Charlie Gravel avait dit à son fils qu'il parlerait à la maison. Cependant, cela faisait maintenant une semaine qu'ils étaient revenus de leur escapade sur la Place Cachée et elle ne lui avait toujours donné aucune explication. Il allait pourtant falloir qu'elle le fasse. La date de la rentrée approchait beaucoup plus vite qu'elle ne le voulait et, bien que cela lui coûtait de l'admettre, il avait été illusoire de penser qu'il pourrait le préserver indéfiniment…
Elle envoya donc Ricane, leur elfe de maison, prévenir son fils qu'elle l'attendait dans les jardins. Ricane était un bon elfe de maison, bien qu'un peu trop taquin au goût de Charlie Gravel. Depuis que les idées d'émancipations des Elfes de maison avaient franchi la Manche, ces derniers avaient gagné des droits considérables : salaire modique, vacances risibles, protection contre les brimades physiques, et même, le comble, le droit à une chaussette sur demande officielle auprès du ministère. Tout cela avait produit des effets divers. Au tout début, les Elfes avaient fait des demandes par centaine auprès du ministère pour obtenir leur chaussette, et ainsi leur liberté. Mais très vite, les Elfes libres s'étaient rendu compte qu'il était difficile pour eux de trouver du travail en dehors de leur famille d'origine.
Les choses avaient donc fini par se stabiliser. Les Elfes étaient restés ou retournés chez leurs maitres et avaient su profiter, autant que possible de leurs nouveaux droits. Voilà pourquoi Ricane, l'espiègle Elfe de maison de la famille Gravel, était parti chercher le petit Stanyslas en marchant. C'était sa façon à lui d'exercer ses nouveaux droits et surtout, ça le faisait rire.
C'est donc en ricanant qu'il toqua à la porte de la chambre du jeune garçon.
« - Petit maitre ? Madame Gravel vous attend dans le jardin nord, près des voltiflors.
- Ho. Merci Ricane, j'y vais de ce pas.
- Je peux vous y emmener si vous le souhaitez. Hi hi hi !
- Heu… Non merci Ricane, je vais marcher… »
Stan connaissait trop bien le vieil elfe pour ne pas savoir ce qui l'attendait. Sans aucun doute, ce dernier l'aurait emmené instantanément auprès de sa mère, mais le transplanage donnait à Stan la nausée. Il préfère donc faire marcher ses jambes et emprunter l'escalier.
Moins de cinq minutes plus tard, le voilà qui arrivait enfin auprès de sa mère.
« - Maman ? Tu voulais me voir ?
- Approche mon chéri. »
Charlie Gravel prit une profonde inspiration avant d'expirer tout aussi bruyamment.
« - Tu te souviens de ce que tu m'as demandé l'autre jour ?
- Sur la génération pourpre dont parlaient les Dresstones ?
- C'est ça…
- Tu vas enfin m'expliquer de quoi il s'agit ?! Et pourquoi je n'en ai jamais entendu parler ?
- Oui, oui, je vais le faire… Bon… Avant toute chose, je veux que tu comprennes bien que tu n'as rien à voir avec tout ça d'accord ?
- Hm hmm…
- Si nous t'avons gardé à la maison depuis ta naissance c'est uniquement à cause de tes problèmes de santé d'accord ?
- D'accord maman. Mais tu commences à me faire peur !
- Non, non, n'aie pas peur. Bon… Allez, je te raconte. Il y a environ une quinzaine d'années, il y avait un sorcier français, Luc Millefeuille. Nous t'avons déjà parlé de lui n'est-ce pas ?
- L'empoisonneur de Moldus ?
- C'est ça.
- Et bien quoi ? Quel rapport avec moi ?
- Et bien, les autorités ont fini par découvrir qu'il était entré en relation avec… Tu-sais-qui.
- Voldemort ?
- Stanyslas ! Un peu de… tenue s'il te plait ! Ne prononce pas son nom.
- Désolé maman…
- Quoiqu'il en soit, c'est à ce moment que le Ministère des Affaires Magiques a décidé de tout mettre en œuvre pour l'arrêter. Cela leur a pris plusieurs mois, mais finalement ils ont découvert où il se cachait et ils l'ont pourchassé.
- Ils ont réussi à l'attraper ?
- Non. Il a disparu. Mais les Aurors ont retrouvé des notes chez lui, et une liste partiellement brûlée de femmes.
- Tu étais dessus ?!
- Non ! Mais il se trouve que, environ cinq années après sa disparition, toutes les femmes de la liste et d'autres encore ont donné naissance exactement le même jour, et le plus étonnant encore c'est que tous les bébés avaient des cheveux d'un violet sombre, presque rouge.
- Le même jour ?! Mais quel rapport avec moi ?
- Et bien, c'est qu'ils sont nés le même jour que toi, mon chéri…
- Alors quoi ? Je suis un enfant bizarre ? Mais je n'ai pas de cheveux violets ! … Si ?
- Bien sûr que non, mon chéri… Tu es tout ce qu'il y a de plus normal ! »
Stan réfléchit à tout ce que sa maman venait de lui révéler. C'était donc pour ça que Lothar Dresstones l'avait agressé ? Simplement parce qu'il était né le même jour qu'une bande d'enfants bizarre ? Et puis d'abord qu'est-ce que ça pouvait faire qu'ils soient nés le même jour ? C'était stupide de s'en prendre à eux rien que pour ça !
« - Je ne comprends toujours pas pourquoi Lothar m'a sauté dessus comme ça ? Il était complètement hystérique…
- Il ne faut pas trop lui en vouloir. C'est plus un idiot qu'un méchant, je pense. Enfin, j'espère. – Charlie fit un clin d'œil à son fils - Il y a eu… des incidents ces dernières années avec les enfants pourpres.
- Les enfants pourpres ? Tu veux dire ceux avec les cheveux violets ?
- Oui, oui, c'est ça. L'année dernière, il parait que l'un d'entre eux est devenu fou… Il a blessé des gens, des sorciers et des Moldus. Puis il a disparu avec toute sa famille. Certains pensent qu'ils se sont tous enfuis, d'autres qu'ils sont morts, qu'il les a tués, ou bien que c'est le Ministère qui s'en est chargé.
- C'est horrible !
- Oui. Ça l'est. Mais rappelle-toi que ça n'a rien avoir avec toi, mon chéri.
- … Je m'en souviendrais, maman. »
Quelques jours passèrent jusqu'à ce qu'un matin, Stan jette un coup d'œil à son calendrier et réalise que les vacances touchaient à leur terme. Plus de cinq semaines s'étaient écoulées depuis qu'ils avaient acheté ses fournitures scolaires. Plus que trois jours et ce serait le grand départ.
En attendant, aujourd'hui c'était travaux pratiques avec papa ! Stan se leva, enfila short, bottes, t-shirt et sweat et prit la direction du jardin. Salvador, qui avait élu domicile dans la capuche de ce dernier, lui mordilla la nuque en signe de bonjour avant de refermer les yeux, satisfait.
Une fois sous les rayons matinaux, Stan fut accueilli par la voix chaleureuse de son père qui avait déjà les mains pleines de terre.
« - Salut fiston ! Allez, approche ! C'est sans doute la dernière fois que l'on rempote des mandragores avant longtemps ! Je ne sais pas comment je vais me débrouiller sans toi. Tu as un don, tu sais ?
- Arrête de te moquer papa…
- Je suis très sérieux. Je n'ai jamais vu quelqu'un capable de faire ce que tu fais.
-Hm hmm… »
Salvador, chatouillé par la chaleur du soleil, s'ébroua enfin et descendit, mi-glissant, mi-volant, en direction des plantations proches. Indifférent au regard curieux et sévère de Jack Gravel, le petit animal s'approcha avec autant d'innocence que de curiosité des mandragores assoupies. Approchant son bec, il renifla l'air avant de venir piquer légèrement une petite racine qui dépassait de la terre. Bien mal lui en prit, la petite racine lui fouetta le bec aussi sec, ce qui eut pour effet de lancer le petit Occamy dans un monologue outré en direction de la plante. Jack Gravel rit de bon cœur.
« - Ha ha ha ! Quand je pense à la fortune que nous avons dû dépenser pour cette petite bestiole !
- Désolé papa…
- Mais non, ne t'excuse pas ! Nous t'avions promis l'animal de ton choix, et ton choix a été excellent. Couteux, mais excellent. Prend bien soin de lui surtout, il est très rare que les Occamys se lient aux humains. C'est une vraie chance que tu l'aies trouvé… Et maintenant au boulot ! Montre-moi ce que tu sais faire ! »
Stan sourit à pleine dent et alla immédiatement aux côtés de son père. Tous les manuels l'expliquaient clairement : une mandragore que l'on sort de terre se met toujours à hurler. Et si l'on ne se protège pas, leur cri perçant peut vous tuer. Pourtant, Stanyslas Gravel avait sa propre méthode.
Il posa sa main à la base de la mandragore la plus proche. Apposant sa paume au sol et serrant la fine tige de la plante mortelle, il ferma les yeux et se concentra. Rapidement, le fourmillement familier vint parcourir son bras et remonter jusqu'à son cœur. Il respira profondément pour calmer sa respiration qui s'était accélérée avec l'étrange sensation. Quand enfin son cœur eut repris un rythme normal, il enfonça ses doigts dans la terre et retira doucement la Mandragore du sol. Comme toujours, il le fit avec beaucoup de précautions, on ne savait jamais ce qui pouvait arriver. D'ailleurs, son père portait bien son casque de protection.
Stan, lui, était confiant. Il avait fini de sortir la mandragore de son pot et cette dernière ne faisait pas un bruit, ne poussait pas un cri. Bien au contraire, ces racines croisées sur son petit ventre de bois, sa bouche et ses yeux semblaient clos et la grosse racine se gonflait au rythme de son étrange respiration.
Sans perdre plus de temps, Stan la reposa rapidement dans un pot plus grand, la recouvrit de terre et ne la lâcha que lorsque cette dernière fut enfin entièrement couverte. Il répéta ce processus une dizaine de fois. C'était peut-être un peu plus long que la méthode habituelle, mais son père affirmait que cela donnait des ingrédients de meilleure qualité pour les potions. Son père disait aussi qu'il ne fallait en parler à personne.
« - Tu comprends ? Les gens ne comprendraient pas. On ne peut pas leur en vouloir. Maintenant que maman t'a parlé des enfants pourpres, tu comprends pourquoi les gens seraient suspicieux n'est-ce pas ?
- Oui, je comprends… Mais tu es sûr que je ne suis pas un enfant pourpre, papa ?
- Ha ha ha ! Mon garçon, je te le dis, tu as toujours eu les cheveux aussi noirs que le jais ! Du vrai charbon ! – Jack Gravel reprit son sérieux – Non, si tu peux faire ces drôles de choses c'est sûrement à cause des médicaments que tu prends depuis tout petit. Tu sais, lorsque tu es né… Tu n'arrivais pas à bien respirer, tu étais tout chétif et… nous avons eu très peur. J'ai dû essayer des choses en urgence, trouver un remède, de l'aide, un médicament… et j'ai réussi ! Mais à cause de ça, tu dois être prudent aujourd'hui. Les gens ne comprendraient pas. Je suis désolé fiston.
- Ne sois pas désolé, papa ! J'ai plutôt de la chance que tu sois mon papa. Toi et maman vous avez toujours été là pour moi. Et je m'en fiche de sortir. Et puis… c'est plutôt cool ce que je fais, non ?
- Ha ha ! Oui tu as raison, c'est « plutôt cool » ! C'est juste qu'avec les évènements récents, ni papa, ni maman, ne veulent te voir avoir des ennuis. – Jack regarda son fils droit dans les yeux tout en le tenant par les deux épaules - C'est pour ça que tu ne dois pas oublier ce que l'on t'a dit Stanyslas. Ne t'embête pas avec les autres. Concentre-toi sur tes études. C'est tout ce qui compte. Si tu travailles bien, tu pourras faire comme moi. Tu pourras reprendre mon travail et qui sait ? Peut-être même réussiras-tu à l'achever… D'accord fiston ?
- … D'accord papa… »
Le grand jour était arrivé. Stanyslas, Charlie, Jack et Lise se trouvaient à présent à l'un des plus célèbres arrêts pour Beauxbâtons.
À l'inverse de leurs homologues anglais, les élèves de Beauxbâtons disposaient de plusieurs points de départ répartis à travers le pays pour se rendre à l'académie. Cela s'expliquait par l'importance des effectifs de l'école et par le fait que de nombreux élèves étrangers y venaient également faire leurs études.
Il y avait pour être exact six arrêts se trouvant respectivement dans l'étang de Paimpont près de la forêt de Brocéliande, dans le port de Calais, au centre du lac Léman près de Lyon, dans l'étang de Berre près de Marseille, dans la cité de Carcassonne et, bien sûr, au palais de Versailles près de Paris. C'était à ce dernier arrêt que la famille Gravel s'était rendu.
Et comme tous les jours à Versailles, c'était un flot continu de touristes. La foule se pressait dans les jardins et les grandes salles finement décorées du magnifique château.
Les sorciers pouvaient se reconnaitre entre eux à un petit détail d'importance. Tous étaient munis d'un petit sac à dos souple et sans fond fourni par l'école avec la lettre d'inscription et dans lequel il avait pu fourrer tout leur attirail.
Bien souvent c'était l'occasion pour les futures premières années de visiter ce lieu qui, s'il avait été construit par les Moldus, n'en restait pas moins enchanteur. Stan cependant était trop pressé de découvrir Beauxbâtons pour accorder une quelconque attention à la beauté des lieux. Il partit donc le plus vite possible en direction de la galerie des Glaces. La salle, immense et couverte d'or, ne désemplissait pas. Stan était parti si vite qu'il en avait perdu ses parents de vue. Heureusement, sa sœur ne l'avait pas lâché d'une semelle. Plus que quelques minutes… Plus que quelques minutes et il pourrait entamer son grand voyage vers l'inconnu ! Stan était fébrile.
Sa sœur pointa du doigt un garçon blond comme les blés, chétif, qui, malgré un visage d'ange, observait les grands miroirs d'un air renfrogné. Derrière lui, ses parents semblaient l'encourager en vain. Lise rit ouvertement, si bien que le garçon les remarqua à son tour. Stan essaya de se cacher tant bien que mal derrière sa sœur, sans grand succès. Jack et Charlie arrivèrent enfin. C'était le moment des adieux. Madame Gravel semblait particulièrement émue :
« - Alors… ça y est. Notre petit oiseau prend son envol.
- Maman… »
Charlie serra très fort son fils dans les bras avant de se redresser rapidement et de tamponner d'un mouchoir ses yeux humides. Jack Gravel lui n'était que sourire.
« - Mon fils ! Tu vas faire de grandes choses, je te le dis. Dans six années, tu sortiras transformé de cette école et je pourrais enfin te révéler tous les secrets des Gravels. – Sa femme lui jeta un regard noir – Désolé. Je voulais dire… Tu vas nous manquer. Travaille bien et ne t'inquiète pas, les vacances viendront bien vite. »
Il serra à son tour son fils avant de lui ébouriffer les cheveux. Lise enfin s'approcha de son frère avec plus d'émotions qu'elle ne voulait en laisser paraitre.
« - Allez petit frère. À la prochaine, j'imagine. J'essayerai de passer par la maison quand tu y seras. »
Elle hésita puis finalement embrassa rapidement son frère sur la joue. Pendant ce temps, le jeune garçon à la mine peu aimable n'avait cessé de les fixer. Il semblait attendre quelque chose que Lise avait parfaitement deviné. Elle fit un clin d'œil à son frère avant de se pencher à son oreille et de lui murmurer suffisamment fort pour que l'autre garçon entende et en détachant bien chaque syllabe :
« - Et surtout n'oublie pas, tu dois absolument embrasser ton reflet pour pouvoir traverser !
- Qu… ? »
Stan n'eut pas le temps de répondre que le petit blondinet ronchon s'était déjà avancé d'un pas décidé vers l'une des glaces de la galerie. Ni une, ni deux, comme l'avait dit la grande sœur de Stan, il avança son visage pour embrasser son propre reflet. Hélas, il ne s'agissait que d'une mauvaise blague et le pauvre garçon, emporté par son élan, trébucha et traversa le miroir en chutant lourdement de l'autre côté.
Ses parents jetèrent un regard noir à Lise, puis à Monsieur et Madame Gravel. Finalement, ils haussèrent les épaules, inclinèrent leur tête et partirent comme si rien n'était arrivé. Lise était hilare. Stan était désolé. Leurs parents étaient consternés.
« - Vraiment Lise… Tu ne pouvais pas faire mieux ?
- Désolé, mais c'était juste trop tentant ! Et maintenant, bonne chance pour te faire des amis, Stany !
- Pff. De toute façon, je n'en ai pas besoin ! »
Et ce fut sur cette dernière bravade qu'il traversa à son tour l'un des miroirs de la célèbre galerie du château de Versailles.
Quelques pas et tout était différent. De l'autre côté du miroir, un quai élégant attendait les élèves. Au bord du quai, de petites cabines de téléphérique étaient à l'arrêt, suspendues à d'énormes câbles d'acier qui se perdait dans une brume épaisse recouvrant l'intégralité du plafond. Stan jeta un œil aux alentours. L'endroit donnait l'impression d'être perdu au milieu d'un gros nuage épais. Peu importe où le regard se posait, il n'avait que de la brume à l'horizon.
Des automates magiques, disposés devant chacune des cabines suspendues, invitaient les élèves à monter. Stan voulut un instant revenir en arrière pour serrer une dernière fois sa mère dans ses bras, mais non, il devait être courageux. Il avait onze ans à présent, c'était un grand garçon.
Il se dirigea donc vers le dernier bus aligné en espérant que personne ne s'y trouve afin qu'il puisse profiter du voyage en paix. Mais ce fut peine perdue. À peine avait-il posé un pied à l'intérieur du compartiment qu'il constata que quelqu'un s'était déjà installé. C'était le garçon de tout à l'heure, celui qui avait tenté d'embrasser son reflet. Stan se sentit mal à l'aise, mais il était trop tard à présent, il ne pouvait plus faire marche arrière. Il s'installa donc avec précipitation sur la banquette opposée, tournant immédiatement son regard vers la fenêtre et l'extérieur. S'il ne le regardait pas, il n'aurait sans doute pas besoin d'engager la conversation, et donc pas besoin de présenter des excuses pour sa sœur. Et alors, tout irait bien. Stan ferma les yeux un instant et poussa un soupir de réconfort. La banquette était confortable, la température idéale, et le doux balancement de la cabine le berçait déjà. Oui, c'était certain, il allait bien dormir.
C'est du moins ce qu'il crut pour quelques secondes. Hélas, le regard de son camarade de cabine était si lourd de reproches qu'il ne put s'empêcher de tourner ses yeux vers lui. Ça y est, le contact était établi. « S-3 avant l'impact » songea Stan, et il n'avait pas tort.
« - Dis donc, ça vous amuse de vous moquer des étrangers comme ça ?
- Heu… - Stan ne savait plus où se mettre –
- Et puis surtout, pas la peine de t'excuser. De toute façon, qu'est-ce qu'on pourrait bien espérer de quelqu'un qui s'amuse à piéger de pauvres innocents comme moi alors que je n'avais rien fait pour mériter ça, parce que ce n'est pas de ma…
- Hé ! D'abord ce n'est pas de moi, c'est ma sœur ! – Le garçon regarda Stan un instant avec méfiance –
- Toi ou ta sœur c'est pareil ! Ce n'était vraiment pas sympa. J'ai failli me casser le nez ! Et en plus des filles se sont moquées de moi quand je suis arrivé en tombant sur le quai !
- Mais je suis désolé, mais ce n'est quand même pas ma faute !
- Pff ! Trop facile… - Le garçon détourna le regard et croisa les bras sur sa poitrine. Le voyage promettait d'être long… -
- Écoute – Stan était décidé à mettre les choses au clair. – Je suis désolé pour la mauvaise blague que t'a faite ma sœur, mais moi je n'y suis pour rien. Maintenant, si tu ne me crois pas, je ne vois pas ce que je peux y faire. Mais sache que c'est injuste de t'en prendre à moi alors que je suis aussi une victime ! – Le garçon le regarda du coin de l'œil, les sourcils plus froncés que jamais. –
- Une victime ?
- Bien sûr, regarde-moi. Je n'ai même pas encore commencé mon année à l'académie, je n'ai aucun ami et la première personne que je rencontre me déteste déjà !
- … Je n'ai pas dit que je te détestais.
- Pas besoin de le dire… »
Le garçon sembla se dérider pour la première fois depuis que Stan l'avait rencontré. Il se mit à farfouiller dans son sac à dos pour en sortir rapidement une petite boite de bonbons qu'il tendit à Stan.
« - Tiens, tu as raison, faisons la paix. Un bonbon et on sera quitte !
- Merci ! »
Stan se saisit du premier bonbon qui lui tomba sous la main, « commence par ce côté » lu indiqua l'autre garçon et Stan s'exécuta de bon cœur. Il mordit à pleine dent l'extrémité qu'on venait de lui indiquer. Le goût n'était pas désagréable et Stan songea que son compagnon de route n'était peut-être pas si pénible que ça après tout.
Cependant, à peine avait-il eu le temps d'exprimer cette pensée qu'il se sentit saisi de frissonnements et de sueurs froides !
« - Qu'est-ce que tu m'as fait ?! »
Devant lui, le petit blond riait sans pouvoir se retenir. Il fit tout de même un effort pour se reprendre lorsque Stan commença à suer de grosses gouttes.
« - Je te l'ai dit, un bonbon et on sera quitte !
- Tu m'as empoisonné ?
- Ne dis pas de bêtises, croque l'autre côté et tu n'auras plus rien. »
Stan ne se fit pas prier, et aussitôt l'autre partie du bonbon avalé sa fièvre disparut.
« - Qu'est-ce que c'était ?
- Un Berlingot de Fièvre des frères Weasley, c'est très connu, tu ne connais pas ?
- Heu… Si. Enfin, de nom. Mes parents sont contre les sucreries, et surtout celles des frères Weasley !
- Tes parents n'ont pas l'air très drôle… Comme ta sœur en fait.
- Hé ! - Stan fronça les sourcils d'un air très sérieux -
- Quoi ?
- Il n'y a que moi qui ai le droit de dire que mes parents ne sont pas drôles ! »
Pour la première fois, les deux garçons rirent ensemble. Stan sortit les petits biscuits que sa maman lui avait préparés pour les partager à son tour.
« - Au fait, comment tu t'appelles ?
- Stanyslas Gravel, mais je préfère qu'on m'appelle Stan.
- Stanyslas Gravel… Vous ne seriez pas issu d'une vieille famille européenne ?
- Il parait qu'on a un lieu au dixième degré avec la famille Flamel.
- Vraiment ?!
- Absolument pas !
- Ha ha ! Tu es plus marrant que tu en as l'air.
- Je te renvoie le compliment ! »
Les deux garçons se tirèrent mutuellement la langue. C'est à ce moment que Stan réalisa qu'il était en train de faire exactement le contraire de ce que ces parents lui avaient appris. Il referma aussitôt sa boite de biscuits et retourna dans la contemplation de la vitre tandis que son camarade continuait leur conversation comme si de rien n'était.
« - Sinon moi, c'est Indy Albright. Je suis né aux États-Unis et je suis en France depuis que j'ai trois ans, c'est pour ça qu'on ne savait pas trop comment faire pour entrer sur le quai des brumes.
- D'accord.
- On est une famille de sorciers assez récente. C'est mon grand-père qui…
- D'accord, d'accord… »
Indy parut un instant décontenancé par l'attitude soudainement indifférente de Stan. Finalement, il reprit son air renfrogné habituel avant de lui demander :
« - Bon, c'est quoi ton problème ?
- Je n'ai pas de problème.
- Bien sûr que si. Un instant on rigole et la seconde d'après tu essayes de m'ignorer complètement.
- Ce n'est rien, je te dis ! C'est juste qu'on n'a pas BESOIN de faire connaissance, voilà tout.
- … T'es bizarre toi.
- Peut-être.
- Ok… Comme tu veux. De toute façon je dois travailler avant qu'on arrive. »
Indy sortit un livre de son sac à dos et se mit à lire sans plus insister. Stan regrettait presque qu'il se montre aussi docile. Une toute partie de lui avait espéré qu'il râlerait, se mettrait en colère, ou insisterait pour qu'ils fassent connaissance.
Tant pis. Papa et maman avaient raison. Les autres ne s'intéressaient jamais vraiment à vous si vous n'alliez pas dans votre sens. Il n'y avait que la famille qui comptait. Et rien d'autre. La famille, la famille, la famille. Une ombre passa de l'autre côté de la vitre, trop vite pour que Stan puisse la reconnaitre. Une seconde plus tard, quelqu'un rentrait à son tour dans leur cabine. « Génial… » songea Stan. Encore un autre !
Il était bien décidé cette fois à ne pas adresser ne serait-ce qu'un regard au nouvel arrivant.
« - Salut les garçons ! »
Impossible. Non, c'était impossible. De tous les élèves qui allaient prendre les Bus de la Brume, il avait fallu que ce soit elle, et de tous les bus qui longeaient le quai, il avait fallu que ce soit celui-ci.
Stan savait bien ce qu'il venait juste de se jurer. Cependant, il ne pouvait décemment pas ignorer une connaissance. Cela aurait été VRAIMENT très impoli. Il tourna donc à nouveau son visage en direction de la cabine pour saluer le nouvel arrivant.
« - Bonjour heu…
-Morgane !
- C'est ça. Bonjour Morgane.
- Salut ! Et toi aussi, salut ! Tu t'appelles… ?
- Indy Albright. Et je préfère te prévenir je ne suis pas très sociable, mais alors celui-là… c'est un vrai grincheux !
- Stan ?
- Oui, lui, là. – Morgane se tourna vers Stan. –
- Stan ?
- Je n'ai rien fait !
- Stan…
- …
- Tu sais, tu ne te feras jamais d'amis comme ça.
- De toute façon, je n'en ai pas besoin. Tout ce dont j'ai besoin c'est de ma famille !
- Mais ta famille tu ne vas pas la voir avant longtemps !
- Pas grave ! Je pourrais me concentrer sur mon travail !
- Ha ha ! Tu parles comme un vieux ! – Morgane rit avant de reprendre plus sérieusement. – Ce sont tes parents qui t'ont dit ça, je parie ?
- Comment tu le sais ?
- J'ai mes sources…
- Et alors qu'est-ce que ça change !
- Rien… Je me disais juste que c'était drôle… Tu sais ? Parce que tes parents avant d'être amoureux... ils ne devaient pas être de la même famille, tu vois ! »
Stan en resta sans voix. L'idée ne lui avait jamais traversé l'esprit. Non seulement c'était un choc parce que cela remettait en cause tout ce que ses parents lui répétaient depuis toujours, mais en plus… Il était forcé de reconnaitre que Morgane avait été plus maline que lui ! Il allait se mettre à bouder deux fois plus fort quand une fine baguette blanche apparut soudainement son nez.
« - Regarde ! Je l'ai prise comme je l'avais dit ! Allez, sors la tienne, je dois te montrer quelque chose. »
Stan s'exécuta de mauvaise grâce.
« - Vous étiez déjà parti quand je suis revenu du fond du magasin pour payer. Moi j'ai attendu que le vendeur revienne, et tu sais ce qu'il m'a dit ?
- Non…
- Il m'a dit que ma baguette, je devrais dire que nos baguettes étaient spéciales !
- Ha ?
- Regarde ! »
Elle lui saisit la main avec autorité et vint placer sa baguette le long de la sienne. Comme par magie, auraient dit certains, les motifs des deux baguettes se rejoignaient pour former des entrelacs et d'autres formes qui se complétaient les unes les autres. Stan ne put retenir ses mots qui résonnèrent avec ceux de Morgane.
« - C'est magnifique.
- C'est magnifique. »
Stan sursauta sous la surprise et retira aussitôt sa main. Cela le perturbait de partager une baguette, un contact physique et même des mots avec une fille de son âge. C'était clairement trop. Il préféra vite passer à autre chose.
« - C'est beau, mais ça ne sert pas à grand-chose !
- Peut-être, mais c'est beau !
- Hm hmm…
-Alors ? On est ami maintenant ?!
- …
- Ho allez… Stan ! Et toi, Indy ? On est amis ? – Morgane avait tendu sa baguette entre les deux garçons. -
- Moi je n'ai aucun problème avec les autres… »
Indy tendit la sienne à son tour. Les deux jeunes enfants regardaient à présent Stan avec insistance. Morgane avait les yeux qui pétillaient tandis qu'Indy faisait la grimace. Stan prit le temps de la réflexion. C'est vrai qu'il serait loin de ses parents pour longtemps. De plus, des amis pourraient lui être utiles pour travailler. Et puis... Il jeta un regard à Morgane et Indy, l'une semblait être un chien fou tandis que l'autre ressemblait à un chaton grognon. C'était décidé ! Deux amis, il était sûr que ses parents ne lui en voudraient pas pour si peu. Il tendit donc à son tour sa baguette.
« - Amis.
- Super Stan, tu as fait le bon choix ! –Morgane lui donna une tape sur l'épaule que n'aurait pas renié Jack Gravel. -
- Je propose un bonbon pour fêter ça. Morgane, à toi l'honneur… »
Ce sont sur ces mots que les Bus de la Brume fermèrent leurs portes et prirent enfin le départ.
Cela faisait maintenant bientôt cinq heures que le bus avançait. La vendeuse de sucreries, Madame Olga Tomate avait eu le temps de passer deux fois déjà. On approchait du but. Les trois tout nouveaux amis avaient eu le temps de jouer aux pendus, de manger des bonbons, plus ou moins bons, de lire, de dormir, de se raconter histoires qui font peur et d'autres qui font rire.
Indy allait proposer pour la vingtième fois ses bonbons farceurs dont plus personne ne voulait lorsque la Brume se dissipa enfin pour révéler un paysage enchanteur qui laissait entrapercevoir, au loin, entre deux montagnes, l'académie Beauxbâtons. Morgane était la plus excitée des trois.
« - Je crois que ça y est, on arrive !
- On arrive, on arrive… Il faudra bien encore une heure avant d'atteindre l'école, moi je pense ! – Indy croisa les bras devant lui avec satisfaction –
- À votre avis, où se trouve l'école ? »
Stan ne regrettait pas d'avoir accepté d'être ami avec ces deux voisins de compartiment. Ami était peut-être un mot encore un peu fort, des connaissances, des copains peut-être. Quoi qu'il en soit, s'il devait avoir des amis, ce serait ceux-là. Attention, pas que ces deux-là soient particuliers ou quoi que ce soit. Simplement, Stan ne comptait pas perdre du temps à en chercher d'autres. Oui voilà. C'était ça. Il ne voulait pas perdre du temps. Ces deux-là seraient ses amis et il pourrait se concentrer sur l'école, comme son père le lui avait demandé. Une pensée germa alors dans son esprit qui le fit légèrement paniquer.
« - Au fait ! Vous savez dans quelle famille vous allez aller ?! – Indy le regarda d'un drôle d'œil. –
- Personne ne peut savoir ! Même moi, je sais ça. La sélection se fait le premier soir autour de la Table qui Tache, c'est elle qui décide !
- Je crois que Stan voulait juste savoir si on avait déjà une idée, ou une envie. Moi… Hmmm… J'imagine que je vais finir chez les Cameleaux, comme mes parents, et leurs parents, et les parents de leurs parents, et les parents des parents de leu… - Indy coupa Morgane en souriant -
- On a compris l'idée, je crois ! Et bien moi aussi, j'aimerais vraiment me retrouver chez les Cameleaux ! Déjà, j'ai horreur du feu, donc les Aigrefeus, très peu pour moi. Ensuite, tout le monde sait que les Cameleaux ont produit énormément d'agents du Ministère. Alors si je veux devenir ministre il FAUT que j'en sois !
- Tu veux être ministre ? Ministre de quoi ? – Stan fut impressionné par la détermination de son jeune camarade. -
- Ho, heu… Je ne sais pas encore. Mais je veux être ministre !
- Tu as plus d'ambition qu'il n'y parait. – Morgane siffla avec admiration. – Et toi Stan ? Tu voudrais être où ? Je te vois mal chez les Aigrefeus vu comme tu es grognon.
- Moi ? – Stan prit le temps de réfléchir avant de répondre. Il y avait ce que ses parents voulaient bien sûr. Mais il y avait aussi ce que lui voulait… - Moi ? Mes parents voudraient que je sois un Marbouelin comme eux.
- ça t'irait comme un gant. Après tout, les Marbouelins sont connus pour être de gros ronchons qui ne pensent qu'études, études, études. – Indy affichait un sourire moqueur. -
- N'importe quoi. Les Marbouelins font d'excellents scientifiques ! Ils sont patients, curieux et…
- Pas très rigolo quand même ! – Morgane n'avait pas pu s'en empêcher. Stan fit la moue avant de poursuivre. -
- De toute façon, c'est ce que mes parents veulent. Pas moi. Moi je préfèrerais être un Tirelair.
- Un Tirelair ?! »
Morgane et Indy firent à l'unisson des yeux si ronds que cela en effraya presque Stan. Ce dernier allait leur répondre lorsque quelqu'un émergea par la porte avant qui reliait magiquement chaque cabine, mais que seuls les adultes étaient autorisés à emprunter. Cela n'empêchait jamais quelques plaisantins de les utiliser. Et cela n'avait pas empêché Lothar Dresstones de le faire.
« - Toi un Tirelair ? La plaisanterie ! Tu n'as rien d'un Tirelair. Tu peux bien y croire, tu ne pourras pas cacher ta vraie nature à la Table qui Tache. Tu seras un Marbouelin et moi je serais là pour te surveiller Stanyslas Gravel. Il y en a qui se laisseront peut-être duper, mais pas moi, parce que moi je suis vigilant et je veille. Tu as compris ! Je t'aurais à l'œil… »
Morgane le regarda d'un air ahuri tandis qu'Indy avait, de nouveau, les sourcils froncés jusqu'au bout du nez. C'est finalement la jeune fille qui répondit à la longue tirade de Lothar en se tournant vers Stan.
« - Mais, heu… C'est qui lui ?
- Morgane, je te prés… - le nouvel arrivant lui coupa la parole. -
- Lothar Dresstones, de la famille Dresstones, pour te servir. Et tu es ?
- … Morgane.
- Morgane… ?
- Morgane Pastesoignons ! – Morgane pouffa toute seule tandis que Lothar rougissait de plus en plus. – Non, non, attends, désolé. Je m'appelle Morgane Rougerive.
- Ha, une Rougerive, ça explique ton teint… bronzé.
- Merci !
- Au cas où ça intéresserait le grand poireau, moi c'est Indy Albright, de la famille Albright de toute évidence.
- Un étranger ?
- C'est vrai que Dresstones fait très français.
- Si tu étais français, tu saurais que la famille Dresstones est installée en France depuis plus d'un siècle !
- Hm hmm… Je prends note... Dresstones. »
Indy laissa ce dernier mot traîner en longueur. On pouvait sentir l'électricité dans l'air entre les deux jeunes adolescents. Après s'être affronté du regard quelques secondes, Lothar plongea doucement sa main dans sa robe, prêt à sortir sa baguette. Heureusement, Stan l'arrêta immédiatement.
« - Non, ne fais pas ça Lothar !
- On a peur, Stan ?
- Non, ce n'est pas ça... C'est juste que la dernière fois au magasin tu n'as pas réussi à jeter de sort. Je ne voudrais pas que tu te ridiculises encore ! »
Lothar devint rouge comme une pivoine. Il leva sa baguette, la rabaissa, la releva, puis l'abaissa encore. Enfin il s'apprêtait à lancer un sortilège lorsque, de la capuche de Stan, Salvador surgit à nouveau, doublant de volume et piaillant avec fureur. Lothar ne put retenir un mouvement de recul alors que Morgane et Indy, d'abord surpris, s'étaient mis à rire à l'unisson.
Rouge de colère et de honte, Lothar quitta enfin leur cabine, non sans avoir proféré une ultime menace à l'attention des trois comparses.
« - Vous me le payerez ! Je vous aurais à l'œil ! Tous les trois ! »
Moins d'une heure plus tard, ils arrivaient enfin devant les portes de Beauxbâtons. Il s'agissait de deux immenses portails mêlant à la fois le bois, l'or et l'argent. Les motifs en fer forgé de fleurs et d'animaux s'y entremêlaient et le tout était en mouvement constant, se déplaçant simplement avec une infinie lenteur. Ainsi des licornes galopaient-elles au ralenti, tandis qu'ailleurs un lion sommeillait ou que des fleurs se fermaient avec le coucher du soleil approchant.
On fit mettre les élèves de première année en rang. C'était toujours les derniers des élèves à faire la rentrée. L'école avait, en effet, déjà été ouverte depuis une semaine maintenant et les élèves des années supérieures étaient venus, jour après jour, s'installer. Ainsi les premières années étaient-ils les derniers. Une fois bien en rang et silencieux, la grande grille principale s'ouvrit. Derrière elle, deux elfes les attendaient.
« - Bien ! Écoutez bien la bleusaille ! Moi c'est Toufeu !
- Et moi Touflamme !
- Nous sommes Toufleu Touflamme ! »
La plaisanterie rencontra un succès modeste. Nullement décontenancés, les deux elfes poursuivirent leur discours.
« - Nous sommes des elfes de jardins !
- Libres !
- Nous sommes chargés de l'entretien des jardins !
- Libres !
- Et nous ne tolérerons aucune dégradation d'aucun ordre sur les terrains appartenant à l'académie !
- Nous ne le tolérerons pas !
- Cela inclut les jardins de devant.
- Les jardins de derrière.
- Les jardins de droite.
- et les jardins de gauche !
- Sans oublier bien sûr, la Fourbe Forêt dans laquelle il est par ailleurs fortement déconseillé de se promener. Mais bon vous êtes…
- Libres !
- … de le faire. »
Il y eut un moment de silence interrompu seulement par le ricanement de quelques élèves dont Morgane, bien évidemment, faisait partie.
« - Enfin, dernier point !
- Dernier point !
- Nous sommes des elfes…
- Libres !
- Il vous ait donc interdit de nous maltraiter physiquement. De plus, je rappelle qu'en vertu de l'accord signé avec la direction de l'académie Beauxbâtons, il est également interdit de nous maltraiter verbalement, sous peine de quoi nous serions…
- Libres !
- … de vous punir comme bon nous semblerait.
- À bon entendeur !
- Salut ! »
Et sur ces mots, les deux elfes se retournèrent sans plus attendre pour prendre le chemin du bâtiment principal suivis de près par les élèves impatients, mais néanmoins disciplinés.
L'allée qui menait au bâtiment principal de l'académie était tortueuse, curieusement conçue. Elles tournaient à n'en plus finir de sorte que le chemin était trois fois plus long que si l'on avait marché en ligne droite vers la grande porte centrale.
De plus, ce qui marquait les esprits des nouveaux venus et des visiteurs occasionnels, c'était la véritable petite forêt constituée d'une multitude de statues de marbre magique à l'effigie des plus grands sorciers issus de l'académie Beauxbâtons. On pouvait ainsi admirer les profils de sorciers historiques comme Pierre Bonaccord, premier Manitou suprême de la Confédération Internationale des Sorciers, Nicolas Flamel, créateur de la pierre philosophale, Rémi Larpenteur, Auror de légende, Fleur Delacour, combattante de la bataille de Poudlard, et bien d'autres encore.
Les élèves passaient en saluant les statues qui faisaient de même. Ils cherchaient parfois à deviner qui pouvait être tel ou tel sorcier avant de regarder sur les petites plaques dorées leurs noms. Un élève tenta même de s'arrêter pour demander un autographe. Hélas, il en fut pour son compte. À peine eut-il fait un pas en dehors du rang que Toufeu, ou Touflamme, Stan n'aurait su dire, apparut juste sous son nez.
Le jeune garçon à l'énorme tignasse crépue, nullement intimidé tenta de passer sous l'elfe qui lévitait devant son visage. Mais celui-ci fut plus rapide. D'un claquement de doigts, il fit couler une véritable cascade d'eau sur le garçon qui battit aussitôt en retraite dans les rangs. L'opération fit forte impression sur ceux qui avaient pensé un instant l'imiter. Personne ne souhaitait finir trempé comme leur audacieux camarade.
Ici et là, contrastant avec les autres, des statues restaient parfaitement immobiles, privées de tête. Stan interrogea Morgane à ce sujet.
« - Eux ? Ce sont d'anciens élèves de Beauxbâtons qui ont mal tourné… Des mages noirs, des assassins, tueurs de Moldus ou tueurs de sorciers. Leurs statues sont décapitées et leur nom retiré de leur plaque.
- C'est horrible.
- Pas autant que ce qu'ils ont fait, crois-moi !
- Comme quoi ?
- Je ne sais pas moi… Demande à Indy. »
Stan regarda à nouveau les statues figées. Jamais il n'avait eu cette sensation auparavant. Elles avaient réellement l'air… morte.
L'une d'entre elles attira soudain l'attention de Stan. C'était une statue qui se situait plus loin de l'allée que toutes les autres. Elle aussi n'avait plus de tête et n'esquissait aucun geste. Cependant, à l'inverse de toutes les autres statues du jardin, elle se tenait à genoux, couverte d'entraves. Elle semblait immobile, pourtant Stan aurait pu jurer qu'elle tirait sur ces chaînes de toutes ses forces.
Le jeune garçon se tourna cette fois vers Indy tout en pointant du doigt la statue.
« - Et lui, qui est-ce ?
- Lui ? Tu ne sais pas ?
- Heu…
- C'est l'un des pires sorciers à être sorti de l'académie de Beauxbâtons. C'était un expert en botanique et en potion…
- Comme mon père.
- Peut-être. Mais lui, il travaillait sur les travaux de Nicolas Flamel. Il voulait créer sa propre pierre philosophale qu'on raconte ! Il voulait vivre plus longtemps, à tout prix. Il était tellement maléfique qu'il s'en est pris à des Moldus. On dit qu'il a tout fait pour ne pas se faire prendre.
- Mais il a été arrêté quand même, non ?
- Oui, bien sûr. Mais on dit que sa statue elle-même a refusé sa propre mort. C'est pour ça qu'elle est enchainée.
- C'est terrifiant !
- Mais… c'est un sorcier récent, non ? Je crois que mes parents l'ont connu !
- Ha bon ? Mais qui est-ce alors ? - Indy se pencha en avant tout en prenant un air de conspirateur. -
- C'est Luc Millefeuille, l'empoisonneur de Moldus.
