J'annonce : il y aura une MAJ sur cette fic tous les mercredi et dimanche. Bien sur, si je vous vois trépigner dans les reviews, il se peut que je cède sur certains chapitres s'il y a trop de suspens xD
Bonne lecture
Il était au moins 18h30 lorsque Broots avait quitté son poste en s'étirant durement. Il s'en voulait un peu, car il terminait d'ordinaire plus tôt, mais un bug soudain dans la centrale lui avait occupé toute son après-midi. Il s'en alla ainsi vite vers le bureau de Mademoiselle Parker pour voir s'il la raccompagnait chez elle, ou non. Parfois, elle rentrait seule, et c'était tant mieux. D'autres fois par contre, il était obligé de la conduire vers son domicile, et il espérait sincèrement que cette seconde option ne se présente pas à lui ce soir.
Dans ces cas-là, il fallait presque la traîner et quelques fois, elle pleurait en silence sur le chemin du retour. Alors, il s'inquiétait une bonne partie de la nuit, et il la retrouvait comme d'habitude le lendemain, toujours aussi inerte. Au départ de son choc visible, c'était dans des crises de sanglots presque intarissables que cela se déroulait, et il avait été obligé plus d'une fois de la raccompagner jusqu'à son lit. Un jour, elle s'était même débattu et il avait dû appelé Sydney pour la maîtriser.
Un enfer.
Et à son plus grand malheur, ce soir, elle était bel et bien là. Il le redoutait avant qu'elle ne relève vite son visage vers le sien à son arrivée. Broots se stoppa alors net devant l'entrée de son bureau.
Elle l'avait regardé dans les yeux.
« Jarod. »
Oh putain.
Il allait faire une crise cardiaque, c'était décidé.
Broots ouvrit la bouche comme un merlan frit, et Miss Parker montra pour la première fois de l'agacement à son égard. Elle se leva et s'avança vers l'informaticien.
« Jarod, dit-elle de nouveau, comme pour le convaincre. »
Sa voix était méconnaissable. Elle était d'un octave plus basse, faible et enrouée.
« Jarod ? répéta Broots, perdu. »
Parker, qui était arrivé jusqu'à sa hauteur, le prit par les épaules. Elle lui jeta un regard si profond que l'informaticien comprit d'emblée ce que la Miss voulait.
« Non, lâcha Broots, les sourcils froncés.
_ S'il vous plait. »
Elle voulait des informations sur lui, c'était évident. Bon sang, il n'allait pas courir après un mort tout de même ! Car Jarod l'était bel et bien ! Il s'en souvenait comme si c'était arrivé hier, avec une précision tel qu'il en faisait encore des cauchemars parfois, et la Miss aussi d'ailleurs.
C'était arrivé à peine un an après l'ultimatum de MrRaines. Parker avait retrouvé sa trace, comme à chaque fois. Mais Lyle l'avait devancé, et… La suite, il ne préférait pas y penser.
Broots vit les larmes remplir les yeux de son ancienne chef, et mince, comment refuser cela ?
« D'accord, d'accord, soupira l'informaticien. »
Miss Parker cligna des yeux et deux gouttes d'eau salée coulèrent sur ses joues. Elle s'avança de nouveau vers Broots et le serra fort contre elle en une étreinte aussi impromptue que providentielle. Il n'était pas prêt pour ça, et lui-même sentit une boule se former dans sa gorge.
Si seulement Sydney était là pour voir ça.
« Mais avant, je vous reconduis chez vous. »
En guise de réponse, la Miss se contenta de nier de la tête.
« Mademoiselle Parker, insista l'homme en sentant la chasseresse s'éloigner pour retourner devant son ordinateur. »
Enfin, la Miss l'observa de nouveau depuis son bureau.
« Non. »
Ce « non » l'ébranla plus encore que tout le reste. La prononciation du prénom du Caméléon était déjà assez incongrue, mais cette négation traduisait une affirmation de sa personnalité et de sa volonté. Il avait la confirmation qu'elle était encore là. Miss Parker n'était pas morte.
Enfin, pas tout à fait.
Qui plus est, comme si sa voix commençait à reprendre sa place, son ton avait été moins tremblant. Cela commençait à lui ressembler enfin, même si on était encore loin de la Mademoiselle Parker d'antan.
« Il va me falloir du temps, insista-t-il. »
Miss Parker l'observa de nouveau, indifférente. Alors, elle s'éloigna de son ordinateur, comme pour lui indiquer d'utiliser le sien. Et c'était peut-être en effet plus sage, vu comme le sujet Jarod était encore extrêmement tabou au Centre. Parker n'était plus sous surveillance, mais lui, si. Tout comme les 3/4 des employés du « musée des horreurs » comme elle l'avait surnommé dans le temps.
Broots se racla la gorge et prit la chaise qu'il utilisait tous les midis pour s'asseoir en face du moniteur de la Miss. Elle l'observa alors commencer des recherches qu'il avait pourtant déjà effectué dix ans auparavant.
Comment lui annoncer qu'il n'avait rien trouvé pour la deuxième fois de sa vie ? Broots souffla et jeta un coup d'œil vers la Miss qui s'était endormie assise.
Il avait épluché des rapports entiers. Jarod était mort, bel et bien mort, et de la pire des façons. Dire qu'il avait dû relire ça, se replonger dans… « ça ».
Miss Parker avait trouvé sa trace dans le Minnesota. Zoé avait succombé au réminiscence de son cancer plusieurs mois auparavant, et déjà à l'époque, il avait eu du mal à s'en remettre. Sans doute cela avait-il joué sur sa négligence ce jour-là.
La chasseresse n'avait parlé à personne de la cachette du Caméléon, sauf à Broots et Sydney. Encore aujourd'hui, tout le monde ignorait comment Lyle avait pu avoir cette information. Toujours est-il qu'il l'avait devancé, d'une heure tout au plus.
Le trio était ainsi arrivé dans un vieil entrepôt. Broots se souvenait encore de chaque détail, de la fraicheur des lieux jusqu'à l'odeur âcre qui lui avait directement attaqué le nez. Miss Parker avait dégluti, comme si elle savait.
Il voyait encore son Hollister dans son champ de vision, tremblant comme il ne l'était jamais d'ordinaire. Il se souvenait du bruit des chaussures à talons de la jeune femme sur le béton humide, de la vision de Sydney se recouvrant le nez avec son écharpe en laine noire.
« Jarod ? Avait prononcé la Miss d'un ton incertain, très loin de sa menace habituelle. »
Broots se souvenait avoir dit qu'il n'aimait pas cela. Et Miss Parker avait fait mine de l'ignorer, mais elle n'avait pu cacher son inquiétude. Ce n'est qu'en se souvenant de son cri fendant l'air que Broots émergea en un sursaut.
Parker venait de serrer son bras alors que l'informaticien s'était assoupi, lui aussi. Il cligna des yeux vers elle, encore hagard par le sommeil.
« Rien. »
La Miss émit une expiration ennuyée.
« Mademoiselle Parker. J'ai déjà fait ces recherches. Je n'ai rien trouvé à l'époque. Vous vous souvenez ? »
La Miss ferma les paupières, et nia de la tête avant de serrer plus encore ses doigts autour de son avant-bras.
« Jarod, répéta-t-elle. »
La Miss se leva vite et Broots la suivit, aux aguets. Il faisait nuit, et il n'avait aucune envie d'attirer des suspicions sur eux.
« Où voulez-vous que j'aille ? Ne faites rien, sinon on va vous suivre, l'arrêta-t-il avant qu'elle ne sorte de son bureau. »
Il lui sembla apercevoir l'ombre d'un regard assassin avant qu'elle ne retrouve son siège et qu'elle s'y effondre.
Elle prit sa souris elle-même, et bascula sur un programme lui montrant des tas de vidéos de surveillance. Broots lui-même était aussi surpris qu'impressionné. Qu'est-ce que c'était que ce truc ?
La Miss pointant son ongle sur le niveau souterrain le plus bas.
« L'incinérateur, murmura-t-il. »
La Miss acquiesça d'un air grave.
« Mais… J'ai déjà été voir. Il n'y avait rien. »
La Miss lui indiqua alors une trappe sous la machine qui donnait sur une immense cuve. Celle servant à recueillir les cendres. Broots la regarda d'un air fou.
« Mademoiselle Parker, vous ne trouverez que des débris là-dedans. C'est un incinérateur à dossiers à l'abandon depuis dieu sait quand, ça a dû être vidé. »
Cette fois, elle lui envoya bel et bien un regard hargneux.
« Ok, ok, se dédouana-t-il en levant les mains en signe de reddition. »
La Miss émit de nouveau une expiration brute avant toquer sur la table d'un geste impatient.
« Quoi, maintenant ? Vous n'êtes pas sérieuse ? »
Dix ans qu'elle ne prononçait rien, et l'informaticien semblait la décrypter comme si elle lui avait raconté toute sa vie dans les moindres détails tout ce temps, c'était aberrant.
Broots grogna. Dans quelle situation se fourrait-il encore ?
« S'il vous plait, répéta-t-elle de sa voix brisée.
_ Oui, ça va, ça va. Ne me ressortez pas le couplet de la culpabilité. »
La Miss leva un sourcil. Par contre, depuis, l'homme ne se laissait guère plus marcher sur les pieds.
« 357, dit-elle avant que Broots ne sorte. »
Broots fronça les sourcils. 357 ? Qu'est-ce que c'était encore que…
Soudain, ses yeux s'arrondirent de terreur.
« Quoi ? Hors de question.
_ S'il vous plait, répéta la chasseresse.
_ Je n'irais pas dans cette salle, je vous l'ai déjà dit !
_ Jarod, dit-elle d'une voix étranglée.
_ Je sais où Jarod a été disséqué ! »
Il n'avait pu s'empêcher de crier cette dernière remarque. Broots soupira alors avant de fermer les yeux, désolé.
« Excusez-moi, murmura-t-il. Vous savez que je ne peux pas. Sydney n'a pas pu et il m'a fait jurer que jamais…
_ Moi.
_ Non, ne sortez pas d'…
_ Moi, répéta-t-elle, intransigeante. »
Rien ne servait de la contredire. De toute façon, elle irait, il en avait la conviction profonde. Miss Parker avait certes, tout lâché, mais il avait la prétention de connaitre sa détermination.
De toute façon, la Miss venait de passer devant lui d'une démarche lente, mais toujours assez assurée. Elle ne portait plus de talons néanmoins, mais toujours avec élégance, elle s'évapora de la pièce.
