Oscar, après son évanouissement, avait été transportée dans sa chambre. Le général avait témoin de la scène et avait immédiatement fait appelé des domestiques avant même qu'André ai pu réagir. Il avait suivi le palefrenier Gérard, qui s'était approché du corps inerte d'Oscar. L'inquiétude d'André se lisait sur son visage d'enfant alors qu'il traversait l'entrée de la demeure et se dirigeait vers le grand escalier principal. Arrivé à l'étage, le garçon fut stoppé net par le comte de Jarjayes.

"André, cours chercher Grand-mère, et vite!" Sa voix était tranchante, comme à chaque fois que l'aristocrate s'adressait à lui. Tournant les talons, il redescendit le grand escalier et couru jusqu'au cuisines.

"Oú cours tu comme cela, André!" L'interpella Grand-mère d'un air suspicieux.

"Ah Grand-mère, vient vite dans la chambre d'Oscar s'il te plait, elle s'est évanouie alors que nous étions en train de ferrailler." André mentionna le sang sur le pantalon d'Oscar. Le garçon avait maintenant les larmes aux yeux, et grand-mère le regarda d'un air doux. Elle pouvait voir tout l'amour que son petit-fils portait à la jeune fille. Un si jeune garçon, déjà si profondément amoureux.

'Comme c'est injuste' pensa elle, emboîtant le pas à André.

"André…."

Oscar avait presque immédiatement repris connaissance après son évanouissement. Elle reposait sur son lit. Son ventre lui faisait toujours horriblement mal. Grand-mère entra, et la couva d'un sourire maternel.

"Grand-mère! Je vais bien, ne t'en fais pas. Je suis juste tombée c'est tout!"

-"Ma petite Oscar, nous devons parler de ce qui est survenu aujourd'hui. Tu dois comprendre ce que cela signifie".

-"Où est André, Grand-mère! Ne le punissez pas, il n'a rien fait de mal!"

"Je suis là Oscar"

André s'était avancé dans la chambre. Ils se sourirent. Oscar se sentait immédiatement mieux quand André était près d'elle. Il lui prit la main et son sourire s'agrandit, faisant scintiller ses beaux yeux bleus.

"J'ai toujours très mal au ventre André, mais ta présence m'apaise"

-"Oscar…"

Grand-mère interrompit ce tendre échange brusquement.

"André, sors d'ici et va donner de l'aide dans l'écurie."

Résigné, il sortit. André ne voulait pas quitter Oscar. Il y avait en lui, ce fort sentiment qui le rendait malheureux à l'idée d'être séparé d'elle.

Oscar avait été lavée, et grand-mère avait eu une troublante discussion avec elle. Apparemment, elle était devenue une femme. Elle était tellement confuse, qu'allait penser son père? Depuis des années elle avait essayé d'être le parfait héritier mâle. Aujourd'hui, tous ses efforts tombaient à l'eau. Juste parce qu'elle avait saigné. Grand-mère lui avait également confié quelque chose d'affreux. Son corps allait changer. Et pire encore, elle serait capable d'avoir des enfants à l'avenir. Oscar se sentait terrifiée, mais surtout pleine de honte. Elle avait échouée dans sa mission d'être le digne héritier mâle du général de Jarjayes. Elle n'était qu'une fille en vérité. Son père allait être furieux, lui qui insistait toujours pour lui dire qu'elle devait agir en homme. Grand-mère était partie tout lui raconter. Il allait venir ici et l'accabler de remontrances. Elle qui ne vivait que pour le satisfaire. Oh, comme elle voulait qu'André soit là à cet instant, il avait toujours les mots pour la réconforter. Plus encore, il n'avait pas besoin de parler pour la réconforter, seule sa présence suffisait. À cette pensée, le cœur de la jeune fille se gonfla de reconnaissance. Oui, il était vraiment son meilleur ami, son frère.

Quelqu'un frappa à la porte, sortant Oscar de ses douces pensées. Cela devait être le général, elle le savait et se sentait terrifiée. Elle avait honte d'être si subitement ramenée à sa condition de fille. Elle devait insister auprès de son père et lui expliquer que plus jamais on ne viendra à penser qu'elle est une fille.

"Entrez"

Le général ouvrit la porte, jeta un coup d'œil en direction d'Oscar et referma la porte. Elle vit qu'il s'apprêtait à parler, mais il s'abstint. Au lieu de cela, un silence interminable s'installa alors que le général scrutait sa fille.

"Oscar, j'ai à vous parler après les événements survenus plus tôt. S'il vous plaît écoutez moi et surtout ne m'interrompez pas!"

Le général avait prononcé cette phrase avec une telle conviction qu'Oscar n'osa même pas répondre. Elle se contenta de se redresser sur son lit à baldaquin qui trônait au centre de la pièce. Elle se sentait ridicule, car pour une obscure raison Grand-mère lui avait demandé de revêtir sa chemise de nuit, le seul habit féminin qu'elle était autorisée à porter. Son père la regardait d'un air différent aujourd'hui, et Oscar eut un mauvais pressentiment.

"Mon enfant", reprit il." À votre naissance, j'ai pris la décision de refuser le choix du Seigneur par rapport à votre sexe. J'ai œuvré pour faire de vous un homme. J'y ai même succédé! Vous avez tout ce qu'il faut pour être le digne héritier de notre famille.

Oscar, les événements d'aujourd'hui m'ont cependant prouvé que j'ai vécu la décennie passée dans une illusion! Comment pourriez vous devenir un homme alors que sous mes yeux vous êtes officiellement devenue une femme aujourd'hui! La nature nous a brutalement rappelé à l'ordre! Comment pourrais-je continuer à prétendre et à vous créer une vie d'homme alors que votre corps va commencer à changer pour devenir celui d'une femme? Il est grand temps…

-Père! Je vous en prie!

-Suffit! Ne m'interrompez plus mon enfant!"

Oscar se tue et ses yeux commencèrent à se remplir de larmes. Le général était-il sur le point de la punir une seconde fois dans sa vie pour quelque chose sur laquelle elle n'avait aucun contrôle? Il la regardait si différemment aujourd'hui…

"Votre devoir est de m'obéir. Je ne peux continuer cette farce qui risquerait de nous couvrir de ridicule à l'avenir. Oscar, peu importe si vous avez appris à manier l'épée mieux qu'un garçon, peu importe que vous soyez plus agile à cheval. Vous n'en restez pas moins une femme. Votre nature vous trahira un jour ou l'autre si nous continuons ainsi. Il est temps pour moi de vous remettre sur le droit chemin et de…

-Non, père!

-Taisez vous! Vous allez devenir celle que vous auriez dû être toutes ces années auparavant."

Oscar, dont les larmes s'échappaient doucement de ses yeux, s'était raidit en entendant son père parler d'elle en employant le féminin pour la toute première fois.

"Aujourd'hui, vous redevenez une femme. Vous porterez le type de vêtement qui sied à vôtre sexe, vous apprendrez à vous comporter en femme, à effectuer les activités qui occupent les femmes. Et dans quelques années, quand le moment sera venu, je vous trouverai un bon parti que vous épouserez. Votre rôle sera de donner des héritiers à cet homme."

Oscar avait baissé les yeux… Elle sentait que sa vie était sur le point de radicalement changer et cela lui faisait peur. Comment pouvait-elle changer à ce point et si vite? Même son nom était masculin!

"Père… que va t' il se passer… je veux dire… pour mon nom…

-Vous le garderez comme tel. Il est trop tard pour rectifier cette erreur ci! Grand-mère va venir bientôt avec votre nouvelle garde robe. Ne pensez pas que cette décision a été prise subitement. En vérité, cela fait quelques mois que j'ai commencé à réaliser l'absurdité de ce choix. J'espère que vous me pardonnerez de tourmenter votre vie une nouvelle fois… ma fille."

Le général salua sa fille et sortit promptement. Oscar éclata en sanglots.

"Oh! Ma petite Oscar! Vous êtes magnifique!"

Oscar se regardait dans le miroir et sentit ses larmes menacer de couler. A côté d'elle, Grand-mère était aux anges, le comte de Jarjayes avait enfin retrouvé la raison.

Une semaine s'était écoulée depuis que le général avait pris la décision de rétablir la véritable nature d'Oscar. Cette dernière avait vu sa vie drastiquement changer. C'en était fini des entraînements à l'épée ou des séances d'équitation. Oscar devait passer tout son temps avec sa mère ou des servantes, et apprendre le crochet et la danse. Heureusement, elle pouvait continuer à apprendre le piano car une demoiselle devait savoir jouer d'un instrument. Intérieurement la jeune fille était terriblement peinée de tous ces événements survenus. Elle se sentait coupable d'avoir montré qu'elle était une fille et maintenant c'est comme si elle en payait le prix. Le plus dur était que son père avait décidé d'éloigner André d'elle. Du jour au lendemain, il lui avait expliqué qu'il ne pourrait plus l'accompagner dans sa vie comme il avait été prévu. Il était maintenant un domestique parmi tant d'autres, et il devait garder ses distances. Oscar nageait dans l'incompréhension. Pourquoi André devait-il être également puni! Et c'était si cruel! Elle avait besoin de lui, ils faisaient tout ensemble! Maintenant, elle devait seulement être entourée de femmes. André… ça faisait 4 jours qu'elle ne lui avait pas parlé. Aujourd'hui, elle revêtait officiellement les habits de sa condition. Grand-mère avait confectionné de magnifiques robes. Était elle jolie dans cette robe de couleur rose? Elle se sentait ridicule.

'André… comme tu me manques' pensa Oscar.

Le Jardin du château de Jarjayes était entretenu chaque jour par une dizaine de domestiques. En ce jour printanier, il était resplendissant, les fleurs étaient nombreuses dans la roseraie. Oscar marchait, dans ses pensées. Après avoir enfilé sa robe pour la toute première fois, elle était sortie brusquement de sa chambre, laissant Grand-mère à l'appeler. Elle voulait être un peu seule et se sentir libre comme avant. Au détour d'une allée fleurie, elle trouva celui auquel elle avait tant pensé ces derniers jours.

"Andre!"

Il sursauta, il était en train de finir de planter un nouvel arbuste. Le regard qu'il posa sur elle fut d'abord surpris, puis après quelques secondes il lui sourit comme il l'avait toujours fait.

"Oscar. Pardonne moi, tu m'as surpris, je ne m'attendait pas à te voir.

-Tu n'as pas à t'excuser!" Oscar avait répondu très vite. Se sentant embarrassée par le fait de ne plus le voir tous les jours, et par sa tenue, elle baissa les yeux en rougissant. Un long silence s'installa, Oscar fixait ses pieds chaussés de souliers féminin. André lui, avait entrepris de détailler Oscar de la tête aux pieds.

"Oscar… je"

Cette dernière leva la tête et plongea ses yeux couleur saphir dans ceux couleur forêt du garçon.

" Oscar, je voulais te dire…". Il se surprit lui aussi à éprouver cette timidité nouvelle, causée par la nouvelle distance instaurée entre eux par les adultes qui les entouraient.

"André?

-Je voulais te dire. Pour moi Oscar, tu es toujours la même! Personne ne peut te changer! Ni Grand-mère ou ta mère, ni même ton père!

André avait pris cet air effronté qu'il ne montrait que si rarement. Ces paroles rassurait Oscar, elle avait craint que leur amitié ne disparaisse. Le garçon avait l'air nerveux, il s'apprêtait à ajouter quelque chose.

"Pour moi, tu… tu as toujours été la plus jolie également. Et… tu es très jolie en robe. La plus belle des filles!" Il ne laissa pas à Oscar le temps de répondre et partit en courant. La jeune fille resta surprise et immobile. Un sourire étira ses lèvres.

"André…" murmura elle le rose aux joue, avant de retourner vers sa demeure.

À suivre