Chapitre 2 : Rencontre surprise
La table du petit déjeuner était silencieuse. La maison entière l'avait été depuis lundi soir, quand Henry était sorti de la voiture comme une tornade. Emma ne l'avait pas vu de toute la soirée, même si le plat de gratin de pâtes qu'elle avait laissé devant la porte de sa chambre avait disparu, remplacé par une assiette vide. Les soirs suivants, il avait au moins accepté de la rejoindre pour diner, mais ils avaient été enveloppés d'un silence pesant et désagréable.
Vendredi matin, Emma observait attentivement Henry par-dessus sa tasse de café. Ses yeux semblaient légèrement bouffis par le manque de sommeil. Il mangeait vite, son insatiable appétit d'ado ne faisant qu'une bouchée des grandes cuillérées de cornflakes qu'il avalait. Il évitait de regarder Emma et semblait très intéressé par la bande-dessinée qu'il lisait. Mais Emma savait que c'était un vieux numéro et qu'il n'était plus de son âge. Elle savait aussi qu'Henry n'avait pas encore déballé ses livres des cartons de déménagement et qu'il l'utilisait probablement juste comme excuse pour ne pas avoir à lui parler. Elle ne lui en voulait pas. Elle doutait qu'elle aurait eu envie de parler à sa mère si elle avait été arrachée à tout ce qu'elle connaissait pour aller vivre « au milieu de nulle part ». Enfin, si elle avait eu une mère.
Plutôt que de le punir de son comportement antisocial, Emma prit simplement son bol vide et commença à faire la vaisselle. Trois semaines après le déménagement, leur lave-vaisselle n'avait toujours pas été installé. Quand elle eût terminé et qu'elle se retourna finalement, Henry était déjà parti.
Emma, qui détestait conduire en silence, avait allumé la radio et fredonnait un titre d'Adele alors qu'ils effectuaient le court trajet jusqu'au collège, qui devenait de plus en plus familier.
« Je veux me couper les cheveux.
Bon, pensa Emma en baissant la musique, au moins il me reparle.
« Vraiment ? » demanda-t-elle, lâchant le levier de vitesse pour ébouriffer ses cheveux châtains. Henry s'esquiva. « Je les trouve bien comme ça. Tu ressembles à Justin Bieber il y a quelques années. »
« C'est justement pour ça, » répliqua Henry, le regard noir. « Je ne veux pas ressembler à Justin Bieber. S'te plait Maman, laisse-moi les couper. »
« Tu me laisserais te les couper ? »
« Non ! », s'écria Henry, arrachant un rire à Emma.
« Dans ce cas je demanderai une bonne adresse aujourd'hui. On ne va pas t'emmener n'importe où juste pour te dé-Bieberiser, n'est-ce pas ? »
« Merci, » dit Henry, dont le visage afficha finalement un petit sourire.
Pourtant, il refusa toujours de marcher à ses côtés pour franchir les portes du collège,
Emma se sentait déjà à l'aise dans sa nouvelle routine. Elle ne mit pas longtemps à mémoriser les noms des enfants et avait déjà apprivoisé son groupe d'étude. Felix et Peter n'avaient pas causé d'autre problème jusque-là et le reste des élèves semblaient sympas. Les premiers cours s'étaient bien passés et Emma était particulièrement enthousiaste au sujet de l'une de ses classes de 3ème qui semblait ravie d'apprendre et tout aussi passionnée par la géographie qu'elle l'était.
Le département de géographie du collège de Storybrooke était assez petit et vendredi, à l'heure du déjeuner, Emma retrouva l'autre professeur qui enseignait cette matière, également responsable du département. August Booth avait quelques années de plus qu'Emma. Il avait une barbe hirsute, des yeux bleus scintillants et portait habituellement un blouson de cuir noir. Il venait au collège en moto et Emma s'aperçut au premier coup d'œil qu'il faisait partie des profs cools.
August venait de montrer à Emma le programme du brevet et ils essayaient à présent de décider du meilleur moment pour apprendre aux 6ème à faire une maquette de volcan. L'expérience au bicarbonate de soude et au vinaigre était un must pour les élèves de cette classe. Alors qu'ils essayaient de se décider entre la fin du deuxième trimestre et le milieu du dernier, quelqu'un frappa à la porte.
« Entrez, » dit August.
« Eh, Henry ! » dit Emma, surprise mais heureuse que son fils vienne la voir de lui-même pendant les heures de cours.
« Salut Maman, » répondit Henry, qui entra dans le bureau et ferma la porte derrière lui.
« Oh, voici Mr Booth, » déclara Emma. « Ce sera ton prof de géographie. Mr Booth, voici mon fils, Henry. Et cela ne lui vaudra aucun traitement de faveur, » ajouta-t-elle en faisait un clin d'œil à son fils.
« Je peux avoir de l'argent pour le déjeuner ? » dit Heny, ignorant la remarque de sa mère.
« Qu'est-ce qui est arrivé à l'argent que je t'ai donné ce matin ? »
« Je l'ai dépensé. »
Emma fronça les sourcils. Les élèves n'avaient pas le droit de quitter l'enceinte de l'établissement pendant la journée et il n'y avait aucun magasin sur place : « Pour acheter quoi ? »
Henry haussa les épaules, et parcourut la petite salle du regard. « Un des gars vendait des DVD pendant l'intercours. J'en ai achetés quelques-uns. »
« Je vois, » répondit doucement Emma. Elle savait que son fils lui mentait mais elle décida de ne rien dire devant son nouveau collègue. « Bon, je vais te prêter de l'argent pour le repas mais comme c'est toi qui as voulu acheter ces DVD, je veux que tu me rembourses une fois à la maison, d'accord ? »
« Oui, merci Maman, » dit Henry en s'approchant pour prendre le billet de cinq dollars que sa mère lui tendait avant de quitter la pièce.
« Vous avez un fils en quatrième ? » demanda August aussitôt la porte fermée.
« Oui, » acquiesça Emma, reportant son regard sur son emploi du temps et tapotant son stylo contre sa jambe.
August ne dit rien mais Emma pouvait sentir qu'il était curieux. Elle décida qu'il était préférable de lui parler maintenant et de laisser les inévitables commérages suivre leur cours.
« Je suis tombée enceinte à dix-huit ans, » dit-elle, se tournant vers son supérieur tandis qu'elle parlait. « Je venais de terminer mes examens et ce n'était absolument pas planifié. Le père d'Henry et moi avons décidé de le garder, malgré le défi que ça représentait, puis on s'est mariés pour commencer notre vie de famille. Quand Henry avait deux ans, j'ai réalisé que je voulais retourner à l'université. A cette époque nous vivions près de New Haven et j'ai postulé à Yale, sur un coup de tête. Je n'aurais jamais cru être acceptée. Mais ç'a été le cas et l'université avait une très bonne garderie, donc j'ai pu étudier avec Henry à quelques bâtiments de là. Il allait déjà à l'école quand j'ai commencé mon Master donc qui a rendu les choses encore plus faciles. Juste au moment où j'ai eu mon diplôme, mon mari a été muté à New York donc j'ai fait ma spécialisation dans l'enseignement là-bas. Henry avait déjà sept ans quand j'ai eu ma première affectation et mon emploi du temps m'aidait vraiment à être présente pour mon fils. Je n'ai pas vraiment fait les choses dans le bon ordre mais on s'en est sortis. »
Emma conclut son monologue en faisant un petit sourire à August, attendant sa réaction.
« Impressionnant, » dit-il après un moment. « Elever un enfant est déjà assez difficile sans avoir à étudier dans l'une des plus dures universités du pays en même temps. »
« J'ai eu beaucoup de soutien, » précisa Emma. « Et Henry est un enfant très facile à vivre. » Ses yeux verts s'embuèrent de larmes et son cœur se serra quand elle se souvint à quel point Henry était heureux et insouciant à une époque.
« Il a l'air génial, » sourit August.
« Il essaie de s'adapter, » acquiesça Emma. « Et maintenant si on décidait de leur faire faire les volcans avant les vacances de Pâques et la sortie scolaire avant celles d'été ? »
Lorsque la cloche sonna la fin des cours vendredi après-midi, Emma était aussi heureuse que la semaine se termine que ses élèves de 5ème et elle rangea ses affaires aussi vite que possible. Il n'était que quatre heures mois-le-quart quand elle arriva à sa voiture, un dossier sous le bras contenant le programme de ses cours, qu'elle voulait parcourir et retravailler maintenant qu'elle avait fait la connaissance de tous ses élèves. Alors qu'elle se débattait avec ses clés de voiture, Henry arriva et la débarrassa de son porte-documents.
« Merci, » lui dit-elle lorsqu'elle parvint finalement à ouvrir la portière. « Tu étais où ? »
« Juste en train d'attendre près du hangar à vélos avec des potes, » dit simplement Henry.
« Le hangar à vélos, hein ? » taquina Emma. « Et je suppose que ça veut dire la même chose ici qu'à New York ? »
« Arrête-ça, » répondit Henry, renfrogné, avant de poser le dossier sur le toit de la coccinelle et de faire le tour de la voiture.
Emma gloussa. Son fils n'avait pas encore commencé à sortir avec des filles mais elle savait que ça n'allait pas tarder.
« Alors, ça te dit de commander un plat à emporter et de regarder un des DVD que tu as achetés ? » demanda Emma en sortant du parking.
« Euh, je les ai laissés dans mon casier, » dit Henry. « On peut pas juste regarder un des films qu'on a déjà ? »
« Ok, » répondit Emma, ignorant le bip de son détecteur de mensonges intérieur. « Qui est-ce qui te les a vendus ? »
« Peter. Il est en 3ème. »
« Peter Panner ? » demanda Emma.
« Euh, ouais, je crois »
« Je suis sa prof principale, » dit Emma. « Je ne savais pas qu'il avait le sens des affaires au point de pouvoir monter un business au collège. »
Henry haussa les épaules : « Il est juste populaire. Plein d'autres gars en ont achetés aussi. »
« Et parle-moi de ta classe? « demanda Emma. « Mr Jones a dit que les autres élèves étaient sympas. »
Elle avait rencontré le professeur principal d'Henry mardi midi. Killian Jones était venu se présenter au réfectoire, précisant qu'Henry était dans sa classe et l'avait ensuite fait mourir d'ennui en lui parlant de la prochaine expérience qu'il comptait montrer aux enfants. La Physique ne l'avait jamais intéressée.
« Ils sont cool » répondit Henry. « Il y a ce gars, Michael, il a l'air assez sympa. Je crois que sa sœur Wendy est dans ta classe de 3ème. »
« Wendy Darling ? » demanda Emma. Arrivant à un feu rouge, elle constata que la route qu'elle comptait emprunter avait été endommagée et fermée à la circulation.
« Ouais, » acquiesça Henry. « Prends à gauche ici, tout pourras couper par Fore Street. »
« Comment tu sais ça ? » demanda Emma qui suivit les instructions de son fils avant qu'il puisse lui répondre.
« J'ai exploré les environs en vélo le week-end dernier. » répondit Henry. « Tourne à droite. »
Emma s'exécuta et prit une petite rue commerçante où elle remarqua un chinois à emporter, une pizzéria et un restaurant de tapas en passant.
« Encore à droite ici, » indiqua Henry.
Emma prit le virage en direction de Mifflin Street et ralentit. C'était un petit quartier résidentiel où s'alignaient de grandes bâtisses victoriennes.
« Whaow, » murmura-t-elle en passant devant les magnifiques maisons.
« Eh ! » s'écria Henry. « C'est Mme Mills. »
Emma suivit des yeux le geste de son fils et vit qu'il avait raison. Sa collègue d'histoire était en train de vider le coffre d'un coupé sport Mercedes, garé dans l'allée de l'une des plus grandes maisons de la rue. Incapable de s'en empêcher, Emma arrêta sa coccinelle et baissa sa fenêtre.
« Bonjour, » appela-t-elle.
Regina sursauta et laissa tomber plusieurs dossiers en se retournant soudainement.
« Merde, » grommela Emma. « Attends-moi ici. »
La blonde coupa le contact et sortit de la voiture, se précipitant pour aider Regina à ramasser ses cours.
« Je suis vraiment désolée, Docteur Mills, » s'excusa Emma, en s'agenouillant pour s'efforcer de ramasser toutes les feuilles de papier étalées sur le sol. « Je ne voulais pas vous faire peur. »
« Ca va aller, » répondit Regina, encore un peu tremblante, avant d'empiler les dossiers écornés sur la voiture et d'aider Emma à récupérer le reste. « C'est juste que…je ne m'attendais pas à voir quelqu'un. »
« Je ne vous ai pas suivie, » dit précipitamment Emma, sa phrase laissant croire qu'elle l'avait effectivement suivie. « La route principale est fermée et Henry a dit que c'était un raccourci. »
« Où habitez-vous ? » demanda Regina qui retrouva son calme à présent que ses papiers étaient de nouveau rangés.
« Sur Maine Street, » dit Emma, en mettant les mains dans les poches.
« Oh oui, » acquiesça Regina. Tournez à gauche au bout de cette rue, ensuite je crois que c'est deux rues plus loin. »
« Le quartier est très différent pourtant, » remarqua Emma, en désignant la maison en face de laquelle elles se tenaient. « C'est magnifique ici. »
« Merci, » répondit Regina en rougissant légèrement. « Personnellement, je trouve que…, »
« Regina ! »
La voix forte interrompit la brune qui se figea instantanément sous la violence du ton. Tandis que Regina se retournait, Emma regarda par-dessus son épaule l'entrée de la maison où se tenait un homme, les bras croisés et un regard dur sur le visage.
« Bonjour, mon chéri, » dit Regina, la voix un peu plus aigüe que d'habitude.
« Qui est-ce ? » demanda l'homme, qui descendit les marches du perron et rejoignit les deux femmes en quelques secondes.
« Oh, c'est Emma Swan, » dit Regina. « C'est le nouveau professeur de géographie du collège. Emma, voici mon mari Robin. »
« Je ne crois pas me souvenir que tu m'aies dit que tu comptais inviter quelqu'un ce soir, » dit l'homme, ignorant la nouvelle venue et s'adressant uniquement à sa femme. « Tu sais que Tuck et Will viennent diner et que tu dois cuisiner. »
« Bien sûr, Robin, je suis désolée. Mademoiselle Swan passait par là et elle… elle s'est juste arrêtée pour me dire bonjour, » dit Regina en faisant un vague geste pour désigner la voiture jaune garée au bout de leur allée.
« Eh bien, je crois qu'il est temps pour elle de partir, » dit Robin en jetant un regard cinglant à Emma.
La blonde fronça les sourcils et croisa les bras sur sa poitrine. Elle n'aimait pas du tout la façon dont ce type parlait à sa femme.
« Oui, » répondit précipitamment Regina, en se tournant de nouveau face à Emma. « J'ai été ravie de vous revoir, Mademoiselle Swan. Bon week-end, on se voit lundi. »
« Oui, bien sûr, » acquiesça Emma. « Je vous verrai lundi, Docteur Mills. Passez un bon week-end. »
Elle reprit le chemin de sa voiture, Henry la regardant d'un air interrogateur.
« C'était quoi, ça ? demanda le jeune garçon, qui même depuis la voiture, avait remarqué l'ambiance glaciale.
« J'en suis pas sûre, » dit Emma, jetant un dernier coup d'œil sur le manoir juste à temps pour voir Regina remonter les marches du perron et fermer la lourde porte derrière elle. « Allez, mon grand, » ajouta-t-elle, en se tournant vers Henry, se forçant à sourire. « On rentre et on commande une pizza ! »
Voilà pour les deux premiers chapitres, j'espère que ça vous a plu, comme la fic est assez longue, j'essaierai de mettre deux chapitres par semaine, j'ai presque fini la traduction. J'attends votre avis et à bientôt :)
