Disclaimer : "Harry Potter" appartient à JKR.
Relation : James Potter / Severus Snape
Rated : T (pour le langage et les sujets abordés)
Rappel : Cette histoire compte 5 chapitres et 2 bonus, mise à jour tous les vendredis ! :)
Enjoy !
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- Chapitre 3 -
Lorsqu'il s'y était mis, le matin suivant, James s'était retrouvé face à un problème qu'il n'avait pas anticipé : il ne savait pas par où commencer. Il ne pouvait pas se résoudre à lui envoyer un « désolé pour tout », ça lui semblait à la fois pitoyable et inapproprié – irrespectueux, même. Quel genre d'excuses ce serait s'il ne pouvait même pas mentionner ce pour quoi il demandait pardon ! Il commença donc à écrire, ce matin-là, et se rendit compte assez vite qu'il n'arrivait plus à s'arrêter. Alors il décida de fractionner.
-Oui, c'est une bonne idée, marmonna-t-il en reprenant depuis le début sur un parchemin neuf. Ça sera bien plus clair.
-Qu'est-ce qui sera plus clair ?
Il sursauta, cacha ses notes d'une main aussi vive que maladroite en relevant les yeux vers le fauteuil près de lui. Il avait oublié que Sirius était là.
-…Rien, mentit-il.
Son ami plissa les yeux, suspicieux, mais Peter descendit justement à ce moment de leur dortoir, pile à temps pour apporter la distraction qu'il lui fallait.
-Me voilà ! Remus arrive.
Sirius s'exclama que ce n'était pas trop tôt, qu'il mourait de faim, et James soupira de soulagement – discrètement. Il rangea les parchemins dans son sac, l'air dégagé. Il avait prévu d'envoyer sa première lettre au petit déjeuner, mais il venait de changer d'avis. Il y avait quelque chose qu'il devrait faire avant ça, et il l'enverrait le midi plutôt. Quelque chose qui impliquait d'aller faire un tour dans le parc, emprunter une chouette, trouver un coin loin des serres où il pourrait se servir sans s'attirer les foudres de Madame Chourave.
Alors, quand le midi vint, il ne parvint pas à s'empêcher de jeter de fréquents regards furtifs vers la table de Serpentard. Ce n'était pas qu'il était stressé ou quoi, c'était juste… oui enfin si, il était stressé. Et s'il prenait ses excuses pour une blague ? Et s'il ne pensait pas qu'il était sincère ? Et s'il n'arrivait pas à lire son écriture ? Et si la chouette se perdait en route et ne lui livrait jamais ?
Mais la chouette arriva, puisque la chouette n'avait qu'à traverser le parc, finalement. A vrai dire, faire le tour du parc, étant donné que James l'avait laissé avec de très claires instructions juste quelques minutes auparavant. Faire le tour du parc – pour lui laisser le temps d'aller rejoindre ses amis pour déjeuner – puis livrer son courrier dans la Grande Salle.
-Ooh ! S'écria-t-on près d'eux.
James sursauta, comme frappé par la foudre. Merlin ! Ça faisait deux fois depuis ce matin-là, deux fois ! Il se retourna vers Marlène, comme ses amis et la moitié de leur tablée.
-Lily ! De qui ça vient ?
Il n'y avait pas idée de crier comme ça. Mais Lily lut le message qui accompagnait son bouquet de fleurs et leva les yeux vers lui, surprise. James lui sourit, d'un petit sourire en coin, mais ne s'attarda pas. Il ne voulait surtout pas que ses amies surprennent son regard et se méprennent. Bien sûr, le mot qu'il avait écrit pour elle était plutôt clair, et elle sourit en le repliant pour le glisser dans sa poche.
-Vous croyez que c'est qui qui a envoyé ce bouquet à Evans ? Lança Sirius, curieux.
-Franchement, ça pourrait être n'importe qui. Vous avez vu la liste de son fanclub ?
Peter n'avait pas tort. James s'abstint de tout commentaire. Remus, lui, le regarda d'une drôle de manière… pas qu'il aurait remarqué, étant donné qu'il ne regardait pas du tout dans cette direction. A sa table, Snape ouvrait prudemment l'enveloppe que la chouette de l'école venait de déposer devant lui. James se souvenait mot pour mot ce qu'il y avait écrit, il s'y était repris tellement de fois. Il s'était demandé quelle était la chose par laquelle il devait commencer, et il s'était dit qu'il fallait d'abord adresser le pire. Et le pire, le doute n'était pas possible, était cet après-midi à la fin de leur cinquième année, juste avant les vacances. Il vit Snape lire les quelques lignes, puis devina qu'il lisait une deuxième fois. Le ventre de James se tordit doucement. Maintenant, ça lui paraissait ridicule.
« Je te demande pardon de t'avoir suspendu sous cet arbre et d'avoir failli t'enlever ton pantalon devant tout le monde. J'ai envoyé des fleurs à Lily pour la remercier d'avoir empêché le pire. En voici une pour toi. »
La main de Snape plongea prudemment dans l'enveloppe, et en sortit un brin de violette, aussi beau que lorsque James l'avait cueilli. Il le vit lever les yeux dans sa direction et détourna immédiatement les yeux, soudain terrifié de la réaction qu'il pourrait avoir. Tout de même, il ne put s'empêcher de jeter un œil de nouveau. Snape regardait vers Lily, dut voir le bouquet – bien sûr qu'il le vit. Il avait l'air… surpris. James le vit esquisser le début d'un sourire, hésitant, et son cœur se souleva d'une émotion nouvelle. Il fallait pourtant qu'il se calme, parce que des excuses à formuler il en avait tout un wagon et il allait bien falloir tenir le choc. Le soir même, il fit un détour par la bibliothèque pour faire discrètement léviter jusqu'à lui un parchemin roulé scellé d'un bout de ficelle.
« Excuse-moi de t'avoir appelé Snevillus pendant si longtemps, je sais que c'est un surnom dégradant que tu n'aimes pas entendre. Je jure de ne plus jamais l'utiliser. »
Il y eut de nouveau de l'hésitation sur son visage, l'ombre d'un rictus – il releva les yeux pour regarder autour de lui mais ne le vit pas. Le lendemain, James s'échappa de nouveau vers la volière à la fin de ses cours pour que son nouveau message lui arrive au dîner. « Je suis désolé de t'avoir aussi mal traité toutes ces années, disait sa lettre, j'étais stupide et immature et je ne pensais pas une seule seconde à ce que ça pouvait être pour toi. Ou, comme tu pourrais le dire, je ne pensais pas une seule seconde ». Il avait fait tout ce qu'il avait pu, dans ses compétences, pour ne pas paraître vouloir s'attirer sa pitié ou quoi que ce fût du genre. Il demandait pardon, mais il ne s'attendait pas forcément à ce qu'il lui accorde. C'était… c'était la seule chose à faire. Il avait tout de même ajouté à la toute fin, entre parenthèses : « Tu pourras aussi dire que je suis toujours stupide et immature, sans rancune. », parce que vraiment, c'était de bonne guerre.
-T'étais où ?
Sirius le regardait d'une bien drôle de manière, la tête à l'envers allongé sur son lit. James haussa les épaules.
-A la bibliothèque.
-Hm…
Il fronçait les sourcils, mais James décida de faire comme s'il n'avait pas vu. Remus le regardait étrangement, lui aussi, mais il ne dit rien. Il devait se douter que ça avait à voir avec le… truc… James jeta son sac sur son lit.
-Je vais prendre une douche !
Au moins ils seraient bien obligés de passer à autre chose quand il aurait quitté la pièce. Il n'y avait que Peter qui ne le traitait pas comme le suspect d'une affaire louche, peut-être à cause du livre qu'il tenait au-dessus de son visage – deux chances sur trois qu'il lui tombe dessus avant son retour. Il rentra dans la salle de bain et referma la porte derrière lui. Il avait hâte d'être au lendemain. Déjà, parce que ce serait un samedi. Ensuite, parce qu'il avait une liste longues comme deux bras de choses pour lesquelles encore s'excuser et la seule raison pour laquelle il ne les avait pas encore toute envoyées en masse était qu'il n'avait pas pour intention d'étouffer Snape dans son courrier. Aussi, il prenait son temps. Pour les rédiger. Les faits étaient là, sous son crâne, il en venait toujours plus rien qu'à l'évoquer… mais pour les écrire, il faisait ça bien. Il devait faire ça bien.
« Pardon d'avoir voulu séparer Lily de toi les premières années, je ne voyais pas à quel point vous étiez amis et je pensais savoir tout mieux que tout le monde, je ne voyais pas ce que je vois maintenant. C'est inexcusable et j'ai beaucoup de chance que Lily me parle toujours aujourd'hui. »
Il l'écrivit au réveil, tout seul dans la salle commune de Gryffondor – il avait voulu se lever plus tôt que les autres justement pour ça. Il n'était pas seul seul mais ses amis dormaient toujours, et c'était l'important. Même Lily n'était pas là pour regarder par-dessus son épaule. Il aurait presque voulu aller déjeuner sans eux, avoir la chance de voir Snape à l'heure du courrier… mais il se contenta de faire un saut à la volière, et de revenir aussitôt.
-James ! S'exclama Peter quand il descendit à son tour. T'es tombé du lit ?
Remus marchait juste derrière lui, des cernes de quinze lieues sous les yeux. On approchait d'une lune ronde, à n'en pas douter. Plus que quelques jours. James décida de ne pas l'évoquer, mais il décida aussi de ne pas parler de son réveil précoce.
-Sirius dort toujours ? Je suis affamé.
-Moi aussi, bailla Remus.
James proposa un vote pour laisser Sirius dormir et aller manger sans lui, mais il n'eut pas même le temps de finir sa phrase que ses amis levèrent la main et se retournèrent vers la porte pour sortir – il sauta de son fauteuil pour les suivre.
-Okay !
Il sortit par le tableau avant qu'il ne se referme et rattrapa ses amis en petites foulées dans le couloir. Ils descendirent vraiment sans se presser, du septième étage de leur tour au rez-de-chaussée, une vraie balade de tous les jours. Lorsqu'ils croisèrent Snape dans le couloir menant à la Grande Salle, James fut probablement celui des quatre qui le vécut le moins bien. Pas qu'il le vécut mal. Remus ne le vit même pas, Peter ne lui jeta qu'un regard absent.
-…et c'est pas grand-chose, tu vois, mais ça se fait je trouve… Disait-il.
-Hm hm… Répondait Remus.
James, lui, s'était raidi. Il vit très bien l'écart qu'avait fait Snape en les approchant, alors même qu'il les avaient à peine aperçus… puis il releva les yeux vers eux et croisa le regard de James, brièvement. Il eut l'ombre d'un sourire contrit, détourna les yeux immédiatement. Une poignée de secondes et ce fut passé. Evidemment, Peter et Remus n'en virent pas la moindre miette.
-Non, t'es pas d'accord James ?
Il se retourna vers Peter avec les yeux aussi fixes que son cerveau lui sembla vide.
-Heu… Dit-il. Oui.
Ils entraient dans la Grande Salle et comme sa réponse ne provoqua pas d'émeute, il se désintéressa de nouveau. A vrai dire, il se demandait ce qui pouvait bien se passer dans la tête de Snape. Encore quelque chose qui n'avait pas traversé son esprit plus tôt… Il soupira. C'était comme s'il avançait sans regarder devant lui, et il eut la sensation désagréable de n'avoir absolument aucune vue d'ensemble. Il avait voulu se rapprocher de lui avant même de penser à la façon dont lui le voyait, puis avait engendré des excuses sans même penser à comment elles seraient reçues.
Mais pourtant, il devait les faire quand même, non ? Ses excuses ? Et ce, peu importait comment elles étaient reçues ? Il se mordit la lèvre, distraitement. Quelque chose en lui criait que c'était la seule bonne chose à faire. S'il avait pu retourner dans le temps et s'empêcher d'être à ce point un connard, il l'aurait fait. Bien sûr, ça ne faisait pas partie de ses options.
-J'irai à l'étude surveillée, cet après-midi, annonça-t-il subitement.
A la table du petit déjeuner, Remus et Peter tournèrent vers lui des visages surpris. Il tenta de ne pas rougir en haussant les épaules, les yeux sur son thé.
-Je, hm, j'ai du retard sur le compte rendu d'Histoire.
Ils le dévisagèrent un instant encore, sceptiques, Remus particulièrement… mais Sirius, arrivé de nulle part, se laissa soudainement tombé sur le banc d'en face, près de Peter, et James en fut vraiment reconnaissant.
-Vous ne m'avez même pas attendu !
-L'idée de Peter, dit tout de suite James.
-Quoi !
Le sursaut indigné de Peter avait plutôt ressemblé à un couinement, mais au moins maintenant il était sûr qu'ils n'allaient pas reparler tout de suite de sa soudaine application au travail. Même Remus, qui semblait toujours aussi inquiet pour lui, ricanait de la réaction de leur ami et de la brève cacophonie qui s'en suivit. James avait juste besoin de temps tout seul pour écrire ses prochaines excuses, et aussi il était sûr à cent pourcent que Snape serait à cette étude. Il y était quasiment tous les samedis. Comment il savait ça n'était pas pertinent.
-James va en étude cet après-midi, moucharda Remus en étalant de la marmelade sur du pain.
-Quoi ?!
Cette fois-ci, c'était Sirius qui avait couiné. James grimaça, brièvement.
-Mec, il n'y a quasiment que le week-end qu'on se voit, t'abuses !
-On partage la même classe… et la même chambre… Marmonna-t-il.
Sirius balaya sa réponse d'un geste de la main.
-Même, tu vois ce que je veux dire. Entre les cours et le quidditch.
Ils avaient aussi pas mal de pauses, c'était un peu hypocrite tout ça… mais comme James était le plus hypocrite des deux, il préféra ne rien répondre. Et puis, ce n'était pas comme s'il allait aller à toutes les études jusqu'à la fin de l'année, ou qu'il comptait ignorer ses amis pour toujours ! Ce n'était qu'un peu de temps pour lui-même, pas non plus la fin du monde.
-Sirius, laisse-lui de l'air… pour une fois qu'il fait des efforts pour un cours.
Sirius émis un genre de… grognement.
-Okay, ouais, pardon…
James eut un petit sourire. Il n'était même pas sûr qu'il était censé remercier Remus pour ça… ça sonnait étrangement comme un faux compliment… Mais quand même, avec tout ce qu'il se passait de son côté, il était bien content d'avoir ses amis près de lui. Même grincheux.
-T'inquiète, Patmol, dit-il. Et puis, je ne resterai pas trois heures non plus, juste le temps de rattraper mon retard en Histoire.
Et de rédiger puis d'envoyer des excuses à Snape. Tout de même, il y alla avec du vrai travail à faire là-bas, parce que tant qu'à être en étude surveillée, mieux valait en profiter pour vraiment s'avancer dans quelque chose. Aussi, d'avoir parlé de ce rapport d'Histoire de la Magie lui avait rappelé qu'il devait vraiment, en fait, rattraper son retard dans cette matière. Il se munit donc de ses quelques notes, de son manuel, de parchemins vierges, et de tout ce qu'il put comme mémoire. Mais quand même, il commença par ces quelque mots :
« Excuse-moi d'avoir été à ce point à la fois inconscient et insupportable, à la fois dans la façon que j'ai eu de te traiter mais aussi de te considérer. Tu ne méritais rien de ça, personne ne le mérite. »
Il plia son parchemin en forme de libellule, chercha Snape dans la salle. Il le trouva, à deux tables de là, presque en face de lui, un chouïa sur la gauche. Il regarda discrètement autour de lui, pour être sûr qu'aucun professeur ne regardait dans sa direction, et ensorcela son pliage pour qu'il aille, frôlant le sol, doucement se poser devant son destinataire. Severus le vit tout de suite et, au lieu de l'ouvrir, sembla… hésiter. James le regarda jusqu'à ce qu'il l'ouvre, mais à l'instant même où il commença à le déplier il détourna les yeux, presque malgré lui. Il ne pouvait pas se résoudre à le regarder lire.
Il tenta de nouveau un coup d'œil, très furtif, mais fut trop rapide et ne vit rien du tout. La tentative ratée fit ridiculement rougir ses joues. Il lisait, ça c'était certain, et il avait même certainement fini maintenant était donné que c'était le mot le plus court de tous les temps. Sans oser faire un geste de plus, James se ratatina sur son banc devant son parchemin d'Histoire.
Peut-être qu'il releva les yeux, une fois… ou deux, ou cinq… Juste un instant, juste pour voir. Une fois il croisa son regard, et se détourna vivement comme un idiot.
Okay, James, se dit-il au bout d'un moment, concentre-toi. Il décida de ne plus relever les yeux et même si c'était dur il y parvint, avec beaucoup de contrôle. Il rédigea vingt centimètres… trente centimètres… trente-cinq… trente-sept… Merlin c'était trop fastidieux, il posa sa plume pour faire une pause, regarda l'heure. Quarante-cinq minutes seulement ! C'était trop, il rangea ses affaires. Il y avait des matières qui glissaient plus aisément que d'autres, mais l'Histoire de la Magie c'était d'un autre niveau, il avait l'impression d'être là depuis des heures. Il referma son sac, se leva de son banc, prit sa lanière en bandoulière et marcha à pas silencieux vers la porte de la Grande Salle. Une fois dans le couloir, il souffla. Un mélange de fatigue et de soulagement qui présageait d'une bonne fin d'après-midi à rien faire avec les trois autres.
-Attends !
Surpris, il se retourna juste à temps pour voir arriver à sa hauteur Snape et son sac seulement à demi-fermé, comme s'il était sorti de la salle en se pressant. James baissa les yeux vers ses mains. Il tenait encore le petit pliage de papier qu'il lui avait envoyé.
-Ecoute, Potter, dit-il.
James releva les yeux. Snape, lui, les détourna, brièvement.
-Je- j'apprécie, mais…
Oh. Quelque chose, lourd comme du plomb, tomba dans l'estomac de James. Il y avait un « mais ». Snape semblait chercher ses mots et James combattit très fort l'envie de se mordre nerveusement le côté de la lèvre.
-C'était trop… Hésita-t-il. Trop…
-Trop de choses ? Proposa James, doucement.
Snape releva les yeux vers lui et James se sentit bouleversé par eux. Il n'aurait jamais pensé qu'on eut pu porter autant d'émotion dans un regard. Ce bref silence entre eux lui assécha la gorge. Il n'osa pas se détourner.
-Trop de choses, oui. Trop souvent.
Et puis Severus détourna les yeux de nouveau.
-Je- je ne peux pas juste…
Il recommençait à chercher ses mots. Ça avait l'air tellement… difficile pour lui à exprimer que James eut tout le mal du monde à déglutir. Mais ce n'était rien. Oui, ce n'était rien, il comprenait.
-D'accord, souffla-t-il.
Il put sentir le soulagement de Severus – un très bref soupir, et puis cette façon qu'il eut de reprendre son souffle. Il releva les yeux vers lui, gêné, brièvement, avant de se détourner dans un sourire contrit. James le regarda s'éloigner. Quelque chose… quelque chose enflait dans sa poitrine, et ça n'avait rien d'agréable. Ça remonta, sournois, vint se nouer dans sa gorge. Il eut l'envie terrible de disparaître sous terre. Il retrouva ses amis en salle commune, mais le cœur n'y était pas vraiment. Ils allèrent faire un tour dans le parc, James ne fit que suivre, les mains dans les poches. En revenant au château ils entraînèrent Peeves jusque dans le bureau du concierge, et le cœur lui revint un peu… mais en soirée il retrouva ce terrible sentiment d'impuissance. Ça ne le quitta qu'au sommeil, sommeil qui fut long à venir.
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Le ciel était d'un bleu parfait. Le soleil perçait à travers la fenêtre de leur tour, où des coussins posés là offraient la possibilité de venir se prendre pour un chat. Lily, bien sûr, avait pris la place aussitôt qu'elle l'avait vue ensoleillé comme ça. C'était plutôt calme, un peu comme un dimanche. Sans doute parce qu'on était, de fait, dimanche. Remus et Peter jouaient aux échecs devant la cheminée. Sirius était toujours dans son lit. James, lui, vint se laisser engloutir par le pouf au soleil près de son amie. Elle tourna une page, comme s'il n'était pas là, et il soupira.
-Il dit qu'il ne peut pas accepter mes excuses.
Elle releva les yeux vers lui par-dessus son livre.
-Il a dit ça ?
James grimaça.
-Enfin, non, pas vraiment… mais…
Ce n'était pas qu'il avait dit qu'il ne pouvait pas accepter, c'était plutôt… il avait dit… Il n'avait pas exactement dit… enfin… quoi que ce fût. James ne trouvait pas les bons mots pour le décrire. Merlin, il aurait fallu que Lily soit là pour le voir. Là, elle aurait compris. Elle aurait forcément compris. Cet air sur son visage, cette… façon qu'il avait eu de le regarder.
-Il- il avait l'air…
Il n'était même pas sûr qu'il existait un mot pour ça. Lily soupira, doucement. Elle posa son livre sur ses genoux.
-Tu sais, James…
Il releva les yeux vers elle, piteux.
-Avant Poudlard… il n'était pas aussi…
Elle chercha ses mots elle aussi un instant – grimaça, détourna les yeux en se reprenant.
-Enfin, il a toujours été très sûr de son talent magique et- et bien sûr un peu imbu de lui-même, mais il n'était pas…
Elle s'interrompit, et James pouvait bien voir qu'elle était partagée. Elle se mordit le coin de la lèvre. Il la regarda chercher ses mots sans ouvrir la bouche une seule seconde – il était hors de question de lui faire perdre le fil. Il ne savait pas exactement où elle allait avec ça, mais il sentait, là, au plus profond de lui-même, que c'était important. Elle se retourna vers lui en soufflant, un peu. Elle eut un sourire, qui n'eut rien d'heureux.
-Il était plus doux.
James se redressa d'un demi-millimètre dans son pouf engloutissant. Comment ça, voulut-il demander, mais il n'eut pas le temps.
-Je ne dirais pas plus gentil, continua Lily en retroussant le nez, parce qu'il est toujours gentil avec moi, mais… Il avait cette… confiance, tu vois ?
James fit oui, puis non de la tête, un peu perdu.
-Confiance en lui, confiance en… Maintenant, il ne fait plus confiance à personne, pas même à moi, depuis que je suis amie avec vous. Il ne le dit pas, mais je remarque bien cette tendance qu'il a à regarder par-dessus son épaule, et par-dessus la mienne, juste pour être sûr qu'il n'y a pas… enfin, qu'aucun piège ne lui est tendu, tu vois ?
Oh. Oui. Maintenant, il voyait. La sensation désagréable qui avait élu domicile dans sa gorge redescendit d'où elle était venue, juste entre ses deux poumons – elle prit en densité, vicieusement, comme un bébé trou noir. Lily était lancée. Plus rien de l'arrêtait.
-Il s'est… refermé. Je ne sais pas comment le dire autrement. Maintenant il est… rigide, carapacé, méfiant. Et ça, c'est… enfin, c'est…
-Ma faute.
Sa voix lui apparut grave, même à lui. La faute au mini trou noir, qui tirait sur ses cordes vocales. Il vit bien qu'elle s'apprêtait à lui assurer que non, qu'elle ne disait pas ça, bien sûr… mais l'élan mourut immédiatement dans sa gorge, et son visage se figea juste un instant. Elle ferma la bouche, détourna brièvement les yeux. Quelque chose en son for intérieur devait lui dire que les choses étaient toujours plus complexes que ça, mais l'évidence était que oui, que c'était James, et ses amis. Il baissa les yeux.
-Alors il ne pourra jamais me pardonner, souffla-t-il.
-James, je ne…
-Même s'il le voulait, coupa-t-il. Même s'il le voulait il ne pourrait pas. Je me trompe ?
Elle se mordit le coin de la lèvre, comme si elle ne savait pas quoi lui répondre. Et pourtant, il se souvenait bien comme elle avait ri de sa bêtise, comme elle lui disait d'en parler à Sirius plutôt qu'à elle, et comme elle lui disait qu'il pouvait très bien se débrouiller tout seul, qu'il n'avait pas besoin de son aide, comme si dans l'idée ça lui paraissait naturel… mais qu'elle n'avait jamais pensé aux conséquences pour lui d'arriver aussi loin.
-Pourquoi… pourquoi tu m'as encouragé ?
Ça le dépassait complètement. Comment elle, si proche de Snape, avait pu penser une seule seconde que c'était une bonne idée.
-Je te parle de lui depuis des semaines…
Et c'était un sacré euphémisme. Elle détourna les yeux.
-Pourquoi tu n'as pas tenté de tuer ça dans l'œuf immédiatement ? Pourquoi tu ne m'as pas dit que je fonçais dans un mur ?
Elle s'agita, frustrée, se retourna vers lui.
-Et quoi, tu aurais renoncé ? Lança-t-elle.
James eut un bref mouvement de recul, malgré lui. Elle sembla s'en vouloir tout de suite, mais il ne lui en voulut pas, lui. Elle avait raison. Elle avait toujours raison. Il la vit baisser les yeux, brièvement. Il avait tellement de chance de l'avoir avec lui. Tellement de chance. Il baissa les yeux à son tour. Il n'était même pas sûr qu'il le méritait. De l'avoir comme amie.
-Puis, je ne sais pas… Souffla-t-elle. J'imagine que je voulais que vous vous entendiez. Vous êtes mes amis, tous les deux.
James releva les yeux, penaud. Quel brillant ami il faisait… Il se pinça les lèvres. Le mini trou noir derrière son sternum avait pris quelques millimètres de tour de taille.
-Et puis, fit Lily, je pense qu'il mérite de pouvoir arrêter de regarder par-dessus son épaule.
Merlin, c'était la chose la plus vraie que James avait entendu ce matin-là. Et Lily avait prononcé un paquet de vérités. Elle souffla, et il l'imita. Ils se turent, un instant. Et puis deux instants. Une poignée de minutes passa, comme ça, sans qu'il ne se redresse ou que Lily ne relève son livre devant elle. Et puis, elle parla.
-Qu'est-ce que tu comptes faire ?
Ce qu'il comptait faire… ça c'était une bien bonne question. On ne pouvait pas vraiment dire qu'il avait envie de recommencer à faire comme si de rien était, vivre son petit quotidien avec ses amis en laissant Snape de côté comme quand ils avaient arrêté de lui tourner autour. Mais de l'autre côté, il ne voulait plus recevoir ses excuses – et pourtant Merlin savait que la liste de trucs pour lesquels s'excuser était encore longue. Alors, ce qu'il comptait faire, il n'était pas sûr. Il allait… réfléchir. Oui, voilà, il allait réfléchir. Combien de temps ça pourrait bien lui prendre de trouver la façon d'agir la plus appropriée ? Une poignée d'heures ferait l'affaire.
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Une semaine. Huit jours. Il fallut huit jours pour que la solution apparaisse à James. Elle prit l'apparence de Marius Anderson, qui était en septième année à Poufsouffle et qui n'avait jamais été un grand fan de son sens de l'humour.
-T'es vraiment un idiot, Potter.
Une véritable révélation. Ça le frappa de plein fouet. Bien sûr, et quel idiot ! Une fois de plus, il avait pensé à travers son fichu prisme d'égoïsme. Les excuses n'étaient pas le problème – d'ailleurs il n'était jamais problématique de s'excuser de ce qu'il en savait – c'était d'avoir sous-estimé ses actions passées. Il n'aurait pas dû le bombarder comme ça. Il aurait dû tenter de lui parler. Il avait voulu arranger la situation le plus vite possible, pour apaiser sa culpabilité. Mais il ne s'agissait pas d'aller vite.
Il envoya son mot plié en deux pendant le cours de Slughorn. La note se glissa entre les tables, traversa la classe en zigzagant et vint se poser en douceur près de son livre ouvert, sur sa table tout devant. De l'autre bout de la classe, au deuxième rang, James le regarda. Snape la vit, regarda vers Slughorn qui écrivait à son bureau. La salle était plutôt silencieuse, en plein travail pratique, James put presque entendre la note se déplier – mais c'était peut-être le fruit de son imagination.
« Anderson m'a dit que j'étais un idiot aujourd'hui, je lui ai dit oui, oui c'est vrai. Tu aurais dû voir sa tête, ça n'avait pas de prix. (C'est vrai, je suis un idiot.) Est-ce que je peux toujours t'envoyer des petits mots ici et là ? »
Severus se tourna dans sa direction. Il avait l'air… surpris. La seconde d'après, James crut apercevoir un sourire, mais en fut tellement surpris à son tour qu'il pensa d'abord l'avoir imaginé. Severus hocha la tête, très discrètement, et alors qu'il se détournait James sentit une explosion de chaleur dans le fond de son ventre. Oui ? C'était un oui ? Un instant il crut qu'il allait fondre sur sa chaise. Remus lui donna un petit coup de coude dans les côtes.
-Ta potion, souffla-t-il.
Dans un sursaut de terreur James saupoudra de la pierre de lune, puis de la poussière de mandragore, puis de la belladone séchées au-dessus de son chaudron qui fumait soudain noir. La réaction se calma, mais James, en se penchant sur son chaudron, remarqua que sa potion était grise, et ça ce n'était pas vraiment une bonne chose – il grimaça.
-Ça va James ? Chuchota Remus.
James souffla que tout allait bien, releva les yeux vers le bureau pour être sûr que Slughorn ne les avait pas entendu, mais leur professeur était encore concentré sur ses corrections. James retint un sourire – autant qu'il put. Pas très bien, donc. Remus eut un petit rictus.
-Dois-je en conclure que ton truc mystérieux est dans la pièce… ?
James se glaça, tourna très légèrement la tête vers son ami.
-…pas du tout…
Remus étouffa un ricanement, mais n'insista pas. James se sentait léger comme une plume. La journée se passa comme un charme et, le soir, à l'entraînement, il marqua plus de buts que durant les trois dernières séances réunies.
A suivre...
Vous ne pensiez quand même pas que James allait s'excuser et que ça allait tout de suite passer crème ? x')
Alors du coup, qu'est-ce que vous retenez le plus de ce chapitre ? La (les) résolution(s) de James ? La réaction de Severus ? La perspicacité de Remus...? ;)
Bien sûr j'attends vos avis avec impatience, et je vous dis à vendredi prochain (07/05/21) pour le chapitre 4 !
Ciao ciao ~
Chip.
