Bonjour bonjour!
Avant toute chose, merci à wengilena0207 et ElleanorSharp pour leurs reviews... Je ne m'attendais pas à des retours positifs si vite, ça m'a réchauffée de l'intérieur! J'espère que ce chapitre vous plaira tout autant.
J'introduis donc finalement mon O.C., en espérant qu'elle ait assez de charactère pour avoir l'air d'être créée par la licence Inazuma Eleven (sait-on jamais...).
Bonne lecture!
...
Elle prépara son sac, y mettant le peu d'objets qu'elle possédait désormais. Un peu d'argent, pour les urgences, sa carte bancaire était planquée dans une de ses chaussettes -ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier!- un collier, quelques dossiers remplis de feuilles -elle en avait besoin pour travailler aujourd'hui- et une ancienne photo d'elle. Pour ne jamais, au grand jamais, oublier d'où elle venait.
Son regard tomba sur un vieux miroir ébréché et elle sourit narquoisement à son reflet.
C'était parfait. Les mèches colorées, les vêtements déchirés et les oreilles percées, autant de moyens de camoufler qui elle était. Changer de vie.
Elle n'était qu'une fuyarde, et elle le savait très bien, ricana une voix intérieure. A qui tentait-elle de faire croire ces conneries de changement?
Personne ne pouvait se douter de qui elle était, hormis peut-être Smith. La seule personne qu'elle respectait, vraiment. Il savait voir au-delà des beaux mensonges plausibles, cherchait toujours la vérité par tous les moyens, quel que soit le danger.
C'était ce qui l'avait sauvée.
Elle secoua la tête. Ce n'était pas le moment de rêvasser, elle avait une fenêtre très réduite pour agir. Le bruit d'eau la fit sourire. La directrice était sous la douche, très tôt le matin, pour ne pas se faire déranger. A cette heure-là, l'autre surveillant qui était supposé monter la garde en profitait pour regarder la tv, supposant -à tort- que tout le monde dormait encore. Le tintement qui résonna discrètement l'avertit que le livreur de lait venait de poser sa livraison sur le seuil en pierre de la porte.
Elle ouvrit la fenêtre, et bondit.
Avec des gestes huilés par l'habitude, elle escalada les branches l'arbre en face de la fenêtre du grenier, finit par atteindre le tronc et descendit prudemment.
La camionnette s'ébranla, et avec un juron, elle sauta.
Son atterrissage était un peu juste, mais comme tout les lundis, c'était le jeune livreur, qui écoutait du heavy metal à fond durant les trajets.
Un bruit sourd et métallique était donc assumé comme faisant partie de sa musique, qui avait étrangement fini par lui être agréable. Comment ne pas aimer des gens qui hurlaient dans un micro leur rage contre le monde, finalement? C'était un choc par rapport à la pop qui passait à la radio, ou à la musique qu'elle écoutait auparavant, mais elle avait appris à apprécier.
Profitant du beau temps, malgré la fraîcheur amenée par le vent du déplacement, elle s'allongea sur la camionnette en route et admira les étoiles.
Elle adorait ces moments volés. Ces trajets où personne ne lui demandait rien, où elle était libre comme l'air avec pour seul témoin le ciel qui brillait d'étoiles. Cette liberté qui la saisissait dans ces instants était pure, fraîche, et sentait un mélange de pétrole et de lait.
Ca aussi, elle avait bizarrement fini par apprécier.
Elle se redressa en le sentant ralentir.
-Prochain arrêt, mesdames et messieurs: la vieille folle du coin, murmura-t-elle.
Profitant du fait que le livreur ait le dos tourné, elle glissa souplement à terre, et marcha précipitamment vers le coin de la rue, s'adossant au muret, cachée en attendant qu'il reparte. Elle s'était déjà fait attraper quelques fois par la vieille folle en question, mais elle avait toujours réussi à s'échapper, et personne ne l'avait cru. La pauvre avait une paranoïa qui rongeait sa vie, et au moindre chien sauvage qui passait, elle hurlait au voleur. Difficile donc de la croire quand elle affirmait avoir vu une adolescente aux cheveux arc-en-ciel traîner dans sa rue, où jamais rien ne se passait, à des heures indues.
Direction: cybercafé. Elle était frigorifiée, elle ne rêvait que d'un bon thé, et puis elle irait travailler sur un des ordinateurs, en payant bien sûr. Ce cybercafé précisément était ouvert 24h/24, merci aux geeks finis qui le peuplaient. Ces derniers n'avaient aucune conscience du temps, aussi le patron avait fini par abandonner l'idée de jeter systématiquement cette bande de cinglés-adorables, ceci dit en passant; ils n'avait juste aucun ancrage dans la réalité- dehors dans le froid.
Elle marcha rapidement et arriva dans le bâtiment avec un sourire en coin bien à elle. Elle salua le patron qui lui apporta immédiatement sa tasse de thé habituelle -elle était un de ses meilleurs clients, polies, payante, ne dérangeant personne- et la lui offrit même.
Elle lui offrit un de ses plus beaux sourires et il eut un ricanement narquois, pas du tout pris au piège. Un gentil bleu pouvait se faire avoir, pas lui; cette jeune fille était un requin. Son sourire adorable cachait un incroyable pragmatisme et une froideur envers la vie en général qui étaient effrayants pour quelqu'un de son âge.
Il la vit s'installer à un ordinateur, et comme tous les matins, observa la transformation d'adolescente faussement gentille et souriante à femme d'affaire confirmée, froide et calculée.
Ses dossiers étalés devant elle, elle tapait mail sur mail et répondait aux coups de fils avec un ton professionnel qui ne contrastait que trop avec la rondeur de son visage et l'explosion colorée de ses cheveux.
Même lui n'avait pas réussi à jeter un coup d'œil à ses feuilles, elle les protégeait presque jalousement. Il ne pouvait que se demander comment elle en était arrivée là, à diriger il ne savait quelle opération avec froideur, dans son cybercafé qui n'accueillait normalement que des otakus finis, et quelques perdus ayant envie d'essayer une nouvelle expérience.
Il avait tenté, occasionnellement, de nouer la conversation, mais elle avait systématiquement évité ses questions avec brio, d'une façon telle qu'il ne s'en était rendu compte qu'après, lorsqu'elle était partie depuis longtemps.
Il avait alors renoncé à l'idée d'apprendre quoi que ce soit d'elle, ne la comptant que pour une cliente étrange, qui avait ses manies. En cela, elle ne détonnait pas tellement du reste de ses habitués...
C'était après son abandon qu'elle l'avait approché. Elle avait besoin d'un travail. Dans le mot "besoin", il y avait vu plus qu'un désir d'argent, mais presque du désespoir... Et cela l'avait secoué bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Il avait été habitué à toutes ses expressions calculées, et il avait soudain eu l'impression de découvrir beaucoup plus sur elle en une fraction de seconde que sur toutes les heures où elle avait occupé un siège.
Il avait accepté.
Peu importe le côté peu éthique (la plupart de ses serveurs travaillaient au black de toute façon), il fermait les yeux sur son âge, sur le fait qu'elle prenne des horaires trop chargés, et ne se rendait pas à l'école. Au moins, ici, elle était au chaud, elle travaillait et gagnait de l'argent.
Il était surprenant qu'elle soit prête à mettre un cosplay qu'elle jugeait ridicule alors qu'elle semblait être une femme d'affaire si redoutable, mais peut-être qu'elle était encore gênée par son âge, et incapable de gagner légalement sa vie de par son activité. Tant qu'elle bossait efficacement, il n'avait rien à dire.
Lise s'étira, faisant craquer son dos sur la chaise qui basculait dangereusement en arrière. Elle se rééquilibra à la dernière seconde, comme toujours, puis se redressa, rangea soigneusement ses dossiers, imprima les derniers ajouts, et paya ce qu'elle devait.
Elle recevrait sa paie en fin de semaine, mais sa longue journée devrait lui permettre le luxe de s'acheter du chocolat le lendemain. Elle saliva à cette idée, avant de se ressaisir et de commencer à trotter. Elle devait être rentrée avant le couvre-feu, c'était son tour de faire la vaisselle à l'orphelinat.
Le trajet à pied du cybercafé jusque l'orphelinat lui prit une trentaine de minutes. Ce fut les pieds douloureux et les poumons en feu qu'elle arriva après un sprint, et elle fit quelques étirements en tentant de reprendre son souffle.
Elle se faufila par le mur à moitié effondré -ça avait vraiment été mal construit, analysa-t-elle en un coup d'oeil- et s'approcha par l'arrière du bâtiment, vers une autre adolescente qui fumait discrètement.
-Alors finalement je t'attrape, Eta, fit-elle en prenant une voix plus grave.
La fille sursauta avant de pousser un juron.
-J'ai cru que c'était Cécile, grande malade! Tu m'as foutu la trouille!
Lise ricana avant de tousser.
-C'est de la merde, ton truc.
Ladite Eta souffla la fumée sur la jeune punk qui s'étrangla davantage.
-Mêle toi de tes oignons, princesse.
Lise roula des yeux. Malgré toute la violence de ses mots, elle savait qu'elle n'était pas aussi méchante ou froide. Ce n'était qu'une carapace, semblable à la sienne.
-Bon, la vieille s'est rendue compte de mon absence?
-Ouaip.
Elle grimaça.
-Sérieux? Tu me fais pas marcher?
Un sourire sans humour étira les lèvres de sa vis-à-vis.
-J'ai pas un humour aussi merdique que le tien, asséna-t-elle. Ouais, elle a gueulé un bon coup, donc essaie de rattraper ça.
Elle désigna d'un geste méprisant la tenue sale, les cheveux parsemés de blanc.
-Tu t'es roulée dans la boue?
-A peu de choses près.
Elle avait pris un raccourci à travers un chantier, et avait dû plonger à travers un nuage de poussière non-identifiée. Tout plutôt qu'être en retard, mais la saleté ne serait qu'une occasion pour Mégère de lui crier dessus et lui rappeler à quel point elle ne valait rien.
-Le blanc te va bien, lâcha Eta. Mais elle va criser si elle te voit comme ça. Va te laver.
-Sir yessir, marmonna-t-elle.
Elle planqua le sac derrière un buisson, et le recouvrit d'une vieille bâche en plastique pour le protéger de la pluie au cas où. Elle faisait confiance à Eta, elle savait que cette dernière ne la balancerait jamais.
Elle réescalada ensuite l'arbre-étonnant comme c'était plus difficile de monter que de descendre, surtout après une lourde journée comme celle-là- et arriva dans le grenier sans encombres.
Ce fut à partir de là que les ennuis commencèrent.
Un raclement de gorge irrité l'accueillit alors qu'elle refermait la fenêtre avec précaution pour qu'elle ne grince pas. Elle tressaillit, claqua involontairement le battant et se retourna d'un bond.
Cécile se tenait devant elle et la toisait d'un air furieux.
-Non seulement tu fugues toute la journée, mais en plus tu reviens dans un état qui ferait rougir de honte n'importe quel humain normalement constitué!
Lise grimaça. C'était parti pour un long sermon, destiné à la "remettre à sa place" qui en fait n'était qu'un torrent d'insultes plus ou moins déguisées. Son apparence, ses goûts, ses habitudes, tout était systématiquement remis sur la table. Elle se prépara mentalement, lorsqu'elle entendit:
-Mais nous n'avons pas le temps pour ça. Tu as dix minutes pour te laver; Kami l'odeur qui émane de toi effraie même les mouches! Il faut te rendre présentable, nous avons un invité.
Elle haussa les sourcils, mais prit l'occasion de s'échapper de ce supplice avec plaisir. La douche était nécessaire et lui fit un bien fou, détendant ses muscles même si l'eau était tiède au mieux. Elle se sentait beaucoup mieux en sortant, mais elle poussa un juron en voyant que ses vêtements avaient disparus.
Elle aurait pu croire que c'était une "blague" d'une autre fille. Ce genre de harcèlement n'était pas exclu. Cependant, les vêtements qui disparaissaient n'étaient habituellement pas remplacés par d'autres, plus propres, plus "présentables". Elle lâcha quelques insultes sous ses dents.
Ce n'était pas apparemment n'importe quel invité, et c'était sa zone d'âge et son sexe qui étaient demandés. Pourquoi Eta ne l'avait-elle pas prévenu?
Elle soupira. Elle ne le lui avait pas demandé, après tout; il était difficile de lui en vouloir. C'avait dû être une mauvaise surprise pour elle aussi, ce n'était qu'humain qu'elle ait voulu lui faire la même chose.
Elle le lui reprocherait tout de même, c'était extrêmement désagréable. Mais elle comprenait, et elle ne pouvait de toute façon pas rester fâchée bien longtemps contre elle.
Elle s'habilla en poussant d'autres jurons, histoire de relâcher un peu la tension et d'évacuer au préalable ce qu'elle ressentait.
Heureusement qu'elle avait fait vite, parce qu'elle avait à peine fini de boutonner son col lorsque Cécile débarquait à nouveau sans frapper.
-Dépêche-toi, admonesta-t-elle. Il n'a que trop attendu.
-Qui ça, "il"?
-Thomas Sharp. Il vient de recevoir les autorisations officielles pour être une famille d'accueil.
Sharp? Non, non, non. Ce n'était qu'une coïncidence. Il ne pouvait être le chef de la famille Sharp, pas vrai? Il ne pouvait pas être le père adoptif de Jude Sharp, le capitaine de la Royal Academy, qui avait ruiné sa vie sans même savoir qu'elle existait?
-Allez, accélère! S'impatienta Cécile. Tu as intérêt à être polie, charmante, et ne pas dire quoi que ce soit de travers. Tu sais que je te surveille. La moindre erreur, et je t'envoie en maison de redressement!
Lise se raidit. La maison de redressement avait beau ressembler à une menace en l'air, cela faisait déjà quelque fois qu'elle se trouvait sur les lèvres de la directrice. Il était plus que probable qu'elle envisage réellement de mettre ces paroles à exécution. Il était temps de faire un peu profil bas, d'obéir à ce qu'elle demandait. Elle poussa un grognement intérieur en se rappelant que si Cécile l'avait attendue plus tôt dans le grenier, c'était qu'il serait plus difficile de s'échapper, surtout avec une surveillance accrue.
Il faudrait qu'elle prévienne les ouvriers qu'elle ne saurait pas travailler avec eux désormais, et qu'elle redouble de créativité pour aller au cybercafé.
Mais une chose à la fois, pour le moment elle avait un millionnaire à décourager. Si on lui avait dit, cinq ans auparavant, qu'il arriverait un jour où Thomas Sharp viendrait discuter avec elle afin de voir si elle pouvait faire partie de sa famille, elle aurait ricané, puis insulté la personne avec un humour aussi terrible.
C'était sa vie, désormais.
Elle soupira, plaqua son joli sourire n°3 (je-suis-une-innocente-jeune-fille-qui-ne-ferait-pas-de-mal-à-une-mouche) sur le visage et entra.
Bingo! Thomas Sharp était bien le père de Jude, dirigeant d'une main de maître son propre empire dans le Japon progressiste. Elle fit une légère courbette, qu'elle savait particulièrement ne pas être la bonne pour s'adresser à quelqu'un de son rang, mais qui était néanmoins polie.
Elle était gentille, mais mal éduquée, comme toute bonne orpheline qui se respecte. C'était la seule opinion qu'il devait garder d'elle au cours de cet entretien. Sympathique, mais fade. Personne ne voulait d'une fille sans saveur au sein de sa famille, elle l'avait appris.
-Bonsoir, Lise, c'est bien ça?
-Tout à fait, Monsieur Sharp.
Elle s'installa sur la chaise avant qu'il ne le lui ait permis, et fut presque déçue de ne voir aucune irritation sur son visage. Comme si l'homme avait une patience infinie.
-Comment vas-tu? Je suis navrée de te déranger aussi tard.
-Je vais très bien, Monsieur, merci de vous en inquiéter. La directrice de l'établissement prend soin de nous tous, elle est très généreuse.
Une petite flatterie glissée à l'intention de Cécile qui écoutait derrière la porte.
-Il n'est pas si tard, vous me sauvez de la corvée vaisselle, ajouta-t-elle avec un petit sourire reconnaissant. C'est moi qui suis désolée de vous avoir fait attendre.
-Ce n'est pas un problème, sourit-il. Je ne serais pas arrivé là où j'en suis sans patience.
-Là où vous en êtes? Demanda-t-elle poliment mais légèrement.
Elle savait très bien qui il était, ce qu'il avait fait, et avait plusieurs fois analysé ses stratégies commerciales. L'homme était un génie, et il n'était pas étonnant que son entreprise, pourtant extrêmement jeune par rapport à celles favorisées aux Japon, se retrouve parmi les plus populaires. Il menait son équipe d'une main de fer, savait quand investir et quand se reculer.
Elle l'admirait, un peu. Autant qu'elle pouvait admirer un adulte.
Par contre, là où il s'était visiblement planté, c'était l'éducation de son fils, qui détruisait joyeusement des écoles sous les ordres de son Commandant.
-Mon métier n'est pas important, fit-il avec une modestie qui la surprit. Aujourd'hui, nous sommes là pour discuter de toi.
-Oh! Je, hum, il n'y a pas grand chose à dire… fit-elle avec un gloussement stupide. Et je n'ai pas forcément envie de parler de tout non plus.
Elle offrit un sourire timide, battant des paupières; voilà qui devait le repousser efficacement. Il avait dû rencontrer des centaines d'idiotes qui essayaient de bien se faire voir, il n'aurait pas envie d'en adopter une.
-Je comprends très bien, sourit-il. Dis-moi juste ce que tu aimes.
La réponse était facile, instinctive, et fusa sans que son cerveau ait eu le temps de filtrer.
-La musique.
-La musique? Tu joues d'un instrument?
-J'ai joué, mais c'était il y a longtemps… Et vous? Vous faites de la musique?
Elle avait failli se révéler, mais heureusement elle avait gardé cette petite voix distraite. Il pouvait encore se tromper sur son compte, et…
Il rit.
-Non, ma femme en jouait, mais ce n'est pas pour moi.
Elle aperçut l'éclair de douleur dans ses yeux, et son cœur se serra. La vie était décidément injuste.
-Toutes mes condoléances, murmura-t-elle.
Il haussa un sourcil surpris et elle se mordit la lèvre. Elle avait vu quelque chose qu'elle n'était pas supposée voir, c'était ça? Elle avait été trop perspicace, dammit! Mais elle ne pouvait pas rester de marbre face à une douleur aussi sincère.
-Merci, fit-il avec un sourire nettement plus chaleureux que celui qui, bien que poli, était trop fixe pour être sincère.
En retour, elle fit un petit sourire qui n'était pas un de ceux calculés qu'elle avait soigneusement construits, et il sembla s'en rendre compte aussi. Bon. Autant pour son plan d'être gentiment fade.
-Est-ce que tu aimes le football?
Elle fit la moue.
-Pas vraiment.
-C'est rare, commenta-t-il d'une voix égale. Pourquoi?
-J'ai besoin d'une raison? Fit-elle innocemment. Si vous n'aimez pas une couleur, pouvez-vous me dire pourquoi?
Il eut un petit rire amusé.
-J'imagine que non. Que fais-tu de tes journées, alors, dans cet endroit où le foot semble être si important?
-Essayer d'échapper aux balles perdues, rétorqua-t-elle sarcastiquement.
-Un passe-temps chronophage?
-Vous n'avez pas idée du temps que je passe à fuir ces hooligans, s'amusa-t-elle avec affection en pensant à Lee.
A fuir tout court, ajouta-t-elle mentalement. C'était devenu une habitude, ancrée fermement en elle.
-Ainsi que les corvées, si je comprends bien.
Un sourire amusé étira ses lèvres.
-Exactement.
Il était difficile de ne pas être soi face à un homme comme lui. Il semblait si entier, si compréhensif, et plus encore, son sarcasme semblait l'amuser. C'était rare, et cela lui faisait plus de bien qu'elle ne l'aurait cru. Elle était tellement habituée à être dévisagée de façon réprobatrice, à cause son apparence, de ses sourires moqueurs, de sa froideur. Elle recherchait même ces regards noirs. Que personne ne se pose de question à son sujet, habitués à ces clichés.
C'était ça, sa défense. L'indifférence.
Il l'avait probablement compris, et il la regardait avec des yeux curieux, intéressés.
-Et à propos de ta scolarité?
Elle s'assombrit un peu. Elle devait mesurer ses prochains mots avec précaution.
-Mon éducation est assez dispersée, pour être honnête. Je ne suis pas sûre que l'école me convienne, et quand bien même… Cet établissement, bien que refuge pour les orphelins, n'a pas assez que pour permettre à tous d'aller à l'école. Les étudiants les plus doués peuvent tenter une bourse, mais ils seront tout de même désavantagés dans le processus, sans famille pour les soutenir.
-C'est assez injuste, réagit-il avec tristesse.
-La vie est assez injuste, Monsieur.
Rappel de leur différence de statut. De chance dans la vie.
-En es-tu fâchée?
-Qui n'est pas "fâché" lorsque l'injustice de la vie les frappe plus durement que les autres? Demanda-t-elle rhétoriquement. Je ne suis pas différente des autres.
-Mais?
Elle sourit, insolemment, peut-être un peu durement aussi. Elle s'en fichait.
-La vie peut bien être injuste, ça ne m'arrêtera pas. Je survivrai, quoiqu'il arrive. Un jour, j'aurai ma chance, je ne la gaspillerai pas.
-Et si je t'offrais cette chance?
Elle se figea. Qu'est-ce que… Elle avait été narquoise, sarcastique, impolie. Elle le savait très bien, Cécile devait en grincer des dents derrière la porte et concocter une sévère punition. Probablement l'enfermement, elle avait compris à quelle point elle en avait horreur.
Elle frissonna.
-Pourquoi moi? Il y a d'autres enfants plus jeunes, qui s'adaptent plus facilement. Je ne suis pas parfaite, je ne pourrais pas faire honneur à la famille Sharp.
Il sourit.
-Le simple fait que tu poses cette question prouve que tu n'es pas une égoïste, que tu sais très bien qui tu es, que tu connais tes limites, et que tu sais juger correctement la situation. Je ne pense pas me tromper en affirmant que tu sais très bien qui je suis.
Elle fit la moue, peu ravie de s'être faite démasquer de cette façon.
-Je sais très bien qui vous êtes. D'où ma question: vous avez déjà un fils, adopté il y a quelques années. Pourquoi moi, pourquoi maintenant? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux prendre un petit garçon, fan de football, qui pourra facilement créer un lien avec lui?
-C'est un pari que je fais, affirma-t-il avec un sourire.
-Un investissement? Fit-elle avec un sourire sardonique.
-En quelque sorte.
Elle secoua la tête.
-Vous prenez une mauvaise décision.
-Je n'ai encore rien décidé. Tu as aussi le choix.
Un choix illusoire, s'amusa-t-elle. C'était sa dernière chance, elle le savait. Mais les Sharp, vraiment?
Voyant qu'elle s'était refermée, il se redressa.
-C'était un plaisir de discuter avec toi, Lise. Il est tard, mais je reviendrai te voir bientôt.
Elle se leva automatiquement en même temps que lui, le salua, d'un signe de tête muet.
L'homme était plus que correct. En fait, il était probablement le seul qui pourrait l'accepter comme elle était. Le problème, c'était son fils…
Jude Sharp.
Elle le haïssait. Elle le haïssait d'autant plus fort qu'elle le jalousait, et ce sentiment ne s'était qu'intensifié en parlant à son père.
Il avait tellement de chance. Il avait une famille aimante, riche, qui satisfaisait toutes ses ambitions. Il était doué, excellait dans tout ce qu'il entreprenait. Il avait l'admiration et le respect de tous, même de...
Elle se mordit la lèvre jusqu'au sang, envahie d'un sentiment de dégoût envers elle-même. Il n'y pouvait rien. Il n'avait rien demandé, il était né ainsi, il avait travaillé dans un environnement correct où il n'avait fait que s'épanouir. Elle l'avait toujours regardé avec envie, une blessure qui s'était peu à peu agrandie jusqu'à devenir un gouffre où résidait tout son mal-être.
Vivre avec lui était une terriblement mauvaise idée.
Elle sortit en mode automate de la pièce, se fit proprement secouer par Cécile, mais elle s'en fichait. N'entendait pas ce que le bonne femme lui hurlait dans les oreilles, proprement déconnectée de la réalité.
Elle se retrouva dans le grenier dont la fenêtre avait été condamnée sans pouvoir manger, sans même savoir quand serait son prochain repas, mais elle s'en fichait.
Quelqu'un envisageait de l'adopter. Elle. Lise Runaway, la fuyarde, la sarcastique.
Quelqu'un l'avait appréciée pour qui elle était, ou du moins, avait apprécié leur court échange. Mais elle n'était pas dupe, elle savait qu'il était un bon juge de caractère, aussi bon qu'elle probablement. Il ne l'avait peut-être pas entièrement percée à jour, mais il n'en était pas loin.
Problème: ce quelqu'un avait déjà adopté auparavant. Là, il se présentait en tant que famille d'accueil. Pas une adoption complète, donc. Pas un engagement total. Son fils passerait toujours d'abord, ce qui était finalement bien normal.
Cela dit, cela ne se présentait pas bien pour elle. Si rien que le fait de penser à Jude l'emplissait de toutes ces émotions contradictoires, le fait de vivre avec lui, dans un environnement qui le favorisait encore, allait la rendre folle très rapidement. Elle serait jetée dehors, et cela réduirait dramatiquement ses chances de retrouver un autre foyer.
Elle était encore trop jeune pour demander l'émancipation, elle se retrouverait dans une maison de redressement où elle ne serait qu'un agneau blanc par rapport aux délinquants qui se trouveraient là.
Malgré ses talents, soit elle se ferait bouffer, soit elle perdrait de vue ses rares principes et qualités. Elle deviendrait comme eux, parce que c'était le seul moyen de survivre.
Et elle voulait survivre, plus que tout.
Comment se sortir de cette impasse?
Comment faire en sorte que l'homme d'affaire renonce à elle, et choisisse quelqu'un d'autre? C'était le seul moyen d'échapper à ce dilemme. Il devait prendre un autre.
-Tu dors?
C'était la voix d'Eta. Elle fut surprise qu'elle soit venue jusqu'ici... Pour briser la punition, l'interdiction de communiquer de Cécile, elle devait vraiment avoir quelque chose qui la travaillait.
-Entre.
La jeune fille se faufila à l'intérieur, refermant la porte avec expertise. Le bois ne grinça pas du tout, ce qui était un exploit que seule elle pouvait accomplir.
-Qu'est-ce qu'il y a?
-Tu vas partir?
La question la prit au dépourvu.
-Quoi?
-Cécile arrêtait pas de se vanter que finalement, son établissement avait réussi à "attirer un millionaire comme Sharp". Vu son humeur avant ton entretien...
-J'aurais d'ailleurs aimé être prévenue, coupa Lise sèchement.
-...ça ne peut être que toi qui as réellement attiré un gars pété de thunes, finit Eta. Alors, tu vas partir.
C'était une affirmation, mais Lise secoua la tête.
-Pas mon genre. C'est un riche, qui ne cherche qu'à faire une bonne action pour avoir l'air bien aux yeux du reste du monde.
-C'est ta chance, fit simplement Eta.
La fille aux cheveux multicolores ferma les yeux. Sa meilleure amie la dévisagea avec tristesse. Elle le savait, elle savait que c'était maintenant ou jamais. Elle avait bien compris que son désir de survie l'emporterait. Elle avait tous les droits du monde, mais était déchirée pour une mystérieuse raison.
-Pourquoi tu veux pas? Finit-elle par lâcher. C'est ton heure de gloire. Qu'est-ce qui t'empêche de faire un joli sourire, de t'intégrer dans leur famille, de faire des études de ouf avec ton intelligence et de devenir médecin? Tu seras pleine aux as, et tu pourras finalement faire tout ce que tu veux. Alors quoi?
-Je pourrai pas... Ca marchera jamais. C'est pas moi. Je ne fais que fuir, ça ne marchera pas. Quelqu'un le mérite plus que moi. Tu le mérites cent fois plus que moi, bordel!
-Ce sont des conneries, assura tranquillement Eta.
Elle sortit une cigarette et son briquet alors que Lise protestait:
-Tu fumes pas ta merde ici, je suis coincée sans air frais pour les prochaines heures!
-Tu resteras dans la merde pour bien plus que quelques heures si je te laisse faire, alors tu la fermes et tu m'écoutes.
Surprise, la jeune fille aux cheveux en épis se tut.
-Tu mérites ça plus que n'importe qui. Tu travailles toutes la journée, je sais très bien. Quand tu bosses pas, tu essaies de faire en sorte que les crétins de gosses qui courent partout ne se blessent pas en jouant, tu consoles -à ta façon, okay- ceux qui pleurent, tu assumes les corvées sans broncher malgré toutes les saloperies que Cécile te raconte. T'es intelligente, t'as juste pas eu de chance pour l'instant.
Elle tira une bouffée de cigarette et la relâcha doucement dans l'air. Immanquablement, Lise toussa, et son amie esquissa un sourire sardonique.
-Me fais pas croire que tu viens de la rue comme moi si t'es pas capable de résister à une cigarette. Je sais très bien que t'es pas celle que les gens pensent. Je sais pas qui tu es, d'où tu viens, et je me doute que Lise "Runaway" c'est pas ton vrai nom.
Elle sentit la jeune fille se raidir à côté d'elle et émit un petit rire cassé.
-Relax, je dirai jamais rien. J'emporterai mes déductions dans ma tombe. Mais t'es pas destinée à ce monde-ci, chérie. T'es pas une princesse, mais t'es pas un déchet non plus. Tu devrais partir avant de tout perdre.
-Mais toi...
-Je pars en maison de redressement.
-Quoi?!
Elle avait parlé plus fort qu'elle n'aurait dû, et elle se tut après craintivement, guettant le moindre bruit. Personne ne semblait réagir, aussi elle relâcha sa respiration, avant de retourner vers Eta.
-C'est pas vrai. Dis-moi que c'est pas vrai. Tu as pas fugué aussi souvent que moi, t'es pas une délinquante, tu...
-Cécile m'a surprise en train de voler.
Elle grimaça. Ce n'était pas bon, certes, mais...
-Puis, elle a trouvé mon stock d'herbe.
-Merde, souffla-t-elle.
-Surprise, princesse? Ironisa Eta.
Elle la foudroya du regard.
-Je suis ni une princesse, ni une blonde naïve. Je sais très bien que tu ne fumes pas que des cigarettes, merci. Mais je suis certaine qu'un peu de beu de temps à autre n'est certainement pas une addiction, et que tu ne mérites pas d'être "redressée".
-Laisse béton. J'ai un casier, maintenant. Vol, possession et prise de drogue. Tu peux plus rien pour moi.
-C'est injuste.
Un sourire sans joie étira les lèvres de son amie.
-Ouais, la vie est putain d'injuste. T'y peux rien, princesse. T'as personne pour qui rester, maintenant. Les gamins s'en sortiront sans toi, et tu seras bien mieux dans une maison de richards qu'ici.
-Je sais, murmura-t-elle.
-Alors arrête de fuir, merde!
Elle avait élevé la voix, et de nouveau, le silence les surprit avec le cœur tambourinant, tressaillant au moindre craquement de la vieille bâtisse.
-Tu n'as fait que fuir toute ta vie, reprit-elle en chuchotant furieusement. Si tu continues, tu vas finir comme moi. Et sache-le, si je te retrouve dans un centre, je t'éclate la gueule. Lise, t'as tout ce qu'il faut, alors arrête de déconner et avance!
-Tu l'as dit, répliqua-t-elle, tu sais rien de moi. D'où tu te permets de me juger, alors que tu n'as jamais été une seule fois à ma place?
-Ma mère me battait. Elle m'a laissée pour morte, une fois, avant d'être emprisonnée pour "abus d'enfant" et "prise de drogues".
Lise se tut. Elles ne s'étaient jamais dit comment elles s'étaient retrouvées ici. C'était une règle, la première d'entre toutes, ne pas connaître leur vie d'avant. Pourquoi maintenant?
-Et t'assumes direct que t'as eu la pire des vies d'entre nous? C'est censé te donner une sorte d'autorité?
-Je te dis que je peux me mettre à ta place, connasse. J'ai pas eu une vie facile non plus, j'ai fui ma mère. Et regarde où j'en suis... Je suis comme elle, maintenant. Une droguée. C'est pas en allant dans un centre de redressement que je prendrai de bonnes habitudes, j'apprendrai à taper et à consommer plus, tu sais aussi bien que moi. Si tu continues à fuir, tu vas juste devenir ce dont t'as peur. C'est ça que tu veux?
Lise frémit. Ca frappait juste, bien plus juste que ce qu'elle ne voulait se l'avouer.
-Tu flippes parce que d'une façon ou d'une autre, tu vas devoir faire face à ton passé, j'me trompe?
Elle hocha la tête. Eta avait mis le doigt sur ce qui la dérangeait vraiment, bien plus que la présence d'un gars qu'elle connaissait. Elle n'avait pas envie de repenser à tout ce qui lui était arrivé, elle avait juste envie d'oublier. Toutes ses peurs se mirent à tourbillonner dans son crâne, et elle se recroquevilla sur elle-même.
-S'il y a bien une meuf qui peut le faire, c'est toi, princesse. Alors je t'en supplie, déconne pas. Deviens une fille bien. Si pas pour toi, pour moi, okay?
-Okay, accepta-t-elle, la gorge nouée. Je te le promets.
Cela tira un sourire fatigué à son amie, qui tira une autre bouffée de sa cigarette, s'amusant comme toujours de la toux indignée de Lise.
-Bon, maintenant que j'ai brisé la règle numéro un, c'est ton tour.
-Qu'est-ce que tu veux savoir? Capitula-t-elle.
C'étaient probablement la dernière fois qu'elles pourraient se parler ainsi. Eta avait tout avoué, relâché tout ce qu'elle avait sur le cœur. Elle ne pouvait qu'être honnête avec elle à son tour.
-Comment t'es arrivée ici?
...
Lise se réveilla très tôt le lendemain matin, habituée à se lever avant le soleil, pour voir Eta recroquevillée contre elle, à la recherche de sa chaleur. Elle profita une poignée de secondes de l'étreinte, avant de la secouer gentiment.
-Debout, feignasse. Je sais pas si Cécile a l'intention de me nourrir, mais il vaut mieux qu'elle ne te trouve pas ici.
-Fous-moi la paix, grogna la version bleue de la Belle au Bois dormant.
-C'est pas le moment de faire chier la pionne, nota-t-elle simplement.
-Je m'en bats les ovaires, je me casse d'ici bientôt.
-C'est pas la peine d'allonger ton casier, tu crois pas?
Eta finit par se redresser avec un grognement de douleur.
-Putain c'est vraiment pas confortable, ici.
-Le sol est pas fait pour être confortable. Etre enfermée serait pas une punition dans un hôtel cinq étoiles.
-T'es chiante au réveil.
-Pas autant que toi, madame "Je-m'en-bats-les-ovaires".
-Je vais pas dire couilles quand j'en ai pas.
-T'en as plus que la moitié des mecs ici, alors t'as bien le droit.
-Vrai, lâcha-t-elle dans un bâillement en s'étirant. Par contre, qu'est-ce que tu dors mal!
-Quoi, je ronfle? Ricana Lise.
-Tu fais des bruits de chien battu.
Elle tressaillit, évita le regard de sa meilleure amie.
-Cauchemars?
-On peut dire ça comme ça.
-Ca te perturbe autant, l'idée d'aller vivre avec Petit Connard?
Un rictus en coin apparut malgré tout sur le visage de la jeune punk. Depuis qu'elle lui avait raconté en détail qui était Jude Sharp et pourquoi elle n'avait pas envie d'aller vivre avec lui, Eta ne l'avait plus appelé autrement que Petit Connard. C'était en passe de devenir son nouveau prénom, à ce stade.
-Je survivrai, fit-elle en haussant les épaules.
Sa fausse nonchalance ne trompa pas du tout sa vis-à-vis qui eut néanmoins un ricanement amusé et passa son bras autour d'elle.
-Ca c'est ma meuf.
-Dégage, fit-elle en repoussant sans pitié le bras qui avait envahi son espace vital.
-Je te déteste connasse.
-Je te hais aussi pétasse.
Une ombre de sourire entendu éclaira leur visage, avant que l'humeur ne devienne sombre à nouveau.
-Bon, j'y vais... J'espère qu'on se reverra avant de partir.
-C'est ça. Maintenant casse-toi avant que Cécile n'arrive, rétorqua Lise, peu habituée à ces émotions qui lui déchiraient la poitrine.
C'était sa première amie, sa seule amie. Et elles pouvaient très bien ne jamais se revoir, et elle ne savait pas comment gérer des séparations. Elle n'en avait jamais eu l'occasion.
Eta hésita une fraction de seconde, puis l'attira dans une étreinte brusque, à laquelle Lise se laissa étrangement faire, lui rendant même brièvement la pareille.
-Rappelle toi ta promesse, souffla-t-elle.
-Toi aussi, promets-moi de survivre.
-Juré.
Un dernier regard, et elle était partie.
Lise se glissa au sol, ressentant la solitude plus que jamais, ainsi que que la familière suffocation qui accompagnait tous les espaces clos. Ca ne changerait jamais, songea-t-elle. Peu importe à quel point elle en avait l'habitude, ce sentiment oppressant et cette panique diffuse ne disparaitraient jamais.
Elle n'avait plus rien d'autre à faire que d'attendre soit un repas, soit la délivrance-cette dernière était peu probable, en tout cas pour la journée.
Rester seule avec ses pensées était insupportablement déprimant, même si moins douloureux depuis qu'elle en avait parlé à Eta. Malgré le fort caractère de cette dernière, elle ne l'avait pas interrompue une seule fois, l'avait juste écoutée, sans juger. Elle n'avait jamais réalisé à quel point elle en avait besoin...
Et bien sûr, c'était au moment de la perdre qu'elle se rendait compte d'à quel point elle lui était importante. La vie était faite ainsi.
Elle secoua la tête, soupira. Elle allait vraiment passer la journée à déprimer et à paniquer, si ça continuait. Est-ce qu'elle aurait...
Elle fouilla dans une vieille commode, sous les draps troués. Bingo! Il y avait des moments où elle avait envie de bénir sa prévoyance. Elle saisit précautionneusement le papier fragilisé par le temps passé sous ces tissus miteux, ainsi que le petit crayon qu'elle avait réussi à faucher au enfants lors d'une session de dessin. Elle n'en était pas spécialement fière, mais elle en avait de toute façon bien plus besoin qu'eux.
Elle s'attela à la tâche.
Au début, elle était terrible à tout ce qui était dessin, ou manuel en général. A force d'entraînement-à force d'être enfermée seule, lui rappela cette voix décidément narquoise- elle s'était améliorée, et dessiner de mémoire les visages des gens, leurs expressions, était devenu une seconde nature. C'était le seul exercice qui lui permettait de tout oublier. Si vraiment, elle n'avait ni papier ni crayon, elle trouvait quelque clou ou épingle solide qui lui permettaient de graver ces visages sur le sol ou les murs.
Elle avait d'ailleurs réarrangé les meubles et tapis épars de la pièce pour masquer ses créations, se doutant que Cécile piquerait une énorme crise devant cette "dégradation de bâtiment". Elle serait partie depuis longtemps lorsqu'elle le découvrirait, et elle sourit en songeant qu'elle échapperait à une punition qu'elle aurait pour une fois méritée.
Elle allait bientôt partir d'ici, réalisa-t-elle. Elle serait loin de la vieille mégère, de ses règles stupides, de ses insultes vicieuses, de ce bâtiment poussiéreux où personne ne mangeait à sa faim...
Cette liberté aurait un goût de paradis. Peut-être que ça en valait la peine de supporter Petit Connard.
Elle frissonna. Ce ne serait pas si facile, mais ce n'était de toute façon pas comme si elle avait le choix.
Elle laissa le crayon courir sur la papier, formant à force de traits des visages qui paraissaient brouillons à première vue, mais d'une précision extraordinaire si l'on se penchait sur le dessin. Elle tentait vainement de capturer leurs expressions, telles qu'elles les avait ressenties.
Cet éclat qui s'évanouissait petit à petit dans les yeux d'Eta, elle voulait l'immortaliser. Qu'elle ne disparaisse jamais, au moins dans ses dessins. Les traits qu'elle prêta à Cécile étaient grossiers, mais la colère qui s'en dégageait n'en était que plus frappante.
Puis, avec hésitation, elle dessina le visage de Sharp. La lueur intéressée et franche de son regard, la façon qu'il avait eue de la percer à jour comme personne d'autre avant lui.
Tous avaient été trompés par son déguisement, ses piques sarcastiques, son détachement. Pas lui.
"Et si je t'offrais cette chance?"
Cette phrase, si petite, avec un impact si grand. Elle l'écrivit en-dessous du dessin, songeant qu'elle garderait bien celui-là si elle le pouvait. Ainsi que celui d'Eta, bien entendu. Serait-elle autorisée à garder ses possessions? Elle ne doutait pas que si elle le lui demandait, Sharp accepterait. Cécile, par contre, était bien capable de l'en priver, dans un dernier accès de méchanceté. Qu'est-ce qui pouvait bien l'avoir rendue aussi frustrée?
Elle soupira. Elle n'en savait rien, et n'avait pas envie de le savoir. Si elle l'apprenait, elle serait bien capable de ressentir de la pitié pour elle, et plus jamais elle ne pourrait la haïr de tout son cœur comme elle faisait maintenant. La haine ne naissait que dans la peur et l'incompréhension.
Elle sentit la faim tirailler son estomac, qui avait cessé de gronder après quelques temps. Elle espérait que Cécile ne prévoyait pas de l'affamer encore plus que ce qu'elle ne l'était déjà.. Elle se réconforta en se disant qu'elle ne pouvait pas avoir l'air maigre et maltraitée devant Sharp, aussi elle serait nourrie. Peut-être de vieux restants brûlés, mais au moins elle mangerait.
Elle planqua rapidement les feuilles derrière la commode-elle grimaça en les sentant s'enfoncer dans des toiles d'araignée, les récupérer ne serait pas gai- en entendant des bruits de pas gravir les escaliers. Elle fit de son mieux pour avoir l'air ennuyée au possible lorsque Cécile débarqua, avec -ô bonheur- un plateau dans les mains.
-Tu as cinq minutes pour manger, annonça-t-elle, et cinq pour prendre ta douche. Comment fais-tu pour être aussi sale?
Elle se retint de lui rétorquer qu'elle n'y pouvait rien, ayant dormi dans un grenier qui n'avait pas vu un balai depuis un bon bout de temps. Ca ne l'aiderait pas, et ne ferait que gaspiller ces précieuses minutes dont elle disposait.
Elle se jeta sur la nourriture dès qu'elle eut le dos tourné, quitte à avoir mal au ventre pour avoir avalé de la nourriture à moitié mâchée. Elle était pratiquement sûre que si elle n'avait pas fini dans les cinq minutes données, Cécile était bien capable de lui ôter le pain de la bouche.
Elle avait à peine fini que la porte s'ouvrit de nouveau, et elle fut sûre de ne pas imaginer la lueur de déception dans ses yeux en contemplant le plat vide.
-Tu t'es empiffrée comme un animal, lâcha-t-elle avec mépris. Va prendre ta douche et rends-toi humaine, pour une fois.
Deux douches en deux jours? Que se passait-il? Sharp ne pouvait être de retour, pas aussi vite...
Pourtant, c'était bien lui qui l'attendait, dans la petite salle à manger où il détonnait dans son costume trois pièces de couture italienne.
-Bonjour, Monsieur Sharp, salua-t-elle. Je ne m'attendais pas à vous revoir de sitôt...
-Bonjour, Lise. Il est pourtant de coutume de se voir plusieurs fois avant de décider, n'est-ce pas?
-Bien sûr.
Il avait évité de répondre à sa question, remarqua-t-elle. Pourquoi aussi vite? Etait-il pressé? Partait-il à l'étranger pendant quelques temps? Est-ce que cela retarderait son départ d'ici?
Kami, elle ne pourrait pas survivre un enfermement permanent.
-Comment vas-tu? Tu sembles fatiguée, pointa-t-il gentiment.
Elle eut un sourire narquois. Elle n'avait pas vraiment eu le temps de s'observer dans un miroir, trop occupée à se débarrasser de la poussière pour s'admirer. Ceci dit, après leur nuit de veillée, le sommeil peu facile sur un sol dur et froid, sans compter ses cauchemars revenus en force après qu'elle ait ouvert son cœur à Eta...
Elle devait avoir des cernes gigantesques.
-Façon délicate de me dire que j'ai une sale tête, s'amusa-t-elle.
Pas la peine de mettre un filtre, n'est-ce pas? Soit il se découragerait, et prendrait quelqu'un d'autre qui le méritait -son plan premier, pas encore entièrement effacé de son esprit- soit cela l'amuserait.
Evidemment, ce fut la dernière option qui se fit connaître avec le sourire sincère de son vis-à-vis.
-Et vous, comment allez-vous?
-Bien, ma foi. Une journée ordinaire, si ce n'est ma visite ici.
-Et qu'est-ce qu'une journée ordinaire pour le fameux Thomas Sharp?
-Je pensais que j'étais venu pour apprendre à te connaître, fit-il en haussant un sourcil.
Elle ne se laissa pas intimider et rétorqua:
-Faire connaissance, cela va dans les deux sens. Je vous ai déjà dit que je passais mes journées à fuir des hooligans férus de foot, et que je détestais la vaisselle.
-Tu n'aurais pas à la faire, chez nous, annonça-t-il avec un sourire.
-Un argument décisif s'il en est, lâcha-t-elle d'une voix traînante.
Cependant, une étincelle amusée dans ses yeux contredisait son ton, et il sourit.
-Je passe ma matinée à trier les mails, répondre aux plus importants et aux plus urgents. Ensuite, je me replonge dans les dossiers non finis de la veille-investissement, réparations, et cætera-, j'en commence quelques nouveaux, puis passe ma soirée à observer les taux boursiers et regarder les actualités plus en profondeur. J'ai des informations courtes tout au long de la journée, pour que je puisse réagir en urgence si besoin est, et je complète ces connaissances superficielles le soir.
Elle hocha la tête, satisfaite. C'était le genre d'horaire qu'elle attendait de Sharp, c'est ce qu'elle aurait fait si elle en avait le luxe.
-Et toi? Je me doute que tu ne passes pas tout ton temps à éviter ce que tu peux... Tu as des amis, ici?
-Une, vraiment. Eta. Une jeune fille aux cheveux bleus, qui a toujours l'air de faire la tête.
-Je l'ai déjà rencontrée, oui.
-Et le courant n'est pas passé? Ca ne m'étonne pas. Elle a des abords antipathiques, avec ses mots et insultes faciles, mais elle a un cœur en or, et elle reconnait les choses pour ce qu'elles sont. C'est une fille bien, qui n'a pas eu une vie simple.
-Comme toi?
Elle eut un sourire un peu tordu, et hocha la tête.
-Soyons honnêtes, Monsieur Sharp, nous ne serions pas ici si notre vie était simple.
Il acquiesça à son tour.
-J'ai entendu dire qu'elle avait des problèmes, émit-il diplomatiquement.
Elle lui envoya un regard noir avant de se ressaisir. Elle ferma les yeux, frotta ses tempes et avoua:
-Oui. Elle va en maison de redressement.
-C'est une bonne chose, non?
-Ce serait une bonne chose si lesdites maisons servaient vraiment à aider les gens en difficulté. Dans l'état des choses, c'est juste un établissement où l'on rassemble les pires délinquants mineurs, où la drogue circule encore plus facilement que partout ailleurs, où la violence est de mise. Les gardes sont trop peu nombreux, débordés par la situation et/ou dévoyés parce que leur paie est insuffisante. Il est plus facile d'aider un trafic et de gagner un peu de cash que d'essayer de faire respecter l'ordre. Ca, c'est la réalité.
Elle inspira profondément, récupérant le calme qu'elle avait légèrement perdu.
-Eta ne mérite pas d'aller là-bas, alors que des jeunes scolarisés font exactement la même chose qu'elle sans pour autant avoir le moindre problème.
-Je suis navré, soupira Sharp. Je n'avais pas conscience de la situation.
-Parce que tout le monde essaie de le cacher, vous n'avez rien à vous reprocher. Seuls ceux qui sont de ce côté-ci de la vie savent ce qu'il en est, et que pourraient-ils y faire?
Il secoua la tête.
-Si tu veux, je peux aider ton amie.
Elle se figea, la colère bouillonnant instantanément à l'intérieur d'elle.
-Pourquoi ai-je l'impression que vous essayer de m'acheter, de me manipuler en utilisant Eta?
C'était tellement proche de quelqu'un qu'elle connaissait qu'elle faillit se lever et partir, là, tout de suite. Plus jamais elle ne retomberait là-dedans, plus jamais. C'était même une des raisons pour lesquelles elle avait tant de mal à s'attacher. Pas de lien important, pas de moyen de pression, c'était aussi simple que ça. Solitaire? Elle en avait l'habitude.
L'amitié ne valait pas la peine de se faire manipuler, de perdre son libre arbitre. Elle avait été si stupide de croire que ça pouvait marcher, avec un homme si riche qu'il était probablement persuadé de pouvoir tout acheter.
-Non! Pas du tout. Je suis navré, ce n'est pas ce que je voulais dire...
Elle le toisa durement, perdant toute amabilité.
-Alors que vouliez-vous dire? Parce que c'est non.
"Sans compter qu'Eta m'en voudrait d'accepter de me vendre pour la sauver" ajouta-t-elle mentalement.
-Je ne suis pas ce genre d'homme, Lise. Si tu le veux, je ferai en sorte que ton amie intègre un autre orphelinat. Sans condition aucune. Tu n'aurais pas à venir vivre chez nous pour ça, tu ne me devrais rien.
-Vous dépenseriez votre argent comme ça?
Sa voix était incrédule, mais reflétait à peine son niveau de perplexité. Quel idiot ferait ça sans rien attendre en retour? Cela ne lui apporterait strictement rien, ce n'était pas un investissement sur le long terme, que...?
-Le principe d'une bonne action est de ne rien demander en retour. Sinon, ce n'est que du chantage.
-Nous sommes d'accord sur ce point. Je n'ai cependant jamais rencontré quelqu'un qui pratiquait réellement de bonnes actions. Il y avait toujours un gain par après.
-Que penses-tu du fait que je devienne une famille d'accueil? Fit-il en haussant un sourcil surpris.
-Que vous vous sentez seul. Que votre fils se sent seul. Vous avez à gagner, là-dedans.
Il se raidit, un instant, et Lise regretta sa franchise. Elle l'avait sûrement blessé, alors qu'il ne le méritait pas. Il n'était pas facile d'être confronté à la réalité, surtout lorsqu'on apprenait des choses sur soi. Il ne le faisait pas par bonté d'âme, mais parce qu'il voulait en tirer un avantage. S'il ne le savait pas auparavant, il était douloureux d'avoir cette découverte balancé au visage par une fille frêle de vingt ans sa cadette.
-C'est pour ça que vous faites une erreur en me choisissant, poursuivit-elle avec une voix rauque. Je ne suis pas quelqu'un dont on peut simplement apprécier la compagnie. Je suis trop différente pour ça, j'en suis bien consciente.
"Je ne ferais que vous blesser. Les gens qui m'entourent finissent par être blessés de toute façon"
-Je ne suis pas fâché, Lise.
Elle tressaillit.
-Je t'ai offensée, il n'est que normal que tu m'attaques à ton tour. Je m'excuse, c'était maladroit de ma part. Tu te trompes; j'apprécie ta compagnie, et ta franchise si rare dans notre monde. Tu as une clairvoyance rare pour une jeune fille de ton âge.
-Ce n'est pas la flatterie qui vous aidera, lança-t-elle, croisant les bras pour cacher son malaise.
Après ça, la dernière chose à laquelle elle s'était attendue était une excuse. Encore moins des compliments. Quel homme étrange! Il avait beaucoup trop de patience, surtout pour un businessman supposément habitué à être obéi immédiatement.
Elle ne le comprenait pas, et ne comprenait pas non le sentiment qui pointait timidement le bout de son nez dans sa poitrine. Qu'était cet étrange resserrement du coeur qui lui donnait envie de pleurer et de rire en même temps?
Elle se secoua, et regarda le chef de famille droit dans les yeux.
-Je le sais très bien, s'amusa-t-il. Je le pense, cependant. Tu n'es pas naïve, aussi je ne te ferai jamais de fausses promesses.
Elle hocha lentement la tête. Ca, elle pouvait le croire.
-Voici donc ma première promesse: jamais je ne te mentirai.
Elle écarquilla les yeux. C'était audacieux, comme premier point d'un contrat-car elle n'avait pas de doutes, c'était un contrat qu'ils étaient en train de monter-, elle savait très bien à quel point le quotidien était parsemé de petits mensonges et d'omissions.
Elle-même maîtrisait les demi-vérités comme personne, et elle déglutit. Est-ce que cela signifiait qu'elle devait aussi jurer la même chose? Un monde fait d'honnêteté lui paraissait aussi absurde qu'utopique, mais les yeux francs en face d'elle lui donnaient envie d'y croire.
-Tu n'as pas à tout me dire, reprit Thomas qui avait remarqué sa panique intérieure. Mais je veux pouvoir te faire confiance. En cela, le mensonge est exclu.
-Je comprends, lâcha-t-elle finalement.
Elle n'avait pas encore donné son accord, remarqua-t-il. Elle était loin d'être stupide assez que pour signer un contrat en blanc, aussi elle se tenait encore sur la réserve.
-Si c'est le cas, reprit-elle, vous ne pouvez révéler à personne d'autre ce que vous pourrais vous dire sans mon autorisation.
-Bien évidemment.
Il retint un sourire, qui aurait pu être mal perçu. Elle avait senti son professionnalisme, et s'y était calquée naturellement. Si c'était un contrat qu'elle voulait, il lui en offrirait un.
Soudain, un bruit strident traversa la pièce et Lise tressaillit violemment, le cœur battant à tout rompre. Ce n'était que la sonnerie de Sharp, se rassura-t-elle, rien d'autre. Elle vit son regard en coin, mais ne tenta pas de s'expliquer, et fut soulagée lorsqu'il s'excusa pour prendre cet appel.
Il sortit de la pièce et elle se détendit, réalisant seulement à cet instant à quel point elle était crispée. Ce n'était pas naturel. Elle était bien trop tendue pour une simple conversation.
Elle émit un reniflement méprisant face à cette pensée. Leur conversation n'avait rien de simple, elle était sur le point de décider sa vie future. C'était le moment ou l'instant de penser à toutes les possibilités, les demandes raisonnables, sachant qu'il demanderait toujours quelque chose en retour. Comme tout bon business man.
Elle se massa les tempes. Elle n'était pas prête, pas du tout. Elle n'avait pas eu le temps d'y penser, avait mal dormi, et était toujours sous le choc de cette sonnerie... Elle frissonna. Quel genre de personne utilisait un son aussi désagréable pour signaler un coup de fil?
"Peut-être que ce son n'est désagréable que pour toi..."
Voix narquoise, le retour. Elle soupira, tenta de se ressaisir. Tant de questions volaient dans sa tête, des éventuelles conditions à ce contrat... Mais est-ce qu'elle en avait le droit? Pouvait-elle exiger quoi que ce soit? Elle n'avait aucun pouvoir, n'avait rien à apporter à la situation. Elle doutait fortement que Petit Connard et elle s'entendraient bien, elle avait la chair de poule rien qu'à l'idée de lui adresser la parole.
Pourtant, ce sentiment étrange qui la troublait n'était pas parti, et ne faisait que s'intensifier. Son coeur se resserrait, et l'incrédulité lui fit pincer les lèvres. Qu'est-ce qu'elle faisait maintenant? Elle ne tombait pas amoureuse de Sharp ou quelque chose ainsi?
Elle étouffa un ricanement à cette idée. N'importe quoi! Comme si elle pouvait tomber amoureuse de toute façon. Elle qui n'avait qu'une seule amie, et qui ne faisait confiance qu'à deux personnes...
Peut-être bientôt trois. Elle n'en était pas encore sûre, mais son intuition lui disait que l'homme de trente ans était sincère.
Elle fut rappelée à la réalité lorsque des mots en anglais s'échappèrent distordus de la porte en face d'elle. Elle en saisit vaguement qu'il était mécontent, et avertissait de ne plus le déranger pour la demi-heure qui suivait.
Avait-il l'intention de lui parler aussi longtemps? Un frisson la parcourut. Elle n'était pas si à l'aise, malgré ce qu'elle laissait paraître, et trente minutes à faire la conversation avec un homme de plus du double de son âge la poussait un peu trop hors de sa zone de confort.
Elle n'échangeait ses avis et idées que rarement, en fait. Ses piques repoussaient efficacement les gens, cela faisait un moment maintenant qu'elle n'avait pas été impliquée dans une conversation qui la gênait.
Elle le devait, avant. Par contre, elle en profitait pour charmer les gens, faire croire qu'elle était une gentille fille parfaite, venant d'une famille parfaite... Elle n'avait jamais eu à rester elle-même et à parler longtemps. Même avec Eta-cette dernière n'était pas si bavarde- ce n'était jamais arrivé.
Ce qui menait à la question suivante: qui était-elle? Elle n'avait jamais fait que mettre un masque sur son visage. Certes, tout le monde le faisait, mais... ils avaient des familles, des amis proches avec qui ils n'avaient pas à faire semblant.
Elle n'avait jamais eu qu'Eta, et Kami savait que si son amie était incroyable, ce n'était pas exactement ce qu'il lui fallait pour lui donner une idée de sa vraie personnalité.
Qu'importe, se ressaisit-elle. Ce n'était pas le moment de penser à ça. Elle inspira profondément, ignorant la pression d'avoir à marchander avec un génie du business. En expirant, elle évacua tous ces sentiments inutiles, et seule la professionnelle resta.
Elle avait un contrat à boucler.
...
Voilà voilà! Qu'en avez-vous pensé? J'espère que ça vous plaît toujours autant, n'hésitez pas à me dire dans les reviews ce que vous en pensez, avis négatif ou non. Je ne souhaite que m'améliorer en empruntant des personnages d'Inazuma, je n'y gagne rien d'autre que du plaisir!
Passez une bonne journée,
Littlemomo
