Disclaimer : l'univers et les personnages de cette histoire appartiennent à Marvel

Une vision pleine de potentiel

Chapitre 2

Il ne faisait rien de mal.

Bien sûr qu'il ne faisait rien de mal. Il vérifiait juste que son coéquipier respirait toujours et n'avait pas passé l'arme à gauche durant son sommeil à cause d'un saignement interne qu'un impact de trop durant leurs affrontements aurait provoqué. Et il le faisait du pas de la porte, loin du lit, ou aussi loin que possible avec cette petite chambre dans ce petit appartement. C'était un comportement parfaitement légitime.

Ce dont Bucky avait bien conscience, cependant, était qu'une fois qu'il avait pu noter la respiration régulière de son ami, il aurait dû quitter le pas de la porte en question et partir vaquer à ses occupations. Non pas rester dix minutes de plus à observer le visage de Sam à moitié enfoui sous la couette et tourné dans sa direction. Pourtant, il ne bougeait pas de son point d'observation.

Il semblait être installé très confortablement malgré le lit bon marché, emmitouflé, bien au chaud. Bucky avait eu froid au réveil. Bien qu'il se sentait physiquement reposé grâce à son métabolisme de super-soldat, il avait encore froid.

Il continuait de le fixer.

Comme il l'avait supposé, bien que le jour soit levé depuis des heures, il était toujours profondément endormi, il récupérait. Ses vêtements étaient pliés avec une minutie digne d'un militaire à quelques pas du lit. La couette recouvrait son crâne et une partie de son front, il distinguait ses paupières closes, son nez et sa bouche à peine entrouverte. Si cette vision aurait dû lui soutirer une quelconque réaction, il aurait dû, à la rigueur, en être amusé. Cela n'aurait pas dû pousser Bucky à avoir envie de...

Il déglutit et fixa le sol à ses pieds.

Il avait froid, son lit qu'il utilisait encore si rarement était occupé et la réponse à son inconfort n'était certainement pas d'en déloger son invité, ou de l'y rejoindre.

Il serra brièvement les poings et parcourut la pièce sans bruit pour récupérer quelques vêtements de rechange dans sa penderie avant de se retirer tout aussi discrètement de la chambre.

Elles n'avaient été censé être que des pensées fugaces et incompréhensibles, dues à un corps et un esprit exténués, et ne pas perdurer à son réveil. Bucky ne semblait pourtant pas pouvoir s'en débarrasser. Pire, dans la clarté du jour, il commençait à avoir des désirs plus concrets. Affronter le problème en face ? Quelle bonne idée il avait eu ! C'était presque comme s'il avait laissé le génie malveillant sortir de sa lampe ! Plus il y pensait et plus il s'enfonçait en eaux troubles. Alors, c'était simple, il allait cesser d'y réfléchir. Cette situation n'existait pas. Il refusait purement et simplement que ça se produise. Il allait prendre sa douche, remplir son estomac, parce qu'il avait une faim de loup après toute l'énergie dépensée au combat, et n'aurait pas le moindre début de pensée lubrique pour l'homme qui occupait actuellement son lit.

Et Bucky s'y tint.

Parce qu'il avait de la discipline, il s'y tint pour cinq longues heures, presque six même.

Puis il jeta un oeil dans sa chambre, juste pour s'assurer qu'il allait bien, et il en ressortit tout aussi perturbé qu'au matin même.

Ça ne s'arrêtait pas. Il avait fallu qu'il pose un instant les yeux sur Sam pour qu'il analyse soudain certains moments qu'ils avaient passé ensemble sous une perspective différente.

Sam était une personne tactile, toujours une tape dans le dos ou un bras autour des épaules. Bucky voulait vraiment croire qu'il n'était pas ennuyé à outrance par cela parce que lui-même avait agi d'une manière similaire avec ses camarades avant HYDRA mais, à présent, il avait un doute. Il réalisait que, lorsque qui que ce soit d'autre le touchait, à l'exception visiblement des enfants, il y avait une tension première dont il devait se forcer à se défaire, ce qui n'était pas le cas avec Sam. Cela était-il dû à davantage qu'une simple histoire de confiance ?

Lorsqu'il admirait ses prouesses physiques, était-ce juste de la fierté qu'il ressentait à avoir un partenaire si habile malgré sa condition purement humaine ou ne pouvait-il pas s'empêcher de le suivre du regard pour d'autres raisons ?

Bucky se laissait-il constamment amadouer par son sourire, même en protestant à plus d'une occasion, parce qu'il lui faisait plus d'effet qu'il ne l'avait cru ?

S'il devait être honnête avec lui-même, et il n'était pas certain d'en avoir envie sans trop savoir où cela risquait de le mener, il n'avait pas songé une seule fois à avoir un rendez-vous galant depuis celui avorté à l'Izzy. Il n'en avait pas ressenti le besoin. Sa vie était bien remplie avec leurs missions, ses visites régulières en Louisiane, et Sam.

Est-ce que ce que les questionnements déstabilisants qui venaient d'envahir son esprit étaient en fait un prolongement de ce qu'il avait déjà ? Quelque chose qui allait inévitablement finir par arriver tant son nouveau départ tournait autour du monde de Sam Wilson ?

En ces termes, la pensée n'était pas réjouissante. C'était presque comme s'il s'était piégé lui-même, déformant l'amitié qui lui avait été offerte pour en faire -

- Ouah. On va oublier « Bonjour, Rayon de Soleil » et choisir « Bonjour Ténèbres, vieilles amies ». C'est une mine sacrément sombre pour un si beau matin. Enfin, une belle fin d'après-midi, je devrais dire.

Bucky était figé, appuyé contre le comptoir de la cuisine, les bras croisés, et complètement pris par surprise par son apparition, ne l'ayant pas entendu approché. Puis il vit sa serviette humide autour de sa nuque et sa bouche devint un peu plus sèche, son esprit faisant automatiquement le lien avec son passage par la douche. Qu'il n'avait pas non plus entendu. Malgré lui, ses yeux descendirent vers son t-shirt parsemé de quelques tâches foncées, l'eau imprégné dans le tissu collant la matière à sa peau...

Et c'est à ce moment-là qu'il se rappela qu'il serait de bon ton de reprendre le contrôle de lui-même et enregistra ses mots. Ce ne fut qu'en cherchant à rendre son expression la plus neutre possible qu'il réalisa qu'en effet il fronçait durement les sourcils un instant plus tôt. Bucky se força à détendre ses traits et parvint même à afficher un petit sourire moqueur, ignorant complètement son remarque.

- Déjà debout ? J'avais parié qu'il te faudrait bien douze heures de plus pour revenir au royaume des vivants.

- Pff. Tu me sous-estimes, je suis plus solide qu'il n'y paraît. Et -

Sam fit une grimace et porta brièvement une main à son côté en avançant vers la cuisine.

- Oh, pas la peine de sourire comme ça, n'importe qui n'étant pas un foutu cyborg aurait des courbatures après ces derniers jours !

Le sourire de Bucky était plus authentique à présent et il lui fit grâce du commentaire qu'il avait sur le bout de la langue. Il réalisait qu'il était à la fois stimulé et relaxé par sa présence. Cela avait peut-être toujours été le cas ou peut-être y avait-il vraiment quelque chose de plus à présent mais il n'avait jamais pris la peine de mettre des mots là-dessus avant cet instant. Le sentiment était néanmoins suffisamment familier pour que ses inquiétudes deviennent plus vagues et qu'il se sente un peu moins coupable de relever des détails de l'apparence de Sam dont il n'avait jamais tenu consciemment compte auparavant. Quoi que soit ce qui était en train de lui tomber dessus, il n'allait pas laisser cela perturber sa relation avec son coéquipier. Cette décision prise, il lui sembla qu'agir naturellement fut dès lors plus facile.

- Tu es conscient qu'il n'y a que des bières, de la mayo et une vieille laitue dans ton frigo ?

L'homme sortit la tête dudit appareil en secoua la tête de dépit.

- Parce que tu es du genre à remplir ton réfrigérateur quand tu dois partir des jours en mission, toi ?

Sam ouvrit le congélateur, qui lui était complètement vide, et lui jeta un regard appuyé. Il lui répondit avec une expression tout aussi vide. Il vit un tic au coin de son oeil droit et Bucky eut un sourire en coin avant de récupérer le sac au bout du comptoir et de le lui tendre. Il en avait acheté un de plus un peu plus tôt, pour lui ou pour Sam, en fonction de qui en aurait besoin le premier. Il eut droit à un large sourire de son ami lorsqu'il déballa le sandwich et s'y attaqua avec appétit.

Et si cette vue lui offrit une petit étincelle de joie en retour et qu'il se fit la réflexion qu'il aimait vraiment son sourire, était-ce vraiment si terrible que ça ?

- Tu es partant pour un trip à Washington ? demanda-t-il entre deux bouchées.

- Maintenant ? Déjà une nouvelle mission ?

Même lui qui ne rechignait pas à se jeter dans l'action trouvait l'idée déraisonnable. Sam avait à peine eu le temps de se reposer. Pas pour la première fois, il se dit qu'il serait peut-être temps qu'il aille toucher deux mots aux hautes sphères. Captain America n'était pas leur propriété.

- Non, non, rien de ce genre. J'ai eu un message de Rhodey. Il ne semblait pas vouloir me donner trop d'information par écrit et m'a assuré que ce n'était pas très urgent. Mais il pense que ça pourrait m'intéresser. Je me suis dit que, tant qu'à traverser la moitié du pays, autant que je passe par là avant de faire un saut en Louisiane. Ce serait en lien avec Vision.

- Vision ? L'androïde de Stark ? Il n'a pas été détruit ?

- Tu te rends compte que c'est très réducteur comme appellation ? Même si tu n'as pas tout à fait tort. Et, oui, aux dernières nouvelles, il est mort depuis plus de six ans. Raison de plus pour laquelle je suis curieux de savoir ce qu'il a à me dire.

Bucky était également intrigué. Mais même si l'eau avait coulé sous les ponts, il n'avait pas non plus oublié que le colonel James Rhodes était un ami proche de Tony Stark et qu'il ne serait pas forcément le bienvenu. Peu importait qu'il pensait qu'il aurait pu lui être utile de s'isoler pour démêler son état émotionnel actuel, il avait malgré tout envie de rester un peu plus longtemps aux côtés de Sam.

- Tu es certain que tu veux que je vienne ? Je ne crois pas que War Machine soit un de mes plus grands fans.

- Oh, ne t'inquiète pas, Rhodey n'est pas comme ça. Une fois que les choses ont été mises au clair, il ne s'attarde pas sur le passé. S'il n'était pas ce genre d'homme, il n'aurait probablement jamais pu rester l'ami de Stark. Mais ne te sens pas obligé de venir pour autant, ce n'est sans doute rien d'important de toute façon.

Et tout dans l'attitude de Sam lui montrait qu'il ne voulait pas lui mettre la pression. C'était utile, parfois, ça l'agaçait d'autre fois ou, comme maintenant, il lui en était vaguement reconnaissant mais ne jugeait pas que ça en valait la peine.

- Ça pourrait le devenir. On part quand ?