Samedi, 15h30
Je crois que j'ai un grain. Non, sérieusement, vous connaissez beaucoup de nanas de vingt ans qui prétendent être tombées amoureuses d'un mannequin en le pensant sérieusement ? Bien sûr que non, parce que vous êtes entourés de gens intelligents, censés et normaux ! Alors que moi, je suis restée bloquée sur un type que je n'ai même jamais rencontré. Bien sûr, cela ne m'a pas empêché d'avoir quelques petits amis, mais ils n'ont jamais réussi à égaler le fantasme que je m'étais créé avec Natsu Dragneel, et encore moins au lit.
Debout devant mon miroir, j'observe mon corps dénudé d'un œil critique. Il est beau, c'est certain, mais le sera-t-il pour une agence de mannequins, couplé d'un magazine qui fait poser des célébrités ? J'ai lu qu'il y avait énormément de normes dans le mannequinat, et notamment au niveau de la taille. J'espère sincèrement rentrer dedans. Dans chacune de mes mains, je saisis un sein pour le soupeser. Ils sont lourds et fermes, proéminents. Je n'ai jamais eu à m'en plaindre, et Levy, mon amie de l'université, les jalouse énormément. Il y a de quoi, j'avoue. Mes paumes glissent lentement, titillant mes tétons qui se tendent. Je fais glisser mes mains sur mes côtes, puis sur mes côtes flottantes. Elles suivent le contour de ma taille fine. Ma silhouette en sablier est le fruit de nombreuses heures de sports.
Je me tourne, observant mes fesses rebondies. Peu à peu, un sourire se dessine sur on visage. Mon galbe et ma peau laiteuse sont autant d'avantages pour mon entretien. Je suis confiante. Rapidement, j'enfile la robe que j'ai sortie pour l'occasion. Le tissu noir fait ressortir le blanc de ma peau et le blond de mes cheveux. La rose arrive à mi-cuisse et souligne mes formes. Son décolleté dévoile mes épaules et ma clavicule que caressent mes cheveux lâchés. Mes yeux noisette sont soulignés d'un trait d'eye-liner noir, et ma bouche pulpeuse est du même bordeaux que mon vernis. Je me regarde une dernière fois dans le miroir.
Parfaite, songé-je.
Il ne manque plus que les escarpins noirs qui se trouvent dans l'entrée. Je saisi ma pochette blanche avant de quitter ma chambre. Ma détermination est grande. Un sourire flotte sur mon visage. Natsu Dragneel, me voilà !
16h
Je ne suis pas la seule à avoir répondu à l'annonce. Des filles, toutes plus belles les unes que les autres, attendent dans une pièce bondée d'être appelée. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine lorsque je les observe et ma détermination flanche. Qu'ai-je de plus qu'elles ? Qu'est-ce qui peut faire de moi un premier choix ? Je baisse les yeux vers mon corps. Soudain, j'ai l'impression d'être gauche et maladroite. Je serre les doigts sur ma pochette pour me calmer. Un silence tendu règne ici. Les candidates se lancent des regards noirs. Nous savons qu'une seule sortira vainqueur de cette compétition.
— Lucy Heartfillia.
Mon pauvre myocarde déjà mis au supplice rate un battement. Je me redresse tandis que les autres filles cherchent qui va s'avancer. C'est moi, et je supporte leur regard mauvais tandis que je m'approche de la secrétaire. Elle se détourne très rapidement. Je n'ai même pas le temps de la regarder dans les yeux. D'un geste, elle m'indique les portes vitrées d'un bureau d'apparence rustique. J'inspire longuement et m'approche. Je refoule mon envie d'onduler exagérément des hanches en passant les battants ouverts.
Le directeur est un… nain. De l'autre côté du bureau, il me fixe, une épaisse moustache masquant en partie son sourire. D'un geste, il me désigne le fauteuil en cuir dans lequel je dois m'installer. Je m'exécute, non sans cesser d'observer cet homme. Je m'attendais à quelque d'imposant, mais voilà qu'il s'agit en fait d'un vieux moustachu au regard pétillant. Il m'observe tandis que je m'installe. La matière froide entre en contact avec la peau de mes cuisses nues. Je frissonne.
— Bonjour, Mademoiselle. Je suis Makarov Drear, le directeur de Fairy Tail.
Je hoche la tête en déglutissant, murmurant un « enchanté » qui s'étrangle dans ma gorge. Je donne déjà une très mauvaise impression, et ça me tue. Il faut que je me reprenne avant d'être complètement évincée de la sélection. Il est hors de question que ça arrive, et même si je suis surprise qu'une telle entreprise ne passe pas par un directeur des ressources humaines pour le recrutement, je ne dis rien. Mieux vaut rester muette pour l'instant.
— Je vais vous poser une série de question, annonce l'homme, et je souhaiterai que vous y répondiez avec honnêteté. En effet, vos préférences pourraient bien apparaître dans votre contrat si vous signez chez nous, et le moindre manquement à celui-ci pourrait mener à sa rupture. Vous avez compris ?
— Oui.
Dieu merci, je parviens à parler d'une voix forte et assurée, ce qui me vaut un coup d'œil approbateur du vieux moustachu. Il aligne des feuilles devant lui avant de saisir un stylo noir strié de fines dorures.
— Quelles sont vos motivations pour ce métier ?
— Depuis que j'ai quatorze ans, je rêve de devenir mannequin. Pour être tout à fait honnête, c'est votre mannequin Natsu Dragneel qui m'a donné envie de postuler dès que j'ai lu votre annonce. Je le suis depuis l'adolescence, et aujourd'hui, j'ai décidé de franchir le pas.
Il prend note en hochant la tête, mais je ne sais pas ce que cela signifie. Tandis qu'il garde les yeux rivés sur ses feuilles, je roule des épaules pour tenter de chasser la tension qui s'y est installée.
– Mannequin est un métier prenant, votre vie personnelle risque-t-elle d'interférer dans votre travail ?
— Non.
Et je suis catégorique sur ce point.
— Poser en lingerie, nue, ou dans des positions suggestives voire érotiques vous dérange-t-il ?
—Non.
Je réponds avant de réfléchir. Mon cœur rate un battement pour me dire que quelque chose cloche. Je n'aurais pas dû prononcer ce mot, et pourtant, il est trop tard. Trop tard pour le ravaler, ma fierté et la peur d'être rejetée m'en empêchent. Je le vois noter, les yeux grands ouverts, incapables de réagir. Mes doigts sont si repliés que mes jointures me font mal. Je sens mon estomac se nouer. Il pose encore quelques questions, sur ma vie actuelle, mes études et m'informe de la difficulté de ce métier. Je hoche la tête, mais mon cerveau se trouve incapable d'enregistrer la moindre information. La réponse que j'aurais dû réfléchir ne cesse de tourner dans ma tête.
J'ai fait une connerie.
Ma mère avait raison.
Je suis foutue.
N'organisez jamais votre vie en fonction d'une romance avec un homme de papier glacé, vous pourriez vous en mordre sévèrement les doigts.
