Et voici le chapitre 2 ! J'espère qu'il vous plaira, j'ai pris du plaisir à l'écrire !

Surtout n'hésitez pas à laisser un commentaire après votre lecture, récolter des avis sur l'histoire est toujours intéressant. Enjoy !

Plusieurs années auparavant

La pluie s'abattait sur l'île du Scorpion. Ce bout de terre perdu au milieu de l'océan, abritait une multitude d'enfants, arrivés par bateau dans le but de vivre les premières années de leur vie. Ceux qui les menaient à ce sordide endroit étaient bien conscients de ce qui allait leur arriver. Mais c'était nécessaire. Comme chaque enfant destiné à suivre la voie d'un chevalier et pourchasser la chance de porter un jour une armure, ils devaient passer par cette étape. Isolés loin du monde, se concentrant sur un seul objectif : grandir et devenir plus fort. Chaque chevalier de chaque signe possédait sa propre histoire. Mais parmi elles toutes, on pouvait largement observer que les enfants menés sur l'île du Scorpion étaient pour sûr ceux qui démarreraient la vie de la façon la plus brutale qui soit.

C'était la même chose pour chaque génération depuis toujours. Les plus petits, âgés seulement de trois ans, n'apprenaient rien de ce qui était l'amour fraternel et familial. Ils ne vivaient rien qui pouvait être comparé à la vie d'un enfant normal. Si les autres apprentis pouvaient se vanter d'avoir eu malgré la sévérité de leur maître, un soupçon d'affection, des longs moments de tendres discussions et parfois même quelques étreintes, ce n'était malheureusement pas le cas du petit Milo.

Milo était fort. Et ça, le maître de l'île s'en était tout de suite aperçu. Grand savant en matière de poison, dominateur dans lequel on ne pouvait discerner aucune empathie dans les yeux, il avait vécu étrangement longtemps, bien trop longtemps. Les rumeurs disaient que ces connaissances autour des différentes formes de venin dans le monde étaient si au point, qu'il était parvenu à créer un breuvage capable de le garder en vie au fil des années, traversant le temps. Mais évidemment, nul ne pouvait le vérifier. Il avait été le formateur d'un bien grand nombre de chevaliers d'or du Scorpion. Bien qu'il ait toujours eu ce côté sadique en lui, chaque année, il perdait toujours un peu plus l'humanité qui lui restait. Pas une journée ne se passait sans entendre le cri d'un enfant.

— Je sais que ça fait mal, disait-il chaque fois. Mais si tu es assez fort, tu pourras le supporter. Si tu n'es pas capable de supporter la douleur maintenant, tu ne pourras jamais servir Athéna grâce à l'armure du Scorpion.

Des mots qui restaient incompréhensibles dans les oreilles de ce qui n'étaient à l'époque, que de pauvres bambins. Mais qui était donc Athéna ? Que leur voulait-elle ? Etais-ce son but de les voir souffrir de la sorte ? C'était tout ce qu'ils pouvaient se dire, conservant bien des questions sans jamais vraiment avoir de réponses.

Les années étaient passées de cette façon, sans répit. Et chaque fois, c'était le même scénario : seul le dernier enfant survivant pourrait être formé dans le but de devenir chevalier, pouvant conserver en lui le poison fatal que lui exigeait son signe. Quand Shion pénétra l'île, il fut tout d'abord saisit par un haut le cœur. L'odeur était insoutenable. Cet homme qu'il voyait pour la première fois se tenait là, grand et fier, auprès d'un garçon si petit, si maigre, le visage terrifié et surtout tuméfié.

— Voici le nouveau chevalier du Scorpion, Grand Pope, présenta le maître des lieux. Son nom est Milo. Il est le dernier survivant.

Alors il s'agissait bien d'une odeur de cadavres qui n'avaient probablement jamais été enterrés. Des cadavres d'enfants, qui gisaient ici et là sur l'île, délaissés et oubliés. Le réalisant, Shion ne sut plus comment se comporter face à un tel spectacle. Jamais il n'aurait imaginé que l'entrainement du Scorpion pouvait être aussi sauvage. Le petit Milo portait des vêtements sales, son œil droit s'ouvrait à peine et une grande marque rouge lui sortait de la bouche. Quand le Pope réalisa qu'il s'agissait d'une brûlure, il courut directement vers lui et s'accroupi à sa taille, le dévisageant avec effroi. Le petit garçon paniqué, se demandait à quoi il devait s'attendre cette fois. S'en prendraient-ils à lui tous les deux ? Quelles sortes de coups recevrait-il aujourd'hui ? Il avait si mal qu'il ne sentait même plus la force de marcher. Son ventre était vide, sa faim grandissante. Et innocemment, il tenait la main de cet homme qui durant cinq années entières, avait été l'auteur de ce massacre.

— Il est brillant, intelligent et obéissant. Je suis sûr qu'il fera un chevalier fidèle, continua l'homme en posant les yeux sur lui. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un enfant supporter de tels supplices. Il est tout à fait capable de conserver le venin en lui. Son corps s'est renforcé et habitué. Je suis fier de lui.

Shion, déconcerté, avait levé les yeux vers l'hôte. Pourtant, il garda le silence, s'interdisant de porter le moindre jugement.

— Merci, avait-il répondu. Je vais m'occuper du reste.

Les deux semaines qui suivirent furent épouvantables. Au sanctuaire, alors que les autres jeunes enfants riaient, jouaient ou s'entrainaient, Milo restait seul. Associable, il ne se mélangeait à personne et devenait même violent quand il se sentait trop approché. Ces nuits étaient difficiles, ne parvenant pas toujours à fermer l'œil. Alors Shion jusque très tard, avec un Mu endormi dans les bras, veillait auprès de lui. Milo restait effacé envers cet adulte qui semblait vouloir passer tant de temps avec lui et qui parfois, essayait même de le toucher. Mais chaque fois, il se reculait craintif, parfois menaçant, de peur de se prendre une nouvelle frappe. Cet autre enfant aux cheveux roses semblait pourtant si calme, endormi dans ses bras. Quelques fois, il ronflait si fort qu'on pouvait l'entendre dans toute la pièce. Le regard du Pope envers lui était rempli d'amour et de compassion, et quand il posait ce même regard vers Milo, ce dernier était si gêné qu'il baissait la tête. Non pas par peur, ni même par embarrassement. Personne ne l'avait jamais observé de cette façon et il n'avait simplement aucune idée de comment réagir.

Shion était complètement perdu face à celui qui devrait revêtir l'armure d'or du Scorpion. Tous les autres étaient pourtant si joueurs et agités. Certains promenaient quelques blessures morales et physiques, mais aucune ne pouvait se comparer à celles qu'avaient le nouvel arrivant. Shion se demandait même parfois s'il savait parler ou s'il était effrayé au point de ne pas dire un seul mot. Quelques après-midis, au détriment d'un Mu jaloux et possessif, il s'isolait avec le bébé scorpion et prenait quelques sucreries. Assit en tailleur face à lui, il lui en tendait quelques-unes.

— Tu as repris des couleurs depuis que tu manges à ta faim, dit l'ancien chevalier du Bélier. Mais je suis sûr que tu aimeras bien plus ces bonbons. Il y'en a de tous les goûts. Je peux même te donner des gâteaux avec. Vas-y goûte !

Mais l'enfant n'osait pas. Shion en mangeait alors devant lui, mais rien n'y changeait. Peu importait à quel point il voulait avancer sa main, le petit garçon ne se laissait pas approcher. Alors il essayait autre chose. Des jouets, le pousser vers les autres enfants, de la lecture pour l'aider à la parole, rien ne fonctionnait.

Puis un soir, alors qu'il venait le border une fois de plus, Shion vit l'enfant contempler cette grande caisse dorée dans laquelle était dissimulée l'armure d'or du Scorpion. Il n'osait pas la toucher, se disant qu'il la salirait avec ses mains faussement sales. Le Pope le vit tout de suite et s'approcha de lui avant d'ouvrir la caisse, question de lui en montrer le contenu. Milo ne quitta pas l'armure des yeux, laissant voir pour la première fois de la curiosité et de l'extase sur son visage.

— Quand tu seras grand, tu pourras la mettre, promit l'adulte.

Il retira le précieux casque du Scorpion avant de le poser doucement sur la petite tête fragile du petit, qui regarda son interlocuteur avec des yeux éberlués. Shion ne put retenir un rire bienveillant face à cette tête aussi adorable dans ce casque trop grand.

— Elle te va déjà bien, ajouta-t-il.

Le sourire qui naquit sur les lèvres de l'enfant eurent le don de réchauffer le cœur du maître de Mu. C'était la première fois qu'il le voyait aussi enjoué. Shion se redressa, posant la tête rose endormie dans le lit de son camarade, avant de retourner son attention sur Milo. Il s'assied sur le sol face à lui et une fois de plus, tendit les bras.

— Viens. Je ne vais pas te faire de mal. Tu vas juste te blottir contre moi et t'endormir, comme le fait Mu après avoir hurlé toute la journée. Il ne le saura pas, ce sera notre petit secret.

Après plusieurs secondes d'hésitations, l'enfant avait fini par s'avancer doucement vers celui qui tentait si longtemps de lui donner du réconfort, laissant trainer les boules dorées de son casque bruyamment sur le sol et alla enfin se réfugier dans les bras du Pope, le prenant contre lui.

— Tu vois. Ce n'est pas si mal, non ? murmura-t-il.

Milo ferma les yeux, se laissant aller et ne tardant plus à s'endormir.

— Mon pauvre enfant. Ne crains rien. Je te protègerai toujours.

Le Porteur

La Décision d'Athéna

— Shion, appela Athéna.

Le Pope sortit de sa rêverie, se souvenant de la réunion du jour. Athéna était enfin revenue au sanctuaire, quelques jours seulement après le départ indésiré de Milo vers le chemin des enfers, laissant tous les chevaliers confus et amers. Tout s'était passé si vite, sans qu'ils n'aient la moindre explication. Athéna vendant un de ces chevaliers ainsi, pour la paix dans le monde ? Quelque chose n'était pas clair et ils devaient le savoir.

— Je sais que tout ceci a été brusque pour vous tous, commença la déesse. J'aurai voulu en discuter avec vous et avec Milo avant que cela n'arrive, mais malheureusement je n'ai pas pu le faire à temps. Comme vous le savez maintenant, l'esprit d'Hadès et moi avons eu une discussion il y a une dizaine de jours. Je n'imaginais pas l'entendre aussi vite après notre dernière guerre et encore moins pour une telle proposition… Mais j'ai pensé que ce serait stupide de passer à côté d'une telle offre.

Quelques regards se durcirent dans l'assemblée après cette dernière phrase. Athéna continua :

— Hadès a toujours voulu avoir un enfant, mais cela lui était impossible ne trouvant personne dans la capacité de lui donner naissance. Cela est une obsession pour lui depuis plusieurs millénaires. Quand il m'a parlé de Milo, j'ai tout d'abord cru à un stupide leurre, mais après m'avoir expliqué le miracle de la Perle de Déméter, tout est devenu plus clair.

— Pourquoi vouloir exaucer son vœu ? questionna Saga troublé. Hadès, aussi longtemps que je me souvienne, a toujours été votre pire ennemi.

— Hadès est prêt à abandonner l'idée de créer une guerre et de s'en prendre aux humains pendant vingt milles années. Ainsi, nous n'aurons plus à nous inquiéter de ce qui peut arriver à cette planète pendant une longue période, pouvant enfin profiter d'une paix comme nous n'en avons jamais eu. Plus aucun de vous ni des autres chevaliers, n'auront à se sacrifier ou à mettre leur vie en danger. Il a donné sa parole et l'a scellé de son sceau. N'est-ce pas merveilleux ? De plus, Milo nous reviendra une fois sa tâche accomplie. Peut-être que le seul et unique besoin de Hadès depuis tant d'années d'existence était juste d'assurer sa descendance… Quoiqu'il en soit, vous pouvez dès à présent profiter un peu de votre vie. Je veux que vous soyez heureux et épanouis, vous voir confiné constamment au sein du sanctuaire me faisait parfois de la peine.

Un long silence s'était installé. Sous l'enthousiasme apparent de Saori, aucun chevalier ne parvenait pourtant à se réjouir et à sourire. Certains semblaient même couver de la colère, de la rancune, de l'amertume. Personne n'osait pourtant prendre la parole. Quand la jeune femme prit conscience de la lourdeur de l'atmosphère, elle perdit son sourire et reprit :

— Que se passe-t-il ? N'êtes-vous pas heureux… ?

Camus tourna les yeux sur le chef du sanctuaire, dont il croisa le regard, comme à la recherche d'une permission. Mais ce dernier ignora sa demande silencieuse, préférant regarder ailleurs, comme se voulant inexistant dans l'espace. Camus baissa la tête avant de s'approcher de Saori, plongeant son regard dans les pupilles de la demoiselle et dit calmement mais fermement :

— Je peux comprendre que les voies des dieux sont impénétrables, mais cette fois-ci, il va me falloir une meilleure explication, déesse.

— Camus… ? appela Athéna. Que se passe-t-il ?

— Nous sommes censés être heureux et profiter de la paix à venir, pendant que notre ami et frère, Milo du Scorpion, sera littéralement utilisé telle une poupée par notre ennemi juré à tous avant de souffrir le martyr neuf mois durant. Est-ce bien ce que vous êtes en train de nous dire ?

— Je sais que ce ne sera pas si simple pour Milo. J'y ai pensé aussi. Mais je crois que c'est un sacrifice pour le meilleur, et le connaissant, il est parfaitement capable de le supporter. Il sait que c'est pour la bonne cause, Milo a toujours été loyal envers moi.

— C'est bien ce que je pensais, dit Mu adossé à la baie vitrée la tête basse.

Les regards se posèrent sur le Bélier.

— Vous, Athéna…, continua-t-il. Vous ne nous aimez pas.

A l'écoute de cette remarque, le cœur de Saori manqua un battement. Elle entrouvrit la bouche, fronçant les sourcils et faisant quelques pas hâtifs vers le chevalier du Bélier, à la recherche d'explications :

— Pourquoi dis-tu ça ? Tu ne t'entends pas parler.

— Nous consacrons notre vie à combattre pour vous, sacrifiant tout autour de nous. Rien n'est plus important à nos yeux que votre sécurité et votre bonheur. Mais… Bien que vous disiez sans cesse que vous nous accordez un amour infaillible, ceci n'est qu'une illusion, comme je m'en doutais depuis si longtemps. Vous aimez la Terre. Pas les chevaliers qui la protègent.

— Mu, intervint Shura. Arrête ça. Pour qui te prends-tu pour t'adresser à Athéna sur ce ton ?

— Sur quel ton ? demanda Mu en levant les yeux vers son collègue. Celui de la vérité ? Alors, Camus aurait raison ? Nous devrions juste profiter de notre liberté en sachant Milo emmené contre son gré porter l'enfant d'un dieu malfaisant ?

— J'ai beaucoup de difficulté à réaliser ce qui est en train de se passer, reprit le Verseau. Avez-vous sérieusement conclu ce pacte avec Hadès en vous disant que c'était une bonne chose ?

Un grand vent souffla dans la pièce, faisant lever les rideaux blancs et frissonner la jeune fille. Elle qui s'était empressée de leur raconter la nouvelle, l'incompréhension envahit son cœur. Elle ressentait la pression qui augmentait dans la pièce et n'en avait jamais ressenti une comme celle-ci venant de ses précieux chevaliers.

— Mais, argumenta-t-elle hésitante. Vous sacrifier pour le bien de tous les autres, n'est-ce pas ce que vous avez toujours fait jusqu'ici ? Pourquoi êtes-vous si réticents cette fois-ci ? Milo s'apprête à porter l'enfant d'un dieu. C'est un honneur. Pendant vingt mille années, Hadès ne sera plus notre ennemi. Vous n'aurez plus à risquer vos vies ! N'êtes-vous pas satisfaits de ça ?! De plus, être assisté par un être humain pour le processus ne fera que l'éclairer de la nature des personnes terrestres. Si son enfant est à moitié humain, peut-être verra-t-il la Terre différemment. Je continue de penser que tout ça est une bonne chose !

— Ne vous méprenez pas, reprit le Bélier. Je ne pense pas qu'il y ait discussion à avoir. C'est votre décision et en tant que chevalier, je la respecterai. Mais à présent, vous venez simplement de nous prouver le peu de valeurs que vous accordez à nos nobles sentiments. Vous avez accepté cette offre sans même penser à ce que ressentirai Milo, convaincue que cela ne pourrait être qu'un grand honneur pour lui.

— Je comprends parfaitement la décision d'Athéna, coupa Aldébaran. Je ne dis pas que tout ceci est forcément juste pour Milo, mais si cela peut nous permettre du répit à nous et à notre descendance, ainsi qu'à la planète Terre… Ce n'est pas négligeable.

— Prendre du répit ? répéta le chevalier du Lion contenant sa colère. Mais quel est donc ce théâtre, où sommes-nous ? Nous sommes des chevaliers d'Athéna. Nous venons au monde et vivons pour un seul but : nous battre. N'est-ce pas là notre valeur ?!

— N'élève pas la voix Aioros, ordonna Shura. Pour nous humains, bien sûr que tout cela est affolant. Mais nous ne toucherons jamais la pensée des dieux et leurs morales. Athéna nous a toujours chéris. Jamais elle n'aurait accepté ce marché si cela n'apportait que du mal à notre ami.

— Es-tu sérieux Shura ? Tu es d'accord avec tout ça ?!

— Je ne pense pas que notre avis compte réellement et je le déplore, souffla Aphrodite. Athéna, avec tout le respect, je n'aime pas la tournure des choses moi non plus. Aioros a raison. Si nous portons ces armures d'or, c'est pour nous battre à vos côtés. Vingt milles années ne signifieraient rien si elles devaient voler la dignité et les sentiments d'un loyal chevalier… Je ne suis pas à l'aise avec tout ça.

— Il n'y a pas à débattre de quoi que ce soit dorénavant, lança Aiolia. Nous servons Athéna et nous nous plions à ce qu'elle décide pour le bien commun. Milo nous reviendra sain et sauf quand ce sera terminé, nous n'aurons rien perdu. Si nous jouons la carte de l'émotion, tout ce que nous avons sacrifié aujourd'hui perdra aussi de sa valeur. De plus, bien qu'il s'agisse de Hadès, Milo portera tout de même l'enfant d'un dieu.

— Ça suffit ! explosa le chevalier des glaces.

Tous les yeux se posèrent sur Camus, sur le fil, tâchant de ne pas étendre sa colère.

— Enfant d'un dieu ou non…, murmura-t-il. Qu'est-ce que cela signifie… ? Comment peux-tu autant descendre dans mon estime ?! éclata-t-il en saisissant le Sagittaire par le cou, prêt à frapper. Dix fois les douleurs d'un accouchement, sur un seul homme. Préfèrerais-tu y aller à sa place ?!

— Arrêtez ! s'exclama Athéna.

Alors que Camus leva le poing, il fut immédiatement arrêté par la main de Shaka juste derrière lui, qui n'avait pas dit mot depuis le début de cette conversation.

— Shaka…, souffla le chevalier des glaces. Et toi, que penses-tu de tout ça ?! Vas-tu rester là sans rien dire ?!

— Nous énerver les uns contre les autres n'avancerait personne nulle part, expliqua le blond. Je ne suis moi-même pas sûr de voir la justice dans tout ça, mais s'il s'agit de maintenir la Terre en paix et garder des générations de chevaliers dans le repos, le choix d'Athéna est le bon. Cependant, je ne peux pas être d'accord avec ça non plus. Hadès est notre ennemi et aucun humain sur Terre ne devrait être obligé de porter son enfant s'il n'en a pas envie.

— Athéna, appela Saga des Gémeaux. Si Milo est prêt à faire une telle chose, je suis prêt à le suivre. S'il nous dit de sa propre bouche qu'il souhaite porter l'enfant de Hadès et nous offrir vingt milles années de paix, soit. Mais si ce n'est pas le cas, je pense qu'il serait abusif de l'y obliger. Nous sommes des chevaliers et nous vivons pour la guerre, elle est la raison pour laquelle nous respirons. Nous battre pour votre protection et celle de la planète Terre n'est pas une tare.

— Mais mon accord a déjà été donné ! déclara Saori. Je ne peux plus l'annuler à présent.

— Celui de Milo n'a pas été donné lui, dit Shaka en quittant la pièce. Je vais être très franc princesse. C'est la première fois que je ressens autant de mépris pour vous.

— Je vais me rendre aux enfers, annonça Shion en se levant.

— Quoi ?! s'écria Aioros. Qu'allez-vous faire ?

— M'assurer que Milo va bien et est traité correctement. Je veux moi aussi l'entendre de sa bouche. Bien qu'il soit trop tard pour reculer à présent… Si la parole d'Athéna n'est pas respectée, nous risquons d'avoir des problèmes bien plus graves. Déméter nous tombera probablement dessus pour avoir méprisé sa Perle, Hadès prendra sa revanche tôt ou tard contre nous pour lui avoir privé de son enfant et je ne serais même pas surpris que d'autres dieux se mêlent à cette histoire. Avec le temps, j'ai fini par apprendre à me méfier de ces Olympiens…

Après cette dernière phrase, le Grand Pope osa lancer un regard de défi à Athéna. Cette dernière outrée, eut un geste de recul.

— Saga, viens avec moi veux-tu ?

— Je vous suis, répondit le Gémeau.

— Nous serons de retour d'ici trois jours. Chevaliers, je compte sur vous pour veiller sur le sanctuaire et soyez gentils, n'en voulez pas trop à votre déesse. Car elle était réellement convaincue de faire le bien.

Pendant ce temps, dans le château de Hadès, une douce mélodie résonnait entre les murs. Dans une vaste chambre, reposait le chevalier du Scorpion dans un immense lit blanc. Autour du lit se trouvaient de nombreux mets : des boissons dans des verres et carafes dorées, des fruits au jus succulents et toutes sortes de choses qui auraient pu régaler le plus difficile de tous les fins gourmets. A l'autre bout de la pièce, Pandore jouait de sa harpe les yeux fermés, comme désirant accompagner le sommeil de celui qui n'avait pas ouvert les yeux depuis maintenant trois jours. Le château était calme, personne ne faisait le moindre bruit. Seul le son de la mélodie et de celui des vagues de la cascade qui se trouvait non loin de la chambre, se faisaient entendre.

Une bonne heure après, Milo ouvrit les yeux brusquement, avant de se redresser comme sortant d'un horrible cauchemar. Essoufflé, il prit tout d'abord le temps de se calmer, posant une main sur son cœur affolé. La mélodie de Pandore s'était immédiatement arrêtée à son réveil. Cette dernière posa un regard surpris sur lui, attendant une réaction de sa part. Quand le Scorpion réalisa qu'il ne se trouvait pas dans son temple, il regarda autour de lui, sentant une pression peser sur ses épaules. Croisant enfin les pupilles de Pandore, une boule se figea dans sa gorge et son estomac. Tout ça n'avait pas été un rêve, c'était bien la réalité. Il ne se trouvait pas au sanctuaire, mais au sein de la demeure d'Hadès, face à sa sœur aînée qui ne le quittait pas des yeux. Fronçant les sourcils, Milo se mordit la lèvre, se demandant comment réagir premièrement. Un ordre d'Athéna ? Avait-elle réellement donné son accord sans même prendre le temps de le consulter ? De peser le pour et le contre ? S'était-elle seulement demandé s'il avait envie de suivre ce chemin ? Il ne pouvait pas croire qu'il se trouvait dans un tel endroit, surtout une année seulement après cette guerre.

Réalisant qu'il n'avait plus son armure sur lui mais juste ses vêtements, il fut pris par la panique. Il la chercha du regard avant de la remarquer à son chevet, parfaitement intacte. On l'avait déposée à ses côtés et personne ne semblait y avoir touché, ce qui créa un soulagement mais aussi une interrogation chez le jeune homme. Pandore brisa enfin le silence :

— Bonjour chevalier. Nous n'avons pas voulu vous séparer de votre armure. Je sais à quel point vous y donnez de la valeur. C'est aussi notre façon de nous témoigner notre bonne volonté et le respect que nous vous portons dorénavant.

Milo leva un sourcil, plus que méfiant envers cette femme qui avait été la cause de bien de leurs soucis il n'y avait pas si longtemps.

— Que se passe-t-il… Qu'est-ce que je fais là et pourquoi vous êtes ici ? questionna le chevalier.

— Comme les Juges vous l'ont expliqué, Hadès et Athéna ont tous les deux conclu un accord. De ce que m'a confié Rhadamanthe, le Pope a pris la liberté de détruire le message qui vous revenait. Le sceau de celle que tu protèges figurait à l'intérieur. Si vous souhaitez vous en assurer vous-même Chevalier du Scorpion, la copie de l'acte se trouve à votre chevet, tout près des fruits.

Milo tourna la tête sur le papier en question, mais se refusa de le lire. Il savait pertinemment que voir le sceau d'Athéna dessus ne ferait qu'agrandir la blessure et la confusion qu'elle avait déjà semée en lui.

— Pourquoi tant de retenue ? se leva Pandore en se dirigeant vers l'alité. N'est-ce pas une merveilleuse nouvelle que d'être le Porteur choisi par Hadès lui-même ? Je sais que les rapports n'ont pas toujours été au beau fixe entre nous tous, mais n'est-ce pas le témoignage de sa miséricorde une fois de plus ?

— Sa miséricorde… ? ricana Milo tête basse. Nous nageons en plein délire.

— Vous Chevalier du Scorpion, allez donner naissance à un demi-dieu. C'est le plus beau de tous les honneurs. Pendant le processus, nous ferons en sorte que vous soyez à l'aise et que vous ne manquiez de rien. Et après cela, Hadès est prêt à réaliser n'importe lequel de vos vœux.

— Quelqu'un s'est demandé si j'en avais envie ? Porter l'enfant de votre frère ne m'intéresse pas. Je suis un homme, je ne suis même pas censé pouvoir enfanter. Et même si je le pouvais, pour rien au monde je n'aurai porté l'enfant d'un ennemi tel que lui.

— Alors que comptez-vous faire ? Désobéir à Athéna et déclencher la discorde ? Savez-vous combien de temps il a fallu à la déesse Déméter pour créer cette Perle ? ajouta la brune en observant le cou de Milo.

Ce dernier fit de même et remarqua qu'un collier y trônait. Au bout, une perle bleutée brillait de mille feux.

— Qui… Qui m'as mis cette chose ?! éclata le jeune homme.

— Nous l'avons placé autour de votre cou quand vous étiez endormi. Mais elle n'aura aucun effet pour le moment, soyez rassuré. Hadès souhaite vous laisser le temps de réfléchir à tout ça, il ne veut pas brusquer les choses, bien qu'il soit ravi d'avoir enfin trouvé une personne assez forte pour porter sa descendance.

— Vous vous fichez de moi ?! Ça suffit ! Je n'ai rien à voir avec tout ça, je suis un chevalier, pas une vache à lait ! Je veux retourner auprès d'Athéna.

— Vous ne pouvez pas partir d'ici, continua Pandore en s'agenouillant près du lit, les coudes sur les draps. Tant que vous n'avez pas été fécondé, vous ne pouvez pas quitter ce lieu.

— Fécondé… ? hésita le Scorpion se demandant s'il devait rougir de peur ou de rage.

— Ne soyez pas effrayé. Hadès chéri le désir d'avoir un enfant depuis la nuit des temps. Parce que vous êtes le seul à pouvoir réaliser son vœu, il vous traitera à son tour avec beaucoup de générosité. Il ne laissera rien au hasard et fera en sorte que vous ne manquiez de rien.

— Hadès est mon ennemi ! explosa Milo. Je suis censé m'exécuter gentiment après tout le mal qu'il a fait ?! Je refuse !

— Personne ne vous demande votre avis, lança simplement Pandore en haussant les épaules.

Milo entrouvrit la bouche, mais pas un son n'en sortit. Il baissa à nouveau la tête, les poings serrés, tâchant de retenir sa colère.

— Tout ce qui vous est ordonné doit être exécuté, ceci notifié par votre déesse. Vous ne pouvez qu'obéir, reprit Pandore en se relevant. A votre place, je cesserai de jouer au dur à cuire. Beaucoup auraient tué pour avoir un tel honneur. Faîtes simplement ce que l'on vous dit si vous souhaitez que cette grossesse soit vivable, car la douleur qui vous attend est sans limites. Mangez, buvez et prenez des forces.

Pandore se retourna et quitta la pièce sans bruits, tandis que le jeune chevalier saisit un verre avant de le briser sur le sol. Cela fait, il quitta son lit et renversa les tables, les chaises, jeta les fruits au sol et tous les jus précieux qui lui avaient été laissés. Une fois la chambre dans un piteux état, il tomba à genoux et posa ses mains sur le sol, essoufflé et enragé. Il devait se contenir et garder son calme, il le savait. Mais ce serait bien plus facile à dire qu'à faire. Alors qu'il ferma les yeux pour se tempérer, des bruits de pas venant du grand jardin aux cascades se firent entendre. Poussant le rideau blanc, Minos fit son apparition, un petit sourire aux lèvres. Prenant le temps de constater les dégâts qui avaient été causés, il secoua doucement la tête avant de reposer les yeux sur le chevalier du Scorpion.

— Vous avez fini votre petite colère ? demanda-t-il d'un air moqueur.

Milo redressa la tête, restant dans le silence.

— Comme vous le savez déjà, je suis Minos du Griffon. Je suis chargé de prendre soin de vous tout le long du processus. Je dois aussi vous informer de tout ce qui arrivera à compter d'aujourd'hui, continua le Juge en veillant à ne pas marcher sur des fruits écrasés. Quel gâchis… Ces mets sont très précieux vous savez.

— Je n'en ai que faire, cracha Milo. Je ne suis pas assez stupide pour croquer dans un fruit appartenant au royaume de Hadès.

— Il faudra bien vous nourrir un moment donné. Bien, premièrement, sachez que vous n'êtes pas le seul à avoir mis les pieds ici. Toutes les personnes qui ont pénétré cette chambre avant toi sont décédées en portant l'enfant de Sa Majesté Hadès. Mais elles étaient toutes des femmes jusqu'ici… Il leur était impossible d'aller au-delà du deuxième mois. Mais votre corps en sera certainement capable. Vous êtes le chevalier du Scorpion après tout.

— Un chevalier… Pas un Marie couche toi là ! cria Milo.

— Pourquoi vous dénigrez ? Personne ne vous voie de cet œil-là. Savez-vous combien de personnes auraient voulu être à votre place ?

— Dis-leur que je la leur offre volontiers.

— Crois-moi, si les choses avaient été si simples, aussi étrange que cela puisse être, j'aurais pris sans réfléchir. Après avoir donné naissance à l'enfant, je ferai tout ce que bon me semblerai. Je quitterai ce statut de Juge et passerai au rang supérieur, Hadès ferait de moi son égal et je pourrai régner à ses côtés. C'est le fantasme suprême de tous les spectres, mais nous n'y parviendrons jamais, haha… Mais vous, vous pouvez encore accéder à cette possibilité, du moins, si vous parvenez à arriver jusqu'à l'heure fatidique.

— … Est-ce que je risque de perdre la vie moi aussi ?

— Disons que ce n'est pas impossible, car nous ne savons pas encore à quoi pourrait ressembler l'accouchement. Si vous dépassez les trois mois, ce serait déjà un exploit. Tout dépendra de ce que votre corps est capable de surmonter. Vous pouvez piquer vos crises de colère et vous lamenter sur votre sort en jetant tout par terre, cela ne vous mènera nulle part. Mangez et tenez-vous en forme si vous voulez que tout se passe comme prévu... Hadès vous laisse le temps dont qu'il faut pour digérer tout ça, n'est-il pas infiniment bon ? Je suis impressionné du respect qu'il vous accorde et de la façon dont il parle de vous. Il est vraiment persuadé que vous avez le pouvoir de réaliser son vœu.

— Je ne le vois pas comme vous autres le voyez. Peu importe tes arguments, il ne sera jamais une personne respectable pour moi.

— Tenons donc le pari. La seule raison pour laquelle tu dis ces mots, est que tu ne le connais pas. Allié d'Athéna ou pas, je ne te donne même pas un mois pour changer d'opinion envers Sa Majesté. Maintenant que tu le fréquenteras de façon plus intime, tu pourras voir de toi-même qui il est vraiment, continua Minos.

Au milieu des fruits qui jonchaient le sol, le spectre s'arrêta tout particulièrement sur l'un d'eux, d'une forme ronde et de couleur rose. Il était abîmé et presque vidé de son jus. Minos fronça les sourcils et reposa les yeux sur le chevalier, plus sévère. Il ramassa le fruit et le tendit vers lui :

— Voyez-vous ceci ? Je suppose que vous n'avez encore jamais vu ce fruit auparavant, n'est-ce pas ?

— Je ne sais pas ce que c'est et ça m'est bien égal.

— Ce fruit se nomme la Lune Rose. Hadès les fait pousser lui-même. Nous les spectres, n'avons pas le droit d'en croquer un morceau.

— Comment ça ? Vous ne pouvez pas en manger ?

— Hadès l'a toujours interdit. C'est son fruit favori. Nous n'en connaissons pas le goût. Je ne sais même pas si Pandore y a déjà goûté. Mais à son nouveau Porteur, il n'hésite pas à en laisser une dizaine, comme si de rien n'était… Et voilà ce que vous en faites, continua le Juge en écrasant le reste du fuit de sa main. Il vous porte une attention vraiment spéciale... Ne soyez pas ingrat.

On pouvait le voir : les traits de Minos étaient marqués par la colère. Milo était capable de le discerner. Il n'avait aucune idée de ce que pouvaient représenter ces Lunes Roses, ni même de la façon dont le seigneur des environs pouvait le considérer aujourd'hui… Mais une chose était sûre, il avait beau se forcer, il se sentait complètement extérieur à ce qui était en train de se passer, espérant qu'il s'agissait d'un mauvais rêve et qu'il ne tarderait pas à se réveiller. Minos continua de tout nettoyer silencieux, sous le regard du jeune homme confus. Il le savait : tout ce qui lui restait à faire, était une raison. Il n'avait pas le choix et ne pouvait pas s'enfuir de cette situation. Tout avait été conclu et devait se faire, avec ou sans son accord. Rien ne se ferait autrement.

Plusieurs heures plus tard, Shion et Saga avaient pénétré le royaume. Rhadamanthe, vêtu de son armure, se tenait à quelques mètres d'eux les bras croisés.

— Que nous vaut l'honneur ? questionna-t-il sarcastique.

— Nous ne sommes pas venu jusqu'ici pour discuter avec toi, Rhadamanthe, prévint le Pope.

— Encore heureux, mais peu importe la raison pour laquelle vous êtes venu, vous ne pouvez pas traîner dans les alentours. Je vous demanderai donc de retourner auprès de votre déesse.

— Athéna nous a parlé et je sais que le contrat est déjà conclu. Nous ne venons pas semer de discorde. Tout ce que je désire, c'est voir comment se porte Milo.

— Milo ne peut pas vous recevoir pour le moment. Pour la énième fois, bien plus qu'être un chevalier d'Athéna, il est également le Porteur de Hadès. Vous ne pouvez plus l'approcher aussi simplement.

— Devrions-nous maintenant avoir une permission pour voir notre ami ? s'agaça le Gémeau.

— Quelle permission ? Je crois que nous nous sommes mal compris. Vous ne pouvez pas le voir, je ne peux pas être plus clair.

— A vrai dire, reprit Shion, te donner une leçon et forcer la porte ne me dérangerait pas non plus, tout bien réfléchit.

— Je t'en prie Shion, tout le monde sait que tu n'es pas aussi idiot. Après tout, n'est-ce pas toi qui a trahis notre confiance à tous il y'a un an ? Je suis espanté de te voir ici sans être embarrassé. As-tu eu la permission d'Athéna pour entrer dans ce lieu ? De plus, revêtu de ton armure ?

— Ecoute-moi bien, je ne suis pas venu perdre mon temps avec toi. Milo est comme un fils pour moi, comme tous les autres chevaliers veillant sur le sanctuaire. Tout ce que je veux, c'est m'assurer qu'il se porte bien et qu'il se sent capable de remplir cette tâche qui lui est imposée. Je ne veux pas qu'il se sente seul dans cette épreuve.

— Seul ? Si c'est de cela que tu t'inquiètes, sois tranquille. Milo est en parfaite sécurité, dans des appartements qui lui sont réservés et avec tout l'espace dont il a besoin. Sa Majesté Hadès veillera sur lui plus que quiconque, aucun mal ne lui sera fait. Il a de quoi manger et de quoi dormir, Pandore vient même lui jouer de la harpe. Je crois que personne n'aura été aussi bien traité dans les environs…

Shion et Saga échangèrent un regard surpris. Si le Juge disait vrai, Milo recevait bien au-delà d'une simple considération dans le château du chef des lieux. Loin d'être habitué à tant d'attention envers leurs ennemis jurés, ils ne purent s'empêcher de garder malgré tout une réserve.

— Minos a la tâche de s'assurer qu'il ne manque de rien. C'est tout ce que je peux vous dire pour le moment. Le voir est strictement impossible.

— Saga, appela le Pope. Retourne au sanctuaire et rassure les autres à ce sujet.

— Quoi… ? Mais, et vous ?

— Je ne bougerai pas d'ici avant d'avoir vu Milo. Toi, pars maintenant, ne discute pas et obéis.

Saga ouvrit la bouche mais se résigna, avant de s'exécuter. Shion alla s'asseoir sur un rocher les bras croisés, tandis que Rhadamanthe retint un petit rire :

— Tu n'as pas changé… Une fois que tu as quelque chose en tête, rien ni personne ne peut te le retirer. Je peux comprendre que tu te sentes comme le père de tous ces hommes. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas lâcher prise et juste exprimer ta joie ? L'un de tes fils va enfanter un demi-dieu.

— Demi-dieu ou non, il n'y a aucun bonheur pour lui si ce n'est pas ce qu'il souhaite. Je dois reconnaître qu'Athéna a manqué de sentiments à son égard, cette fois-ci.

— Athéna doit certainement se dire qu'après la naissance de l'enfant, Hadès fera définitivement une croix sur l'anéantissement des êtres humains, sa descendance l'étant à moitié, n'est-ce pas ? C'est la seule raison pour laquelle elle aurait pu accepter une telle offre.

— Et donc ? Est-ce qu'elle voit juste ?

— Nous le saurons dans neuf mois, du moins, je présume. Vous autres n'avez vu Hadès que comme votre ennemi de guerre, vous ne savez pas quel cœur ce dieu possède en lui, de la même façon que nous autres spectres, ignorons tout d'Athéna. Si tu as réellement prévu de passer neuf mois ici sans bouger, c'est peut-être l'occasion pour nous deux d'en discuter, ajouta-t-il sarcastique.

— Je sais que tu es toujours en colère contre moi, Rhadamanthe.

— Tss, souffla le Juge en tournant le dos au chevalier d'Athéna.

— Nous aurions pu être amis si nous nous étions rencontrés dans d'autres circonstances, continua le Pope. Tu sais que je respecte tout de toi si ce n'est ta loyauté envers Hadès. Mais je ne pouvais pas trahir Athéna aussi facilement.

— Aussi facilement ? C'est sûr que la vie éternelle, ce n'est que de la camelote, ironisa le Juge. Je me disais bien que votre fidélité ne serait que temporaire. Je n'arrivais pas à t'imaginer te retourner contre Athéna et envers tous ces jeunes que tu as toi-même élevé. Finalement, tu t'es joué de moi de la même façon que tu t'es joué de tous les autres.

— … Penses-tu que ça a été aisé pour moi de le faire ?

— Je ne veux pas le savoir. Cela fait un an que tout est terminé. Les jeux sont faits, tu as choisi ton camp… Alors je t'en prie, ne viens pas jouer au sentimental avec moi après avoir prétendu être mon ami et planté un couteau dans le dos. Je ne ferai plus preuve de naïveté à ton égard.

— Milo a eu une enfance très compliquée, avoua Shion.

— … De quoi est-ce que tu parles ?

— Tu es comme moi, toi aussi tu sais ce que signifie perdre un enfant. Je t'ai certes trahi par le passé, mais il y'a des choses sur lesquelles je ne peux pas te mentir... Je ne te demande pas de désobéir à Hadès. Juste de comprendre ce que je ressens envers Milo. Je ne peux pas aller contre les ordres d'Athéna, tout ce que je veux c'est m'assurer de son bien-être… Lui montrer que je suis là.

— Oh… Tu vas me faire pleurer. Laisse-moi te dire deux choses. Tout d'abord, tu peux supplier, ramper autant que tu le souhaites, je ne te mènerai pas au Porteur. Et deuxièmement, tu as bien de l'audace d'oser parler de mon fils après ce que tu as fait. Je ne te le permets plus, j'espère m'être bien fait comprendre à ce sujet.

Shion se demanda quel était le sentiment qui était en train d'envahir son cœur. Etais-ce de la tristesse ? Du regret ? Non, il n'en était pas sûr. Il savait qu'il avait fait le bon choix en préservant sa fidélité envers Athéna. Mais quelque part, les mots de Rhadamanthe avaient touché ses émotions. Dire qu'il se fichait de ce que le Juge pouvait penser, serait un peu mentir. Avant de devenir un spectre, Rhadamanthe avait été un homme comme tous les autres et surtout, un merveilleux père. C'était dans un moment de faiblesse qu'il s'était confié au Pope, peu après sa résurrection et son serment envers Hadès. L'armée des spectres se préparaient pour affronter le sanctuaire, et tous les deux parfois s'isolaient sans vraiment le réaliser et discutaient de longues heures durant. Beaucoup de choses en étaient sorties, les unes légères, les autres profondes. Une amitié était en train de se tisser entre les deux hommes, mais Shion savait pertinemment que tout ceci ne serait qu'illusion. Ses intentions étaient fermes depuis bien longtemps et il ne comptait pas s'en détourner.

Une semaine s'était écoulée. Bien que Milo observât souvent les fleurs et les cascades du jardin, il ne quittait jamais sa chambre. Minos venait le voir chaque jour, veillant à ce qu'il mange correctement et prenne soin de lui. Mais depuis que le chevalier avait été mené ici, il n'avait rien laissé entrer dans son estomac. Il ne voulait rien savoir et ne parlait même plus. Juste assis dans son lit, il tenait le casque de son armure dorée entre ses mains, se demandant ce que ses frères d'armes faisaient de leurs journées et s'ils avaient un avis sur tout ce qui était en train de se passer.

— Hadès viendra dans votre chambre ce soir, annonça Minos.

A ces mots, un poids immense se fit sentir dans le vendre du scorpion. Une semaine entière à tourner en rond dans cette chambre, n'ayant que Minos et Pandore comme visiteurs. Hadès ne s'était jamais montré et à présent, il comptait venir le voir. Milo tressaillit à l'idée de se retrouver face à face avec ce dieu. Il ne saurait certainement pas quoi dire. Il ne saurait même pas comment se comporter. Minos continua :

— Voilà une semaine que vous ne mangez rien… Quand vous porterez cet enfant, vous aurez besoin de force. Pourquoi ne pas lâcher prise et acceptez votre sort ? Cessez de vous torturer, ajouta-t-il en s'approchant du jeune homme avant de saisir son menton.

Milo surpris, le regarda avec confusion. Il rejeta sa main avant de s'écrier :

— Qu'est-ce que tu fais ?!

— Haha, rien du tout. Vous avez un beau visage et de jolis yeux bleus. Je me demandais juste à qui le bébé ressemblerait le plus.

— Lâche-moi avec ça, tu sais que je ne veux pas en entendre parler.

— Au fait, Shion est ici.

— … Shion ?!

— Il souhaite vous voir, il refuse de retourner au sanctuaire sans vous avoir vu ne serait-ce qu'une seule fois. Eh bien, j'espère pour lui qu'il est du genre patient.

— Je veux le voir ! s'exclama Milo en se levant.

— Et au nom de quoi ? N'avez-vous pas un travail à faire ici ? Il n'y a absolument aucune raison à ce que vous vous rencontriez. De plus, vous feriez mieux de vous préparer pour ce soir et apprendre à surveiller vos manières devant Hadès. Soyez gentil et faites tout ce qu'il vous demande. Des serviteurs passeront dans quelques minutes pour vous laver. Ne leur faites pas de frayeurs surtout.

Le jeune Porteur sentit la colère monter d'un cran. Il laissa son casque tomber sur le sol et saisit le Griffon par le col de son haut, prêt à frapper. Mais ce dernier fit simplement un sourire tendre avant de réagir :

— Vous pouvez vous mettre en colère autant que vous le souhaitez, ça ne changera rien aux circonstances… Abandonnez cette amertume et laissez-vous faire. Vous n'avez pas d'autres solutions.

Le chevalier d'or serra les dents un long moment avant de lâcher le Juge, puis lui tourna le dos. Il ne savait pas ce qui l'agaçait le plus. Être traité comme une vierge partant en mariage ou devoir supporter les commentaires quotidiens du Griffon. Il devait bien être le seul à détester cette histoire tandis que tout le monde le louait pour ça.

— Je vous laisse, continua le Juge. Si vous tenez tellement à voir le Pope, pourquoi n'en profitez-vous pas pour demander la permission à Sa Majesté ?

Sans même attendre de réponse, il quitta la chambre et referma la porte derrière lui.

La nuit tombée, Milo lavé et habillé, tournait en rond dans sa chambre, saisit par l'angoisse et le stress, se demandant à quoi s'attendre. Il aurait donné n'importe quoi pour entendre le conseil d'un ami, sentir une main de soutien sur son épaule ou juste avoir ses frères d'arme avec lui. Il savait que Minos avait raison, que cultiver la colère serait inutile. Lui qui se lassait de le voir un peu trop souvent, il aurait presque voulu qu'il passe encore un peu de temps avec lui avant de voir le seigneur des lieux.

La main posée sur son ventre, il finit par s'asseoir sur son lit. La faim devenait de moins en moins supportable. Mais il avait le sentiment que goûter à l'un de ces fruits serait comme donner son accord à ce qui était en train d'arriver. Sa fierté l'en empêchait lourdement… Mais son estomac commençait sérieusement à s'exprimer dans le sens contraire.

Puis soudainement on cogna à la porte. Il sursauta, regardant dans sa direction, la boule au ventre. C'était lui, en toute évidence. Paralysé, il ne sut que faire, il ne se donna même pas la peine de répondre. Ses yeux figés ne quittèrent pas l'entrée de la chambre. Il se mordit la lèvre et secoua doucement la tête, tentant de chasser l'angoisse qui le rongeait de l'intérieur. On recogna de nouveau et cette fois-ci, la porte s'ouvrit immédiatement mais en douceur. Milo détourna directement la tête, ne voulant pas voir le nouveau venu. Il n'avait pas la moindre idée de quoi dire, quoi faire. Il appréhendait les prochaines heures. Le silence continuait dans la pièce, bien qu'il entendît la porte se refermer.

— Je craignais de te réveiller, dit-il d'une voix infiniment douce. Mais je suppose que tu es simplement effrayé.

Plus de doutes possibles. Milo sentit son cœur battre lourdement et si fort, qu'il lui faisait presque mal. Il n'osait pas le regarder. Le plus étrange était le fait qu'il ne sentait même pas de cosmos malfaisant. La présence d'un dieu se faisait bel et bien sentir, mais rien de négatif n'en émanait, ce qui eut le don de le surprendre. Au contraire, une aura bienveillante et reposante venait de s'imposer dans la pièce. Il entendit des pas s'avancer vers le lit.

— Minos m'a dit que tu refusais de te nourrir. Est-ce vrai ?

Hadès remarqua les corbeilles de fruits qui ne semblaient pas avoir été touchées. Milo ne répondait rien, bien trop stressé et intimidé pour prononcer un mot. Prenant un couteau, l'ennemi d'Athéna saisit une Lune Rose puis la coupa en deux. Sa chaire était de la même couleur et semblait tendre. Il croqua dans la première moitié, profitant de son goût sucré et tendit l'autre partie au chevalier d'or.

— Tu dois avoir faim, dit-il avec un sourire. Goûte ce fruit, il est délicieux. Tu verras, tu ne le regretteras pas.

Le Scorpion observa le fruit dans la main de Hadès. Oui, il avait très faim. Mais pour quoi passerait-il en mangeant cette chose ? Sa chaire donnait vraiment envie. Mais une fois de plus, il détourna son regard. L'ennemi d'Athéna tentait de le détendre et voulait l'habituer à sa simple présence. Cependant, Milo l'ayant bien analysé, préféra rester fermé sur lui-même et ouvrit la bouche, s'imposant un minimum de politesse :

— Je n'ai pas faim, mentit-il. Je ne veux rien de vous.

Hadès se résigna et s'accroupit à la droite du Scorpion.

— Tu ne comptes pas me regarder, n'est-ce pas ? demanda-t-il bienveillant. Dès que ce sera fini, je te promets que je te renverrai auprès des tiens.

Le chevalier ne répondit rien, préférant se réfugier dans le silence. Hadès eut un petit rire face à cette attitude :

— Tu ne comptes vraiment pas me regarder.

Il posa sa main sur le visage du Porteur qui eut un mouvement de recul, l'obligeant à croiser son regard. Milo entrouvrit la bouche, subjugué par le dieu qui se tenait face à lui. Personne ne pouvait nier la beauté d'Hadès, on pouvait facilement se noyer dans ses yeux bleu-vert. C'était étrange comme à cet instant présent, il n'inspirait que de la bonté. Il désirait montrer au jeune homme à quel point il se sentait reconnaissant de l'avoir.

— Je ne te demande pas de devenir mon ami si tu n'en as pas envie, souffla-t-il. Je peux comprendre que tu ne me portes pas dans ton cœur, et je le respecte. Mais sache que tu es précieux pour moi, car tu es le seul capable de réaliser mon souhait le plus cher. Je sais que c'est inattendu, je sais que tu as le sentiment de perdre ta dignité, mais je ne fais pas ça pour t'humilier… Tout ce que je veux, c'est saisir la dernière chance que j'ai. Tu comprends ?

Le scorpion à l'écoute, eut bien du mal à se détacher des yeux de son interlocuteur. Il l'écoutait sans trop réagir, n'ayant de toutes façons jamais eu son mot à dire dans tout ça.

— Je veux que tu te sentes libre de me parler, continua Hadès. Sens-toi libre. Nous allons passer beaucoup de temps ensemble ces prochains mois, alors… Autant que cela se passe dans les meilleures conditions possibles. Tu ne crois pas ? Je ne prévois pas de te faire du mal, ni même de te forcer à faire quelque chose si tu n'en as pas envie. Je te traiterai avec respect, tu as ma parole.

Il tendit une fois de plus la moitié de la Lune Rose, dont l'odeur fraiche attisait davantage la curiosité du scorpion.

— J'ai entendu dire que le Grand Pope était ici, dit le Scorpion tout bas. Pourquoi ne puis-je pas le voir ?

— Je n'ai aucune raison de croire en quelqu'un qui m'a trahi une première fois. Il n'a rien à faire ici.

— Je ferai ce que vous voudrez si vous me laissez le voir. Je veux pouvoir voir Shion, et les autres chevaliers, chaque fois que j'en aurai envie. Je ne veux pas avoir à rester ici, me tordre de douleur et tourner en rond comme un demeuré. Si personne ne m'a demandé mon avis, je veux au moins pouvoir décider de comment les choses devront se passer pendant cette grossesse. Je veux mes amis près de moi.

Hadès demeura taciturne, prenant le temps de réfléchir. Il se gratta la nuque et fit les cent pas :

— Comment pourrais-je être sûr qu'aucun de tes frères d'armes ne fera de mal à mon enfant ? Je ne peux pas t'accorder une telle chose, ta place est ici près de moi pendant toute la gestation, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose non plus.

— Que peut-il m'arriver au sanctuaire ? Et faire du mal au bébé alors qu'il sera à l'intérieur de moi ? Comment est-ce possible ?

— Je sais que Shaka de la Vierge en est capable. Ses capacités spirituelles ont toujours été impressionnantes… Je ne veux pas qu'on touche à un cheveu de mon bébé.

— Les chevaliers d'or ne sont pas dans la capacité de désobéir à Athéna.

— Et toi, comment te porteras-tu ? Ces neufs mois ne seront pas faciles. Je veux pouvoir être à tes côtés lorsque tu souffriras, tes frères d'armes ne sauront pas quoi faire à ces moments-là. Ne sous-estime pas cette épreuve.

— Vous n'êtes pas le seul acteur de cette histoire…, s'agaça Milo. Vous voulez utiliser mon corps pour assurer votre descendance et vous vous attendez à ce que je vous obéisse à la lettre ?! Comme vous venez de le dire, c'est moi qui vais vivre ces mois affreux, pas vous, alors je vous interdis de m'imposer quoi que ce soit de plus, je veux être le seul à décider de mon bien être à présent. Je ne suis pas une vierge à marier !

Tout était sorti. Il ne savait si c'était pour le meilleur ou pour le pire, mais au moins, tout était sorti. A présent, il craignait d'avoir commis une erreur. Comment réagirait le dieu des enfers après ça ? Il ne disait rien, plus ou moins surpris par l'élan de confiance dont celui qui allait porter son enfant venait de faire preuve. Après une minute qui dura une éternité, le seigneur reprit la parole :

— Bien… J'accepte. Je vais demander à Rhadamanthe de faire venir Shion pour quelques minutes.

Milo retint sa respiration, surpris de la facilité avec laquelle il avait pris la chose. Hadès sourit :

— Pour être honnête, je ne m'attendais pas à moins de caractère. Tu as gagné, nous ferons les choses équitablement. Je veux que tu sois le plus à l'aise possible et je suis prêt à faire n'importe quoi pour ça. Ne crains pas de me demander quelque chose dont tu as besoin. Ne te retiens pas avec moi. De toutes façons, il faut bien que je m'entraîne pour tes futures états d'âmes.

— Etats d'âmes… ? répéta Milo confus en levant un sourcil.

— J'ai entendu dire qu'un être humain enceinte était, comment dire… Particulier. Avant de devenir un spectre, Minos était un excellent médecin et il nous arrive d'en discuter. Ton corps ne changera pas, l'enfant grandira au sein de ton esprit jusqu'à ce qu'il vienne au monde. Mais ton moral et tes humeurs seront assez touchés par ce qui lui arrive. Tout ça ne sera pas agréable mais je serai avec toi tout le long.

— Alors je n'aurais pas un ventre immense ?

— Haha, bien sûr que non, répondit Hadès en reposant la Lune Rose sur la table. Tu auras certes des douleurs, mais ton corps ne bougera pas. A moins que tu te mettes à manger comme quatre. Mais même comme ça, tu seras toujours aussi précieux pour moi.

— Hm…, marmonna doucement le Scorpion.

— Par contre… Pour ce qui est de l'accouplement, nous devrons passer par là.

Une couleur rouge écarlate naquit sur les joues du Porteur, qui détourna la tête en signe de représailles.

— Soit rassuré, on le fera quand tu le voudras. Je ne t'obligerai pas, je t'ai dit que je te respecterai.

— Comme si le respect était suffisant à un stade comme celui-ci, murmura Milo pour lui-même.

Une demi-heure plus tard, après le départ d'Hadès, Shion se trouvait dans la chambre du Porteur. Minos et Rhadamanthe adossés à la porte, le surveillaient d'un œil méfiant. Le Pope s'assied à table devant le plus jeune, inquiet :

— Milo… Je suis horriblement désolé pour ce qui t'arrive.

— Si quelqu'un devait s'excuser, ce ne serait pas vous…

— Nous avons eu une réunion au sanctuaire dès le retour d'Athéna. Elle nous a confirmé les affirmations des Juges. Nous sommes encore un peu confus par rapport à sa décision, mais je sais qu'elle ne pensait pas une seconde à te faire du mal.

— Je ne veux plus réfléchir à la logique de tout ça. Je vais le faire.

— En es-tu sûr… ?

— Je n'ai pas le choix et je ne veux pas être celui qui aura créé une discorde de plus. Hadès est déjà quelque chose, qui sait ce que Déméter fera si j'arrache cette perle autour de mon cou…

— … Je ne m'attendais pas à ce que tu acceptes les choses ainsi. Je ne soutiens pas cette décision, mais je sais que le plus sage à faire est d'endurer ces mois et de revenir tranquillement au sanctuaire.

Le Porteur resta dans un silence bien étrange. Shion fronça les sourcils, n'ayant aucune difficulté à discerner celui qu'il avait vu à son plus jeune âge.

— Milo… Tu vas revenir n'est-ce pas ?

Le scorpion se leva et alla regarder par la fenêtre, les mains enfoncées dans ses poches.

— Je déteste le dire, mais… J'en veux à Athéna d'avoir fait ça. Je lui en veux terriblement.

— Je comprends ce que tu ressens, mais ta place est parmi nous. Tu es le chevalier du scorpion… Personne d'autre ne mérite plus cette armure que toi !

— Pardonnez-moi Grand Pope, mais il va me falloir bien plus de flatteries pour croire que je ne serais pas stupide en revenant vers Athéna comme si de rien n'était… Après m'avoir échangé tel un vulgaire gibier. Je ne veux même pas entendre ses arguments, j'y réfléchirai plus tard. Je ne veux plus penser à ça, juste en finir le plus vite possible.

Minos et Rhadamanthe échangèrent un sourire en entendant les mots du Porteur. Le chevalier semblait couver une grande rage. Mais contrairement à ces dernières années, la cible n'était plus la même. Alors que Shion se leva pour le rejoindre, Minos l'interpella :

— C'est l'heure de rentrer, je crois que vous vous êtes dit ce que vous aviez à dire. Le Porteur doit se reposer maintenant.

Milo se tourna vers le Pope et lui dit :

— S'il vous plait, dîtes aux autres de ne pas s'inquiéter pour moi. Je vais le faire. Dîtes-leur de ne pas causer de problèmes.

Un soupçon de tristesse traversa le regard de Shion. Il poussa un long soupir et quitta la pièce le cœur lourd :

— Peu importe ce qui arrive, n'oublie pas que c'est à Athéna que tu appartiens.

Il disparut, accompagné de Rhadamanthe, laissant Milo et le Griffon seuls dans la pièce. Ce dernier s'approcha du Porteur et observa la perle autour de son cou. Milo fronça les sourcils, méfiant :

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Je vérifiais juste l'état de la Perle. Mais elle est intacte… Alors vous n'avez rien fait.

— Qu'est-ce que… ?! Je peux savoir en quoi ça te regarde ?! s'écria le Porteur embarrassé.

— Du calme, je ne dis pas ça pour être irrespectueux… Je suis chargé de votre suivi. Bien que j'ai également hâte de voir le miracle se produire.

— Laisse-moi seul, je t'ai assez vu, ordonna le chevalier.

— Bien… Faites au moins l'effort de manger pour ce soir. Vous commencez à devenir pâle.

— Sort d'ici !

Minos s'exécuta sans demander son reste, face à un Milo encore remonté. Une fois seul, il soupira et alla s'allonger dans son lit. Son ventre criait famine si fort qu'il espérait que personne ne l'entendait dans les couloirs. Il avait faim, très faim. Et même s'il avait décidé d'obéir à Athéna en allant jusqu'au bout de ce projet, céder aux délicieux fruits qui le tentaient depuis si longtemps restait encore une épreuve. Il avait beau se forcer, il n'y parvenait pas. Epuisé par le manque de force et ses heures de sommeil manquantes, le chevalier finit par s'endormir profondément.

Pourtant, au milieu de la nuit, il sentit quelque chose toucher son visage avec pudeur. Quand il ouvrit les yeux, encore ensommeillé, il sentit une douce et apaisante atmosphère dans la pièce. Une paix si grande, une force protectrice, comme si un immense aigle quittait les nuages pour le préserver entre ses ailes. Il ne tarda pas à reconnaître de qui venait cette énergie qu'il avait ressenti tant de fois. Athéna ? Avait-elle envoyé son esprit jusqu'ici pour le rassurer et le réconforter ? Un petit sourire aux lèvres, il ferma à nouveau les yeux, quand il sentit à nouveau une main caresser tendrement sa joue.

— Milo… Je sais que tu as faim, dit une voix.

Le chevalier ouvrit les yeux une fois de plus. Non, ce n'était pas la voix d'Athéna. Cette voix appartenait à un homme et il l'avait entendue plusieurs heures avant. Il tourna la tête et dévisagea le dieu du château, se demandant ce qu'il faisait dans sa chambre à cette heure de la nuit. Il tenait encore la moitié de la Lune Rose dans sa main, l'autre perdue dans la chevelure bleue du Gold.

— Mange un peu s'il te plait. Je te laisserai dormir ensuite. D'accord ?

Il lui demandait de manger. Était-il en train de rêver ? Non. Peu à peu qu'il émergeait, le Porteur se demandait comment avait-il pu avoir la folie de confondre l'aura d'Athéna avec celle d'Hadès. Avait-il vraiment fait une telle chose ? Il en aurait presque honte. Puis les mots de Minos lui revinrent à l'esprit. « La seule raison pour laquelle tu dis ces mots, est que tu ne le connais pas. Allié d'Athéna ou pas, je ne te donne même pas un mois pour changer d'opinion envers Sa Majesté. Maintenant que tu le fréquenteras de façon plus intime, tu pourras voir de toi-même qui il est vraiment. » Il était vrai qu'excepté en ennemi de guerre, il ne savait rien de lui. Ni quiconque, ni même les autres chevaliers d'or. Personne ne savait qui était vraiment Hadès, à l'exception de ses spectres. Ce visage, ce regard et même ce sourire… Milo ne l'avait jamais connu. Et cette aura si bienveillante qui l'enveloppait, jamais il n'aurait cru pouvoir ressentir ça d'un dieu aussi malfaisant que lui. Cela le plongeait dans une certaine confusion.

Le cri de famine de son estomac le sortit de sa rêverie. Hadès en rit doucement, ne disant rien afin de le laisser émerger tranquillement. Milo tendit la main pour prendre le fruit, l'observant d'abord de toute part, puis fini par croquer dedans. Il était doux et sucré, son goût était incomparable. Milo, creusé par la faim, l'engloutit d'un coup sous les yeux de son amant imposé.

— Alors, est-ce que tu aimes ? demanda-t-il bien que connaissant déjà la réponse.

— C'est… Vraiment bon, confessa-t-il d'une voix enrouée par le sommeil.

— Tu peux en manger autant que tu veux, ça te donnera des forces.

Hadès semblait prendre plaisir à s'occuper de son Porteur, le seul sur qui il pouvait se reposer pour réaliser ce rêve en donnant son corps en sacrifice. Il était son champion, personne ne pouvait passer avant lui. Milo s'empiffrait sans prêter attention à ce qui se passait autour, tandis qu'Hadès, assit sur le sol, coude sur le lit et tête sur la main, ne put plus détacher son regard de lui. Ni pendant son repas improvisé, ni même pour toute la nuit.

Terminé ! Comme je l'ai dis, un chapitre de cette fiction sortira tous les lundis, vous aurez donc le chapitre 3 dès lundi prochain et j'ai déjà hâte de vous le faire lire. Que pensez-vous de ce que vous avez lu jusqu'ici ? Laissez moi quelques reviews, je suis curieuse de lire vos impressions. A très bientôt !