Chapitre 2
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Le lendemain matin, j'ai déjà abandonné l'idée de m'attacher les cheveux pour "faire plus mature" comme aurait dit ma mère. Je leur passe simplement un bon coup de brosse et les laisse librement cascader sur le côté. Je remets ma robe émeraude et enfile d'épaisses chaussettes montantes ainsi que des chaussures noires à lacet. Ce n'est pas très féminin mais ce n'est pas comme si quelqu'un allait regarder sous ma robe.
Lorsque j'arrive au petit déjeuner, Remus est déjà en grande discutions avec le professeur Sinistra et il me coule un regard mi-amusé mi-exaspéré. Que croyait-il ? Que j'allais arriver à l'heure pour une fois, juste parce que c'est le premier jour ? A défaut d'autre place, je m'assoie à côté du professeur Rogue et celui-ci me fait un vague hochement de tête pour me saluer. Si Remus était à côté il dirait que c'est du complet favoritisme lié à ma condition de femme. Lui n'arrive même pas à lui tirer autre chose qu'un regard plein de morgue.
En faisant une croix sur une quelconque discussion matinale, j'attrape la marmelade et commence à me faire des tartines que je trempe dans mon chocolat chaud. De là où je suis, je remarque qu'une activité fébrile agite une poignée d'élèves dans le Hall et que des allers-retours enjoués commencent à se faire entre la grande salle et la sortie.
-Ne vous inquiétez pas, professeur Rogue, je glisse alors à mon voisin de table en notant les yeux exorbités qu'il pointe à présent en direction des élèves turbulents. Je pense que cette agitation est un peu de ma faute.
Il tourne la tête vers moi et semble vouloir dire quelque chose, avant de se raviser et de sourire, du moins de tenter.
-Peut-être vous êtes-vous trompé de table alors, Mademoiselle Tio, me sort-il en pointant du doigt la longue table des Serdaigles.
Toujours aussi aimable celui-là. Je t'en foutrais du favoritisme, Remus.
D'un coup d'œil, j'aperçois le professeur Mc Gonagall filer vers l'origine du chahut et inciter les élèves à plus de retenue sous peine de moult sanctions et de points en moins. Il faudrait que j'essaye ça aussi, ça a l'air vraiment marrant. Évidemment, lorsqu'elle revient à table j'ai droit à un regard noir, mais elle ne se permet aucun commentaire, je ne suis plus une élève après tout.
La vérité est que j'ai épinglé un grand parchemin sur le tableau d'affichage pour indiquer les heures de cours mis à leur disposition. Avec le Directeur nous nous sommes accordés sur des horaires adaptés qui pourraient permettre à un maximum d'élèves d'y assister ; du moins s'ils désiraient choisir la matière. Pour simplifier les choses j'ai envoûté le parchemin et indiqué que ceux souhaitant s'inscrire pour l'année devaient apposer leur empreinte de pouce sur l'heure voulue. Une fois qu'un créneau serait complet, celui-ci s'afficherait en rouge et les suivants devraient alors en choisir un autre.
De l'autre côté de la table je croise le regard amusé de Remus et m'empêche à temps de lui tirer la langue. Je sais parfaitement ce qu'il pense, tout le monde ignore sur quoi va porter mon cours, mais nombreux sont ceux qui se disent qu'avoir une jeune et jolie prof leur changerait. Attention, ce ne sont pas mes mots mais ceux de Remus.
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Au moment où le début des cours sonne, la grande salle se vide quasi instantanément et je me retrouve dernière à partir. Normal, je n'ai encore aucun cours à donner. Avec curiosité, je file jusqu'au tableau d'affichage et m'aperçois avec surprise que la quasi-totalité des créneaux sont pleins. Manquerait plus que je perde mon pari, tient !
Je décide de le laisser là la journée entière et de revenir le chercher à l'heure du repas du soir. En attendant, j'ai ma journée de libre et j'en profite pour faire un tour vers le grand cloître qui trône au milieu du château. J'ai toujours adoré cet endroit, il renferme à lui seul plus de souvenirs que le reste du domaine. Je me souviens encore comment j'ai battu Bulstrode en duel sous cet arbre.
Je jette un œil au temps maussade qui essaye tout de même de laisser un peu de place à un pâle soleil et tourne à l'angle. Je tombe alors sur le professeur Dumbledore en pleine contemplation. Bien évidemment, je n'imagine pas une seule seconde que cette rencontre est fortuite et m'avance vers lui. Étonnamment il ne semble pas avoir vieilli depuis la dernière fois que je l'ai vu. Je veux dire, pas vieilli du tout, vous comprenez ? Cet homme doit avoir quoi, quatre-vingt-dix ans à vue de nez ? Comment se fait-il qu'il paraisse en si bonne forme ? Il n'y a pas de justice.
-Vous avez fait sensation Professeur Tio, me dit-il en conservant son éternel sourire amusé. Je crois que vous ne risquez pas de vous ennuyer avec vos élèves cette année
Il m'a appelé Professeur Tio… Ces mots ont un drôle de goût dans ma bouche, je n'arrive pas vraiment à leur mettre un quelconque poids, une quelconque matière, ils sont vaporeux et ne veulent pour le moment pas dire grand-chose dans mon esprit. Je n'en montre rien et viens me poster à ses côtés, le regard vers le grand sapin qui nous surplombe de toute sa hauteur.
-Oui, je ne pensais pas faire si bonne impression je vous avoue.
Il hoche la tête sans lâcher du regard le paysage et je continue.
-Avez-vous prévenu notre chère bibliothécaire en ce qui concerne la réserve, Monsieur le Directeur ? J'ignore si vous possédez un quelconque ouvrage qui me sera utile, mais je préfère m'en assurer par moi-même.
-Sans aucun problème, Mademoiselle Tio. Je l'ai en effet prévenu, mais elle insiste pour qu'aucun ouvrage ne sorte de la réserve, j'ai bien peur que vous ne deviez les consulter sur place.
Je retiens un soupir d'agacement. Cette vieille bique me cassera décidément les pieds, peu importe les années. Bien, j'emmènerai de quoi grignoter en douce, ça m'aidera à supporter le bourdon que cette petite pièce poussiéreuse m'inspire. Non pas que je n'aime pas les bibliothèques, celle de Poudlard est d'ailleurs très agréable, mais la réserve filerait la déprime à quiconque. Essayez, et vous verrez que je ne mens pas.
Mes réflexions sont interrompues lorsque le vieil homme reprend la parole.
-J'aimerais m'entretenir avec vous d'un autre sujet, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Ma curiosité est piquée au vif et je prends vite un air détaché.
-Et bien je vous en prie, Monsieur le Directeur.
Il se tourne enfin vers moi et me fait signe de le suivre tandis qu'il marche le long du cloître.
-J'imagine que vous avez lu les journaux récemment, professeur Tio. Vous n'ignorez rien de l'évasion de Sirius Black et des mesures que nous sommes dans l'obligation de prendre.
-Non en effet, je réponds en évitant de paraître trop dubitative face au choix des détraqueurs.
-L'année passée, nous avions organisé quelques sessions de duel afin d'entraîner nos élèves. En ces temps troublés j'espérais faire de même et souhaiterais compter sur vous-même ainsi que sur le professeur Lupin.
Étonnée, je ne réponds pas tout de suite et il s'empresse d'ajouter.
-Vous étiez une duelliste hors pair lors de vos études, ça ne fait aucun doute. Je crois même ne pas avoir assisté à performance aussi cocasse depuis. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle je vous ai fait venir, je le confesse. Cependant si vous ne voulez pas ce n'est pas…
-Avec plaisir, monsieur le Directeur. Je me chargerai avec joie d'organiser ces sessions.
J'ignore s'il me passe de la pommade uniquement pour que j'accepte mais, dans tous les cas, je suis grandement volontaire. Après tout, ça ne peut pas me faire de mal de reprendre les duels.
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Au repas du soir je réussis à m'asseoir à côté de Remus et nous conservons à voix basse tout au long de la soirée comme deux commères. Comme je l'imaginais, mon ami est tout à fait enjoué à l'idée d'entraîner ses élèves. En moins d'une heure nous avons griffonné un programme ludique et accessible à tous sur un bout de parchemin. Dumbledore nous a prévenus qu'il ne souhaitait pas que les premières années y participent et nous mettons temporairement de côté la question des horaires dont il m'a dit s'occuper.
-Comment s'est passé ton premier jour de cours au fait ? je demande à mon ami vers la fin du repas, tandis que je me sers une grosse part de tarte aux prunes. Personne ne t'a encore lancé de bombabouses ?
Je le vois rire doucement et s'adosser à son siège en jetant un œil à la table de Gryffondor.
-Non, j'ai attaqué avec les bases pour chaque année, même s'il y a de nettes lacunes dues à mon prédécesseur. J'ignore qui c'était, mais c'est comme s'ils n'avaient quasiment rien appris l'année dernière.
-Rien d'irrattrapable pour toi, dis-je en engouffrant une grosse part de dessert et en me servant un grand verre de ce délicieux vin blanc que Poudlard fait importer.
-Et toi, pas trop stressée pour demain ? Tu as eu du monde à s'inscrire ?
Sans répondre, je lui tends mon parchemin désormais presque intégralement rouge et je l'entends siffler entre ses dents.
-Je monte à quinze gallions, souffle-t-il en me rendant le papier.
-Et puis quoi encore, dix pas plus !
Je racle mon assiette avec ma cuillère pour récupérer les dernières miettes de mon dessert et vois mon voisin de table - qui n'est autre que le professeur Rogue - grimacer au bruit désagréable. Une chose est sûre, ce n'est pas de lui que je vais recevoir une quelconque lettre, cet homme ne doit pas aimer grand monde, même pas son coiffeur.
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Bon d'accord, j'ai fait la fière devant Remus mais, en vérité, arrivé le moment fatidique, eh bien oui, j'ai stressé. Si je suis honnête, mon premier cours n'a pas été si horrible que ça, il y avait une majorité de Serdaigle de tout âge et l'ambiance à été tout à fait détendue. Dans mon annonce j'avais bien précisé que mes cours étaient mixtes en termes d'âge, je suis même persuadée que c'est mieux ainsi.
Il est maintenant quinze heures moins cinq et j'attends le troisième cours de ma journée en mordillant mes ongles. Qui a dit que j'étais faite pour le boulot de professeur ? Sûrement pas moi.
Autour de moi, la vaste salle de classe s'est faite silencieuse et même la pendule semble étouffer le son de sa trotteuse pour me laisser lire en paix. De temps en temps, je jette un œil par la fenêtre et apprécie la vue qu'on y a du cinquième étage.
Superbe, et cela malgré le temps maussade.
Je laisse ensuite glisser mon regard à travers la pièce et considère avec plaisir l'harmonie de son agencement. Celle-ci dispose en effet de plusieurs rangées de tables noires contrastant avec l'antique parquet ciré et, devant celles-ci, une longue estrade haute d'une seule marche supporte un bureau patiné par l'usage qu'un ensemble d'ouvrages hétéroclites recouvre partiellement. Enfin, derrière mon confortable siège d'enseignante, une armoire de bois sombre renferme tout un tas de bordel que mes prédécesseurs ont cru bon de stocker là, comme des objets confisqués par exemple. Principalement des objets confisqués en fait. J'imagine que je vais devoir leur faire honneur d'une manière ou d'une autre et participer à cette collection transgénérationnelle.
Mais la pièce comporte un autre détail de taille : une gigantesque arche de pierre, s'ouvrant perpendiculairement à l'alignement des tables, et donnant accès à un salon pour le moment débarrassé de ses meubles, mis à part un gros tapis écru. Celui-ci est éclairé par trois grandes fenêtres en ogive s'ouvrant sur la forêt interdite et offrant une luminosité bienvenue lorsque le soleil se pointe.
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Quinze heures. J'entends des bruits de pas qui approchent et lève le nez des notes que j'ai prises en lisant. Les premiers élèves arrivent enfin et envahissent progressivement les lieux pour s'installer derrière les pupitres avec un "Bonjour professeur" plus ou moins convaincu. Je reconnais l'insigne des Gryffondor sur certains, ainsi que celui de Serpentard sur d'autres. Comme les cours ont été choisis par chacun en fonction de son emploi du temps, je devine que certains sont déçus de se retrouver avec d'autres.
Il y a également les deux jumeaux poils de carotte croisés dans le train ainsi qu'un autre, mais plus jeune cette fois-ci, sans doute leur frère. Enfin, une dernière jeune fille entre dans la salle et referme la porte derrière elle. Encore poil de carotte ma parole. Ne me dites pas que vous êtes venu en famille !
Un silence attentif se fait rapidement et je me lève pour leur faire face. Ça y est, j'ai un trou. C'est quoi mon discours de début de cours déjà ? Ah oui, ça me revient.
-Bonjour, bienvenue à tous pour votre premier cours de renforcement magique, je suis le professeur Alya Tio.
Je sors ma baguette de son étui attaché à ma hanche et tapote le petit tableau à ma gauche sans les quitter des yeux. Pire qu'un entretien d'embauche punaise.
-Diplômée de Poudlard, je suis enseignante-chercheuse dans le domaine de la psyché et de l'oscillation fluctuelle magique. J'ai récemment obtenu l'Ordre de Merlin troisième Classe et…
À ce moment précis, j'entends un léger hoquet de stupeur retentir, mais je ne vois pas d'où il provient, ou plutôt de qui. Je ne me laisse pas démonter et continue mon discours.
-...C'est la raison de ma présence ici. Mon cours se composera quasi uniquement de travaux pratiques, c'est pourquoi aucun ouvrage n'est nécessaire, vous pouvez d'ors et déjà ranger ceux que vous avez sorti.
Je les vois se lancer des regards quelques peu perplexe et faire disparaître les livre de Défense contre les Forces du Mal ou de sortilège que certains ont cru bon poser sur leur table.
-En réalité, pour suivre ce cours vous n'avez pas besoin du moindre savoir scolaire…
Nouveau hoquet de surprise, mais je commence à visualiser d'où ça vient.
-Et les meilleurs d'entre vous ne seront pas forcément ceux qui ont les meilleures notes dans les autres matières.
Oui c'est elle, je la vois ouvrir des yeux gros comme des soucoupes et secouer la tête de gauche à droite en signe d'incompréhension. D'un geste de ma baguette, je fais léviter devant mes yeux un long parchemin m'indiquant le nom de chaque élève, ainsi que la place qu'il a pris ce jour.
-Miss… Granger ? je demande alors d'une voix neutre. Vous avez une question avant que mon cours ne commence ?
Je la vois tourner les yeux vers les autres élèves qui l'observent puis les baisser sur ses mains posées devant elle.
-Non professeur, je n'ai aucune question.
-Parfait ! je m'exclame d'une voix enjouée. Je vais maintenant vous demander de vous lever et d'aller dans la pièce d'à côté, et plus vite que ça.
Ils se lèvent tous dans un ordre plus que relatif, car alors je vois un des Serpentard, un grand brun qui accompagne un petit blond, pousser un de ses camarade de Gryffondor d'un coup de coude. Je viens ensuite me poster devant les fenêtres en mettant mes mains derrière mon dos tandis qu'ils forment un parfait arc de cercle autour de moi.
-Je vais commencer par vous poser une question assez simple. Qui se souvient de son premier accident magique ? Je veux dire par là, la première fois que son don s'est manifesté de manière fortuite sans préméditation.
Je les vois se jeter des coups d'œil avec des sourires complices, tout le monde a toujours une anecdote drôle là-dessus. Je désigne un élève au hasard et celui-ci nous explique avoir fait exploser la vaisselle de sa tante Fiona lors d'une crise de colère lorsqu'il avait à peine six ans.
-Grand classique, je réponds aux quelques rires qui ont fusé.
Je désigne un autre élève du doigt, celui-ci doit être en troisième ou quatrième année à tout casser. Il a une paire de lunettes rondes et je m'aperçois que ce n'est autre que le fameux garçon célèbre dans le monde des sorciers et dont Remus m'a rebattu les oreilles lorsque nous étions en Europe. Harry Potter, oui c'est ça.
Il regarde ses amis et nous dit à tous avoir fait disparaître la vitre d'un vivarium et avoir lancé le python qu'il contenait sur son cousin obèse. Évidemment ça en fait rire plus d'un et je ne peux m'empêcher de sourire. Je passe rapidement sur quelques élèves et tous ont une histoire semblable à raconter. Je m'arrête lorsque l'un d'entre eux commence à parler du chat de sa voisine qu'il a fait exploser dans son jardin. Je leur pose alors une autre question.
-À votre avis, qu'ont en commun toutes ces histoires ?
Je les vois qui réfléchissent et l'un des rouquins souffle un mot à son jumeau qui penche la tête pour cacher son hilarité avant de me regarder avec un sourire faussement contrit.
-Nous avons exercé de la magie alors que nous n'en avions pas le droit ? propose un jeune Gryffondor un peu enrobé qui semble avoir combattu sa timidité maladive avant de répondre.
-Non, Monsieur…
Je fais léviter la liste jusqu'à moi et un nom s'illumine brièvement.
-Non, Monsieur Londubat. Être sorcier est un fait, pas un droit qu'on vous accorde. Personne ne peut vous blâmer pour ce dont vous n'avez pas conscience. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous n'avez jamais reçu de lettre du Ministère de la Régulation Magique avant votre entrée à Poudlard malgré vos "incidents" respectifs.
-Nous avons fait de la magie sans baguette ?
Mon regard se rive à celui qui vient de parler et je jette un œil à ma liste.
-En effet Monsieur Weasley, je réponds en voyant le nom de Fred Weasley s'illuminer.
Je vois d'ailleurs que l'autre s'appelle Georges et je prends deux secondes pour les dévisager. Ma mère à une sœur jumelle, quand vous avec l'habitude d'en croiser, distinguer deux jumeaux n'est pas bien difficile.
-Brillante déduction, vous avez en effet effectué un sortilège sans baguette. Uniquement sur le coup d'une émotion forte qui à fait, disons "jaillir", la magie de vous. Ces actes magiques sont rarement complexes et ils consistent généralement en une destruction plus ou moins spectaculaire. Cependant, depuis votre entrée à Poudlard, ces événements fortuits ont dû complètement disparaître et vous n'avez sans doute plus fait exploser quoi que ce soit… ou qui que ce soit.
Je me force à ne pas grimacer de dégout en imaginant ce pauvre chat et je surprends alors un regard échangé entre le jeune Potter et deux autres élèves. Je ne m'y attarde pas et continue mon exposé.
-La raison semble être que votre magie est désormais canalisée par votre esprit et que celle-ci est de toute manière "évacuée", si je puis dire, au cours de votre année scolaire par les divers sorts qu'il vous faut pratiquer.
Je vois Miss Granger qui lève la main et lui donne la parole.
-Ça veut dire que nous accumulons de la magie dans notre corps ? demande-t-elle, plus que sceptique.
-Non, la magie est un flux. Celui-ci coule librement à travers les êtres et la matière pour les façonner. Nous pensons que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains animaux sont doués de magie et que des couples moldus donnent parfois naissance à des sorciers. Rien ni personne ne peut empêcher la magie de se déverser ou elle le souhaite, nous pouvons uniquement essayer de la maîtriser. C'est pourquoi les jeunes sorciers font exploser la vaisselle, car, sans le savoir, ils créent une perturbation dans l'oscillation de ce flux et la relâchent sans aucun contrôle.
Je les vois échanger des regards étonnés et un jeune rouquin, qui doit indubitablement être le jeune frère des jumeaux Weasley, lève timidement la main en jetant des regards à la dérobée. Je jette un œil à ma liste : Ronald Weasley. Ben tiens !
Je lui fais signe et celui-ci me demande d'une voix peu sûre.
-Excusez-moi professeur, mais depuis le début vous dites "qu'il vous semble", ou bien que vous "pensez". Vous n'êtes pas sûre de vous ?
Je souris en me faisant la réflexion qu'aucun des élèves des cours précédents n'a relevé la subtilité de mes affirmations.
-En effet, Monsieur Weasley. Vous avez bien compris. Comme je vous l'ai dit au début de ce cours, en plus d'être enseignante, je suis une chercheuse. Je vous enseigne en réalité les résultats de mes travaux inachevés.
Je les vois froncer les sourcils et je lève une main devant moi pour leur intimer le calme. Ce qu'ils font. Étonnamment.
-Le Ministère de la Magie et le Directeur de Poudlard estiment que je suis à même d'offrir un enseignement complet et utile aux jeunes générations que vous êtes. Donc, si vous avez le moindre doute quant à mes capacités, je vous enjoins à leur envoyer un hibou avec vos arguments.
Je garde un large sourire un peu rigide et tape de nouveau dans mes mains pour reprendre.
-Maintenant que les choses sont dites, nous allons passer à la pratique. Au fait, dix points à la maison Gryffondor pour la perspicacité dont a fait preuve Monsieur Weasley junior.
Un des jumeaux donne un coup de coude à son petit frère et je les vois échanger entre eux tandis que ce dernier rougit fortement.
-Je veux que vous me fassiez tous un beau cercle en vous tenant par la main, je les informe en leur faisant de grands signes pour qu'ils se mettent en place. Plus vite que ça !
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Après moult bousculades pour éviter de se retrouver à côté des Serpentards, tous les élèves se répartissent autour de moi et tentent de ne pas montrer leur malaise. Moi-même, je détestais les travaux de groupes quand j'étais étudiante, devoir parler à des gens que l'on ne connaît pas, tout ça quoi.
-Mon but, durant cette année, va être de vous permettre d'appréhender les oscillations fluctuelles qui parcourent ce monde. Pour simplifier nous parlerons d'ailleurs de flux. Mais pour envisager la chose, nous allons devoir travailler sur le renforcement de votre psyché car c'est grâce à elle que vous allez, un jour, pouvoir envisager de maîtriser totalement ce flux.
Je les vois encore sceptiques et, comme pour les deux autres classes, je leur propose une argumentation plus en lien avec leur vision des choses.
-En maîtrisant ce flux, vous renforcerez l'effet de vos sortilèges ainsi que votre emprise sur les métamorphoses. Vous serez plus rapide pour lancer vos sort et, si vous êtes vraiment fortiche, vous pourrez même envisager de diriger le flux magique, comme ceci…
Je me concentre le temps d'une seconde et frappe le tapis du talon en déversant toute la magie que j'ai accumulée. Un claquement sec retentit à travers le plancher et une force puissante se déverse telle une vague déchaînée qui vient tous les ébranler. Aucun d'entre eux ne tombe - contrairement au cours de ce matin - et je réfrène un petit sourire en voyant leurs airs estomaqués. Sans compter que je sais que le cours de défense se passe sous mes pieds et que Remus s'est plaint au déjeuner que je faisais du bruit uniquement pour impressionner mes élèves. Moi, faire ça ? Jamais voyons !
Bien, je crois que j'ai capté leur attention, maintenant on va pouvoir commencer.
-L'exercice va être le suivant, je vais concentrer une partie du flux en moi et vous le transmettre en le faisant passer par nos mains jointes. Pour vous aider, visualisez cela comme une sphère faite d'énergie pure qui va traverser votre corps. Elle va sauter de l'un à l'autre et, si tout se passe bien, faire le tour de cette assemblée avant de me revenir entière. J'appelle cela l'exercice du rebond magique, c'est moche, mais, si vous avez d'autres idées de nom, c'est avec plaisir.
Je fais demi-tour et m'installe entre deux élèves en leur prenant les mains. Celui de gauche a les paumes moites et je lui fais un petit sourire d'encouragement. Manquerait plus qu'il défaille comme la première année de ce matin.
-Maintenant, fermez tous les yeux et visualisez le lien qui vous relie à vos voisins. Vous devez vous concentrer pour que, lorsque le rebond arrive à vous, vous soyez capable de le maîtriser et le renvoyer. Est-ce que tout le monde a compris ?
Je les vois acquiescer vaguement, même si une bonne partie d'entre eux a les yeux qui brillent d'excitation. Ils m'obéissent tous et je ferme à mon tour mes paupières pour modeler le flux.
-Je commence par la droite, dis-je d'une voix claire. J'y vais !
D'une pression de mon esprit entraîné, je fais rapidement glisser le flux le long de mon bras et le transmets à la jeune femme qui me tient la main. En me concentrant, je ressens les modifications de son propre flux magique qui interfère avec le mien et s'incline finalement pour laisser le passage au rebond. Sa main se serre brièvement sur la mienne lorsqu'elle se concentre pour faire passer au voisin et je ne peux qu'admirer sa dextérité pour son âge, cette petite rouquine est bien plus douée que les autres élèves que j'ai pu avoir ce matin. Il n'y a eu quasiment aucune déperdition d'énergie lors de son passage. J'essaye de me concentrer et de suivre le chemin que fait le rebond, mais celui-ci finit sa course au bout quatrième élève. Classique.
Je rouvre les yeux et leur explique ce qui vient de se passer. Durant ce premier cours, mon but n'est pas de les faire réussir un quelconque exploit, mais simplement de leur laisser appréhender la chose pour qu'ils puissent ressentir ce qu'est le flux. Je les fais recommencer plusieurs fois, un coup à gauche, puis encore à droite. Cela dépasse rarement quatre ou cinq élèves et je me déplace vers un autre endroit du cercle pour que tout le monde puisse tester la chose.
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À mon troisième déplacement, je me glisse entre Potter et le jeune Weasley. Juste à côté de ce dernier se tiennent ses deux frères jumeaux qui, pour une fois, sont silencieux et attentifs. J'attrape les mains des deux garçons et ferme les yeux. Je modèle rapidement un rebond qui glisse le long du bras du jeune Weasley et je l'entends hoqueter de surprise avant de se concentrer. Avec maladresse, il fait glisser le flux vers son grand frère, celui qui doit s'appeler Georges… ou Fred, je n'ai pas fait attention.
Cependant, alors que je me concentre pour suivre le chemin que prend la petite sphère d'énergie, je la sens qui s'étire et se contorsionne entre les deux jumeaux, comme si plus aucune barrière physique n'existait. Après s'être déformé dans tous les sens, elle repart par la main du dernier frère et passe sur trois élèves avant de s'éteindre au niveau de Neville Londubas.
J'ouvre les yeux instantanément. Qu'est-ce qu'il vient de se passer bordel ?
Je tourne mon regard ahuri vers les deux jeunes hommes qui semblent contents d'eux et remarque rapidement que les quelques élèves qui n'ont pas les paupières closes me lorgnent avec suspicion. Je dois passer pour une folle avec mes yeux hagards et ma bouche grande ouverte.
En masquant mon étonnement comme je peux, j'effectue d'autres déplacements pour que l'ensemble des élèves puissent faire le test et, à chaque passage au niveau des frères Weasley, le même scénario se reproduit.
Lorsque la cloche sonne, nous nous lâchons tous les mains et je dois prendre quelques secondes pour me rappeler ce que je dois dire.
-Oui heu… Vous pouvez y aller, pas de devoir pour cette fois-ci. Bonne journée à vous.
Ils s'égaillent tous dans la pièce pour récupérer leur sac de cours et sortir dans un brouhaha feutré. Je reste plantée au milieu de la pièce et suis du regard les deux frères Weasley lorsqu'ils quittent la salle de classe. Je crois que mon manège ne leur échappe pas car ils me jettent tous deux un regard à la fois étonné et amusé avant de passer la porte.
