Bonjour, tout d'abord, un petit mot sur le rythme de parution : Je vais publier deux chapitres par deux chapitres avec quelques jours d'intervalle à chaque fois ^^
Ensuite, je tiens à dire un grand merci à Katymyny et Carlita pour leurs reviews ! Je suis vraiment super contente que mes deux histoires vous plaisent et j'espère que la suite sera à la hauteur ^^ ! D'ailleurs, je fais un peu de pub mais, pour ceux qui ne connaitraient pas le profil de Katymyny, elle recense toutes les histoires qui lui ont plu sur le thème de Sherlock Holmes et Harry Potter. C'est super pratique pour trouver quelque chose de qualité, parce que j'avoue que moi-même je suis souvent un peu perdue sur ces sites où c'est assez fastidieux de faire le tri. Merci à elle !
Bref, voici les chapitres trois et quatre. Bonne lecture à vous !
Chapitre 3
-Non, mais tu comprends ce que ça implique ?
Remus hoche la tête à mon énième exclamation stupéfaite et ferme définitivement son bouquin. Il est dix-sept heures et nous sommes tous les deux assis dans une longue pièce couverte de tapis aux tons sombres et de tentures représentant les quatre fondateurs. Celle-ci est réservée aux enseignants et est meublée de nombreux fauteuils et canapés confortables, ainsi que d'une longue table de chêne clair. Enfin, devant nous brûle un petit feu, uniquement là pour combattre l'humidité grandissante de l'automne arrivé avant l'heure.
Remus soupire et pose son ouvrage sur une petite table basse avant de croiser les doigts sur son ventre et de s'enfoncer dans son siège. Il me connaît assez pour savoir que, monomaniaque comme je suis, je ne lâcherais pas le sujet de sitôt.
-J'ai cherché dans mes ouvrages et mes notes, histoire d'être sûre de n'avoir jamais croisé pareil cas de figure, mais rien. Aucun livre ne me donne un quelconque indice sur un partage de flux magique de cette nature.
Remus me fixe un temps avant de se frotter les yeux et de boire une gorgée de son thé tiède.
-Écoute, je ne sais pas quoi te dire, je n'étais même pas présent pour voir ça. Des informations ont dû t'échapper et…
-Cinq ans, Remus. Ça fait cinq ans que je fouille et décrypte des vieux manuscrits de magies anciennes, que j'exhume des rituels oubliés pour comprendre la nature même de la magie qui nous entoure, comment veux-tu que quoi que ce soit ait pu m'échapper ?!
À court d'argument, il hausse les épaules et avale un biscuit à la cannelle que les elfes de maison nous ont préparé. Je m'en veux un peu de le solliciter ainsi, mais je suis à bout de nerfs. Des années de recherche, pour finalement me retrouver coincée par un phénomène que je suis bien incapable d'expliquer.
À bien y regarder, lui aussi paraît épuisé. À l'époque, lorsque nous travaillions ensemble, il m'avait dit souffrir d'une maladie incurable qui se déclarait régulièrement et qui l'affaiblissait considérablement pendant plusieurs jours. Je n'avais pas cherché à en savoir plus sur le moment. S'il souhaitait un jour m'en parler plus longuement, je l'écouterais sans problème, mais en attendant, je ne suis pas du genre à mettre mon nez dans les affaires des autres, surtout des amis.
Avec humeur, je m'enfonce dans mon fauteuil et fixe rageusement le feu, comme s'il était seul responsable de mes soucis. Au bout d'une longue minute de silence, Remus s'éclaircit la voix et se penche vers moi.
-Dans tous les cas, tu possèdes sûrement plusieurs années pour découvrir de quoi il retourne, tu ne penses pas ?
Je le regarde sans comprendre et il continue.
-Tu m'as dit que ces jumeaux étaient en cinquième année, n'est-ce pas ?
J'acquiesce sans savoir où il veut en venir.
-Ils ne vont donc pas disparaître du jour au lendemain. Le problème est qu'ils sont mineurs. Mais peut-être peux-tu envisager de demander des autorisations et des fonds pour étudier le phénomène avant qu'ils ne quittent le cursus ? Si le Ministère et le Directeur donnent leur accord, tu pourrais envisager de mener tes recherches sur eux pour lever le mystère. Ce n'est pas un protocole très courant, surtout vis-à-vis d'élèves si jeunes, mais ça ne coûte rien de demander.
J'écarquille les yeux, comment n'y ai-je pas pensé ? Je suis une idiote complète.
-C'est toi le meilleur Remus ! je m'exclame en me redressant dans mon siège. Mais oui bien sûr, je vais faire ça !
Je me lève vivement et file jusqu'au long buffet situé au bout de la pièce pour y attraper plusieurs rouleaux de parchemin ainsi que de quoi écrire. En revenant vers lui, je vois qu'il a poussé nos tasses au bout de la petite table basse pour que je puisse avoir la place d'écrire.
Sans m'embarrasser de manières, je m'assois sur le tapis et pousse les épais plis de ma longue robe qui me gênent. Je passe la demi-heure suivante à rédiger une longue lettre formelle pour le Ministère de la magie, que je recopie ensuite pour la faire parvenir à Albus Dumbledore. Remus me relit plusieurs fois et c'est avec satisfaction que je me rassois enfin sur mon fauteuil moelleux.
-Je les posterai demain. Avec un peu de chance, le Ministère me répondra dans moins de deux semaines et je pourrai entamer mon étude.
-Deux semaines ? Tu es optimiste.
-Rabat-joie.
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Le lendemain matin je me lève de bonne heure pour pouvoir passer à la volière avant le petit-déjeuner. Bien évidemment, j'aurais pu remettre sa lettre directement à Dumbledore, et même lui en parler de vive voix, mais avec l'administration de nos jours, on n'est jamais trop prudent.
Après un copieux petit déjeuner et une discussion à bâtons rompus avec Remus sur notre futur programme d'entraînement aux duels, je laisse mon ami rejoindre sa classe et profite de ma matinée de libre pour filer à la bibliothèque. L'adorable bibliothécaire, Madame Pince, paraît évidemment enchantée de me revoir après toutes ces années. Nan, je rigole, elle m'a remise tout de suite et m'a dit de sa voix la plus grinçante possible "Interdiction d'apporter de la nourriture ici !". Cette vieille folle à une sacrée mémoire, je dois au moins lui reconnaître ça. C'est donc avec beaucoup d'appréhension et une bonne dose de motivation à coup de cafés forts que je me mets en quête du ou des ouvrages qui pourrait m'aider à comprendre à quoi j'ai affaire.
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Une semaine, puis deux, s'écoulent à la vitesse d'un troll en rut sans que je ne vois les jours filer. Lorsque je ne suis pas fourrée à la bibliothèque, je fais cours à mes élèves dans ma salle de classe lumineuse qui me change du cagibi qu'est la réserve.
J'ai essayé de tenir quelques jours, puis j'ai définitivement renoncé à ranger mon bureau et j'ai laissé mes notes envahir les meubles et les coins de la pièce sans que mes élèves ne s'en plaignent. Ils doivent simplement penser que je suis une femme bordélique et je ne peux pas leur donner tort.
Plusieurs fois durant les repas, je croise le regard des frères Weasley. Mais, comme je m'emploie à les ignorer superbement jusqu'à ce que j'ai obtenu une quelconque réponse du Ministère, ils cessent vite de scruter mes réactions avec attention.
À plusieurs reprises, Remus vient s'enquérir de mes avancées et me demander si je nécessite de l'aide. Parfois, je lui dis oui et, parfois, je suis tellement exaspérée par mes échecs qu'il ne se permet même pas de me poser la question et me laisse seule parmi mes bouquins silencieux.
Comme tout le monde le sait, la bibliothèque de Poudlard possède des milliers de livres sur des centaines de sujets différents, mais, au fil des semaines, je désespère de trouver ce dont j'ai besoin. Tout comme je désespère de recevoir un jour la réponse du Ministère d'ailleurs.
Bien évidemment, Remus a gagné son pari haut la main : Deux semaines après le début des cours, j'ai retrouvé une lettre sur mon bureau. Elle était bien cachée sous une pile de notes froissées et je ne l'aurais jamais remarqué si le tout ne s'était pas fracassé au sol après que j'eus ouvert la fenêtre pour aérer la pièce. Remus avait précisé une semaine dans son pari et j'ai dû lui payer ses gallions, car mon fichu admirateur s'était permis de dater la lettre. J'ai, en effet, mis une semaine et demi avant de la trouver, et alors ? Ça peut arriver à tout le monde.
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Deux semaines supplémentaires passent, puis arrive octobre et ses journées pluvieuses et moroses. Entre-temps, j'ai envoyé de nombreuses lettres à des amis et chercheurs que j'ai pu croiser lors de mes pérégrinations en Europe. Ils s'occupent de sujets bien différents du mien, mais on ne sait jamais, peut-être qu'ils auront une idée, des fois que…
Vers la fin du mois d'octobre, je note avec plaisir qu'un grand nombre de mes élèves maîtrise le rebond magique. Une bonne partie arrive désormais à confiner le flux magique en eux de manière efficace et sont à même de le transmettre à leur voisin sans déperdition d'énergie. D'autres ont par ailleurs bien plus de mal, comme Vincent Crabbe de Serpentard qui n'arrive à transmettre le flux qu'une fois sur deux. C'est comme s'il le laissait volontairement tomber au sol sans comprendre un tant soit peu de quoi je lui cause.
Certains jours, entre l'attente insoutenable d'une quelconque réponse du Ministère et une fatigue de plus en plus marquée due à mon manque de sommeil, je ne peux m'empêcher de rudoyer sévèrement mes élèves. Des fois, je me dis que je suis vraiment un professeur à la noix et, l'instant d'après, je me souviens que je n'ai pas choisis d'enseigner, d'abord !
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-Tu as essayé le yoga ?
Je lance un regard assassin à Remus assis à ma droite à la table des professeurs et reporte immédiatement mon attention sur mon déjeuner. Il se moque de moi et ça m'agace. Je sais qu'il essaye de me dérider, mais, plus les jours passent, et plus je me laisse tomber dans un marasme grognon duquel je n'arrive plus à me sortir.
J'ai bien essayé de sonder discrètement le lien qui existe entre les deux jumeaux pendant les cours, mais j'arrive toujours au même résultat et je suis bien incapable de l'analyser ou le quantifier correctement.
Je jette un regard morne sur les quatre longues tables d'où montent des bruits de couverts cliquetant et des rires clairs qui n'arrivent pas à couvrir totalement le ronronnement sonore des conversations. Je capte par-ci par-là des bribes de phrase et reconnais les mots Prés-au-Lard et Quidditch répétés de nombreuses fois. Je me souviens aisément que la première sortie de l'année accordée aux étudiants précède en effet de peu le premier match de Quidditch. Je n'ai jamais été une grande fan de ce jeu, mais avec un peu de chance ça m'occupera l'esprit.
Avec un grand bruit de plume, je vois soudainement des dizaines de hiboux s'engouffrer dans la grande salle, couvrant les discussions animées qui se calment immédiatement. Je baisse les yeux sur mon repas en sachant pertinemment que je ne recevrais rien et me fais surprendre par une grande chouette effraie qui se pose entre le vin blanc et le jus de citrouille. De concert, Remus et moi nous jetons sur les bouteilles pour ne pas que celles-ci soient renversés par l'animal et les posons bien loin, devant le nez froncé du professeur McGonagall.
-Je pense que c'est pour toi, me dit Remus en regardant le bel oiseau qui me tend sa patte avec ostentation.
Sans attendre, j'attrape le courrier attaché et laisse mon messager reprendre son envol. J'arrache ensuite le cachet de cire bleu et reconnais l'écriture en patte de mouche de mon ami Vaultier, basé dans le nord de la Pologne. Il m'a rédigé un pavé dans lequel je me plonge directement en m'enfonçant dans un silence concentré.
Arrivée au bas de la lettre, Remus voit mes yeux s'agrandir et mon visage s'éclairer tandis que je me redresse lentement sur ma chaise.
-Tu as déjà entendu parler de la Forge des Âmes, je lui demande avec une légère excitation dans la voix.
-Mmm oui, ça me dit quelque chose en effet, marmonne-t-il en se grattant le menton. C'est une vieille légende Nordique si je ne m'abuse. Ça parle de deux sœurs ennemies jurées. Mais je ne me souviens plus du tout du contenu exact de cette histoire.
Je me tourne vers lui, car j'ai également entendu parler de cette légende sans jamais vraiment m'y être intéressé.
-Mon ami pense que ça aurait un lien avec ce que je cherche. D'après lui, la Forge des Âmes est le nom donné au lien mystique qui unissait ces deux sœurs par-delà l'espace. Une force qui a été qualifiée de divine à l'époque où cela s'est passé.
Il remarque ma fébrilité et esquisse un de ses fins sourires qui veut tout dire.
-Au moins, maintenant tu sais quoi chercher.
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Remus a raison, dès le lendemain je m'attelle à rassembler tous les ouvrages traitant des mythes et légendes Nordiques présent à Poudlard. Je menace même quelques élèves ayant emprunté des œuvres intéressantes pour qu'ils me les remettent sur l'heure. J'envoie également un courrier au conservateur de la plus grande bibliothèque d'Europe. Il me connaît pour m'avoir déjà croisé à plusieurs reprises et je lui demande de l'aide pour obtenir plus de renseignements. Bien évidemment, tout cela sera vain si le Ministère refuse ma demande, sans compter que je n'ai pas encore abordé la question avec Dumbledore qui a sans aucun doute déjà dû recevoir ma lettre.
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Enfermée dans la réserve, quand ce n'est pas dans ma salle de classe, je vois les jours passer à une vitesse hallucinante, mais je possède de bonnes pistes lorsqu'Halloween arrive. La veille, mes élèves étaient tous si surexcités par la sortie à Prés-au-Lard du lendemain, que nous n'avons même pas réussi à faire dépasser six élèves d'affilée au rebond magique.
De dépit, je les ai fait sortir un peu plus tôt en leur demandant de m'écrire cinquante centimètres de parchemin sur leur ressenti face au flux lors des exercices. Je me suis dit que cela devrait compléter mes recherches sur le sujet, mais surtout, les écrits des frères Weasley devraient me permettre d'apporter de la matière à mes réflexions.
Je ne peux désormais plus m'empêcher de les observer à la dérobée et je crois bien qu'ils m'ont à nouveau grillé. Je suis une championne.
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Sortie à Prés-au-Lard ou non, Halloween est pour moi un jour comme les autres. La seule exception est que je suis totalement seule à la bibliothèque, si on oublie Madame Pince évidemment. Ce jour-là, j'ai mis la main sur un très vieux livre gondolé qui sent la poussière, et un poil le moisi si on veut être honnête.
Au bout de ce qui me semble une éternité à m'user les yeux sur les petites lignes serrées, je sursaute en tombant sur un passage qui aborde le sujet qui m'intéresse.
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"Léandra la fourbe, dans le giron du mal s'enfuit,
Icara, dans les bras de l'homme soigne sa peine,
Si forte est la Forge des Âmes que toutes deux seront anéanties,
La guerre fondra sur Cyséal dans cette aube rouge d'une bataille vaine,
Si d'aucunes ne font face au lien divin."
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Je retiens mon souffle en lisant ces quelques phrases traduites d'un dialecte ancien qui m'est inconnu.
-Léandra et Icara, je murmure pour moi-même. Voilà mes deux sœurs.
Je relis des passages entiers dans les pages précédentes et comprends rapidement que cette fameuse Forge des Âmes semble avoir eu un impact sur les deux femmes. Du moins si le mot "anéanties" a été bien traduit. Un lien magique quel qu'il soit peut-il véritablement détruire quelqu'un ?
Je m'empresse de recopier le texte sur un bout de parchemin encore vierge et me plonge dans les pages suivantes avec une concentration renouvelée. Il me faut un peu plus d'une heure pour retomber sur un autre passage intéressant. Il fait ici mention de la guerre qui a fait rage entre les deux femmes à travers un déferlement de vieille magie nécromant. Le texte semble avoir été écrit par un des grands-prêtres d'Icara - qu'il appelle aussi la sorcière blanche - et fait mention d'un "Lien brisé par l'amour et la haine".
Pourquoi fallait-il que les mages de l'époque soient si pompeux quand ils racontaient leur vie ou celle des autres ?
Je continue ma lecture et manque de tomber de ma chaise lorsque mes yeux tombent sur les quelques vers qui obscurcissent le coin gauche de la mille cent septième page.
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"Le romarin pour l'heure du soir,
La verveine les montagnes regardera,
Du sel pour toute constellation l'entourera,
Les âmes étendues dans le noir,
Pour le lien révélé, prononcez amorem fraternitatis"
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En un bond je suis debout. Je recopie à la va-vite les phrases et laisse le livre sur la table avec toutes mes affaires. Je sors ensuite de la bibliothèque en courant et j'ai droit à un cri d'avertissement de la bibliothécaire outrée. Essaye donc de me coller pour voir, vieille bibliothécaire acariâtre !
Je continue de courir sans rencontrer âme qui vive et traverse les étages à une vitesse prodigieuse. J'avale les marches d'escaliers plus rapidement qu'un niffleur dans une banque Suisse et me retrouve enfin, soufflant comme un bœuf, devant la porte de la salle de classe de Lupin. Il y passe généralement une grande partie de ses journées lorsqu'il n'a pas cours et je me doute donc fortement qu'il y sera.
Après avoir repris ma respiration, je pousse la porte et le trouve attablé à boire du thé avec un élève. En m'approchant, je m'aperçois que ce n'est pas n'importe quel élève, mais le fameux Harry Potter.
-Alya ? Tu as couru ?
Comment a-t-il deviné ? Ah oui, peut-être mes cheveux en bataille, mes joues rouges et mon souffle court y sont-ils pour quelque chose. Je lève la main contenant mes notes et souris de toutes mes dents.
-J'ai trouvé, Remus ! dis-je sans relever l'air étonné du jeune élève. J'ai même l'incantation !
Remus se lève lentement sans y croire et tend la main vers moi. Je lui fourre mon parchemin froissé dans la paume et attends patiemment qu'il ait pris connaissance de son contenu en me tenant les côtes pour faire passer mon vilain point de côté.
Il va pour me répondre, quand la porte s'ouvre de nouveau pour laisser le passage au professeur Rogue tenant un gobelet plein d'un breuvage épais et fumant. Il nous regarde tous les trois et pince les lèvres en posant le récipient sur une table non loin.
-Merci beaucoup Severus, s'exclame alors Remus d'une voix enjouée tandis que ni moi ni le jeune Potter ne bougeons.
-Je vous conseille de le boire tout de suite et, s'il vous en faut d'autres, j'en ai fait un plein chaudron.
-Sans problème, j'en reprendrai sans doute demain matin.
D'un léger hochement de tête, Rogue repart en refermant doucement la porte derrière lui et je me tourne vers le professeur de défense qui se dirige tranquillement vers son breuvage.
-Infâme, finit-il par dire en reposant le récipient vide.
-Professeur, je pense que vous ne devriez pas boire ça, intervient alors l'élève avant de se raviser en se souvenant de ma présence.
-Ha ha, pas d'inquiétude voyons, s'exclame Remus en revenant vers son siège. Alya, ces informations sont tout bonnement incroyables. Je suis presque sûr que les lignes concernant la verveine, le sel et le romarin font partie du rituel accompagnant l'incantation de la fin.
-Oui, j'y ai pensé aussi, je lui réponds en retrouvant ma fébrilité. Je pense qu'en me basant sur une ancienne carte aux étoiles, je pourrais calculer la taille et la composition du cercle du rituel. Il y a noté "Du sel pour toute constellation l'entourera", je pense clairement qu'il faut réaliser un anneau de Prison-Monde universel.
Je vois Remus hocher distraitement la tête en relisant mon écriture penchée et je sais qu'il analyse déjà mes paroles pour les confronter à la masse de savoir qu'il possède, enfouie sous sa petite caboche fatiguée.
Au bout de plusieurs minutes silencieuses, il me tend mon parchemin et se rassoit lourdement dans son fauteuil. Je remarque alors, à son teint grisâtre et à ses yeux plus cernés que d'ordinaire, qu'il traverse une de ses fameuses crises qui le laisse chaque fois vidé de toute énergie. Je m'en veux soudainement de me reposer en partie sur lui, alors qu'il n'a vraiment pas, l'air de se sentir bien.
-Désolé, Remus, lui dis-je alors d'une petite voix. On en reparlera quand ça sera passé, ok ?
Il me regarde avec toute la bonté et la bienveillance dont il a toujours su faire preuve envers moi et m'adresse un fin sourire complice.
-Oui, nous en reparlerons au repas ce soir.
Je lui rends son sourire et je m'en vais sitôt en évitant de faire claquer le battant.
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Le repas d'Halloween bat son plein dans la grande salle de Poudlard et nombre de professeurs ont depuis longtemps cessé de tenter d'y mettre un peu d'ordre. Je suis de ce nombre. Je profite tout de même du délicieux repas concocté par les elfes de maisons et du spectacle qu'offrent les fantômes qui s'agitent tout autour de nous.
À mes côtés, Remus avale une grosse part de ragoût aux épices avant de se pencher à mon oreille pour tenter de se faire entendre.
-Je pense qu'il faudra soumettre ton cercle à l'approbation de Dumbledore avant d'effectuer un quelconque essai. Peut-être même qu'il possède quelques connaissances dans le domaine qui pourront nous éclairer sur l'orientation des runes astrologiques.
J'acquiesce vivement et me penche à son tour vers lui. Ainsi rapproché, je perçois l'odeur de la potion qu'il a prise dans la journée. J'ignore ce que c'est censé soigner, mais ça à l'air sacrément fortiche. Même si je suis une quiche en potion, j'arrive à percevoir l'odeur des ingrédients peu communs ou carrément rares à travers ses effluves. J'avoue que cela m'inquiète un peu, mais je n'en montre rien.
-Ne mets pas la diligence avant les sombrals, Remus. Il me faut d'abord l'accord du Ministère parce que, sans ça, toutes nos théories fumeuses ne resteront qu'à l'état larvaire.
-Sans compter que, si aucun de nos deux jeunes ne veut participer à tes recherches, nous n'aurons aucun moyen de les obliger.
Je l'entends prononcer sa phrase comme une évidence et ses mots me font l'effet d'une douche glacée. Comment n'y avais-je pas pensé avant ? Il est évident que ce genre de procédures demande tout un tas d'autorisations en tout genre, mais la plus importante d'entre elles est sans conteste celle des deux jumeaux, ainsi que de leurs parents.
Je rive mon regard à la table des Gryffondor et me mordille la lèvre en réfléchissant déjà à un argumentaire béton pour convaincre ces deux trublions. Je les vois haranguer Nick-quasi-sans-tête et faire des gestes de plus en plus agités tandis que leurs voisins s'écartent pour ne pas prendre de coup. Mais attends, ils ne vont pas vraiment danser sur la table ?
Je soupire en voyant le professeur Mc Gonagall filer jusqu'aux frères Weasley pour les faire se rasseoir et pose mon menton dans ma main. Décidément, on peut dire que la chance m'a abandonné sur ce coup-là.
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Une fois le dessert achevé, Remus et moi suivons le mouvement des élèves et des professeurs jusqu'aux étages et devons nous arrêter lorsqu'un bouchon bloque l'un des escaliers menant à notre aile. Nous tentons vainement de voir ce qui se passe à l'avant et j'entends des cris d'effroi se répercuter peu à peu entre les élèves. Je crains qu'il ne se passe quelque chose d'un peu plus grave qu'une simple indigestion.
-Alya, avec moi !
Sans poser de question, je suis Remus de près et fends aisément la foule dense des élèves pour arriver face au portrait de la grosse dame bloquant l'accès à la tour des Gryffondor. Cependant, au lieu d'y trouver cette bonne femme un peu trop pipelette, nous avons l'horreur de faire face à son tableau lacéré.
Qui ? Pourquoi ? Je tourne la tête à gauche à droite pour essayer de trouver une explication rationnelle, mais la stupeur m'empêche de réfléchir correctement.
Il me faut un peu de temps pour sortir de ma torpeur et, lorsque j'émerge enfin, d'autres professeurs nous ont rejoints ainsi que le Directeur lui-même. Un seul nom commence alors à glisser le long des bouches de la centaine d'élèves groupée là. Un nom que nous pensions lire uniquement dans les journaux du matin : Sirius Black.
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Le branle-bas de combat est sonné. D'un ton ne souffrant aucune contradiction, Dumbledore fait boucler les issues et nous dispense des ordres secs que nous filons exécuter.
Lorsque je débarque dans la salle commune des Serdaigle, je ne prends pas le temps de laisser libre cours à ma nostalgie, il y a plus urgent à faire.
-Tout le monde debout ! je hurle en avançant d'un pas volontaire vers le centre de la pièce circulaire au plafond peint d'étoiles. Réunion de crise, que tous ceux qui sont dans leurs chambres descendent !
Les élèves qui avaient tardé à aller se coucher me regardent avec des yeux ronds et se jettent des coups d'œil anxieux. J'avise alors une jeune fille qui n'a pas encore retiré son uniforme et dont le badge de préfet brille sur le devant de sa poitrine.
-Je veux que vous rassembliez l'ensemble des élèves de Serdaigle ici, dis-je d'une voix tendue. Trouvez-moi immédiatement l'autre préfet de votre maison, vous allez devoir vous diriger le plus rapidement possible vers la grande salle. Vous m'avez compris ? Et interdiction de sortir sans moi !
La jeune fille aux nattes blondes acquiesce vivement et file vers le dortoir des garçons pour y quérir son homologue. Pendant ce temps, je verrouille la porte de la salle commune d'un coup de baguette magique et monte les marches vers le dortoir des filles. Je fais chaque chambre, en sortant les étudiantes par le bras s'il le faut et, en moins de cinq minutes, ils sont tous réunis au milieu du salon ovale. Je me suis assuré qu'il ne restait personne dans les étages et, d'un nouveau coup de baguette, je déverrouille la porte pour sortir sur le palier en vérifiant qu'aucun ennemi n'est en vue.
D'un geste vif, j'ordonne à la petite troupe encore un peu hagarde de vider les lieux et les mènent jusqu'à la grande salle aménagée en dortoir pour l'occasion.
-Il ne reste plus aucun élève dans la tour de Serdaigle, dis-je au Directeur une fois que tout le monde eut passé les grandes portes.
Je le vois qui acquiesce tandis que le professeur Rogue arrive à son tour avec l'ensemble des Serpentard sur ses talons. En tournant la tête, j'aperçois le professeur Mc Gonagall qui s'affaire à enchanter la lourde porte d'entrée afin de renforcer sa solidité. Si, avec ça, Black décide de passer quand même par-là, je lui souhaite bien du courage.
-Je veux que les professeurs effectuent des rondes toute la nuit, et que le château soit entièrement fouillé ! Nous affirme le Directeur dont les yeux ne sont maintenant plus que deux fentes étincelantes.
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Le jour pointe lentement le bout de son nez et nous découvre fatigués, affamés et tendus, mais en vie. Du plus loin que je me souvienne, je n'ai jamais passé une nuit aussi affreuse. J'ai l'impression d'avoir été rouée de coups toute la nuit, tellement mes épaules et mon cou me font mal à force d'être tendu. J'ai les yeux qui brûlent et je tombe de sommeil.
Remus, lui, n'a pas meilleure mine, loin de là. Il est tellement livide que j'ai l'impression qu'on a drainé tout son sang et ses yeux sont cernés d'un large trait sombre lui donnant une allure plus que maladive.
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Une fois le jour entièrement levé, nous faisons sortir les élèves de la grande salle et les ramenons à leur salle commune respective. Un calme tendu et morose pèse désormais sur les habitants du château et le petit-déjeuner se déroule dans un silence surnaturel. Exceptionnellement, les cours sont annulés pour la journée afin que les élèves et professeurs puissent prendre du repos et, vers midi, je me coule enfin au fond de mes draps après avoir été relevé de ma ronde par le professeur Chourave.
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Le lendemain et les jours suivants, tout le monde ne parle que de ça et nous nous affairons à rassurer les élèves en leur assurant que la surveillance autour du château a été renforcée et qu'ils ne courent aucun risque. Moi-même, je suis crispée et l'augmentation du nombre de détraqueurs que j'aperçois à travers les vitres de ma salle de classe ne m'aide pas à me sentir mieux.
Finalement, l'ambiance s'apaise peu à peu grâce à un événement bienvenu : le match de Quidditch prévu pour le début de semaine prochaine. Un matin, j'entends en effet le Directeur affirmer à une Mc Gonagall grincheuse qu'il n'envisage pas une seule seconde d'annuler le match car, comme il le dit si bien, "c'est un moyen pour eux de penser à autre chose et de se rassembler pour fêter la vie". C'est qu'il pourrait presque se reconvertir en philosophe de comptoir si un jour le rôle de Directeur ne lui convenait plus.
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Pour moi, la délivrance se fait finalement au moment où je m'y attends le moins, c'est-à-dire lors d'une après-midi où je n'ai pas cours et durant laquelle je travaille dans le salon de ma salle de classe. Alors que je suis accoudée à ma table basse, assise à même le tapis et occupée à rédiger une longue note à propos d'un livre fort intéressant, j'entends toquer contre ma fenêtre battue par la pluie. D'un mouvement souple, je me relève et marche jusqu'à la vitre pour ouvrir au pauvre volatile trempé qui attend derrière. Avec un hululement de syndicalistes mécontents, celui-ci s'engouffre dans la pièce sitôt le battant ouvert et vient asperger le parquet de grosses gouttes de pluie.
-Viens là, donne-moi ça, dont. Allez !
Après un combat épique dans lequel j'écope d'une bonne morsure au doigt, je récupère enfin ma missive et lui lance le reste d'un gâteau à la cannelle afin qu'il se calme. À force d'attendre, j'avais cessé d'espérer une quelconque réponse du Ministère et je ne suis que plus surprise de me retrouver face à l'en-tête du Département des Mystères.
"Mademoiselle Alya Tio,
Nous accusons bonne réception de votre demande d'autorisation, en date du 15 septembre dernier, dans le cadre de la poursuite de votre Thèse au sein de l'établissement scolaire de Poudlard. Le Département des Mystères à bien évidemment pris en compte votre requête, réalisée en bonne et due forme, et y émet un avis favorable. Nous vous demandons de bien vouloir vous rapprocher du Directeur dudit établissement, contacté par nos soins, afin d'y récupérer votre fiche de mission.
Nous vous informons également avoir transmis copie de votre courrier à Monsieur Arthur Weasley, actuellement employé au Service des Détournements de l'Artisanat Moldue, au sein du Ministère, et représentant légal des Messieurs Fred et Georges Weasley.
Je vous rappelle enfin que, conformément à la loi de 1964, vos rapports de recherches doivent nous être transmis à chaque trimestre à l'adresse indiquée en en-tête.
Dans cette attente,
Je vous prie d'agréer, Mademoiselle Tio, l'expression de mes salutations les plus distinguées.
Le Directeur"
En posant la lettre sur ma table basse encombrée, je sens toute la tension de ces dernières semaines s'écouler le long de mes membres, me laissant vidée et transie. Bien sûr, cela est une très bonne nouvelle, très très bonne même. Leur retard n'a été dû qu'aux démarches effectuées par le Département et il ne me reste plus qu'à aller voir Dumbledore pour pouvoir commencer.
Ce que je m'empresse de faire sur l'heure.
