Chapitre 2 : l'Espoir d'un Avenir

Bien qu'il eut tenté de s'en empêcher, Izuku était de nouveau assis dans un cybercafé, connecté à son compte Mastermind moins de deux semaines après la mort de Mount Lady. La télévision logée dans un coin du café diffusait les informations ; tout le monde parlait encore du meurtre. Il était même question d'ériger un mémorial là où elle avait été assassinée. Chaque fois qu'il en entendait parler, il ressentait un étrange mélange de fierté et de nausée, comme à chaque fois qu'il envisageait de se reconnecter à son compte. Il savait qu'il aurait dû ne plus jamais y penser, mais les événements récents avaient prouvé que ce n'était pas son point fort. Une fois que son cerveau s'agrippait à un problème, il ne le lâchait plus jusqu'en avoir fini avec lui. Dans tous les sens du terme pour Mount Lady. Il cliqua sur la petite enveloppe sur la partie supérieure de son écran, la notification lui indiquait quatre nouveaux messages. Il ouvrit le plus ancien en premier, le seul message venant de l'auteur de la publication sur Mount Lady.

Nouveau Message:

De WhyHer0es301

Merci pour le plan, je n'aurai jamais réussi sans toi. En tout cas pas sans me faire prendre. Je sais que t'as tes raisons de m'avoir aidé, j'ai les miennes aussi, mais saches que si tu as besoin de quoi que ce soit, je serai là.

Bon, c'était sympa de sa part au moins, pensa Izuku. Il se renfonça dans son siège et inspira profondément. Personne ne l'avait jamais remercié avant, en dehors de sa propre mère. Kacchan ne l'avait certainement jamais fait. C'était très... agréable pour être honnête, même si cela venait d'un meurtrier. Izuku se sentit de nouveau nauséeux à cette idée. Avait-il à ce point besoin d'attention que le compliment d'un vilain suffise pour le rendre heureux ? Il était vraiment pathétique, comme Kacchan le lui disait souvent. Izuku secoua la tête pour cesser de s'apitoyer sur son sort. S'il commençait à se lancer dans ce type de réflexions, il en aurait pour des heures et il n'avait vraiment pas envie de rester connecté à son compte de vilain plus longtemps que nécessaire. (Il ignora ostensiblement la petite voix dans sa tête qui lui soufflait qu'avoir un compte de vilain n'était pas censé être nécessaire du tout.) Il remarqua alors un post-scriptum à la fin de la note de remerciement.

P.S. J'espère que ça ne te dérange pas mais j'ai parlé de ton compte à quelques amis. Pas de flics donc t'inquiète pas.

Izuku cliqua avec empressement sur sa boîte de réception en essayant de ne pas paniquer. Il actualisa la page deux fois en priant pour que ce qu'il avait lu disparaisse mais honnêtement, quand est-ce que quelqu'un s'était seulement soucié de ce qu'il désirait ? Trois nouveaux messages. De vilains. Ce n'était pas comme si Izuku pouvait se justifier en disant qu'il n'avait aucune certitude qu'il s'agissait de vilains, cette fois. Ils avaient obtenu son contact par la biais d'un meurtrier spécifiquement parce qu'il avait aidé à organiser un meurtre. Il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il s'agissait bien de vilains. C'était terrible ! Mais dans quoi s'était-il fourré ?

« Ça va, petit ? »

Izuku sursauta lorsque le jeune adulte qui tenait le comptoir posa un main sur son épaule. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait commencé à hyperventiler. Il hocha la tête, priant pour que le serveur s'en aille mais apparemment il n'était pas un très bon acteur car celui-ci le fixait toujours d'un air inquiet. Izuku prit quelques inspirations profondes, à la fois pour se calmer et pour convaincre le serveur qu'il allait bien. Lorsqu'il sentit qu'il avait évité sa crise de panique, il tourna les yeux vers le serveur.

« Je vous remercie de votre prévenance. Je pense que je vais rentrer chez moi. »

Le serveur hocha la tête et retourna vers le comptoir. Izuku se déconnecta sans lire les autres messages. Il hésita à supprimer son compte mais le serveur l'observait toujours de son air inquiet, Izuku ne voulait pas s'éterniser. Il soupira presque de soulagement en sortant du café. Si le serveur avait vu quelque chose de compromettant sur son écran il aurait contacté la police plutôt que de l'aider à surmonter sa crise de panique. Il tira sa capuche vers l'avant avec la désagréable impression d'être observé puis se dirigea vers chez lui. Quelqu'un pensait qu'il était utile. Cette pensée le fit presque s'arrêter en chemin mais il se débrouilla pour trébucher dans le vide à la place. Quelqu'un pensait qu'il était utile. Certes, ce quelqu'un était un vilain mais tout de même, quelqu'un pensait qu'il était utile ! Cela voulait dire qu'il n'était pas juste un Deku sans valeur.

Non Izuku, il secoua la tête. Aussi agréable que soit le compliment, il venait tout de même d'un vilain, d'un meurtrier, et le meurtre c'est mal. Izuku essaya de se répéter que c'était un univers dans lequel il ne voulait pas se plonger et qu'il n'avait aucune envie de s'associer à des meurtriers, même s'ils semblaient être les seuls à ne pas le voir comme un moins que rien. Le meurtre c'est mal ! Izuku n'avait pas envie d'être un vilain.

Il fallait juste qu'il continue à se le répéter.


Izuku garda la tête baissée pendant qu'il se dirigeait vers son bureau au fond de la classe, priant pour qu'il puisse miraculeusement devenir invisible. Kacchan avait été très silencieux ces derniers jours, ce qui voulait généralement dire qu'une explosion se préparait. Il était tellement concentré à éviter le regard de Kacchan qu'il ne remarqua le pied qui dépassait entre les bureaux qu'une fois au milieu de sa chute. Sa mâchoire tapa violemment contre l'un des bureaux et il évita de justesse de se mordre la langue alors que toute la classe explosait de rire.

« Midoriya » appela le professeur. Izuku se prit à espérer, le professeur allait-il vraiment intervenir et mettre fin au harcèlement dont il était victime ? Il avait forcément vu que quelqu'un l'avait fait trébucher, non ? « Si tu as fini de déranger la classe, j'aimerai commencer mon cours. »

Izuku, encore au sol, leva les yeux vers son professeur, choqué. Il avait parfaitement vu ce qu'il s'était passé et continuait tout de même à fermer les yeux ? Il pouvait déjà sentir du sang couler sur son cou suintant de l'endroit où il s'était cogné mais, au vu de la réaction de son professeur, il était évident qu'il n'aurait pas droit à un passage à l'infirmerie. Il se contenta donc de prendre un mouchoir dans son sac pour stopper le saignement tout en se dépêchant de rejoindre sa place pendant que le professeur prenait la parole.

« Sur ce, je sais que vous avez tous déjà décidé dans quel lycée vous voulez aller, et que presque tout le monde se dirige vers une carrière de héros. Cependant, considérant que c'est un secteur extrêmement compétitif nous sommes dans l'obligation de consacrer du temps à un atelier d'orientation professionnelle pour nous assurer que vous avez tous conscience des différentes options qui s'offrent à vous. Faites passer les fiches après en avoir pris une. Vous avez toute l'heure pour y réfléchir, levez juste la main si vous avez des questions. Gardez à l'esprit vos alters, vos compétences et vos talents pour vous décider. »

La plupart des élèves quittèrent de leur place dès qu'ils eurent récupéré leurs fiches pour s'installer avec leurs amis et le niveau sonore de la pièce augmenta petit à petit. Izuku porta son attention sur sa propre fiche et essaya de trouver des métiers n'ayant aucun lien avec les héros. Après tout, si All Might pensait que ce n'était pas possible...

« Oi, Deku ! »

Izuku se crispa au ton de Kacchan. Quoi encore ?

« Alors, » le sourire cruel de Kacchan indiquait déjà que ce qu'il allait dire ne serait pas joli mais il se doutait qu'il ne pourrait probablement rien dire de pire que les incitations au suicide qui semblaient être devenues la norme depuis l'attaque du Gluant, « Le prof nous a dis de choisir en fonction de nos alters, nos compétences et nos talents mais toi t'as rien, qu'est-ce que tu pourrais faire au juste ? Un Deku sans-alter comme toi, t'es tellement inutile, tu serais surement chanceux si tu devenais ramasseur de poubelles. » Les laquais qui l'entouraient explosèrent de rire et Kacchan observa Deku avec un sourire satisfait, comme s'il venait de faire la meilleure blague de tous les temps, puisque bien évidemment, pensa Izuku amèrement, tout ce que Kacchan fait est toujours parfait.

Izuku essaya d'ignorer les railleries en remplissant sa fiche, mais malheureusement les propos de Kacchan le tracassaient. Il sortit son téléphone pour faire une recherche sur les métiers accessibles aux personnes sans-alter. La page chargea lentement, courtoisie du réseau internet pourri du collège, mais les résultats n'en restèrent pas moins choquants, une fois chargés.

Le chômage des sans-alters, une épidémie ?

La discrimination contre les sans-alters, les faits, les mythes, et le plafond de verre

Le chômage des sans-alters : quelques statistiques

Izuku parcourut les articles, d'abord frénétiquement, puis ce fut comme s'il s'engourdissait au fur et à mesure que l'heure passait. De tous les sans-alters qui vivaient assez longtemps pour atteindre l'âge adulte, ce qui ne correspondait qu'à la moitié de leur population à cause du taux de suicides extrêmement élevé, presque 80 % d'entre eux étaient au chômage. Des 20 % qui avaient eu la chance de trouver un travail, la quasi-totalité d'entre eux ne gagnaient pas plus que le Smic et les quelques exceptions étaient des professionnels plus âgés qui avaient été embauchés et promus à l'époque où ne pas avoir d'alter était encore courant. Si quelqu'un lui avait demandé en début de journée ce qui était le plus grave entre une insulte lancée en classe et se faire battre par Kacchan après les cours, il aurait choisi la deuxième option sans hésiter. Dans les faits, il ne sentit presque pas les explosions et se souvenait à peine avoir bandé ses blessures après coup.

Le fait que le chômage des sans-alters soit le premier résultat d'une recherche sur les personnes sans-alters était particulièrement révélateur. Mais Izuku n'était pas concerné, n'est-ce pas ? Après tout, Izuku était intelligent, capable et déterminé (il essaya de ne pas penser aux trois messages non-lus qui attendaient dans sa messagerie), il n'aurait pas de problème pour trouver un travail s'il s'y mettait sérieusement. Il ne deviendrait pas une statistique de plus, à vivre dans la rue à cause de quelque chose qu'il avait eu la malchance de manquer à la naissance… pas vrai ?

Demander un paiement pour tuer des héros lui permettrait de payer ses factures au moins. Izuku essaya de se débarrasser de cette pensée intrusive en se lavant les mains avant de passer à table pour dîner, mais elle s'accrochait comme un vieux chewing-gum tenace. Après tout, sur internet, personne ne savait qu'il était sans-alter, et clairement ses compétences parlaient d'elles-mêmes. Oui, il devrait alors s'inquiéter de ne pas se faire découvrir par la police, mais il pourrait surmonter le mur invisible qui semblait garder les sans-alters à leur place, comme l'aurait dit Kacchan.

Non ! Pas bien Izuku ! Il tenta de se calmer en fixant son reflet dans le miroir de la salle de bain puis sortit rejoindre sa mère à table. Le meurtre c'est mal… pas vrai ?

Non ! Izuku ne deviendrait pas un statistique de plus ! Et il ne se laisserait pas devenir un vilain non plus (aussi tentante l'idée soit-elle). Mais que devrait-il faire au juste ?

« Tu es drôlement silencieux ce soir, trésor »

Izuku fut tiré de ses pensées en sursautant. Sa mère le regardait avec un air d'inquiétude et de pitié (il en avait tellement marre de la pitié), le suppliant presque de lui dire ce qui n'allait pas (il ne pouvait pas faire ça, elle ne comprendrait pas.) Mais que pouvait-il lui dire ?

Il sourit quand une idée lui vint.

« Je vais essayer de trouver un boulot », lâcha-t-il.

Les yeux de sa mère s'écarquillèrent légèrement puis son visage entier se détendit de soulagement. Elle s'était probablement imaginé qu'il s'agissait de bien pire (si elle savait).

« Je pense que c'est une excellente idée trésor ! Qu'est-ce qui t'y a fait penser ? » sourit-elle.

« On a parlé d'orientation professionnelle en classe aujourd'hui et je me suis dit qu'avoir un peu d'expérience m'aiderait à me décider », mentit Izuku sans problème et wow, c'était pas un peu inquiétant ça ?

« Tu pourras me demander si tu as besoin d'aide », lui dit sa mère, les larmes aux yeux, « Je suis si fière de toi Izuku ! »

Quelques larmes plus tard, Izuku termina enfin de dîner et retourna dans sa chambre pour commencer ses plans. C'était son opportunité. S'il arrivait à obtenir un travail malgré son statut de sans-alter, cela voudrait dire que les statistiques étaient erronées et qu'il y avait encore de l'espoir pour son avenir. S'il obtenait un travail, il n'aurait alors aucune raison de devenir un vilain, non ? Alors qu'Izuku postulait à des annonces en ligne, il prit un décision : s'il décrochait un travail, il supprimerait son compte Mastermind. Et si non… il aviserait à ce moment-là.


Note de Clouds : Et voilà. Notre pauvre Izuku n'a vraiment pas le droit à la moindre pause.

Note de traduction : J'avais prévu d'attendre plus longtemps avant de poster ce chapitre mais je découvre qu'il est très difficile de résister à la tentation quand je sais que le chapitre est déjà prêt, ahah