TITRE: The junkie detective of Scotland Yard

SITUATION: pré-saison 1

PAIRING: Aucun mais libre à vous d'imaginer

DISCLAIMER: Drogue

RESUME: A la suite d'une nouvelle affaire résolue, Lestrade raconte à John comment il a rencontré Sherlock.


Cet OS est le tout premier que j'ai écrit pour cette série, il y'a un peu plus de 6 mois quand a explosé dans ma tête tout un tas d'idées sur Sherlock. Ça n'est pas spécialement celui que je préfère mais il est important puisqu'il est à l'origine de cette fic, car en plus d'être le premier rédigé, il est aussi le premier à avoir vu le jour dans mon esprit.

L'idée résulte du fait que, malgré toutes les fois où il apparaît dans la série, Greg est un personnage dont on sait relativement peu, en particulier sur le pourquoi du comment il a un jour décidé de travailler avec Sherlock – hormis le fait qu'il est doué et d'une grand aide à la police londonienne –; je doute qu'il soit du genre à faire appel à un inconnu pour des affaires censées rester secrètes et internes à Scotland Yard, du coup la question restait entière et tournait dans ma tête.

Faute d'avoir une réponse claire de la part des créateurs, voici donc ma version de cette rencontre.


Je rappelle que la consommation de drogues est illégale et dangereuse pour la santé!


Greg heurta avec bonne humeur la chope de bière de John avant d'avaler une grande goulée du breuvage qui lui réchauffa les entrailles. Avec l'aide de Sherlock, ils avaient résolu une nouvelle affaire et malgré les insistances du D.I. et de son colocataire, le détective avait une nouvelle fois refuser de venir fêter leur réussite au bar. Ce qui s'était soldé par la simple présence du blogueur et du policier. Dehors, la neige avait recouvert les trottoirs et les routes et continuait de tomber. Greg se demandait comme Sherlock et John parvenaient à rester des heures dans leur planque pour coincer les criminels par ce temps plus que défavorable.

Les deux hommes restèrent un moment silencieux, avant que John ne fasse remarquer en reposant sa chope:

«Tu ne m'as jamais raconté comment tu avais connu Sherlock.

Le DI but une autre gorgée de bière avant de répondre à son ami.

- Comme je te l'ai dit, c'était cinq ans avant que tu ne le rencontres. J'avais vingt-huit ans, Sherlock en avait tout juste vingt-et-un. Je dois dire que c'est un souvenir aussi mémorable que désagréable.

John resta silencieux, attendant la suite du récit sans pour autant pousser son ami à se confier. Greg songea qu'il devait être un atout non négligeable pour Sherlock quand il s'agissait de mettre leurs clients en confiance. Après avoir avalé une autre lampée de bière, le policier se mit à narrer les prémices de son amitié – en tout cas il voulait le croire – avec Sherlock Holmes.

C'était donc à l'âge de vingt-huit ans, fraîchement promu à la brigade criminelle de Scotland Yard en tant que constable qu'il avait rencontré le jeune homme. C'était un soir d'hiver comme celui-ci, la neige en moins, ce qui n'empêchait pas une bise mordante de glacer ses joues. Greg se retrouvait, pour la première fois de sa carrière, confronté à une affaire épineuse dont il ne voyait pas la moindre parcelle de solution. Une sombre histoire de meurtres perpétrés dans plusieurs familles qui n'avaient en apparence aucun lien, si ce n'est leur extrême fortune. Elles avaient toutes le même schéma assez particulier. Le meurtrier s'introduisait dans les maisons, par quel moyen, seul Dieu le savait, et égorgeait ses victimes avant de leur lacérer l'abdomen. Le mobile n'était assurément pas l'argent car rien n'était jamais volé. Cela faisait des semaines que la police butait sur le problème et chaque jour, Greg redoutait qu'une nouvelle série de meurtres ne voie le jour, ailleurs dans Londres.

C'était donc d'humeur morose qu'il avait quitté le poste de police ce jour-là, se questionnant quelque peu sur sa vocation et ce qu'elle lui avait coûté. En dehors de ses collègues, la plupart bien plus vieux que lui, il n'avait pas de véritables amis et à vingt-huit ans, il n'avait jamais vraiment cherché à entretenir une relation sérieuse, trop concentré qu'il était sur ses études. Il avait assurément été le meilleur de sa promo et en était fier, mais ce soir-là, il ne pouvait s'empêcher de se poser des questions existentielles quant à ses choix de vie. Il savait que s'inquiéter à la première difficulté était une réaction humaine tout à fait courante et pourtant l'idée qu'il s'était peut-être trompé de voie ne cessait de tourner en rond dans sa tête.

Le jeune policier tourna à l'angle d'une ruelle peu fréquentée et réputée mal famée – il ne comptait plus le nombre de racailles, d'éméchés ou même de junkies qu'il avait croisés, parfois en service lorsqu'il n'était pas dans la criminelle, parfois alors qu'il rentrait dans son minuscule appartement sur North Gower Street [1]. Le reste du temps la rue était tout simplement déserte et ce soir-là, Greg s'attendait à la trouver comme telle, à cause du froid qui l'obligeait à remonter le col de son manteau et ses épaules et de baisser la tête pour s'en protéger. Il espérait que la neige attendrait son retour dans la quiétude de son appart' pour se décider à tomber.

Mais à sa grande surprise, la rue n'était pas déserte. Etalé de tout son long sur le bitume – qui devait être aussi dur que froid en ce début de soirée – immobile et pâle comme la mort, un jeune homme bloquait le passage. Portant machinalement sa main à son arme, on n'était jamais trop prudent, Greg s'approcha à pas lents de l'individu. Ce dernier ne bougeait pas d'un poil et n'eut été sa poitrine qui se soulevait à un rythme très irrégulier, Greg l'aurait cru mort. Il ne donnait pas au garçon plus de dix-huit ans. Son visage anguleux, ses pommettes saillantes et ses boucles brunes lui donnaient des allures de gamin. Greg s'agenouilla près du jeune homme et prit rapidement son pouls. Le cœur battait trop peu sous la peau pâle et Greg craignait qu'un arrêt cardiaque n'emporte l'adolescent. Les yeux du policier remontèrent le long des bras dénudés du jeune homme inconscient et il déglutit lorsqu'il vit les myriades de traces de piqûres et les bleus aux creux de ses coudes. Il n'était pas difficile de deviner, lorsqu'il savait qu'un vieux bâtiment désaffecté non loin d'ici accueillait les drogués qui se shootaient à n'en plus savoir leur propre nom, ce qui avait causé l'état du jeune inconnu.

Dans un éclair de lucidité, Greg se décida à sortir son téléphone portable, un gadget assez récent et plutôt utile pour composer le numéro des secours. Tout en écoutant les sonneries, il retira son manteau, le froid l'agressant encore pour en couvrir le corps sans connaissance de l'adolescent. Il fut soulagé d'entendre une voix lui répondre au bout du fil et expliqua calmement la situation dans laquelle il se trouvait après s'être présenté. Son interlocutrice lui indiqua quelques gestes à réaliser pour maintenir le jeune homme en vie, lui dit qu'il pouvait raccrocher et que les secours seraient là d'ici peu.

Il resta près du jeune junkie – avec toutes ces marques, c'était fort probable qu'il ne soit pas à sa première prise de stupéfiants – vérifia régulièrement son pouls et sa respiration, ses pensées négatives oubliées depuis bien longtemps, observant le jeune homme en se demandant quels parents pouvaient bien laisser une telle chose arriver. Il eut la vague pensée que le garçon devait sans doute être un de ces gamins abandonnés à son sort dans la capitale, livrés à eux-mêmes.

Il n'eut guère le loisir de s'interroger plus sur l'identité de l'adolescent car les secours arrivèrent, leurs gyrophares allumés et les sirènes hurlant dans les rues de Londres. Il se décala, se présenta une nouvelle fois alors que les ambulanciers emportaient le corps sans connaissance du gamin. Greg remarqua que quelque chose était tombé de la poche du jean du garçon et le ramassa. Un téléphone portable. Sa théorie de l'abandon était donc complètement infirmée. Ce genre de gadgets valaient une fortune et seuls des parents aisés et aimants offriraient un tel objet à leur fils.

- Monsieur? Vous voulez monter ? demanda un ambulancier d'un ton doux.

Greg le contempla un instant, un peu sonné avant de comprendre que oui, on s'adressait bien à lui et que oui, on lui demandait s'il voulait monter dans l'ambulance pour accompagner le jeune homme.

- Je ne suis pas de la famille, répondit-il. Je ne le connais pas…

- Pour l'instant, il ne semble avoir que vous. Mais vous avez fait votre possible. Si vous ne souhaitez pas…

- Non ! Non, l'interrompit Greg. Je… je vais monter.

Il rangea le téléphone de l'adolescent dans la poche de son manteau qu'il venait de récupérer et suivit l'ambulancier avant de monter dans le véhicule qui repartit sur les chapeaux de roues tandis que les infirmiers et autres médecins s'affairaient à placer le jeune homme dont ils ignoraient encore l'identité sous assistance respiratoire et posaient un électrocardiogramme. Greg, tapi au fond de l'ambulance, les regardait faire, partagé entre une grande pitié pour ce jeune homme et un sentiment que la soirée lui échappait totalement. Personne ne lui parla lors du trajet et lorsqu'ils arrivèrent à l'hôpital, quelque chose comme cinq minutes plus tard, le pauvre Greg se retrouva abandonné dans une salle, tandis que l'on procédait à des examens, à patienter pour les résultats d'un parfait inconnu. Le jeune homme se mit à taper frénétiquement du pied sur le sol carrelé. La patience n'était pas son fort. Et puis que faisait-il ici, c'était ridicule ! Il ne connaissait pas ce garçon, ni d'Eve, ni d'Adam, alors que faisait-il ici ? Sa sollicitude le perdrait un jour.

Pris d'une soudaine inspiration, Greg sortit le portable de l'inconnu de sa poche. Peut-être trouverait-il au moins le nom de l'adolescent dans l'appareil. Il alluma l'écran et commença à fouiller un peu la mémoire du téléphone portable. Il atterrit finalement dans la liste de contacts, qui n'en contenait qu'un, intitulé «Mycroft». Le policier haussa un sourcil et se dit que, qui que soit cet énergumène au nom étrange, il devait être la personne la plus proche du jeune homme pour être le seul à figurer dans le répertoire de ce dernier. Il hésita un instant puis finalement, se décida à appeler, songeant qu'il préférerait être prévenu s'il se trouvait dans la situation de ce Mycroft. Il y'eut à peine deux sonneries avant que son interlocuteur ne décroche.

- Que me vaut l'honneur d'un appel, cher frère?

· Euh… Je ne suis pas… votre frère, fut la seule chose que Greg put dire après avoir entendu la voix froide de Mycroft.

- Et qui êtes-vous dans ce cas ? répliqua l'autre.

Greg eut l'impression de s'être pris un vent glacial en pleine face.

- Je m'appelle Gregory Lestrade et…

Comment lui annoncer la chose ? C'était plutôt délicat.

- J'ai trouvé votre frère dans la rue il y'a une petite demi-heure. Il était inconscient. Il…

Le jeune homme prit une grande inspiration avant d'achever, allant au plus simple.

- Il a fait une overdose.

Le silence qui suivit ses paroles glaça un peu plus le sang de Greg que la voix dénuée de chaleur qui avait retenti à travers le combiné.

- Sherlock a quoi ?! dit finalement l'autre d'une voix blanche.

Greg aurait bien cru que s'il s'était trouvé en face de son interlocuteur, il aurait reçu une gifle monumentale comme s'il était personnellement responsable de l'overdose du jeune homme.

- Il a fait une overdose, répéta Greg d'une voix calme qui le surprit lui-même. Je l'ai accompagné à l'hôpital mais je pense qu'il vaut mieux que quelqu'un qui le connaisse le prenne en charge et comme vous êtes le seul contact de son répertoire…

- Quel hôpital ? le coupa le dénommé Mycroft d'une voix n'admettant aucune réplique.

- St Barts. Je…

Mais l'autre avait déjà raccroché et Greg dut ravaler la question qu'il s'apprêtait à poser. Tant pis. Les médecins découvriraient l'identité complète de leur patient à l'arrivée de son frère. Encore plus nerveux que lorsqu'il s'était assis sur l'un des sièges inconfortables de la salle d'attente, Greg patienta. Un long moment. Quand finalement, les double-portes qui le séparaient des lits d'hôpital où l'adolescent était vraisemblablement allongé à l'heure qu'il était, il se tourna vivement.

- Hum… Gregory Lestrade? interrogea un infirmier.

Greg se leva d'un bond et rejoignit celui qui l'avait appelé au moment-même où il entendit une voix glaciale déclamer :

- Mycroft Holmes, frère aîné du patient.

Greg se retourna pour contempler l'homme à qui il avait parlé plusieurs minutes plus tôt. Et il ne put que penser que le physique de ce dernier s'accordait parfaitement avec sa voix doucereuse et glaciale. Il était grand, les cheveux d'un brun tirant sur le roux, un regard de glace, tiré à quatre épingles. Un parapluie agrémentait son costume noir cintré et son expression n'avait pas le moins du monde l'air inquiet. Tout au plus était-il agacé.

-Oh… euh… eh bien suivez-moi, déclara l'infirmier.

Sans même réfléchir à ce qu'il faisait, Greg emboita le pas à Mycroft Holmes. L'infirmier les entraîna dans un dédale de couloirs qui sentaient le désinfectant avant de finalement leur ouvrir une porte. Derrière celle-ci, l'adolescent gisait, perfusé, muni d'un électrocardiogramme et d'une assistance respiratoire. Il semblait si fragile au fond de ce lit d'hôpital dont la fiche informative était vierge de nom.

- Votre frère a fait une overdose à la cocaïne. Au vu des marques au creux de ses coudes, ce n'était pas la première fois qu'il se droguait. La dose ingérée indique plus une overdose volontaire. Il est dans le coma pour l'instant, mais le docteur dit qu'il n'est plus en danger immédiat. Puis-je vous demander son nom ?

L'infirmier avait parlé d'une traite comme si la présence imposante de Mycroft l'intimidait trop pour qu'il se risque à prendre une seule pause.

- William Sherlock Scott Holmes, répondit Mycroft, les yeux rivés sur son cadet. Il a vingt-et-un ans.

Un instant, Greg crut voir quelque chose comme du regret et de l'inquiétude passer dans le regard de glace. Puis finalement, l'infirmier les quitta et après un moment de silence tendu et gêné, Mycroft déclara, sans le regarder:

- Je suppose que je dois vous remercier.

- Oh, euh… sans doute.

Il ne le fit pas. Ils restèrent longtemps silencieux, leurs yeux obstinément rivés sur le corps immobile dans le lit d'hôpital. Greg se sentait de trop dans la petite pièce, comme un étranger – qu'il était bel et bien – et se demandait pourquoi il était toujours là. Le jeune homme était sauvé, sa famille était arrivée et lui avait fait tout son possible. Il aurait dû partir. Il s'apprêta à prendre congé quand la voix de Mycroft l'interrompit dans sa tentative de salutations:

- Vous l'avez trouvé dans la rue?

- Oui… Il devait revenir d'un squat pas très loin de là où je l'ai trouvé. Il y'a beaucoup de… junkies qui y viennent.

L'autre haussa un sourcil.

- Ce n'est pas votre travail de les arrêter?

Greg eut un moment d'absence, bien trop abasourdi pour répondre à la question. Il ne savait pas si c'était la question assez spécifique ou le ton presque accusateur qui l'empêchait de parler. Il ne se rendit compte qu'il retenait sa respiration que lorsque Mycroft eut un mouvement impatient, attendant une réponse.

- Je… je suis dans la criminelle. Les drogués, c'est pas notre division.

Son interlocuteur sembla s'adoucir et finit par se détourner de lui. Greg, pourtant, avait de nombreuses questions qui se bousculaient à ses lèvres mais n'était pas certain de vouloir les poser. Cet homme l'intimidait. Il ne devait pas être beaucoup plus vieux que lui, s'il n'avait pas justement son âge, mais une telle aura dominatrice et imposante se dégageait de sa personne que le jeune policier avait l'impression d'étouffer. En comparaison, son cadet semblait frêle et fragile, plus jeune qu'il ne l'était réellement, à l'exact opposé de son aîné.

- Vous n'auriez pas un programme de désintoxication à me conseiller ? reprit Mycroft après un autre instant de silence.

- Bordel, mais comment est-ce que vous faites ?

L'autre lui adressa un regard surpris, du moins, Greg le supposait. Ce visage ne trahissait aucune émotion et si ce n'était les tressaillements des sourcils ou des muscles sous ses joues et les réguliers clignements de paupières, il aurait presque pu croire qu'il parlait à un automate.

- Comment est-ce que je fais quoi ?

- Ça, fit Greg avec un geste de la main. Comment est-ce que vous savez que je bosse dans la police ? On ne se connait pas, je me souviendrais de vous sinon, alors comment est-ce que vous savez ?

Ils échangèrent un long regard. Greg se força à ne pas détourner le sien, soutenant les yeux de glace pendant quelques secondes qui lui parurent des heures.

- Alors ? fut la seule réponse qu'il obtint.

- Je peux me renseigner au poste lundi, répondit le constable.

- Très bien. Revenez m'informer jeudi à 14 heures, ici même.

Le ton n'admettait aucune réplique, aucun refus. Un instant, Greg fut tenté de décliner face à tant d'arrogance, mais la froideur dans le regard de son interlocuteur l'en dissuada. Il ne fit qu'acquiescer et, comprenant par lui-même qu'il était temps de s'en aller, recula vers la porte et quitta la chambre après un léger signe de tête.

Ce soir-là, avant de se coucher, Greg fit quelques recherches Internet, essayant d'en apprendre plus sur Mycroft Holmes et son jeune frère. Il ne trouva rien sur eux, à part quelques résumés – dont il ne comprit strictement rien – des travaux mathématiques de génie de leur mère. Mais rien sur Mycroft, rien qui n'expliquerait le fait qu'il sache qu'il était flic.


Les jours qui suivirent, Greg eut beaucoup de mal à se concentrer sur son affaire en cours et elle continua de lui rester insoluble. Plus l'échéance de son rendez-vous avec Holmes approchait, plus sa concentration déclinait, si bien que le jeudi matin, son chef le renvoya chez lui. Il passa donc sa matinée à ruminer. Il ne savait même pas pourquoi il était si nerveux. Il n'avait aucune raison.

C'est en se répétant cette information que le jeune homme rejoignit son rendez-vous l'après-midi même. Il se présenta à l'accueil de l'hôpital et fut rapidement introduit dans la chambre où l'attendait Mycroft Holmes, assis près du corps inanimé de son frère. Il ne le remarqua d'abord pas, ou fit semblant de ne pas le voir, il était tant impassible que Greg était incapable de déterminer laquelle des deux hypothèses était la bonne. Après cinq minutes silencieuses, Greg se décida à s'éclaircir la gorge et Mycroft Holmes sembla finalement se rendre compte de sa présence.

- Mr Lestrade.

- Mr Holmes.

Ils se contemplèrent un moment. Puis finalement, Greg tendit une chemise cartonnée contenant un dossier d'inscription au programme de désintoxication à Mycroft qui s'en saisit sans un mot.

- Tout est écrit là-dedans. Je… je vais vous laisser.

Ne recevant aucune réponse, Greg se détourna et se dirigea vers la porte, quand une autre voix le fit s'arrêter net, la main au-dessus de la poignée de la porte.

- Vous devriez vous concentrer sur les fanatiques.

Le jeune policier se retourna d'un bond et croisa le regard d'un bleu-vert changeant du jeune homme dans le lit. Il venait de s'éveiller et le contemplait d'un air impassible. Greg lui rendit son regard, se demandant s'il n'avait tout simplement pas rêvé, si cette voix éraillée qui avait retenti quelques instants plus tôt n'était pas un mirage.

- Pardon ? murmura-t-il.

L'autre voulut répéter mais ne fit que tousser brusquement et Greg, ayant presque oublié qu'il n'était pas seul dans la chambre, se dépêcha de donner à boire au malade. Qui le repoussa une fois sa soif étanchée.

- Les meurtres, reprit-il finalement. C'est l'œuvre d'un fanatique. Il procède exactement comme Jack l'Eventreur. Scotland Yard est tellement rempli d'imbéciles que personne n'a fait le lien ?

Greg contempla le jeune homme, sonné, incapable de répondre. Il dut retenir sa mâchoire de tomber d'ébahissement.

- Non ? C'est pourtant évident.

- Evident en effet, mon cher frère.

Le jeune malade détourna le regard pour le braquer sur son aîné assis sur sa gauche. Les deux hommes s'engagèrent alors dans une joute visuelle que Greg suivit silencieusement, toujours aussi décontenancé, sentant la tension monter dangereusement.

- Qu'est-ce que tu as fait, Sherlock ?

- Tu ne l'as pas déduit ? Je te pensais plus intelligent que ça, répliqua le cadet d'un ton transpirant de sarcasme.

Son aîné le fixa, attendant une réponse. Il y'eut un long, très long moment de silence durant lequel aucun des deux frères ne donna l'impression de lâcher l'affaire. Finalement, le dénommé Sherlock roula des yeux, détourna le regard et marmonna à voix basse :

- Il fallait que je fasse cesser mes pensées, que mon cerveau cesse d'être constamment en action. J'avais besoin de calme. Je n'ai pas trouvé de meilleure solution.

- Et tu crois que ta mort aurait arrangé les choses ?

- Selon toute vraisemblance, mon cher frère, les morts ne pensent pas.

- Tu as assez fait de mal à maman, Sherlock!

- Tu veux vraiment jouer à ça, Mycroft ?

Greg aurait sans doute cédé face au regard glacial, assassin du jeune homme. Le tremblement qui agitait ses mains lui donnait des allures de possédé et, tout rationnel qu'il était, le policier ne put retenir un frisson. En revanche, si Mycroft l'avait remarqué, il n'en fit pas cas.

- Depuis combien de temps, Sherlock ?

- J'ai perdu le compte.

- Sherlock.

Le ton était menaçant.

- Je ne sais pas… je…

Il s'interrompit soudain, ses tremblements devenant incontrôlables. Greg vit nettement son corps se tendre sous les draps tandis que les convulsions commençaient. Greg se jeta sur le bouton d'appel d'urgence, tandis que Mycroft contemplait son cadet l'air impuissant. Les médecins arrivèrent presque aussitôt et ils leur laissèrent la place, leurs bras tremblant avec force alors qu'il maîtrisait le jeune Sherlock qui hurlait qu'il lui fallait une dose maintenant. Il continua d'hurler encore un bon moment avant de s'effondrer dans le lit, épuisé.

- Ce genre de choses risque d'arriver souvent dans les jours à venir. Son corps a ingéré beaucoup de drogue et le manque se fait ressentir très violemment.

Mycroft acquiesça et les médecins quittèrent la chambre. Il laissa échapper un long soupir qui le fit paraître bien plus jeune que son allure générale le suggérait. Greg perçut une grande lassitude dans ce simple soupir. C'était sans doute la réaction la plus humaine qu'il avait vue de la part de Mycroft Holmes. Le silence rétabli s'éternisait.

- Vous n'auriez pas dû lui parler aussi durement.

Greg n'avait pu retenir la remarque et il l'aurait sans doute ravalé s'il avait croisé le regard de son vis-à-vis. Il n'avait pas pu s'empêcher. Sherlock avait échappé de peu à la mort et tout ce que son frère trouvait à lui dire, c'était de violents reproches qui visaient à lui faire ressentir de la culpabilité.

- Pardon ? fit Mycroft d'une voix parfaitement neutre.

- A votre frère. Vous n'auriez pas dû lui parler comme ça. Il vient d'échapper à la mort, explicita Greg face au haussement de sourcil dubitatif.

Mycroft eut le bon sens d'avoir l'air à peine gêné mais il ne répliqua cependant pas.

- Pourriez-vous m'expliquer ce qu'il voulait dire en parlant de fanatiques ?

- Vous êtes bien sur l'affaire des meurtres en série ? Bien. Il voulait sans doute vous aiguiller.

- Mais qu'est-ce qu'il en s…

- C'est évident, l'interrompit une voix, celle de Sherlock.

Il s'était réveillé pour la seconde fois. Le silence avait duré bien plus longtemps que Greg ne l'avait cru.

- Je l'ai déduit en étudiant le peu que les journalistes et vous autres policiers laissaient entendre. De toute façon, je suis sûr que Mycroft l'a déjà résolue.

- Je ne m'y suis pas intéressé, le contredit le susnommé.

Et au milieu de cette conversation plus qu'étrange, Greg se retrouva muet, incapable de dire quoi que ce soit. Mais qui étaient-ils ces frères Holmes aux capacités extraordinaires?

- Vous deviendrez un bien piètre policier, reprit Sherlock d'un ton condescendant.

- Pardon ?

- Si vous perdez vos moyens de la sorte, je crains que votre carrière ne soit un total fiasco. Vous feriez mieux de vous réorienter.

- Sherlock ! le réprimanda Mycroft.

-Quoi ? fit l'autre en fusillant son frère du regard.

- Il t'a sauvé la vie. Tu pourrais être plus reconnaissant.

Et Greg était toujours proprement muet, complètement abasourdi par la scène qui se déroulait sous ses yeux et dont il était acteur malgré lui.

- Oh, et depuis quand est-ce que tu te soucies de la bienséance ?

Mycroft se contenta de planter ses yeux de glace dans ceux de son frère. L'échange silencieux dura un moment et fut rompu par le raclement de gorge de Greg qui s'apprêtait à partir, cette fois pour de bon.

- Non, non, non, lui interdit Sherlock. J'aimerais que vous restiez pour la conversation qui va suivre. Vous serez très utile.

- Je crois, au contraire, qu'elle ne nécessite aucun poisson rouge.

Le regard de Greg allait de Sherlock à Mycroft et de Mycroft à Sherlock, comme qui suivrait un match de tennis et inconsciemment, sa main, au-dessus de la poignée, retomba le long de son flanc.

- C'est non négociable, Mycroft. Tu comptes m'envoyer en prison, si je veux un témoin de ta vilénie, tu peux au moins m'accorder ça.

- Toujours aussi théâtral à ce que je vois, répliqua l'aîné des Holmes, acceptant malgré tout la condition de son cadet.

Greg laissa échapper un discret soupir et se contenta de faire face à ses interlocuteurs. Il espérait sincèrement qu'un troisième énergumène de ce genre ne vivait pas dans la famille, auquel cas, il n'avait aucune envie qu'il se manifeste maintenant. Deux Holmes à la fois, c'était largement suffisant.

-Je n'irais pas en cure.

- C'est non négociable, Sherlock.

- Non.

- Tu n'as pas le choix.

- Jusqu'à preuve du contraire, je suis majeur et en pleine possession de mes moyens et de mes droits. Tu ne peux m'y contraindre.

- Pour l'amour de Dieu, Sherlock, tu es drogué, tu n'es pas en pleine possession de tes moyens!

Greg vit le plus jeune accuser le coup, l'air impassible. Pourtant, dans cette expression de marbre, il crut voir dans les yeux à la couleur changeante un air blessé.

- Laisse-moi t'aider, reprit Mycroft, d'une voix plus douce, confirmant l'impression de Greg.

- A une condition, concéda Sherlock.

- Laquelle?

· S'il est d'accord, j'aimerais être consultant pour le Yard. Histoire de relever le niveau. Et de supporter l'enfermement.

D'un même mouvement, les deux frères se tournèrent vers Greg. Ce dernier les contemplait, proprement abasourdi.

- Je… je n'ai pas le pouvoir de décider d'une telle chose.

- Allez proposer l'idée du fanatique à votre supérieur. Revenez quand vous l'avez attrapé, fit Sherlock, sûr de lui. Je n'accepterai sous aucune autre condition.

Mycroft contempla longuement Greg qui comprit peu à peu que la rémission du jeune homme qu'il avait sauvé ne tenait qu'à sa décision. Et il ne pouvait décemment pas laisser Sherlock se droguer à nouveau et risquer une autre overdose.

- Je vais voir ce que je peux faire.»


Il revint une semaine plus tard, le tueur, effectivement un fanatique de Jack l'Eventreur, enfermé en attendant un procès. Il avait finalement accepté de consulter le jeune homme, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il se sortirait de la spirale infernale qui l'avait happé. Il ne tarda pas longtemps avant de revoir Sherlock Holmes dans son centre de désintoxication, dans une chambre encombrée de livres en tous genres, de matériel de chimie et de coupures de journaux qui attestaient du pouvoir de son aîné – aucun centre n'aurait accepté de mettre des produits aussi dangereux dans les mains d'un junkie sans l'intervention de quelqu'un de puissant. Les indications du toxicomane, après qu'il lui ait exposé l'affaire, furent une mine d'or pour le jeune policier et ses visites devinrent de plus en plus récurrentes, les mois passant et même si Sherlock ne cessait de se tromper quant à son prénom, le jeune policier avait l'impression d'entretenir une relation privilégiée avec le junkie qui envoyait balader tous ceux qui n'étaient pas Greg ou son frère. Il apprit rapidement que Sherlock était à l'université, validant quelques diplômes de chimie avancée et de criminologie. Greg l'avait alors enjoint à les terminer dès la fin de sa cure et lui avait proposé de devenir consultant pour le Yard à plein temps – sans même demander son avis à son supérieur. Sherlock avait accepté l'offre, avait réussi ses examens avec les notes maximales et c'était ainsi que l'étrange amitié liant les deux détectives était née.


[1] Le vrai nom de la rue où ont été tournées les scènes de Baker Street dans la série.


Et voilà, c'est tout pour aujourd'hui, j'espère que ça vous a plu ! N'hésitez pas à me laisser une petite review pour donner votre avis.Sur ce, à la semaine prochaine !