Le voyage durait depuis seulement 2 jours. Ymir restait toute la journée dans une cabine des cales, là où une transformation serait impossible. Mais pour en rajouter à la sécurité du navire, Ymir est menottées à une chaise sans aucun objet coupant à proximité. Ses ongles ont été coupés à ras.
Une quelconque évasion serait impossible. Ymir peinait même à aller au toilettes. Mahr est beaucoup trop prudent. Ils la savaient inoffensive, mais ils ont quand même décidé de lui gâcher ses derniers jours de vie.
- Quels trous du cul, marmonna t-elle. Pas bien foutu d'avoir des toilettes pas coupantes.
Soudain, il y eu une secousse, puis un bruit de chaine. Le capitaine jetait sûrement l'ancre.
Beaucoup trop tôt. Quelque chose clochait. Son premier voyage avait duré deux semaines. C'était impossible qu'ils aient déjà atteint le continent.
A son arrivée dans le navire, l'apparence du bateau l'avait troublée. Il n'y avait aucune voile de secours, ni de gouvernail.
Un garde ouvrit la porte de sa chambre sans lit et la détacha de sa chaise. Elle s'étira et lui posa immédiatement des questions.
- Que se passe t-il ? On a un problème ? Pourquoi on s'arrête ?
Il la poussa à terre et lui donna un violente coup dans le ventre. Sans menottes, elle aurait pu rapidement le maîtriser, mais ses mains étaient immobilisées dans son dos. L'abruti ricana. Personne n'était aux alentours. Et puis même si quelqu'un arrivait, il ne stopperait pas le garde.
- Toi ma jolie t'es pas très intelligente. T'es même carrément conne. Normal pour une Eldienne j'imagine... Ta race de vermine doit avoir honte de toi.
Ymir grimaça sous ses coups, mais elle n'était blessée qu'en surface. Le garde devait sûrement ignorer la résistance des titans. Il croit lui faire du mal cet abruti. Elle se remit debout et lui reposa sa question d'une voix neutre.
- Réponds moi. Pourquoi on s'arrête ?
Il la bouscula, passa devant elle et lui saisit son oreille. Il la traina ainsi dans les couloirs hasardeux du bateaux, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'air libre.
Là, devant eux, s'étendait le port de Mahr. Un port bien plus grand que l'ancien. Des centaines de bateaux barbotaient dans l'eau, attendant le prochain voyage. La ville, qui avant ne dépassait pas la forêt, allait désormais jusqu'aux montagnes. Les commerçants scandaient la qualité de leurs produits, les enfants jouaient sur les pavés, les couples se pavanaient dans les boutiques, les militaires défilent dans leurs costumes. Tout ce beau monde semblait parfaitement orchestré, comme une machine bien huilée.
Ymir cligna des yeux, impuissante face à ce spectacle.
- On est déjà arrivé ?...
- Eh oui ma ptite. Tu vas pas tarder à te faire bouffer par un de tes petits camarades aussi odieux que toi.
Non... Les bateaux allaient trop vites... Les gens étaient trop nombreux... La ville était trop grande...
Soudain, une dangereuse vérité s'imposa à elle. Eldia ne pouvait rien face à Mahr. Le monde a trop changé depuis son départ. Ses amis vont tous mourir, écrasés par cette puissance mondiale. Et Historia... elle aussi elle périra. Elle comprendra que le monde est une pourriture qui ne souhaite que notre souffrance. Elle perdra son bonheur, ce bonheur si difficilement trouvé au sein du Bataillon.
Ymir désirait tout sauf ça. Historia doit rester heureuse, quelles qu'en soit les conséquences. Elle croyait que son départ mettrai la blonde en sécurité entre les murs, mais jamais elle n'aurait deviné que la technologie avait si vite avancée. Le Paradis a tellement à apprendre. Jamais ils ne pourront s'adapter aussi vite à cette nouvelle société.
- Bon gamine, c'est cool que t'admire le paysage mais t'as un démon à nourrir.
Le soldat lui agrippa le bras et la balança dans un camion blindé. Ymir se précipita à la fenêtre. Le monde avait tellement évolué. Les fusils tiraient plusieurs coups à la suite, les bombes pouvaient détruire des villes entières... Ils y avaient même des canons capables d'anéantir des titans par dizaine.
Son nouveau garde lui avait expliqué tout ça. Contrairement à l'autre, c'était un Eldien. Son père travaillait dans l'armement, il était donc tout excité d'apprendre toutes ces nouvelles technologies à une étrangère. Il lui a même expliqué que désormais, le ciel n'était plus inaccessible. L'aéronautique se développait un peu plus chaque jour, et bientôt des petites cabines ailées pourront voler comme des oiseaux.
Ymir reposa sa tête contre la vitre. Dommage, elle aurait aimé que le ciel reste un seuil inatteignable pour l'espèce humaine. Malheureusement il avait fallu que des petits malins mettent du feu dans une toile tendue. L'humanité entière était contre elle. Mais ce n'était pas grave, elle avait la mort et Historia de son côté. Des alliés de confiance.
Une fois le camion blindés arrivé à destination, Ymir s'était faite une promesse. Elle devait rejoindre Paradis et les informer de tous ça. Si elle n'y parvenait pas, le bonheur d'Historia sera mis en péril.
Et ça, c'était hors de question.
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- Salut, je vais faire court : moi c'est Peak. Actuellement, je suis le seul titan primordial à être ici, si on ne te compte pas. En fait je ne vois pas pourquoi je me présente alors que tu vas bientôt mourir... Mais je le fais quand même parce que je m'ennuie.
Peak parlait avec entrain du planning de la mort d'Ymir à Ymir. Quel enthousiasme.
La grande brune était enfermée et menottée (encore) dans une petite salle sombre. Peak se tenait en face d'elle, assise sur un banc et lui expliquer comment elle allait mourir.
- Donc, mon ami Porco va te manger. Ne t'inquiète pas, ça ne fait pas très mal. Une fois ta nuque brisée, tu ne sentiras plus rien.
- Comment tu sais ça ? l'interrompt Ymir. T'as testé peut-être ? Tu veux y aller à ma place ?
- Oh non, surtout pas mais... Je ne veux pas que tu te morfonde alors j'essaie de discuter. Je sais que la pression mentale est pire que la mort en elle-même, donc je veux t'épargner cette peine.
Ymir sourit. Cette fille était vraiment gentille. Elle se souciait réellement de son sort.
- Écoute la brunette, renchérit-elle. Je veux bien que tu te tape la discussion, mais évite de parler de ma mort prochaine. Je ne veux pas savoir quelle molaire de ton ami va me croquer en premier.
Peak se leva et s'approcha des barreaux.
- Très bien, on va faire comme si nous étions juste deux camarades qui font connaissance. T'as quel âge ?
- 75 ans, souffla Ymir. Et toi ?
- Donc tu as 15 ans ? Reiner a dit dans son rapport que tu étais restée 60 ans en titan primaire. Moi aussi j'ai 15 ans.
- Cet abruti blond a mentionné mon âge dans son rapport ? Je me sens flattée, je croyais n'être que de la pâture à titan à ses yeux.
Peak éclata d'un rire franc.
- Il a dit plein de truc inutile, rigola t-elle. Il a même mentionné s'être fait une petite amie. Je dois avouer que j'avais aussi l'intention de vérifier cette info en venant te voir...
Est-ce que Reiner parlait d'Historia ? Pfff il est vraiment stupide au point de ne pas faire de différence entre béguin et copine.
- Non, je peux t'assurer qu'Historia n'est pas la petite amie de Reiner. Elle ne l'aime pas.
- Je me doutais bien que Reiner aurait raconté des mensonges sur son rapport. Peut-être même qu'il a menti sur toute la ligne et que tout les Eldiens de l'île sont morts.
- Je pense que cette info est la seule véridique, rit Ymir.
Peak sourit et s'éloigna des barreaux.
- J'ai passé un agréable moment avec toi, mais ça doit prendre fin. Non parce que ton heure est arrivée, mais parce que quelqu'un d'autre désire te parler.
- Adieu Peak.
Étrangement, ça fit mal au cœur d'émir de dire adieu à cette inconnue. La vie pouvait parfois offrir des petits moments de bonheur, même dans le processus de la mort.
Un homme avec un brassard rouge vint s'installer sur le banc prévu pour les visiteurs. C'est étrange, Peak avait dit qu'elle était le seul titan présent à Mahr en ce moment.
- Bonjour Ymir. Je suis le père d'Annie.
Ça explique le brassard rouge.
- Bonjour Monsieur, lui répondît-elle. Vous voulez me blâmer de ne pas avoir ramené votre fille ? Me faire vos reproches juste avant ma mort ? Ce ne sont pas de très nobles intentions de votre part.
- Non, non, non, pas du tout. Je voudrais savoir où est Annie. Reiner ne connaît pas sa situation actuelle. Je tiens à elle plus qu'à moi-même. Dites moi où elle est, par pitié.
- Je pourrais faire ça. Mais je n'ai pas envie. Annie n'a jamais été très sympa avec moi, ni avec personne d'ailleurs. Je ne vous dois rien, à vous et votre fille.
- Je vous en supplie Mademoiselle...
Il mit ses mains en prière et s'agenouilla devant elle. Ses yeux s'inondaient de larmes au fur et à mesure qu'elle s'éternisait de répondre.
- Non. Je n'ai qu'une volonté avant de mourir, c'est de ne pas céder à quelqu'un qui ne m'a jamais aidé. Faites moi sortir d'ici et je vous le dirais.
- Quoi ! Mais c'est impossible, je...
- Dans ce cas je ne peux rien faire de plus. Au revoir Monsieur, laissez moi sombrer dans les profondeurs du système digestif d'un titan.
L'homme n'abandonnait pas. Il semblait déterminé à savoir la situation de sa fille. Mais irait-il jusqu'à sauver une parfaite inconnue pour savoir uniquement si Annie est vivante ?
Apparement, non.
- Je ne pourrais pas faire ça, mais je t'en prie, dis le moi. Je suis sûr que toi aussi tu tiens a quelqu'un plus qu'à toi. Imagine ne pas savoir si elle est en vie, ne pas savoir si elle souffre, si elle est malheureuse...
- C'EST CE QU'IL M'ARRIVE ESPÈCE D'IDIOT ! Moi aussi quelqu'un m'attend et s'inquiète pour moi autant que vous le faites pour Annie ! Vous vous croyez malheureux, vous l'êtes, mais pensez aux autres merde ! Moi aussi je veux la revoir et lui dire que je l'aime...
Ymir sentir des larmes couler sur ses yeux. Jamais elle n'avait dit à haute voix qu'elle aimait quelqu'un. Ça faisait bizarre d'avoir cette boule dans le ventre, ce mélange d'extasie et de bonheur quand on dit qu'on aime. Et si elle réessayait de le crier une nouvelle fois, pour faire vibrer sa corde sensible une deuxième fois ?
- HISTORIAAAA, JE T'AIME ! Je ne sais pas où tu es, si tu pense à moi, si tu te rappelle de moi... mais sache que JE T'AIME, OU QUE TU SOIS, QUI QUE TU SOIS, JE T'AIME JE T'AIME JE T'AIME !
Ymir criait tout en fixant la petite fenêtre de la prison. Historia l'avait entendu, elle en était persuadée. Ça lui faisait un bien fou de gueuler comme ça.
De plus, l'homme semblait dérouté. Et ému. Pourquoi pas le prendre par les sentiments, et ensuite le manipuler à sa guise ?
- Je t'aime mais je ne te l'ai jamais dit... Je pense que j'avais honte, pour la première fois de ma nouvelle vie, d'être ce que je suis. Je suis amoureuse de toi, folle amoureuse de toi. JE POURRAIS CREVER D'AMOUR POUR TOI, ET C'EST JUSTEMENT CE QUE JE FAIS EN CE MOMENT ! VIS HEUREUSE HISTORIA S'IL TE PLAÎT... Meurs vieille, ai des enfants casse-pieds qui te donneront du fil à retordre, vis fièrement avec le prénom que t'a donné ta mère. VIS POUR MOI, HISTORIA ! VIS LA VIE QUE JE N'AURAIS JAMAIS !
Ymir tentait de se rapprocher de la fenêtre, elle voulait voir le ciel une dernière fois. C'était sa dernière chance de croiser le regard d'Historia parmi les nuages blancs. Elle tirait sur les chaînes, alarmant toute la prison. Le bruit du métal ne couvrait pas ses cris, ils étaient bien trop forts. Elle criait à s'en scier les cordes vocales. Peu importe, elle mourrait dans quelques heures, dès que le prochain mâchoire sera arrivé. Le père d'Annie ne semblait pas décidé à l'aider.
- Historia... (sa voix se cassa et elle parvint à peine à chuchoter) Même morte je demanderai au ciel d'être beau en ton honneur. Les étoiles traceront ton sourire la nuit et le soleil brillera autant que tes yeux. Tu sais pourquoi ? Car je forcerai la nature à t'aimer autant que je t'aime.
La dernière larme coula sur sa joue. Ses poignets étaient brûlés par les menottes qu'elle avait trop tirées. Son cou était tordu d'avoir trop été tordu vers la fenêtre. Elle avait mal partout.
Autour d'elle, une dizaine de soldats lui pointaient leur arme dessus. Elle était un titan follement amoureux.
- Ymir, je suis sincèrement désolée que tu doive être mangée. Ton amoureuse doit regretter que tu ne sois plus là... je suis désolée pour elle aussi.
Peak se tenait prêt des barreaux. Elle avait du être alertée par les bruits de chaînes, comme tous les soldats. La pauvre semblait épuisée.
- Mains en l'air messieurs et mesdames, s'il vous plaît.
Ils y a eu des tirs, du sang, des cris, des morts. Mais Ymir n'a pas tiré, n'a pas saigné, n'a pas crié et n'est pas morte. Elle a été sauvée par la rébellion. Une bande d'étrangers et Eldiens pas très bien organisés, mais assez pour la faire échapper de prison.
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- Bonjour, je suis Yelena. Désolée pour le retard, on a eu des embouteillages.
- Vous êtes mes sauveurs si je comprends bien ?
- Moi j'ai pas fait grand chose, je dois juste t'accompagner pendant le voyage en bateau. Mais oui, la rebellion t'a sauvée.
Yelena, le crâne rasé et l'uniforme mal repassé, était la colocataires de chambre de bateau d'Ymir. Elle faisait partie des gens qui ont volés à son secours dans la prison. Ils avaient profité de sa bruyante déclaration pour s'introduire derrière les gardes et les tuer tous d'un coup. Ils l'avaient ensuite endormie et embarquée dans un bateau avec comme direction Paradis.
- Que ce serait-il passé si j'avais pas crié ? Comment vous aurez pu les tuer tous en même temps ?
- On savait que t'allais crier. Les gens qui vont mourir craquent toujours au bout d'un moment. Mais si tu criais pas on pouvait rien faire. Donc merci d'avoir choisi ce moment pour déclarer ton amour.
Même sans être là, Historia lui a sauvé la vie. Cette fille est vraiment incroyable.
- Et si j'ai bien compris, vous me renvoyez sur l'île ?
- Oui, expliqua Yelena. Tu vas leur raconter le secret des titans. Tu leur diras ce que tu as vu quand tu as mangé l'ancien Mâchoire.
- Ils ne me croiront pas sur parole. Premièrement, je suis un titan. Deuxièmement, je les ai trahis. Troisièmement, ça va leur sembler tellement fou que je finirai au bûcher.
- Ça vaut quand même la peine, tu ne crois pas ? Tu seras considérée comme une heroine par ta petite copine...
- Ta gueule. Je vais y réfléchir.
- Si tu n'accepte pas tu rentre à Mahr et tu te fais bouffer. Mais si tu y tiens, tu peux choisir entre ces deux options.
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Le bateau est arrivé à destination. Bientôt, des centaines d'Eldiens se retrouveront transformés en titans, condamnés à errer dans l'île jusqu'à leur mort.
Les corps tombaient déjà dans le sable, les transformations n'allaient pas tarder. Des éclairs jaunes déchiraient le ciel et laissaient place à des humains difformes et plus grands que la moyenne.
Profitant de ces instants de confusion, Ymir le titan mâchoire galopait déjà dans le désert vers sa dulcinée.
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