Voici le chapitre 1, le prologue n'étant évidemment pas suffisant pour se faire un avis sur une histoire.
Bonne lecture!
Chapitre 1
La dame dans la neige
Simuler, toujours simuler. Prendre tous comme un ennemi possible, rejeter la confiance même du plus innocent. Simuler pour être le monstre. Simuler jusqu'à croire à ses propres mensonges.
Elle ne simule plus maintenant.
- J'ai tué un homme.
Le plus vieux souvenir que Madara possédait était étrange. Tout était flou, comme si elle avait encore été trop jeune pour comprendre ce qu'il se passait autour d'elle. En se concentrant un peu plus, elle pouvait sentir le contact chaud et rassurant d'une main sur son crâne, distinguer des formes floues dont une devait être celle de sa mère, ou au moins de sa tante, mais les voix lui arrivaient de manière lointaine, comme si elle avait de l'eau dans les oreilles.
C'était l'un de ses frères qui parlait, de ce qu'elle comprenait. La petite voix du fond de son esprit lui souffla qu'elle avait raison, ce qui la détendait inconsciemment. Peut-être était-ce Ryuuku ... Non, la petite voix démentait, elle était sûre qu'il s' agissait de Kaname. Leur aîné, le plus doux de tous les garçons qu'elle ai pu rencontrer de toute sa vie, avait pour la première fois tué à l'âge de six ans.
- Regarde-moi, mon chéri.
La voix de sa mère, malgré le philtre opaque qui la recouvrait, était douce à ses oreilles. Tout le monde se tournait vers elle. Le bébé, les yeux grands ouverts, essayait de se rappeler cette femme magnifique qui se tenait à ses côtés. Ses cheveux étaient les plus noirs de tout leur clan, absorbant la lumière, apparaissant comme une tâche éternellement noire et s'accordaient avec ses beaux yeux sombres. Sa peau était pâle comme la neige. Son apparence était glaciale, tant et si bien que leurs ennemis l'avaient surnommée la «Dame-Cauchemar» ou le «Cauchemar-Uchiha». Une femme qui était mariée au chef de clan et mère de quatre enfants. Aucun des Senju ayant eu la malchance de croiser un jour son chemin ne pouvait se douter qu'elle était capable d'aborder la douce expression d'amour tendre d'une mère.
Kaname relevait la tête, ses orbes onyx fixant quelques secondes de plus le plancher. Des marques de larmes doivent être retracées sur ses joues craquantes de sel. Jamais son frère n'avait paru aussi indécis, il était le plus confiant et le plus paisible des enfants de leur clan. Madara savait mieux, tout comme tout membre du clan. Pleurer pour ton ennemi est une tare, une erreur, leur répétait leur chef. L'héritier n'avait pas d'intérêt à trouver le patriarche avant de s'être calmé.
- Etait-il innocent?
Les enfants assez âgés pour comprendre et leur sœur se souvenant fronçaient leurs sourcils collectivement. Le bébé les imitait, s'accrochant plus encore au kimono simple de la matriarche. Kaname restait silencieux un moment de plus avant de secouer la tête.
- C'était un ninja.
Elle hochait la tête, s'est posée sa main libre sur l'épaule de son plus vieux fils.
- Essayait-il de te tuer?
La réponse se fit moins attendre alors qu'il acquiesçait lentement. L'homme avait été grand, adulte, bien plus fort qu'un enfant normal. Il avait essayé de tuer l'un de ses amis, un garçon de son âge. Sans réfléchir, l'héritier avait dégainé son sabre et engagé son adversaire. Le balancement de la lame du Shinigami au dessus de sa tête l' avait terrifié à juste titre mais les nombreuses séances d'entraînement durant lesquelles il avait appris à réagir l'avaient poussé à riposter. Son arme s' était retrouvée logée dans le cœur de l'homme avant qu'il n'ait le temps de comprendre ce qu'il faisait.
Mais cela, Madara ne le savait pas ou ne l' avait jamais su. Les souvenirs des uns n'appartiennent pas aux autres, lui avait appris sa tante. Tout ce qu'ils pouvaient faire en conservant les journaux de leurs ancêtres étaient de s'imprégner d'une culture défunte.
- Tu t'en veux?
La voix de sa mère la poussait une nouvelle fois à prêter attention au souvenir. Kaname hésitait encore quelques instants, avant d'avouer faiblement. Sa victime, la première de toute une série, avait peut-être une famille qui l'attendait là-bas, une femme, un enfant ...
- Qu'est-ce que tu es, Kaname?
Il relevait la tête, ne comprenant sans doute plus le questionnement de sa mère. La belle femme lui offrait un sourire agréable.
- Tu es mon fils, le frère aîné de deux garçons et d'une petite fille. Ne l'oublie pas.
Sa main quittait son épaule pour retourner sur son genou, mais la chaleur persistait dans sa poitrine.
- Tu devras recommencer dans le futur. Maintenant, je vais te dire un secret, d'accord?
Il s'approchait alors prudemment, jusqu'à ce qu'il soit collé à son épaule, à une longueur de bras du bébé. Leur mère se penchait plus près de lui, mais sa voix résonnait de façon à ce que tous les autres enfants l'entendent.
- Tuer pour protéger les siens n'est pas une erreur.
Le premier souvenir de Madara était le premier meurtre de son frère aîné, alors héritier du clan Uchiha. Peut-être étaient-ce les larmes inhabituelles qui recouvraient le visage de Kaname qui l'avaient tant marquée. Pourtant, de toute cette scène, ce furent les paroles de sa mère qui restèrent gravées dans sa mémoire. Protège les tiens, voilà ton devoir.
Elle ne se rendit compte que des décennies plus tard qu'elle ne les avait jamais oubliées.
Peut-être que maman aurait aimé voir cela, pense-t-elle avec une joie malsaine. Peut-être aurait-elle aimé le faire elle-même.
Après tout, maman n'avait jamais aimé leur père.
Himeko passa un coup de brosse dans les cheveux de sa fille, chantonnant l'un de ses comptines tout en s'affairant. Madara fredonnait avec elle, butant à certains passages. Quand ceux-ci arrivaient, elle fronçait les sourcils et retroussait les lèvres, un rougeur apparaissant sur ses joues. Sa fille aimait beaucoup les chansons, avait-elle compris à force. A tel point qu'elle ne parvenait pas à l'endormir ainsi. Heureusement, actuellement, l'endormir n'était pas de mise. La coiffer, par contre ...
La petite fille secoua vivement la tête une fois la prise de sa mère retirée, les mèches redevenant désordonnées en quelques instants. La matriarche gloussa en reconnaissant les pointes rebiquant. Elle se pencha lentement, ignorant la gêne de son ventre par la force de l'habitude, pour regarder sa petite fille de son plus haut point de vue.
- Tu as les cheveux de ta mère, ma chérie!
Les joues de l'enfant rougirent profondément alors qu'elle riait aux éclats. Tout comme ses frères, elle avait le teint assez pâle. De nombreuses personnes à commencer par sa propre sœur Makoto s'en amusaient. Ses frères n'aidaient pas beaucoup, surtout Kaname qui la complimentait assez souvent pour que si elle gagnait un ryo à chaque fois, elle serait devenue riche.
Un soudain bruit interrompit son fil de pensée. Les deux se regardèrent avant de se lever. Madara était plus rapide: Himeko était de nouvelle enceinte. La petite fille courut dans le couloir avant de remarquer que Ryuuku et Haruka était déjà devant la chambre de leur frère. Elle les rejoignit assez rapidement pour assister à une scène étrange.
L'aîné était couché sur le sol, son futon grand ouvert, les marques de plis témoignant qu'il avait été rangé quelques instants auparavant. L'un des battants de la fenêtre pendait lamentablement, le deuxième ayant clairement évité l'impact demeurant clos. Mais ce qui accrochait le regard des trois enfants était ce qui se déroulait au milieu de cette scène de chaos, Kaname bataillant avec un faucon lui griffant le visage, le tout sur un lit de plumes tapissant le tatami.
Il les remarqua finalement après avoir réussi à attraper les serres aiguisées.
- A l'aide!
L'appel les ramena à la raison. Himeko, une main sur la bouche, était tiraillée entre rire aux éclats et s'interroger. Après avoir fait le tour de la pièce et analysé qu'ils ne risquaient rien, elle laissa apparaître son sourire amusé.
- On dirait qu'on a un invité surprise aujourd'hui!
Madara cessa de ramasser les plumes égarées pour se tourner vers elle avant de reporter son attention vers le faucon qui avait finalement arrêté de bouger pour se rendre compte de son environnement. Kaname parvint à se relever, tenant toujours les pattes de l'oiseau.
- Que s'est-il passé mon chéri? Demanda Himeko en se penchant pour prendre le faucon perdu.
Le garçon de sept ans fit la moue.
- J'ai juste ouvert ma fenêtre après avoir rangé mon futon et il est entré!
Le faucon poussa un cri en réponse, sautillant de son perchoir pour commencer à se promener dans la pièce. Himeko haussa un sourcil en le regardant faire.
- Il a l'habitude des humains en tout cas. On ferait mieux de s'en débarrasser pour éviter une mauvaise surprise.
Elle eu juste le temps de finir sa phrase que le faucon sursauta et tenta de s'envoler. Il atterrit lourdement, piaffant dans sa chute. Son aile droite était tordue de manière étrange.
- On dirait qu'il a une aile cassée, constata la seule adulte de la pièce.
Sa fille se tourna vers elle, tout comme ses deux autres frères, un bouquet de plumes dans les mains.
- C'est douloureux?
Immédiatement, Ryuuku grimaça en frottant l'un de ses bras, souvenir d'un entraînement un peu trop intense pour lui. Haruka avait un sourire narquois, lui rappelant qu'il n'avait encore jamais subi ce genre de blessure.
- Plutôt oui. C'est toujours mieux de ne pas se le casser.
Madara hocha la tête l'air grave alors que son jumeau riait définitivement, se notant intérieurement de ne jamais se casser quoique ce soit, pour se remettre immédiatement au travail. Elle tint sa promesse toute sa vie.
- Mais maman, fit remarquer Kaname, toujours assis sur son futon emplumé et défait, il a un message.
Effectivement, le faucon avait un rouleau accroché à l'une de ses pattes. Il y avait le cachet Matsumoto. Rien qui ne soit bien rassurant, de l'avis général. Himeko retint un soupir, disparaissant avec l'oiseau envahisseur. Les quatre enfants restèrent silencieux un long moment.
Madara releva finalement la tête de son occupation, constatant que leur mère n'était toujours pas revenue. Kaname se frottait les tempes, ramassant avec eux les débordements. Il avait encore quelques marques de griffures sur le visage. Ryuuku avait déjà écopé d'un paillasson de duvet dans les cheveux, gracieuseté d'Haruka. Celui-ci n'était pas en meilleur état.
Elle commença à rire, attirant l'attention des garçons.
- Que se passe-t-il, Madara?
Elle pointa le plus vieux du doigt, son rire se faisant toujours entender.
- La tête de Kana-nii!
L'héritier se tourna vers le miroir que leur mère avait placé dans sa chambre pour voir ce qui pouvait bien susciter l'hilarité de sa petite sœur et maintenant de ses petits frères. Quand il croisa son propre regard, il comprit. Ses cheveux déjà pointus et ingérables étaient complètement emmêlés et ne ressemblaient plus à rien. De nombreux plumes, plus ou moins grandes, s'étaient coïncidés dedans, donnant l'impression à qui n'avait pas été mis au courant qu'un oiseau avait construit son nid sur sa tête.
Il grogna, commencez à retirer les éléments en trop, avant de s'arrêter.
- Les plumes vont bien à Kana-nii!
Kaname resta interdit quelques instants en regardant sa petite sœur riant sur le sol, les plumes qu'elle avait ramassé tombées à ses côtés. Finalement, il se tourna une nouvelle fois vers son reflet, osant un sourire hésitant. Ce ne pouvait pas être si mal finalement.
Mais encore une chose ...
- Je peux savoir pourquoi vous riez tous les deux? Fit-il en se tournant vers les jumeaux.
Ryuuku et Haruka cessèrent de rire pour le dévisager.
- Bah, tu n'as pas repris Mara-chan, donc ...
Un sourire mielleux para le visage de leur aîné et ils surent qu'ils devaient courir.
- Oui, mais Mara-chan m'a dit que ça m'allait bien.
Oui, courir vite. Très vite.
L'instinct de survie circulant dans leurs veines, ils détalèrent rapidement, poursuivis par un garçon à peine plus grand et en mauvais état. Madara arrêta de glousser pour se lever à son tour.
- Hé, attendez-moi!
Kaname la surprit à l'extérieur en l'attrapant. Elle gloussa alors que l'aîné continuait sa course, la plus petite dans les bras.
La petite fille se souviendrait de ce jour comme l'un des plus beaux de son enfance.
L'adulte reverrait les plumes sur lesquelles ils avaient pleuré.
Peut-être que les plumes décoraient mieux les enfants innocents que les cadavres, pense-t-elle avec horreur. Peut-être est-ce mieux qu'il n'y ai rien à brûler cette fois.
Maman n' aurait pas été contente.
- Et c'est ainsi que le dragon retrouva son précieux trésor, termina Himeko d'une voix douce.
Sa fille la regardait avec des étoiles dans les yeux, la poussant à se demander de quelle manière elle pouvait l'endormir. Ses frères n'avaient pas été aussi difficiles quand ils avaient son âge. La mère réfléchit quelques instants, sachant que la petite pouvait être très patiente. Le bébé était déjà endormi heureusement. Ses frères se disputeraient encore un moment avant de tomber tels-mêmes. Mais elle? Elle, elle restait debout jusqu'à ce que la lune soit à son plus haut si elle ne faisait pas attention. Il était hors de question qu'elle la laisse veiller aussi longtemps.
La matriarche fredonna pensivement en passant une main sur le cuir chevelu de l'enfant de trois ans. Peut-être chanter ... Mauvaise idée, elle était sûre que cela la garderait au contraire réveillée bien plus longtemps que prévu. Il était après tout trop demandé que sa fille soit comme les autres. Finalement, elle sut. Cette histoire était toujours celle qui marchait le mieux.
- Veux-tu que je te raconte l'histoire de nos ancêtres?
La petite Madara pencha la tête comme elle aimait le faire quand elle ne comprenait pas quelque chose.
- Nos ancêtres?
Sa petite de trois ans était certes plutôt intelligente pour son âge, mais il ne fallait pas oublier que justement, elle n'avait que trois ans. Himeko sourit gentiment.
- Oui, nos ancêtres. Nos vieux, très vieux ancêtres.
Elle la regarda avec surprise.
- Ils sont aussi vieux que Nari-baa-sama?
L'ancienne aurait pas apprécié d'être comparée à des gens déjà mort depuis des siècles, mais venant de sa fille, cette remarquable était adorable. La femme gloussa.
- Non, ils sont bien plus vieux! Tellement vieux qu'ils ont déjà rejoint l'autre monde!
La plus petite fit un «o» avec la bouche. Ses yeux étaient ouverts comme ceux des hiboux. Sa mère se repositionner pour s'installer plus confortablement.
- Vois-tu, il y a très longtemps de cela, était née une femme Uchiha du nom d'Ayaka.
Madara s'accrochait déjà à ses mots avec avidité. L'esprit de sa mère se tourna vers cette femme dont on lui avait un jour contée l'histoire. Une femme fort impressionnante, se rappela-t-elle. Une femme que jamais personne ne parvint à surpasser.
De quoi faire cauchemarder les plus grands machistes du clan, si on lui demandait son avis.
- Ayaka-sama était ce qu'on appelle un génie. Elle était douée partout: au maniement des armes, à la furtivité, aux jutsu ... Personne ne l'égalait, pas même les Senju. Sauf un: Hiroto Senju.
Elle s'arrête là pour laisser le temps à l'enfant de digérer les nouvelles informations. Quand la petite fille hocha lentement la tête, encore incertaine, elle reprit son histoire.
- En plus d'être très forte, Ayaka-sama était également très appréciée. Son entourage était immense. Malheureusement, cela joua en sa défaveur. Touchée par un sort inconnu de tous sauf des Haruno, ses amis et ses frères disparurent les uns après les autres.
Maintenant, Madara la regardait avec horreur. Elle ne devait pas lui raconter la raison, la folie, le monstre qui se cachait derrière la légende, sous peine de ne plus pouvoir profiter de l'innocence de l'enfant. Car le monstre n'était pas pour elle, ni pour aucun des enfants de ce monde. L'Hiver qui suivait la pauvre Ayaka, monstrueux, immortel Hiver, ne laissait jamais de place au printemps. Voilà ce qu'elle avait appris.
- Elle a combattu pour son clan, devenant si puissant que personne ne pouvait l'arrêter. Les Uchiha gagnaient de nouvelles terres chaque jour, des clans venaient eux-mêmes profiter de notre puissance pour se mettre à l'abri. Elle ne refusait jamais de tendre la main. Pas même à son ennemi de toujours, Hiroto.
Elle fit à nouveau une pause, attendant une réaction de la part de sa fille. Elle ne se fit pas attendre.
- Elle était pour la paix? Comme Kana-nii?
Un souffle amusé lui échappa alors que Madara se rappelait des souhaits de son frère. Kaname avait toujours souhaité la paix. La guerre n'avait pas été faite pour un enfant aussi doux que lui. Elle hocha la tête.
- Oui, comme Kaname. Mais elle, elle devait encore faire vivre la haine d'Indra-sama. Elle était la première de nos héros, la plus puissante de tous, présente à la naissance de notre clan comme l'un des premiers enfants de notre fondateur. Pour la mémoire de son père et le souhait de sa mère, elle prit la colère de ses proches et la fit vivre dans son être.
Ayaka n'était rien sinon une reine du champ de bataille, l'une des premières Uchiha, tout comme Hiroto fut l'un des premiers Senju, encore considéré par son peuple comme invaincu. Ce qui, pour tout Uchiha, était ridicule.
- Un jour, les Hyuuga créèrent leur technique de taijutsu. Ayaka-sama le remarqua et décida de s'en inspirer. Elle créa par la même occasion un tout nouveau style, malheureusement perdu car personne n'a réussi à le recopier.
Cette fois, c'était elle qui avait des étoiles dans les yeux.
- Juste en se mouvant, elle pouvait dévier les jutsu élémentaires, les armes, les shinobi ! Une fois cette technique créée, même Hiroto ne parvint pas à la combattre! Elle était invaincue!
La joie n'était malheureusement que de courte durée.
- Mais Hiroto ne se laissa pas distancer. Il fallait tenir tête à Ayaka-sama, ne serait-ce que pour la gloire des Senju. La femme était forte, mais lui aussi. Très vite, il trouva un moyen de contrecarrer sa technique. Les combats arrivaient à un point de non-retour. Jusqu'à ce qu'un jour d'automne, après un combat qui dura trois jours et trois nuits, elle tomba sous les feuilles. Hiroto ne tarda pas à la suite et ainsi prit fin l'histoire d'Ayaka Uchiha, la Suicidaire.
Madara resta silencieuse un long moment.
- Pourquoi ce nom? Il est effrayant ...
Elle ne pouvait pas lui en vouloir de trouver ce surnom horrible. Ponctué d'un sombreur ne pouvant pas être racontée à un enfant si jeune, il était censé décrire la personne qu'avait été leur ancêtre si formidable.
Alors, le sourire crispé, elle reprit.
- Veux-tu que je te parle de quelqu'un d'autre? Chihiro Uchiha, la Sanglante, Kagami Matsumoto, le Pleureur, les frères et sœurs Uchiha, Naraku et Natsumi?
La petite fille curieuse de l'époque se fit berner par le ton sucré de sa mère et l'appel de nouvelles histoires, mettant de côté ses interrogations bien trop nombreuses et déplacées. Un jour, des années plus tard, après avoir appris ce que signifiait «Hiver» dans leur clan, elle comprit ce que sa mère avait caché de ses yeux imberbes de laideur.
Car ce nom, à l'instar de ceux des successeurs d'Ayaka, avait un sens bien trop sombre pour ne pas être mérité.
Tous ont eu un surnom après leur mort, se rappelle-t-elle en regardant les habitants la fuir. Tous ont eu un surnom les décrivant après leur mort.
Maman n' aurait sans doute pas aimé celui qu'elle avait obtenu.
Madara courait dans le couloir, poursuivant ses frères excités, sans pour autant prendre la peine de remarquer ce qui l'entourait. A cet âge, les adultes pardonnaient les enfants et les regardaient partir de s'amuser, un sourire aux lèvres, avant de vaquer à leurs activités. A cet âge, le monde paraissait encore si innocent aux yeux des petits que jamais ils ne pensaient que quelque chose de mal puisse leur arriver. A cet âge, ils étaient encore bien trop petits et idiots pour même imaginer l'ennemi cruel qui les attendait au détour d'un chemin.
L'ennemi cruel est sombre et effrayant, racontaient les adultes de leur clan. Il porte le nom de Senju, est décoré des symboles Senju, ressemble aux Senju. Il est le monstre que les anciens avaient un jour combattu et qu'ils devaient combattre l'âge venu. L'ennemi cruel tient dans ses mains une arme, kunai, shuriken, katana. L'ennemi cruel se cache de leur regard, prêt à leur sauter dessus quand ils ne regarderont pas.
Mais des fois, cet ennemi cruel n'avait pas besoin d'avoir une arme dans la main pour frapper. Il est vicieux, cet ennemi contre lequel les adultes ne pensent pas à mettre en garde les enfants. Il n'est pas visible, n'a pas besoin de se cacher pour leur sauter dessus. Peut-être n'est-il même pas sombre. Quand l'un des plus âgés pensera à en parler, un jour, par accident, il dira qu'il appartient au monde qu'ils ne peuvent voir, ce monde qui leur est inaccessible. Seuls les Matsumoto le pourraient, ajoutera-t-il, alors pourquoi s'en inquiéter?
L'ennemi cruel et vicieux peut rentrer dans le camp, rappellera un autre, se mêler dans la foule, l'hiver venu, et enrouler ses fils autour de plusieurs d'entre eux. Ils ne sont pas Haruno, débâtera un nouveau venu, donc ces fils, aussi présents soient-ils, ils ne les verront pas. Et comment couper ces fils? Ils n'appartiennent pas à leur monde.
Alors, les enfants, ne comprenant plus les adultes, s'éloigneront. Madara courait, poursuivant ses frères heureux, ignorant l'ennemi cruel et armé, l'ennemi cruel et vicieux, les adultes racontant des histoires. Peut-être aurait-elle du s'en inquiéter davantage. Peut-être se serait-elle retournée quand elle avait senti ce vent particulièrement froid la chatouiller suffisamment pour la faire éternuer. Mais l'enfant riait avec ses frères, ne pensant pas à se retourner, et ne remarqua ni les fils ni la femme.
La petite fille ne pouvait pas savoir qu'un monstre l' avait trouvée.
Elle est derrière elle parfois, devant ou à côté d'autres fois. Elle est belle, belle et gracieuse, le fard rouge parant ses lèvres détonant sur sa peau pâle.
Mais maman savait qu'elle était laide sans même la voir.
Il y avait une dame assise dans la neige. Madara regarde derrière elle, trouvant sa mère occupée à jouer avec Izuna. Haruka avait décidé de lâcher Ryuuku pour s'intéresser à ses origamis, son jumeau dormant de tout son saoul non loin de lui. Kaname révisait les parchemins remis par leur père. Ce-dernier était assis à l'autre bout de la table, lisant les rapports de mission et les différentes missives reçues. L'une d'entre elles était cachetée Haruno. Elle était posée sur la pile des priorités.
Personne ne sembla remarquer la dame étrange. Madara cligna des yeux une fois avant de retourner à la fenêtre. Elle était toujours là, assise en seiza dans la poudreuse. Elle était toute blanche. Du moins, elle ne pouvait pas distinguer autre chose que du blanc, à tel point qu'elle avait même du mal à la voir au travers du paysage immaculé de l'hiver. Elle fronça les sourcils en remarquant que son souffle faisait de la buée sur la vitre, et se reconcentra. Non elle n'imaginait pas. Il y avait vraiment une femme dans le jardin.
Elle se retourna une nouvelle fois, regardant sa famille vaquer à ses occupations. Ryuuku s'était réveillé. Encore somnolent, il s'approcha de celui qui lui ressemblait et commença à plier les papiers. Personne ne paraissait s'inquiéter. Pourtant, elle savait que Kaname était un capteur, il était donc censé avoir senti la présence bizarre, non? A moins qu'elle n'ait mal compris ce que son père avait rapidement expliqué ... Mais elle était sûre d'avoir bien compris.
Ou peut-être imaginait-elle vraiment ... Elle regarda à nouveau le jardin, se frottant les yeux, mais rien n'y fit. Il y avait toujours une femme dans la neige. Une femme toute blanche, vêtue de blanc, avec des cheveux blancs et un voile blanc sur la tête. Et sa peau était encore plus blanche que celle de sa mère. Et elle souriait. Maintenant, elle devait sûrement halluciner.
Elle répéta son manège une nouvelle fois jusqu'à ce que sa mère, qui avait relevé la tête entre temps, ne la regarde étrangement.
- Que se passe-t-il, ma chérie?
Ses frères relevèrent le nez de leurs papiers pour la regarder à leur tour et elle était totalement sûre que même son père écoutait. Madara jeta un dernier coup d'œil à la femme.
- Il y a une femme dans le jardin.
L'affirmation eu le mérite d'intéresser son père qui relève finalement la tête pour la fixer. Himeko resta interdite quelques instants avant de la rejoindre. Elle se pencha au dessus de sa fille, les sourcils froncés, le sharingan allumé.
Quelque chose n'allait pas.
- Mais il n'y a personne ma chérie ...
Personne dans le jardin. L'attention de Madara revint sur le jardin où la femme étrange était toujours assise. Elle était toujours là, son sourire paraissant même s'être étiré depuis qu'elles avaient discuté. D'étranges fils bleus voletaient autour d'elle.
- Mais elle est vraiment là, maman!
La femme était là, assise dans la neige, souriant comme s'il se passait quelque chose de drôle. Sa mère paraissait vraiment perdue, se concentrant davantage sur le petit parterre couvert de blanc, mais son expression resta douteuse. Les yeux de Tajima se plissèrent.
Kaname les rejoignit rapidement, naviguant astucieusement entre les deux pour pouvoir regarder à son tour. Le jardin était vide de vie, pas même un petit animal pour l'égayer. En allumant son sharingan, il put commencer à discerner les quelques bêtes qui se promenaient, mais rien qui n'était ce que sa petite sœur décrivait. Il n'y avait tout simplement rien.
Les jumeaux s'étaient lassés de leurs origamis et avaient accouru à leur tour à leurs côtés. La femme n'était pas là, de ce qu'ils disaient. Pas là, absente, inexistante. Madara ne comprenait pas. Elle était vraiment là, assise dans la neige, une étrange lumière irradiant de son corps alors que les fils se perdaient dans le paysage alentour.
Ce fut finalement Tajima qui mit fin à l'interrogation générale.
- Serait-ce l'Hiver?
Immédiatement Himeko se crispa, ses mains retournant serrer le plus jeune enfant de la fratrie, celui qui ne comprenait pas ce qu'il se passait, pourquoi tout le monde se questionnait. La matriarche envoya un regard en colère en direction de son mari qui se contenta de hausser les épaules. Les enfants étaient perdus.
- C'est une supposition comme une autre, argua le chef sans émotion, bien que l'étincelle du doute et de la peur commençait à briller dans ses orbes sombres. Après tout, nous savons tous les deux qu'il suit notre clan depuis ses fondations.
Sa femme resta silencieuse, le bébé silencieux dans ses bras, les mains tremblantes. Elle redressa les yeux en direction de la petite fille. L'horreur paralysait son visage.
Jamais le Cauchemar n'avait eu peur.
- A quoi ressemble cette femme, Madara?
La petite fille pencha la tête, essayant de trouver les mots pour décrire la jolie femme toute blanche.
- Elle est blanche ...
Cela seul suffit à terrifier encore plus sa mère. Son père cassa son pinceau. L'air de la pièce se solidifia.
- Es-tu ... Es-tu sûre qu'elle est blanche?
Elle hocha la tête lentement, regardant ses grands frères pour avoir des réponses. Eux non plus ne paraissaient pas en avoir.
Kaname posa une main rassurante sur son épaule même si son teint était plus pâle qu'avant.
- Et ... Elle essaya de continuer, elle porte un kimono blanc ...
Tajima ne la regardait plus.
La terreur d'Himeko se décupla.
- Et elle a un voile tout blanc sur la tête! Ajouta l'enfant sans se rendre compte de ce que vivaient ses parents.
Un faible gémissement jaillit des lèvres de la matriarche. Le bébé se mit à pleurer en comprenant que la situation était mauvaise.
Tajima baissa plus encore la tête.
Même ses frères, cette fois, ne semblaient pas vouloir la croire.
- Elle ... Elle a un voile blanc ... qui couvre ses yeux? Lui demanda une fois de plus sa mère.
Madara hésita réellement en hochant la tête.
Avait-elle dit quelque chose de mal?
Avait-elle vu quelque chose de mal?
A ce moment là, la petite fille ne savait pas que ce ne serait que la première fois qu'elle claquait ses mains entre elles en un geste de prière inutile.
La petite fille ne pouvait pas pas savoir, après tout, que la jolie femme toute blanche était un cauchemar bien plus terrifiant que tous ceux qu'elle avait connu.
Mais la petite fille ne savait pas et ne voulait pas savoir.
Maman avait vraiment eu peur, se rappelle l'adolescente tourmentée en se coupant les cheveux. Maman n'avait jamais peur.
Mais qui n'avait pas peur de la dame toute blanche?
Himeko plissa les yeux en regardant les hommes se démener à ses pieds. Cela faisait un moment qu'elle n'avait plus mis pied sur le champ de bataille. A ses côtés, son frère aîné, Daisuke, lui offrit un sourire narquois.
- Étrange, n'est-ce pas?
La matriarche renifla, activant ses sharingan. Elle ne voulait rien rater de l'action.
- Étrange parce que je n'ai plus été me battre depuis Kaname?
Michio, le mari de leur petite sœur, regarda son beau-frère de travers.
- Je pense que ce serait également le cas pour nos femmes, non?
Le sourire de Daisuke ne disparut pas. Leurs hommes, restés à leurs côtés, cachaient leurs sourires sous leurs cols hauts. Se battre après être resté des années dans le camp dérangerait plus d'un, ils pouvaient tous en convenir. Certaines des femmes étaient d'ailleurs plus susceptibles à ce sujet que les autres. L'infirmière en chef en était la principale preuve. Il était fou celui qui se décidait à la mettre en colère.
Himeko ignora l'amusement palpable pour continuer d'observer les combats. Les Hagoromo gagnaient du terrain face aux Senju. Elle ne les avait jamais aimés. Leur précédent chef était l'exemple même du Hagoromo typique: arrogant, hautain, imbu de lui-même et prêt à tout pour arriver à ses fins, également à planter un couteau dans le dos de ses alliés. Malheureusement, ils étaient actuellement ces dits alliés, ceux qui devraient se battre à leurs côtés en ce moment. S'ils ne le faisaient pas, ce clan risquait de redevenir un ennemi encombrant. Déjà qu'ils avaient beaucoup, en rajouter un nouveau risquait de leur poser plus que de simples problèmes.
Elle retint un soupir en avançant jusqu'au bord de la falaise.
- J'aimerai juste être avec mes chéris ...
Ses enfants adorables étaient tous restés derrière. Les jumeaux doivent être en train de se disputer - débattre comme ils disaient - comme d'habitude, Kaname avait été ajouté aux listes de garde et Kyoka avait rejoint une équipe à cause d'un changement de dernière minute. Makoto, sa très chère petite sœur, devait être occupée à l'infirmerie, son fils Hikaku sûrement à ses côtés. Ses deux petites filles avaient été laissées seules avec leur père. Rien qui ne puisse la rassurer. Et en plus, Izuna pouvait se mettre à parler et marcher à tout moment! Elle voulait être là quand cela arriverait!
Qui plus, la nouvelle situation de Madara l'inquiétait ...
Michio soupira mais un sourire était peint sur son visage. Il pouvait la comprendre, son fils unique était aussi jeune que Madara. Daisuke, lui, ne cacha pas le rire qui lui échappait.
- On va faire en sorte de finir rapidement dans ce cas!
Himeko ne dit rien mais paraissait tout de même plus heureuse. Son regard s'assombrit un instant avant que l'amusement ne brille dans ses yeux.
- Je sais comment faire!
Sur ces mots, elle sauta de la falaise, atterrissant dans un nuage de poussière. Les combattants les plus proches se retournèrent, les Hagoromo semblant plus heureux que les Senju. Ses hommes la suivirent rapidement et très vite une nouvelle vague de combats commençait.
Le sourire qu'arborait Himeko était carnassier.
- Alors Butsuma? Comment va Yukine depuis le temps? J'ai entendu dire que vous aviez eu deux enfants!
Le chef Senju ne paraissait pas réagir pour quiconque ne le connaissait pas. Himeko l' avait combattu trop de fois pour l'ignorer: ses yeux se plissèrent imperceptiblement et sa poigne sur sa lame se renforça.
- Himeko Uchiha! Aujourd'hui, tu vas mourir!
Le Cauchemar Uchiha gloussa, éveillant son envie de meurtre si longtemps éteinte.
- Voyons voir ça!
Maman aimait bien la matriarche Senju, se rappelle la jeune femme en apprenant la mort de la mère de son ancien ami. Maman disait qu'elle était gentille et innocente, une véritable bonne personne.
Elle pense qu'elle peut au moins être triste pour quelqu'un que maman appelait gentil.
Au même moment, une petite fille regardait son père avec attention. L'homme était comme à son habitude concentré sur ses parchemins. Rester calme à ses côtés était devenu une de ses habitudes incompréhensibles pour la plupart des personnes. Tante Makoto la regardait étrangement quand il était proche d'elle et qu'elle se recroquevillait dans une pièce. Oncle Daisuke secouait la tête lorsque la femme se tournait vers lui pour chercher une réponse. Ils ne savaient pas, ne pouvaient pas savoir, ce qu'elle avait vu dans le regard de son père le jour où elle avait trouvé une femme blanche dans le jardin.
Même elle n'y croyait pas vraiment.
La peur était avant tout irrationnelle, surtout à cet âge.
Alors Madara, plongée dans cette angoisse étrange et sans réel fondement, se tenait le plus loin possible de celui qui s'appelait père à ses yeux et taisait la brume sombre et terrifiante qui grandissait dans ses tripes.
La dame toute blanche ne lui avait pas parue si effrayante, elle ne pouvait pas comprendre pourquoi ses parents et ses frères avaient pâli ce jour d'hiver. Ne pouvant pas leur demander en face, elle se tourna vers la seule qui, tout comme elle, ne voyait pas le mal. Izuna. Sa petite sœur de tout juste un an, actuellement en train de jouer avec ses blocs de bois.
La toute petite fille gazouilla de joie quand elle parvint à faire tenir debout deux cubes. Malheureusement, dès qu'elle essaya d'ajouter une troisième, la pile s'écoula. Avant qu'elle n'ait le temps de pleurer, Madara repositionna les deux premiers cubes et lui tendit le troisième. L'enfant l'attrapa sans broncher et retenta son jeu. Il ne fallait pas qu'elle pleure. Pas à proximité de lui.
Mais elle avait sous-estimé la déception des enfants. Car, sitôt le bébé enchaîna avec un deuxième échec, sitôt elle éclata en sanglots. Ils étaient silencieux au début mais peu à peu, ils devinrent plus bruyants et elle lâcha toutes les larmes de son corps.
Il n' avait fallu qu'une seconde pour que tous ses efforts soient gâchés.
Il ne réagit pas immédiatement. Quand les pleurs se firent plus virulents, il releva la tête de ses papiers. Pas de grognement, juste un silence oppressant. Pitié, hurlait son esprit, pitié, juste un bruit.
Ses yeux noirs brillaient comme ceux des prédateurs.
Lentement, très lentement, trop lentement , il se releva. Le souffle de son corps était guttural, si grave, presque absent. Un gloussement résonna. Un fil s'attacha. Une interrogation flotta.
Il s'approcha d'elles, mains basses et tâchées d'encre, la courbe de ses lèvres penchant dangereusement en direction du menton. Son visage était vide, couvert de rides. Son front était strié de cicatrices, comme les chaînes des montagnes vues du ciel.
Elle priait pour être un oiseau actuellement, un oiseau qui s'envolerait dès que son regard se poserait sur lui.
Mais elle n'était pas un oiseau.
Une main se leva.
Le bébé pleurait dans un coin de la pièce.
Une main tomba.
Elle se jeta en avant, tout pour empêcher l'homme atteint sa cible. La gifle partit, elle trébucha sur la côté. Il ne lui épargna par un regard, relevant sa main - son arme . La chute recommença.
Elle se releva et courut s'interposer à nouveau. La peur la saisit, la poussait à reculer, lui hurlait de ne pas lui faire face, mais elle savait que si elle suivait ces conseils, c'était Izuna qui subirait.
Izuna était trop jeune pour mourir.
Le coup ne l'atteignit pas cette fois. Il la fixa, impassible, impatient, la main toujours dressée, prête à asséner sa fatalité. Il haussa un sourcil en remarquant les larmes dans le coin de ses yeux.
- Je peux savoir à quoi tu penses, gamine?
A tout, elle pensait à tout. A maman, ses frères, ses oncles et tantes, son cousin et sa cousine. A elle et Izuna loin de lui. Au clan dans lequel elles seraient plus en sécurité qu'à ses côtés.
Sa voix resta coincée dans sa gorge trop serrée par la peur.
- Si tu veux te battre un jour, apprends à supporter la douleur.
Mais elle ne sentait pas la douleur. L'adrénaline de la peur taisait sa souffrance.
Mais il ne pouvait pas le savoir.
Maintenant, il traînait la petite fille au travers des couloirs exigus. Elle trébuchait derrière lui, entendant encore les pleurs lointains de la plus jeune dans les profondeurs de la maison. Elle voulait se retourner, se dégager de la prise trop ferme, courir rejoindre le bébé et disparaître. Mais elle avait trois ans, un corps trop petit, un père trop fort. Il ne la remarquait pas, ses enjambées trop grandes pour qu'elle puisse les suivre sans tomber à chaque pas.
Il ralentit au détour d'un couloir. La prise se desserra légèrement. Dans un sursaut qu'elle attribua toute sa vie à son instinct et non au fil bleu flottant autour de son poignet, elle tenta de se dégager. Sa petite main rappa celle plus imposante de l'adulte, ses ongles courts laissèrent une marque blanche sur la peau pâle. L'homme ne sembla pas la remarquer bouger alors qu'il continuait sa route.
Il était fort.
Trop fort.
Trop, trop fort.
Elle était faible .
La petite pièce dans laquelle il l'emmena était vide de tout. Rien. Pas de meubles, de papiers, d'armes. Pas même de fenêtre.
- C'est la salle d'entraînement, expliqua-t-il sans se retourner.
Il la jeta en avant pour refermer la porte. Elle ne l'entendit pas claquer, ni les bruits de course qui commençaient à résonner dans le couloir. La petite pièce d'entraînement, regarda l'enfant à terre. La petite pièce d'entraînement, se rappelait l'adulte. Une toute petite voix s'insurgea dans son esprit, non, non, ce n'était pas une pièce d'entraînement, ce n'était rien qui ne soit de l'entraînement, mais le regard froid et indifférent de l'homme la laissa muette de peur.
L'homme était grand.
Trop grand.
Trop, trop grand.
Comme une montagne ...
Sa voix sonnait comme le glas.
- C'est un entraînement à la douleur, nécessaire pour un shinobi.
La petite pièce propre parut insalubre. Un rire résonnait dans son dos.
- Tu voulais paraître forte, non?
La petite pièce propre paraissait couverte de rouge.
Le gloussement devint cri.
- Tu vas devenir forte.
Un premier coup de pied rejoignit son ventre.
Un deuxième percuta son buste.
Elle amena ses mains en avant comme elle avait vu ses frères faire, et commença à supplier.
Pitié.
Pitié.
Pitié.
Le kunai n'avait pas de pitié.
La petite lame volatile transperça son bras droit dans un hurlement, le scarifiant en de longues et immondes cicatrices.
Elle ne remarqua pas les cris qui lui répondaient de l'autre côté de la porte.
Les bras quittèrent son buste.
Les larmes coulèrent quand la lame voleuse de sang atteignit son buste en une zébrure tordue et vicieuse.
Pitié.
Pitié.
Pitié.
Mais l'homme-montagne n'avait pas de pitié.
Elle tomba à terre sous l'assaut final de la petite arme.
La petite fille couchée se prit le visage du côté droit, celui qui brûlait, fondait, s'incendiait, s'éteignait et se rallumait, ignorant la douleur qui tiraillait son bras correspondant, son œil pleurant sa noirceur originelle et pétillante en une unique larme de sang.
Maman criait, se remémora l'adulte aigrie et traumatisée. Maman criait au visage de l'homme, de la montagne, du monstre. La tête lui tourna, reposant sur le sol rougi de ses larmes, sans qu'elle ne remarque les deux garçons qui lui tournaient autour pendant qu'une femme chaleureuse la prenait dans ses bras.
Le cauchemar s'éloignait, son dos grand, trop grand, immense comme une montagne, n'épargnant pas un regard pour son aîné portant la benjamine bien en sécurité dans ses bras.
Le bébé avait depuis longtemps arrêté de pleurer.
- S'il-te-plaît, ma chérie ...
Une main douce, dont il émanait un chakra réconfortant, passa sur sa joue endolorie. La voix si assurée ce matin-même tremblait.
- S'il-te-plaît, parle à maman ... Ne t'endors pas ...
Une larme chaude tomba sur son visage, mais sa vue était trop floue pour qu'elle puisse même discerner qui était la personne qui lui parlait.
La voix trop fragile ne ressemblait pas à sa fière mère.
- S'il-te-plaît, Madara ... S'il-te-plaît, reste avec nous ...
Mais la petite fille qui criait pitié était bien trop fatiguée pour garder les yeux ouverts.
Un cauchemar, un pur et simple cauchemar, confirma celle qui ne voulait plus savoir pourquoi son œil droit lui faisait constamment défaut.
Père est un cauchemar.
Tajima avait toujours voulu une famille heureuse et unie. Mais il avait toujours eu peur des Yokai. La dame de l'Hiver a maudit sa fille. Pour le bien des autres, il s'en débarrassera.
Dommage que ce soit si difficile.
Voir d'un œil était difficile. Kyoka, sa cousine, essayait de la faire rire en faisant grimace et blague, mais elle pouvait discerner dans ses orbes sombres l'étincelle de l'inquiétude. La brume sombre qui corrompait ses tripes la plongeait dans une peur viscérale. La matriarche marchait à ses côtés dans le camp, ignorant les regards étranges que leur envoyaient les shinobi et les civils qui composaient leur clan. L'enfant est devenu borgne par la faute de son père, entendait-on dans leur dos. Tajima est allé trop loin.
Mais personne n' aurait l'idée même de s'opposer au chef. Il avait tous les pouvoirs, tous les droits, et sa folie naissante ne les entravaient pas. Les anciens parlaient de le remplacer par le plus vieux des enfants, Kyoka, mais l'un d'entre eux rappelait à forte voix que non seulement elle n'avait pas l'âge, mais qu'il s' agissait d'une fille et d'une cousine maternelle. Elle n'avait aucun droit sur la succession. Un autre ancien lui rappelait qu'Ayaka fut jadis la cheffe du clan, ce faisant les femmes étaient en droit d'obtenir le titre, mais les plus vieux se bornaient, arguant qu'une femme aujourd 'hui était inutile et faible et que la seule raison pour laquelle Ayaka avait obtenu la suite de son père était que ses frères étaient trop occupés à créer leurs propres clans.
Mais Madara ne prêtait aucune attention à ces disputes puériles. Ses frères ne quittaient plus ses côtés, l'éloignant rapidement quand l'homme se rapprochait trop près d'elle. Makoto ne laissait plus son fils entrer dans sa maison et préférait faire asile pour les enfants. Michio s'était disputé avec son beau-frère.
L'enfant ne remarquait pas les tensions grimpantes, ni les chuchotements de plus en plus nombreux. Devrait-on prendre Himeko comme cheffe? Plus sûr, plus sécuritaire. Mes enfants ne mourront pas sur le front, ne seront pas traumatisés à vie.
Le conseil de clan parlait, choisissait. Le conseil des anciens se disputait, une femme est-elle vraiment capable de diriger? Certains disaient que oui, d'autres que non. Le chef restait neutre.
Et le temps passait. Les disputes se faisaient de plus en plus de nombreuses. Il fallait prendre une décision et vite, se débarrasser de Tajima, quitter ce camp suintant de sang, recommencer un peu plus loin pour ne pas perdre leurs positions ...
Mais tout s'arrêtait le jour où Himeko mourait.
Une lame dans le dos, se souvinrent les plus âgés. La matriarche a commis l'erreur de se retourner une seconde de trop et a été frappée à mort.
Une femme couchée dans un marre de sang, racontait la petite voix vicieuse des regrets de sa fille, et le regard fou de l'ennemi jubilant.
La Dame-Cauchemar est morte. Le clan Uchiha a déménagé trop tard. La tragédie commence.
Nul ne savait vraiment ce que la belle femme aux cheveux noirs qui se faisait appeler maman avait vu, ce jour-là, en surveillant ses filles.
Le sourire du monstre est déjà couvert de rouge.
Voici quelques âges pour ne pas être perdu (le premier correspond à leur première apparition dans le chapitre et le deuxième à l'âge qu'ils ont à la fin):
- Madara : 1 - 3
- Izuna : 1 - 1
- Kaname : 6 - 8
- Haruka/Ryuuku : 3 - 5
- Kyoka : 10
Je n'ai pas donné d'âge aux adultes. Hikaku n'est pas présent dans ce chapitre mais il a le même âge que Madara.
Au plaisir!
