Note : Texte écrit pendant la nuit insolite du 1er mai.
Se faire un ami
Octobre 1989 – Ilvermorny
Audrey comprit qu'elle avait dû se perdre encore une fois lorsqu'elle se retrouva dans le hall, face à la statue immense du Serpent Cornu. Elle n'arrivait pas à se repérer dans les multiples couloirs d'Ilvermorny, incapable d'identifier des points de repères là où certains de ses camarades pouvaient déjà s'orienter les yeux fermés. Elle avait essayé de mémoriser le chemin la menant de sa salle commune au réfectoire, pour éviter de toujours suivre des élèves de sa maison, sans succès. Elle était en colère contre elle-même, elle considérait qu'au bout d'un mois, elle serait comme les autres, habituée à l'école de sorcellerie et à ses passagers secrets. Il fallait croire qu'elle n'était pas assez douée pour observer les détails, ce qui ne faisait que l'agacer.
Elle réduisit la distance qui la séparait de l'emblème de sa maison, plantant son regard dans celui inanimé du Serpent Cornu. Puisque la cérémonie de répartition avait déjà eu lieu, les statues étaient immobiles, comme si elles n'avaient jamais manifesté leur attention, mais Audrey avait le sentiment étrangement désagréable d'être analysée par l'expression du reptile. Il la toisait du haut de son socle, d'un air presque inquisiteur. Elle faillit demander à la sculpture pour quelle raison elle avait décidé de l'envoyer dans sa maison, pour quelle raison elle avait considéré qu'elle se plairait quelque part à Ilvermorny. Ses lèvres demeurèrent closes, elle n'avait pas envie d'être surprise à communiquer avec une statue, sachant que ce genre de situation ne l'aiderait pas à se faire une place. Elle n'était plus chez elle, elle devait s'adapter à son nouvel environnement et aux règles en vigueur, en calquant au mieux son comportement sur celui des autres, tout en restant elle-même. Et cela commençait par ne pas s'adresser à un Serpent Cornu aussi silencieux qu'une tombe – une tombe vide, bien évidemment.
La jeune Graves hésita à repartir sur ses pas. À quoi bon revenir en arrière alors qu'elle ignorait le chemin à emprunter pour remplir son estomac ? Trouver le réfectoire n'était pas censé lui prendre autant de temps, il s'agissait de l'une des salles les plus importantes dans la journée des élèves, les cours mis de côté.
« Hey, tu es perdue ? lança un garçon de son âge qui la fit sursauter.
— Non, je m'amuse comme une folle, répliqua Audrey sur un ton pince sans-rire. »
Elle ne prévoyait pas d'être si peu polie et elle s'excusa du bout des lèvres. Le sorcier lui adressa en retour un large sourire, si franc et si joyeux qu'il la contamina. Sa mauvaise humeur sembla s'envoler en un clin d'œil, comme si la gaieté du garçon avait chassé ses contrariétés. Il lui proposa de l'accompagner lorsqu'elle lui expliqua qu'elle cherchait à rejoindre le réfectoire, et elle accepta. Ils ne traversèrent que trois couloirs différents avant de parvenir à destination où ils prirent place ensemble sur l'un des bancs de la maison d'Audrey. Elle découvrit ainsi que son sauveur était de sa maison et elle rougit d'embarras en constatant qu'elle ne l'avait pas reconnu alors qu'ils partageaient tous leurs cours.
« Je suis Audrey, annonça-t-elle. Merci pour ton aide.
— Amir, se présenta-t-il à son tour. À ton service ! »
Elle se mit à rire, surprise par autant de spontanéité. Il lui apprit qu'il s'était perdu le lendemain de la rentrée, atterrissant devant le bureau de la directrice à la place de leur salle commune. C'était l'un des fantômes d'Ilvermorny qui lui avait indiqué le chemin avec lassitude, maugréant contre les élèves qui ne savaient pas différencier les carrelages, les poutres ou les tapisseries de l'école.
« Je ne connaissais rien à la magie avant d'arriver ici, confessa Amir avant de goûter sa soupe. Mes parents ne sont pas des sorciers, la nouvelle a été dure à digérer.
— Tu n'avais jamais rien fait de bizarre ? s'enquit Audrey avec curiosité.
— Des petits trucs mais ça mettait toujours mon grand-père en colère. Il pensait que je voulais me rendre intéressant. »
Une grimace fleurit sur les lèvres de la jeune fille. Elle avait été bien entourée chez les Graves, elle avait trouvé un foyer aimant où grandir sans avoir peur de ses dons, côtoyant la magie tous les jours. Elle avait même eu droit à une rapide visite de certains niveaux du MACUSA grâce à son père et elle en gardait un bon souvenir. Elle plaignait Amir de ne pas avoir reçu la même attention et elle se fit la promesse de lui montrer le monde magique comme elle l'avait vu, avec ses yeux émerveillés d'enfant.
