée fut condamnée à rester ici, Orphée avait planté et cultivé des fleurs pour rendre ce lieu moins lugubre et plus agréable pour elle. Le dieu en était encore admiratif, l'amour pouvait vraiment réaliser des miracles : le chevalier avait réussi à faire pousser des plantes dans les profondeurs des Enfers, chose qui aurait dû être impossible. C'était le domaine des morts, toutes formes de vie terrestres n'auraient pas dû voir le jour ici, et pourtant... le musicien avait réalisé l'impensable : apporter de la vie, du réconfort et de la couleur, un véritable petit coin de paradis au milieu du royaume des ténèbres.
Une fois devant elle, le lyrode prit la parole : « Bonjour, Eurydice. Aujourd'hui, j'ai quelque chose à te confesser : je suis finalement parvenu à aller de l'avant. Je n'ai plus de peur ni de colère désormais, je ne ressens plus qu'une immense paix... Je suis prêt à accepter cette deuxième vie qui m'a été offerte. Aussi, quelque chose que je pensais d'insensée, est arrivée : j'ai trouvé l'amour, en la personne d'Hadès. De nombreuses fois, je me suis lamenté auprès de toi à cause de mon attirance pour celui qui était responsable de notre malheur... je m'en suis énormément voulu... à présent, c'est différent : mes sentiments ont changé. Mais sache que je ne t'oublierai jamais, tu es et seras pour toujours mon premier amour... je t'aimerai éternellement. »
Soudain, un autre miracle se produisit : une présence fantomatique se matérialisa, c'était l'esprit d'Eurydice. Le chevalier n'en crut pas ses yeux, elle était là devant lui, le sourire aux lèvres et semblait rayonner de joie.
« Eurydice ? C'est bien toi ?
— Oui... Orphée, je suis si heureuse pour toi ! Te voir triste et déchiré me brisait le cœur... mais je sais que maintenant, tout ira bien pour toi. Je suis soulagée... je n'aurais pas pu supporter de te voir déprimer pour le restant de tes jours...
— Je... Tu ne m'en veux pas ?
— Bien sûr que non, tout ce que je souhaite : c'est ton bonheur ! Peu importe la personne et son passé, c'est le présent qui compte... et je suis persuadée que tu as fait le bon choix. Lui assura-t-elle, puis elle se tourna pour s'adresser au dieu. Seigneur Hadès, je peux deviner vos intentions et vos sentiments... votre amour pour Orphée est sincère, je peux vous faire confiance. S'il-vous-plaît, prenez soin de lui... je vous le confie.
— Ta confiance et ton indulgence me touchent... Je te promets de l'aimer comme il le mérite, tu as ma parole. Déclara-t-il confiant, au fond, il avait été réellement ébranlé par la bonté infinie de cette femme.
— Merci, je peux désormais reposer en paix... en sachant que mon bien-aimé est entre de bonnes mains...
— Eurydice ! N'oublie pas, je t'aimerai toujours !
— Moi aussi... je continuerai à t'aimer pour toujours... Merci pour tout... Au revoir. »
L'image de la blonde s'estompa progressivement, jusqu'à disparaître dans un tourbillon de pétales. Il ne restait plus que son corps de pierre. Hadès lui avait assuré que son âme était partie pour les champs Élysées, c'était le lieu le plus approprié pour un esprit aussi pur et vertueux que le sien.
Après un dernier hommage, ils quittèrent la prison, le cœur léger. Un avenir radieux s'annonçait à eux, ils étaient prêts à l'embrasser ensemble.
