DISCLAIMER : Tous les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à JK Rowling.
Rating : M+
Genre : romance / slash / Yaoi
Bonjour à tous,
Merci pour vos reviews et pour votre enthousiasme toujours aussi extraordinaire !
Bonne lecture !
Chapitre 3
Jeudi 18 septembre 2008 – Agence Heaven, Soho, Londres
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire avec Rufus Colby ? demanda Monica. Il me réclame le remboursement intégral de sa cotisation car tu serais, je cite…
- La pire pute qu'il a rencontré, acheva Draco. Je sais. Il me l'a déjà dit.
- Que s'est-il passé ?
Draco soupira en se passant la main dans les cheveux.
-Je… je n'étais pas en forme. J'ai eu une semaine de merde et je n'ai pas assuré avec Colby. Je suis désolé.
- Drake, tu comprends le problème, n'est-ce-pas ? Colby était un nouveau client. Dieu sait ce qu'il va aller raconter maintenant ? La réputation de l'agence risque d'en prendre un sérieux coup !
- Je sais ! Je te l'ai dit, je suis désolé ! Mais merde, c'était juste un moment de faiblesse ! Je ne suis pas une machine !
Monica expira par le nez en pinçant les lèvres. Elle ouvrit un tiroir de son bureau et en sortit une plaquette de comprimés en losanges bleus qu'elle fit glisser vers Draco.
- C'est ton travail, Drake. Je comprends que tu aies un moment de faiblesse mais dans ce cas, tu dois le corriger.
- Quoi ? Mais…
- Il y va de la réputation de l'agence. Les clients s'adressent à moi parce que je propose le meilleur service de la ville. Le client, c'est tout ce qui compte. Tu dois faire en sorte qu'il se sente aimé, choyé. Il doit avoir l'impression d'être l'homme le plus désirable au monde. Il paye pour cela. Tu n'as pas le droit de le décevoir. Tu n'as pas le droit de ne pas le désirer. Alors, la prochaine fois, fais ce qu'il faut. En attendant, prends ta soirée. Simon te remplacera.
Draco prit rageusement la plaquette de comprimés et la fourra dans la poche de sa veste.
Il allait sortir du bureau quand Monica le rappela :
-Drake, ne prends pas ça à légère. Je ne plaisante pas.
Draco ne répondit rien et s'en alla.
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Tinworth
Le cimetière de Tinworth ressemblait à beaucoup d'autres cimetières de la campagne anglaise. Pas très grand, jouxtant une petite église en pierres du pays, avec des stèles et des croix de guingois, où étaient posés des bouquets de fleurs et des potées.
Il était inhabituellement bondé en ce jeudi matin. Aidan Hirsch avait manifestement beaucoup d'amis et d'admirateurs. Dans ce parterre de flagorneurs inconsolables, Harry admirait la maîtrise et le stoïcisme de Samantha Hirsch.
- Monsieur Potter, dit-elle en s'approchant. C'est aimable à vous d'être venu.
- Beaucoup de monde s'est déplacé pour votre mari.
Samantha regarda autour d'elle, un sourire crispé sur le visage.
-Oui. Aidan était très apprécié. Il y aurait eu encore plus de monde si la brigade de police magique n'avait pas placé des barrières anti-transplanage il y a une demi-heure.
Elle soupira tristement.
- Y a-t-il du nouveau dans l'enquête ? Avez-vous découvert qui a tué mon mari ?
- Pas encore, mais cela ne saurait tarder.
Samantha posa sa main gantée sur celle de Harry.
- Faites ce qu'il faut, Monsieur Potter, supplia-t-elle. Je vous en prie… rendez justice à mon mari…
- Je vous le promets, Madame Hirsch. Je vous le promets.
Elle hocha la tête, des larmes dans les yeux.
Harry aurait aimé lui poser quelques questions, notamment sur la relation de son mari avec Oliver Morton, mais il considéra que ce n'était pas le moment. Cette femme et ses deux enfants enterraient un mari et un père. Il se devait de respecter cela.
Il salua donc poliment Samantha Hirsch qui rejoignit ses enfants. Ils se tenaient près d'un couple plus âgé, les grands-parents sans doute.
Harry s'éloigna, tentant au mieux d'observer la foule. Beaucoup se pressaient près de la veuve pour présenter leurs condoléances, tandis que d'autres s'arrêtaient en pleurant devant le cercueil. Il soupira, désappointé. Il y avait trop de monde pour pouvoir noter un quelconque comportement suspect.
Il allait quitter les lieux quand il remarqua un mouvement à sa droite. A l'orée du petit bois qui bordait le cimetière, une silhouette se tenait, tapie derrière un arbre. Discrètement, Harry se rapprocha jusqu'à ce qu'il puisse distinguer l'individu dissimulé derrière le chêne. Son cœur se serra quand il remarqua que l'homme pleurait.
-Bonjour Malefoy, dit-il en se postant à côté de lui.
Surpris, Draco tressaillit légèrement. Il essuya rapidement les larmes sur ses joues.
- Potter, répondit-il.
- Ce n'est pas très prudent de venir ici.
Disant cela, Harry fit quelques mouvements compliqués à l'aide de sa baguette.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Draco.
- Un sort qui t'empêche d'être reconnu. Très utile pour les filatures.
- Je ne savais pas qu'un sort pareil existait…
- Un des avantages du métier d'Auror.
- Merci.
- Je ne pensais pas te trouver ici.
- Je voulais…
Draco haussa les épaules.
- Je voulais seulement lui dire au revoir.
- Oui, je comprends. Veux-tu qu'on s'approche ?
- Non… ça ira.
- Le sort est très efficace, Malefoy. Je te garantis que personne ne te reconnaîtra.
En proie à un débat intérieur, Malefoy hésitait.
-D'accord, finit-il par dire.
Ils s'avancèrent à découvert et se mêlèrent à l'assistance. Personne ne faisait attention, un peu comme si on ne les voyait pas. Draco s'arrêta devant le cercueil en chêne clair. Lentement, il posa sa main dessus.
Harry le regardait, mais son expression restait impénétrable.
-Je suis désolé, dit-il.
Draco lui jeta un regard en biais.
-Pourquoi es-tu désolé ? Tu n'es pas responsable de la mort d'Aidan à ce que je sache.
Harry sourit malgré lui.
- On croirait entendre ma psy.
- Ta psy ? Le Sauveur du Monde Sorcier, le Garçon-qui-a-survécu a besoin d'une psy ? se moqua Draco.
- Je sais que c'est difficile à croire pour toi, mais je n'ai jamais voulu de ma célébrité. Tout comme je n'ai pas voulu être orphelin, ni l'arme de guerre de Dumbledore ! rétorqua sèchement Harry.
Il s'éloigna, en colère. A quoi s'était-il attendu ? Malefoy n'avait pas changé. Il ne changerait jamais.
-Potter. Attends.
Malefoy le retenait par la main.
-C'est moi qui suis désolé.
Harry haussa les sourcils. Il aurait pu faire un commentaire acerbe, mais il ne dit rien. Il baissa les yeux sur la main de Malefoy qui était toujours serrée autour de son poignet. Voyant cela, Malefoy la retira précipitamment.
Il s'éloigna vers la lisière du petit bois, Harry à sa suite, et tous les deux assistèrent de loin et en silence, à la cérémonie funèbre. Elle fut plutôt brève. Assez rapidement, les personnes présentes commencèrent à quitter les lieux. Draco allait en faire autant mais Harry le retint.
- Ecoute, Malefoy… à propos de l'enquête, je voulais te dire que tu as été mis hors cause. Totalement. On a vérifié ton emploi du temps le soir du meurtre et il correspond en tous points à ce que tu m'as dit.
- Donc, jusqu'il y a peu, j'étais encore un suspect ?
- Oui, répondit simplement Harry.
- Pourquoi ? Quel motif aurais-je eu de tuer Aidan ? Il allait quitter sa femme pour moi.
Harry se mordit la joue. Non. Pas pour toi.
- L'essentiel est que tu as été disculpé, biaisa Harry.
- Ouais, maugréa Draco.
Il fourra ses mains dans les poches de sa veste.
- Eh bien, dans ce cas, je suppose que c'est ici que nos chemins se séparent, dit-il.
- Quoi ? Mais… pourquoi ?
- Comment pourquoi ?
- Eh bien… j'imaginais que… tu aurais voulu savoir… lorsque l'enquête sera résolue… tu…
- Tu ne me dois rien, Potter. Et je ne te demande rien non plus.
Disant cela, il se détourna et s'éloigna dans le petit bois. L'instant d'après, il avait transplané.
Harry resta figé un moment, le cœur inexplicablement lourd.
Quand il se décida à bouger, il constata qu'il ne restait dans le cimetière que quelques petits groupes de personnes.
Il allait transplaner quand il entendit des voix provenant de l'église. Intrigué, il entra, prenant soin de rester dissimulé derrière une large colonne en pierre. Plus loin, se trouvaient Samantha Hirsch et Isaac Thomas.
- … rien à faire ici ! siffla Samantha.
- Ecoutez, je…
- Je ne veux rien entendre de ce que vous avez à dire ! C'est une honte que vous ayez eu l'audace de venir !
- Samantha, je ne veux pas me quereller avec vous. Je comprends votre colère… je voudrais seulement que vous respectiez la volonté d'Aidan…
- Comment osez-vous ? Vous pensez peut-être connaître mon mari mieux que moi ?
- Je pense… non… je sais que c'était ce qu'il voulait. Oliver n'aurait jamais dû…
- Taisez-vous ! Oliver a fait exactement ce qu'il fallait pour préserver l'honneur de mon mari !
- C'est ce que vous pensez ? Que c'est déshonorant ?
- Je pense que vous n'êtes qu'une trainée et que vous n'avez aucun droit de me dire ce que je dois faire. Maintenant partez !
Isaac secoua la tête en soupirant. Harry eut juste le temps de sortir de l'église et de transplaner afin de ne pas être vu.
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Ministère de la Magie
De retour au Ministère, Harry se mit à arpenter nerveusement son bureau. Ainsi donc, Samantha Hirsch connaissait Isaac Thomas et au vu de son agressivité, elle devait également connaître la nature de sa relation avec son mari. Quant à Isaac, il avait fait référence à « Oliver ». Cela ne pouvait être qu'Oliver Morton, l'éditeur. Or, Isaac avait affirmé à Harry qu'il ne le connaissait pas et qu'avec Aidan, ils ne discutaient jamais de son travail.
Isaac avait menti et Samantha Hirsch n'avait pas tout dit.
Harry gratta sa joue, faisant crisser sa barbe de trois jours sous ses doigts. Il devait les réinterroger tous les deux. Restait à déterminer par lequel commencer.
Il ne réfléchit pas très longtemps.
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Birmingham – centre communautaire All Saints
- Monsieur Potter ? s'étonna Isaac Thomas en trouvant Harry assis sur les marches de l'escalier qui menait à l'entrée du centre. Ça fait longtemps que vous êtes là ?
- Plus d'une heure, mais ça n'a pas d'importance, dit Harry en se levant.
- Pardonnez-moi. J'étais…
- A Tinworth. Je sais. Je vous ai vu.
- Mais… comment…
Isaac fronça les sourcils avant de comprendre.
- Ah oui, j'oubliais. Le… transplanage, c'est ça ? S'il y a bien quelque chose que j'enviais à Dean, c'était ça !
- Je ne suis pas ici pour parler des mérites du transplanage.
- Oh, dit Isaac. Vous avez du nouveau ?
- Oui. Vous m'avez menti, Monsieur Thomas.
- Quoi ? Non !
- Je vous ai entendu discuter avec Samantha Hirsch après la cérémonie.
Isaac écarquilla les yeux.
-Non seulement vous connaissez Samantha Hirsch, mais surtout vous connaissez Oliver Morton, contrairement à ce que vous avez prétendu.
Isaac soupira.
- C'est vrai, admit-il. Je connaissais Oliver Morton. Je ne l'ai jamais rencontré mais Aidan m'a beaucoup parlé de lui.
- Je croyais que vous ne parliez jamais de travail ? Encore un mensonge ?
- Non, Aidan me parlait très rarement de son travail, excepté ces dernières semaines. Il était nerveux, en colère. Il a fini par me dire qu'il était en conflit avec son éditeur car il s'était rendu compte qu'il détournait de l'argent. Mais ce n'était pas cela qui le mettait le plus en colère.
- Qu'est-ce que c'était ?
- Dans le dernier roman, le héros, Ethan Gold allait tomber amoureux du directeur d'un centre communautaire de réinsertion pour jeunes délinquants. Il allait faire son coming-out.
- Je vois. Le coming-out d'Ethan Gold allait en fait être celui d'Aidan Hirsch. Il allait publiquement avouer son homosexualité et le fait qu'il avait une relation avec vous.
Isaac hocha la tête.
- Et ça ne plaisait pas à Morton, continua Harry.
- C'est le moins qu'on puisse dire. Il disait qu'Aidan allait être conspué par le monde littéraire sorcier, qu'il perdrait des lecteurs, que ce serait la fin de sa carrière…
- La veuve d'Aidan Hirsch m'a remis son ordinateur, dans lequel mes analystes ont trouvé la dernière version du roman. Il n'y a pas question d'un coming-out.
- Je sais. Suivez-vous si vous voulez bien.
Il se dirigea vers son bureau et ouvrit un tiroir. Il en sortit une clé USB.
- Vu qu'Aidan avait presque achevé son dernier roman, je me suis dit qu'il allait certainement être publié à titre posthume. Sachant qu'Oliver Morton refusait l'orientation qu'Aidan avait donnée à son personnage, je me suis dit aussi qu'il fallait que j'en parle à Samantha. Que peut-être…
Il soupira sans achever sa phrase, puis il tendit à Harry la clé USB.
- C'est l'exemplaire du roman qu'Aidan m'a confié peu de temps avant sa mort. Vous verrez que je dis la vérité. La version que Samantha vous a donnée est celle modifiée par Oliver Morton. Il a changé le nom du directeur du centre de Isaac Philips en Isabel Philips. Ainsi, l'honneur était sauf. Mais ce n'était pas ce que voulait Aidan.
- C'est cela que vous êtes venu dire à sa veuve ? Vous vouliez la convaincre de respecter la volonté de son mari.
- Oui, mais elle ne m'a pas écouté.
- C'était à prévoir.
Isaac haussa les épaules.
- Je me devais d'essayer. En mémoire d'Aidan.
- D'où connaissez-vous Samantha Hirsch ? Vous l'aviez déjà rencontrée ?
- Non. J'ai été le premier étonné qu'elle me reconnaisse lors de l'enterrement. Je n'ai même pas eu besoin de me présenter. Elle a foncé droit sur moi en me disant que je n'avais rien à faire là.
- Aidan aurait eu le temps de lui parler de vous ?
- Je ne sais pas. Je ne crois pas. Peut-être l'a-t-elle deviné grâce à la lecture du roman. Aidan me décrit de manière assez précise.
Harry pinça les lèvres. Il ne savait pas quoi en penser. Ou plutôt si. Samantha Hirsch cachait manifestement quelque chose.
- Pourquoi ne pas m'en avoir parlé directement ? demanda-t-il.
- Je ne sais pas. C'était idiot de ma part. Je vous prie de m'excuser, Monsieur Potter.
- J'espère pour vous que vous ne me cachez plus rien, s'énerva Harry. Sans quoi, je serai contraint de vous arrêter pour obstruction à l'enquête !
C'était n'importe quoi. Il n'avait aucun pouvoir d'arrêter un moldu et certainement pas pour « obstruction » à une enquête.
Mais il avait toujours eu envie de dire ça.
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Ministère de la Magie
- Steven, Allan, pouvez-vous vérifier dans l'ordinateur de Hirsch la dernière date de modification du fichier contenant son roman ? demanda Harry.
- Oui, pas de problème, dit Allan.
Il ouvrit l'ordinateur et fit quelques rapides manipulations.
-Voilà, dit-il. Dernière modification le…
Il fronça les sourcils.
- Ça alors. La dernière modification date du 16 septembre…
- Avant-hier ? intervint Steven. Mais… ça veut dire…
- Oui, confirma Harry. Le fichier a été modifié par quelqu'un d'autre que Aidan Hirsch. Oliver Morton en l'occurrence.
- Mais pourquoi ? demanda Allan.
- Pour modifier l'issue que Hirsch avait donnée à son roman et supprimer la référence à l'homosexualité de son héros. Hirsch et Morton se sont disputés à ce sujet peu de temps avant sa mort.
Steven émit un petit sifflement.
- Ça replace Oliver Morton en tête des suspects, dit-il. Avec un complice.
- Oui, et j'ai une bonne idée de qui pourrait être ce complice, dit Harry. Mais pour en être sûr, j'ai besoin de quelques informations supplémentaires.
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Wellington Square, Chelsea, Londres
Harry avait longtemps hésité avant de venir. Et maintenant qu'il se trouvait sur le perron, il hésitait encore. Il y avait de la lumière au premier étage. Malefoy était là. Mais peut-être n'était-il pas seul.
Finalement, il appuya sur le bouton de la sonnette. Rapidement, il entendit :
- Oui ?
- Je… bonsoir… c'est Potter.
Il n'y eut pas de question. Juste le bourdonnement de la porte d'entrée qui s'ouvrait automatiquement.
Il grimpa à l'étage et comme l'autre fois, il trouva la porte de l'appartement entrouverte. Et comme l'autre fois aussi, Draco était en train de cuisiner. De la pâtisserie cette fois. Il était en train de tracer minutieusement des arabesques en caramel sur des tartelettes au chocolat.
Harry le regardait faire, étonné et fasciné à la fois.
- Alors, Potter ? demanda Malefoy. Tu vas te décider à me dire ce que tu fais ici ?
- Je… bon sang… elles ont l'air délicieuses…
Malefoy haussa un sourcil et esquissa un sourire en constatant que Harry avait littéralement l'eau à la bouche.
-Tu veux en goûter une ? Tu me diras ce que tu en penses. C'est une nouvelle recette que je teste et je ne suis pas très convaincu du résultat.
Harry écarquilla les yeux.
- Quoi ? rétorqua Draco, se méprenant sur son attitude. Tu crois que je vais t'empoisonner ?
- Non ! C'est… c'est juste que je suis toujours étonné quand tu es cordial envers moi…
- Je suis le premier étonné, grommela Draco en continuant ses décorations.
Harry ne se fit pas prier davantage et prit une tartelette qu'il attaqua à belles dents. Aussitôt, le goût puissant du chocolat se répandit dans sa bouche, adouci par un cœur au praliné croustillant.
- Par Merlin, Malefoy ! souffla-t-il en fermant les yeux. C'est… c'est…
- C'est quoi ?
- Je crois que je viens d'avoir un orgasme gustatif, dit Harry.
Malefoy eut un sourire suffisant.
- Sérieusement, reprit Harry. C'est le meilleur dessert que j'ai jamais mangé.
- Tartelette au brownie, mousse au chocolat noir et cœur au praliné. J'ai utilisé un cacao à 70% pour la mousse… je me disais que c'était peut-être un peu trop amer…
- Sûrement pas ! C'est juste ce qu'il faut pour équilibrer la douceur du brownie et du praliné. Ne change rien, c'est parfait !
Malefoy hocha la tête et nota quelque chose sur un carnet.
- Où as-tu appris la pâtisserie ? demanda Harry.
- En regardant des émissions culinaires. Je me suis dit que ça ne devait pas être plus compliqué que les potions… j'ai acheté quelques bouquins et je me suis lancé…
- Tu es drôlement doué.
- Ça a l'air de t'étonner.
- Non. Tu étais doué en potions, alors… par contre, que tu connaisses le sort de lave-vaisselle, ça, ça m'étonne ! conclut Harry avec un sourire, en voyant les bols et autres ustensiles de cuisine se laver tous seuls dans l'évier.
Malefoy leva les yeux au ciel mais Harry vit qu'il se retenait de rire.
- J'ai hésité avant de sonner à ta porte, dit Harry. Je craignais de te déranger… avec quelqu'un.
- Aucun client ne vient ici, répondit Draco en terminant de ranger son plan de travail. Il est hors de question qu'ils sachent où j'habite.
- Oh… tu es un tel dieu du sexe que tu crains qu'ils ne veulent plus démouler de chez toi ?
Au moment où il prononçait ces mots, il sut qu'il était allé trop loin. Le regard noir de Draco ne trompait pas.
- Je suis désolé, dit Harry précipitamment. C'était… ce n'est pas un sujet de plaisanterie. Je comprends que tu veuilles préserver ta vie privée.
- Que veux-tu exactement, Potter ? demanda sèchement Draco. Je croyais t'avoir dit que je n'attendais rien de toi.
Harry fit quelques pas dans l'appartement. Les photographies d'Aidan Hirsch étaient toujours à leur place.
- Est-ce que le nom d'Isaac Thomas te dit quelque chose ?
- Non. Pourquoi ? Il devrait ?
Harry soupira.
- Ecoute, Malefoy… je ne suis pas censé te le dire, mais… je crois sincèrement que tu as le droit de savoir.
- Savoir quoi ?
- Hirsch n'était pas totalement honnête avec toi.
- Que veux-tu dire ?
- Il… il avait une autre liaison. Avec un moldu appelé Isaac Thomas. Le jour où il est mort, il allait annoncer à sa femme qu'il la quittait pour vivre avec Thomas. Cela faisait quatre mois qu'ils se voyaient.
Malefoy ne réagit pas.
- Je suis désolé, Malefoy. Vraiment.
- Pourquoi es-tu toujours désolé pour les choses dont tu n'es pas responsable ?
- J'aurais pu me taire. Tu n'en aurais probablement jamais rien su.
- Alors pourquoi me l'avoir dit ?
- Parce que je te vois souffrir à cause de lui. Tu as du chagrin parce que tu l'aimais, alors que lui, il te mentait !
Malefoy haussa les épaules.
- Eh bien, je suppose que je ne devais pas m'attendre à autre chose, murmura-t-il.
- Quoi ? Pourquoi dis-tu cela ? se révolta Harry.
- Je suis un prostitué, Potter ! cria Draco en frappant des poings sur le plan de travail. Je le resterai jusqu'à la fin de ma vie, même quand je serai trop vieux pour bander ! Personne ne veut faire sa vie avec un prostitué !
- Oh, non, Malefoy ! siffla Harry. Je refuse de t'entendre t'apitoyer sur ton sort ! Ce que tu fais pour gagner ta vie ne te définit pas et quoi que tu en dises, tu es libre de faire autre chose ! Et il n'en reste pas moins que ce connard de Hirsch t'a menti ! Il t'a mené en bateau pendant des mois ! Rien ne peut justifier ça ! Rien ! C'est une question de respect, putain !
Harry avait le souffle court et Draco le regardait, les yeux écarquillés.
-Je suis désolé d'avoir crié, dit Harry en se radoucissant. C'est juste que… tu ne méritais pas d'être traité comme ça.
Malefoy passa machinalement un torchon sur le plan de travail alors que celui-ci était parfaitement propre.
- Va-t-en, dit-il d'une voix égale.
- Malefoy, je…
- Si tu dis une fois de plus que tu es désolé, je te jure que je te jette un sort. Tu es venu me dire ce que tu avais à dire, maintenant, pars.
Harry comprenait qu'il ne servait à rien d'insister.
-D'accord, dit-il à contrecœur.
Il traversa l'appartement et sortit en refermant doucement la porte derrière lui. Sur le palier, il s'appuya contre le mur en tentant d'ignorer la douleur dans son cœur.
-Quel idiot, se fustigea-t-il.
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Vendredi 19 septembre 2008 – Tinworth
Harry avait terriblement mal dormi. Il s'était d'abord tourné et retourné dans son lit en regrettant son initiative. Ensuite, il s'était ravisé et s'était convaincu que Malefoy devait savoir, même si c'était douloureux, car tout valait toujours mieux que le mensonge. Finalement, il s'était endormi mais avait fait des rêves étranges peuplés d'yeux gris en colère.
Quand le réveil avait retenti à 6 heures du matin, il avait eu l'impression d'avoir dormi à peine dix minutes.
Il s'était douché à la hâte, avait avalé un café et une barre de céréales et avait transplané à Tinworth.
- Oh là là, chef ! dit Steven. Vous avez une sale tête !
- Vous allez me faire regretter de vous avoir demandé de venir, grommela Harry.
Steven rit de bon cœur alors qu'ils avançaient tous les deux vers la maison de Samantha Hirsch, dans la fraîcheur du petit matin.
- Sérieusement, reprit Harry, merci d'avoir accepté de m'accompagner. Vous n'étiez pas obligé. Vous n'y pouvez rien si je ne suis pas capable de garder un coéquipier.
- Vous rigolez ? s'écria Steven. Pour une fois que je peux faire du terrain ! C'est génial ! Et puis…
Il se gratta l'arrière du crâne.
-Zacharias Smith est vraiment un con. Vous avez bien fait de lui mettre une raclée.
Harry sourit, content de cette marque de soutien.
Arrivé devant la porte, il se tourna vers Steven.
- Les barrières anti-transplanage sont en place ?
- Oui, absolument.
- Bien.
Harry frappa quelques coups forts sur le battant de la porte.
-Samantha Hirsch ! cria-t-il. Auror ! Ouvrez immédiatement !
Il ne fallut pas longtemps pour que l'air autour d'eux se mette à vibrer, signe que quelqu'un se heurtait aux barrières anti-transplanage.
-Ce n'est pas la peine d'essayer de transplaner ! dit-il encore. C'est impossible ! Ouvrez immédiatement ou j'enfonce la porte !
Il n'y eut pas de réaction. Harry sortit sa baguette.
-Bombarda maxima !
La porte sauta sans difficulté. Harry s'engouffra à l'intérieur de l'habitation. Il se dirigea directement vers la chambre, l'endroit le plus probable où trouver quelqu'un à cette heure très matinale.
Comme il l'avait supposé, il y trouva non seulement Samantha Hirsch, mais également Oliver Morton.
-Ce n'est pas ce que vous croyez ! dit Oliver précipitamment, tout en essayant d'enfiler un pantalon à la hâte.
Sa chemise était mal boutonnée et ses cheveux hirsutes.
- Je ne crois rien, Monsieur Morton, dit Harry. Les faits sont là.
- Ecoutez, tout ceci est un malentendu ! Samantha et moi nous ne…
- Laisse tomber Oliver, dit Samantha Hirsch.
Elle s'avança vers Harry, le menton relevé et les bras étroitement serrés contre elle.
-Oliver a passé la nuit avec moi, dit-elle avec hauteur. L'enterrement d'Aidan a été éprouvant. Je me sentais seule et terriblement triste. Oliver était là. Il m'a apporté le réconfort dont j'avais besoin et il est vrai que la situation nous a échappé. Vous pouvez me juger, Monsieur Potter, ça m'est égal. Je n'ai pas honte de ce que nous avons fait.
- Je ne vous juge pas, Madame, mais puisque vous assumez parfaitement ce qui s'est passé, pourquoi avoir essayé de transplaner dès mon arrivée ? Car c'est ce que vous avez fait, n'est-ce-pas ? Vous avez voulu transplaner, vous et Monsieur Morton.
- Je voulais éviter à Oliver une situation embarrassante car je savais que vous ne comprendriez pas.
- Ne présumez pas de ce que je peux comprendre ou non.
Samantha Hirsh toisa Harry en resserrant contre elle les pans de peignoir en soie bleu pâle.
- Puis-je enfin savoir pour quelle raison vous faites irruption chez moi ? Est-ce uniquement pour me compromettre en compagnie de mon amant ?
- Non. Votre vie sentimentale ne me regarde pas, contrairement à l'enquête concernant le meurtre de votre mari, si tant est que cela ait encore une quelconque importance pour vous.
Samantha écarquilla légèrement les yeux.
- Je ne vous permets pas !
Harry n'eut aucun égard pour sa mine offusquée. Il se tourna vers Oliver Morton.
- Oliver Morton, vous êtes en état d'arrestation pour détournement de fonds et pour le meurtre d'Aidan Hirsch.
- Quoi ? glapit Morton. C'est… c'est impossible ! C'est une erreur ! Je n'aurais jamais pu tuer Aidan ! Bon sang, je n'arrive pas à transplaner tout seul ! Comment voulez-vous que…
- Vous avez le droit de garder le silence, dit Harry en lui lançant un sort d'entrave autour des poignets. Tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous lors de votre procès. Vous avez le droit de faire appel à l'avocat de votre choix Si vous n'en avez pas, il vous en sera désigné un d'office.
- Non… je…
- Avez-vous compris vos droits, Monsieur Morton ?
- Je… oui, souffla-t-il. J'ai compris.
Il jeta un regard implorant à Samantha Hirsch qui se contentait de le fixer sans aucune émotion particulière sur le visage.
Harry fit un signe à Steven qui prit Oliver Morton par le bras et transplana avec lui. Sans ajouter un mot, Harry transplana à son tour.
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Ministère de la Magie
- Ecoutez, dit Morton à peine assis dans la salle d'interrogatoire. Je reconnais que j'ai détourné de l'argent. C'est vrai… je prélevais sur les droits d'auteur d'Aidan un pourcentage plus élevé que prévu concernant la redevance à l'ASSOPAL, et j'empochais la différence… mais je vous jure que je ne l'ai pas tué !
- Combien de temps cela-t-il duré ? demanda Harry.
- Trois ans et demi.
- Combien avez-vous empoché ?
- Je ne sais pas. Dix mille gallions, peut-être onze.
- Vingt-huit mille trois cent, corrigea Harry.
Oliver Morton baissa la tête.
- Je n'ai pas tué Aidan, répéta-t-il. Je n'avais aucune raison de le faire vu l'argent qu'il me reportait.
- Sauf que Aidant Hirsch avait découvert votre combine et qu'il voulait cesser sa collaboration avec vous.
Morton releva brusquement la tête.
- Comment… ?
- Aidan Hirsch en avait parlé à deux de ses amants.
- Aidan avait changé d'avis. Nous étions parvenu à un arrangement.
- Je ne vous crois pas, Monsieur Morton. Tout simplement parce qu'Aidan Hirsch avait une autre raison d'arrêter de travailler avec vous. Une raison qui avait bien plus d'importance à ses yeux que l'argent.
Comme Morton ne répondait rien, Harry continua :
- Il voulait faire de son héros un homme gay, et par-là, faire son propre coming-out. Et ça vous déplaisait !
- Evidemment ! éructa Morton.
Il avait soudain perdu son air d'innocent injustement accusé.
- Comment pouvait-il croire que ses lecteurs accepteraient ça ? Il aurait perdu toute crédibilité !
- Pourquoi ? questionna Harry. Parce qu'un auror ne peut pas être gay ?
- Laissez-moi rire ! ricana-t-il. Comment une tapette pourrait…
Morton se rendit compte trop tard de son erreur. Il soupira lourdement en détournant les yeux. Harry aurait pu l'enfoncer encore davantage en lui rappelant que la tapette assise devant lui avait défait Voldemort mais il s'abstint. Il n'avait besoin de prouver à personne qu'il était un bon auror.
- Vous avez modifié la dernière version du roman d'Aidan, dit-il à la place. Vous avez supprimé toutes les références à l'homosexualité du héros et modifié le nom d'Isaac Philips en Isabel Philips.
- Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez.
- J'ai ici la version originale du roman, dit Harry en montrant une clé USB. Celle qu'Aidan Hirsch a confié à son amant, Isaac Thomas. La version présente sur l'ordinateur d'Aidan Hirsch a été modifiée trois jours après sa mort.
Oliver Morton gigota sur sa chaise, mal à l'aise.
- Ça ne prouve rien, répéta-t-il avec moins de conviction.
- Vous avez tué Aidan Hirsch parce qu'il allait proposer son roman à un autre éditeur, continua Harry. Aidan mort au sommet de la gloire, il était certain qu'une publication posthume de son dernier roman allait être un succès phénoménal. Vos bénéfices auraient doublés.
Oliver Morton se renfonça contre le dossier de sa chaise, un air goguenard sur le visage.
- Vous n'avez pas oublié que je suis cracmol, n'est-ce-pas ? demanda-t-il.
- Non, Monsieur Morton, je n'ai pas oublié. J'ai ici le résultat des tests passés à Ste Mangouste. Sur une échelle de 10, le niveau de magie d'un sorcier considéré comme faible oscille entre 4,1 et 5,4. Votre niveau de magie est de 1,9.
- Alors comment expliquez-vous que je sois parvenu à lancer un Avada Kedavra ?
- Vous n'avez pas lancé d'Avada Kedavra.
- C'est bien ce que je m'évertue à vous dire ! Je n'ai pas tué Aidan !
Harry feuilleta le dossier ouvert devant lui.
-Si, vous l'avez tué. Avec une potion à base de digitaline.
Morton écarquilla les yeux. Il ouvrit la bouche puis la referma.
- Oui, dit Harry en souriant. J'ai pris la peine de demander une analyse toxicologique.
- Mais… je… ce n'est pas…
- Ce n'est pas ce que font les aurors habituellement ? Si, Monsieur Morton. Cela fait plusieurs années maintenant que nos enquêtes incluent un bon nombre de techniques scientifiques moldues. Evidemment, si vous pensez que le travail des aurors se résume à ce qu'Aidan Hirsch décrit dans ses livres, ce n'est pas étonnant que vous n'en sachiez rien.
- Vous ne pouvez rien prouver !
- Je peux prouver que vous avez acheté de la digitaline à la boutique du Dr Aziz Branchiflore, un apothicaire de la Place Cachée, à Paris. Voici le reçu.
Il fit glisser un morceau de papier vers Oliver Morton qui clignait bêtement des yeux.
- C'était une bonne idée de vous rendre à Paris plutôt que de l'acheter sur le Chemin de Traverse, dit Harry, mais ce n'était pas très malin d'utiliser le nom d'Abélard Tressec, le savant français qu'Aidan Hirsch a créé pour son troisième roman.
- Et le sort ? Le sort est bien là ! Personne ne croira que c'est la digitaline qui l'a tué alors qu'il a reçu le Sort de Mort !
- Hm. C'était là votre idée à tous les deux ? Brouiller mutuellement les pistes ? Vous utilisez la digitaline en sachant que ses effets seront couverts par ceux de l'Avada Kedavra, un sort que vous êtes incapable de jeter. Quant à votre complice, si elle venait à être démasquée, elle dirait qu'elle n'a tué personne en lançant le sort, puisqu'Aidan était déjà mort par le poison. C'est bien ça, Monsieur Morton ?
- Non ! Nous n'avions pas…
Morton s'interrompit subitement, conscient de s'être trahi quant à la présence d'une autre personne sur les lieux du crime.
- Ce n'est plus la peine de faire semblant, dit Harry en consultant sa montre. A l'heure où on parle, Samantha Hirsch a été privée de liberté et a été amenée dans nos locaux pour être entendue.
- Je ne vous crois pas ! C'est du bluff !
Pour toute réponse, Harry agita sa baguette magique en direction du mur de droite. Celui-ci devint transparent, dévoilant une pièce en tous points identiques. Samantha Hirsch était assise à une table, les poignets entravés, un air furieux sur le visage.
-Après avoir procédé à votre arrestation, expliqua Harry, il est arrivé exactement ce à quoi je m'attendais : Samantha Hirsh s'est rendue à Gringott's pour accéder au coffre numéro 3765.
Harry prit une feuille de papier dans le dossier qu'il montra à Oliver Morton.
-En examinant vos comptes, dit-il, j'ai d'abord cru que l'argent détourné des droits d'auteurs d'Aidan Hirsch était dépensé de manière aléatoire. En y regardant de plus près, j'ai trouvé ces reçus pour des versements en liquide dans un coffre numéro 3765. Les gobelins m'ont confirmé que le coffre avait été ouvert par vous, Monsieur Morton et qu'il avait la particularité d'être relié à l'empreinte de votre baguette magique : 28 centimètres, bois de saule, crin de kelpi.
Harry observa Oliver Morton mais celui-ci restait impassible.
-Ce matin, à l'ouverture de la banque, continua-t-il, Samantha Hirsch s'est présentée, munie de votre baguette, pour accéder au coffre. Cette même baguette qui était soi-disant dans le tiroir de votre table de nuit et que vous aviez perdue. Mes hommes ont intercepté Madame Hirsch à la sortie alors qu'elle venait de vider le coffre des gallions qu'il contenait et y placer une fiole vide de digitaline. Elle avait également sur elle des billets de portoloin pour Buenos Aires pour elle et ses deux enfants.
Cette fois, un petit soupir tremblant s'échappa de la bouche d'Oliver Morton.
- Manifestement, Samantha Hirsch ne comptait pas vous attendre, Monsieur Morton.
- Je ne vous crois pas, murmura-t-il faiblement.
- C'est pourtant la vérité.
Oliver Morton secoua la tête.
- Vous étiez amants depuis longtemps, n'est-ce pas ?
- Trois ans, admit-il.
- Depuis qu'elle avait découvert que son mari la trompait avec des hommes.
- Oui.
- Ça lui était égal tant qu'elle continuait à profiter de sa célébrité, de son argent et de vous par la même occasion. Mais les choses ont changé quand elle a appris qu'Aidan Hirsch allait la quitter pour vivre avec Isaac Thomas.
Oliver Morton opina du chef.
-Comment l'a-t-elle su ? Par le roman ?
- Non. Un jour où elle avait emmené les enfants chez leurs grands-parents sur la côté, elle est rentrée à Tinworth car elle avait oublié le doudou de Leroy. C'est là qu'elle a surpris Aidan en train de…
Il fit une grimace dégoûtée.
- Elle l'a surpris avec ce… Thomas. Ils parlaient de l'avenir, du fait qu'Aidan allait quitter Samantha pour faire son coming-out et qu'ils pourraient vivre ensemble, au grand jour. Ce salaud avait osé amené sa raclure sous leur toit !
- Elle vous en a parlé et c'est ainsi que votre projet criminel a pris forme. Dorénavant, vous aviez tous les deux un motifs pour tuer Aidan Hirsch.
- Ce salaud n'a eu que ce qu'il méritait !
Harry soupira en refermant le dossier.
-Oliver Morton, vous êtes inculpé de meurtre avec préméditation.
Morton resta sans réaction. Harry se leva et quitta la pièce.
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Il repassa à son bureau avant de procéder à l'interrogatoire de Samantha Hirsch. Ça irait vite. Les preuves étaient là et il avait déjà les aveux de son complice.
Il allait se verser une tasse de café quand il remarqua un paquet posé sur bureau. Il y avait une petite carte par-dessus, sur laquelle il était indiqué, d'une belle écriture soignée : « Arrête d'être désolé. Tu as fait ce qu'il fallait. DM ».
Harry ouvrit la boîte. Elle contenait quatre muffins au chocolat. Il en prit un et mordit dedans.
-Putain de bordel de merde, souffla-t-il en fermant les yeux et en mâchant langoureusement sa bouchée.
Ce n'était pas un simple muffin au chocolat. C'était le paradis. Une association subtile entre le cake au chocolat noir et un cœur de mousse de lait à la vanille, rehaussée de petits éclats de noix et de nougatine. Le tout était tellement léger qu'Harry avait l'impression de manger un nuage.
Nom de dieu, Malefoy est vraiment doué, pensa-t-il en terminant la petite pâtisserie. Il referma soigneusement la boîte et la dissimula dans une armoire. Hors de question de laisser qui que ce soit profiter de ces merveilles.
Il relut la carte d'accompagnement. Tu as fait ce qu'il fallait.
Il sentit son moral remonter en flèche.
D'un pas assuré, il sortit de son bureau et gagna le local d'interrogatoire où se trouvait Samantha Hirsch.
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Samedi 20 septembre 2008 – Wellington Square, Londres
Harry allait grimper le petit escalier quand la porte s'ouvrit. Draco apparut sur le perron, vêtu d'un smoking noir particulièrement seyant.
-Potter ? s'étonna-t-il.
Harry restait stupéfait, incapable de détourner les yeux de l'homme en face de lui.
- Potter ? répéta Draco. Que fais-tu ici ?
- Je…
Il cligna plusieurs fois des yeux en essayant de se ressaisir. Bon sang, il devait avoir l'air d'un parfait idiot à béer comme ça.
- Tu sors ? dit-il tout de go.
Draco haussa un sourcil.
- Oui. Un client.
- Ah.
Harry se sentit curieusement rougir.
- Je… j'étais juste venu te donner des nouvelles de l'affaire. Samantha Hirsch et Oliver Morton ont été arrêtés. Ils ont avoué le meurtre d'Aidan.
- Ah, eh bien… c'est une bonne nouvelle. Que l'affaire soit résolue, je veux dire.
- Oui, c'est grâce à…
- Désolé, Potter, mais il faut que j'y aille.
Une luxueuse limousine venait de s'engager sur le square. Draco descendit les dernières marches de son perron et traversa le trottoir. A peine la voiture à l'arrêt, un chauffeur surgit de nulle part pour lui ouvrir la portière.
- Est-ce que tu es libre demain après-midi ?
Draco se retourna et fixa Harry étrangement. Harry lui, se maudissait de tant d'impulsivité. Lui arrivait-il de réfléchir avant de parler ? Mieux valait partir en courant avant de dire une autre connerie.
-Oui.
Harry crut avoir mal entendu.
- Quoi ?
- J'ai dit oui. Je suis libre demain après-midi.
- Je… Tu connais le Wolseley ? C'est…
- Sur Piccadilly. Je connais, oui.
- 15 heures ?
- D'accord.
Harry eut le temps d'apercevoir une paire de jambes croisées couvertes d'un pantalon à fines rayures et des pieds chaussés de brogues en cuir brillant, avant que Draco ne s'engouffre dans la voiture et que la portière se referme sur lui.
La limousine démarra lentement, presque silencieusement. Elle disparut au coin de la rue que Harry n'avait pas bougé un pouce.
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Dimanche 21 septembre 2008 – Restaurant The Wolseley, Londres
Harry tira nerveusement sur les manches de sa veste. Il avait opté pour une tenue décontractée : t-shirt blanc à col rond, blazer bleu foncé et jeans brut. En s'habillant, il avait trouvé que c'était approprié pour simplement prendre un café, mais maintenant qu'il était assis dans le restaurant, il hésitait. Peut-être aurait-il tout de même dû choisir quelque chose de plus formel ?
Il était arrivé presqu'une demi-heure à l'avance et il avait largement eu le temps de gamberger. Quelle idée avait-il eu d'inviter Malefoy ? Qu'allait-il bien pouvoir lui dire ? A tous les coups, ça tournerait comme son rendez-vous calamiteux avec Cho Chang chez Madame Pieddodu. Il faut dire qu'il n'était pas très doué pour les rendez-vous. Il était toujours horriblement nerveux, parlant à tort et à travers et gigotant en permanence. Ginny Weasley en avait fait l'expérience, sans parler de Michael, son premier petit-ami après sa séparation avec Ginny. C'était absolument…
Une minute. Est-ce que je viens vraiment d'envisager mon rendez-vous avec Malefoy comme un rendez-vous… amoureux ?
Cette simple idée lui échauffa les joues. Ses mains devinrent moites et son genou droit se mit à tressauter nerveusement.
Non. Non, c'est inenvisageable. C'est grotesque même. Bon sang, Potter, à quoi tu penses ?
Le raclement d'une chaise le sortit brutalement de ses pensées. Un serveur venait d'amener Draco à la table.
- Potter, dit sobrement Malefoy en s'asseyant. Tu attends depuis longtemps ?
- Je viens à peine d'arriver, mentit Harry.
Un silence gêné s'installa entre eux. Draco tenta de le dissiper en consultant la carte.
-Comment s'est passée ta soirée ?
Aussitôt qu'il eut parlé, Harry aurait voulu ravaler sa question. Draco leva la tête du menu avec une expression à moitié amusée, à moitié horrifiée.
- Tu veux vraiment qu'on parle de mon travail ?
- Je… heu… non…
- C'est bien ce que je pensais, dit Draco en se replongeant dans le menu.
Il avait dit cela d'un ton légèrement dépité et triste qui fit réagir Harry. Pourquoi ne pourraient-ils pas parler de cette soirée ? Il avait prétendu qu'il ne jugeait pas Draco sur ce qu'il faisait pour gagner sa vie… c'était le moment de le lui prouver.
-En fait, si. J'ai envie de savoir comment s'est passée ta soirée.
Draco le regarda avec des yeux ronds.
- Eh bien, quoi ? dit Harry. Tu étais super bien habillé… tu as dû aller dans un endroit très classe… moi, ça fait des siècles que je n'ai pas fréquenté des endroits classes, alors… j'ai besoin d'un peu de luxe par procuration…
- Rectification, Potter. Tu n'as jamais fréquenté des endroits classes.
Harry roula des yeux tandis qu'un serveur s'approchait.
- Messieurs ? Avez-vous fait votre choix ? demanda-t-il.
- Du thé earl grey et des scones aux fruits, commanda Draco.
- Même chose pour moi, dit Harry.
- Je vous apporte cela tout de suite.
Le serveur reprit les menus et s'éloigna.
- Quand j'étais encore adulé du monde sorcier, j'ai fréquenté quelques beaux endroits, dit Harry avec un peu de nostalgie.
- Parce que tu n'es plus adulé du monde sorcier ?
- Disons qu'ils se sont enfin rendus compte que je suis seulement un être humain et que je fais des erreurs, comme tout le monde.
- Ouch… quelle déception.
- Ne détourne pas la conversation, Malefoy. On parlait de toi. Alors, où es-tu allé ?
- Leicester Square. Avant-première de Quantum of Solace.
- Quoi ? s'étouffa presque Harry. Co… comment…
Malefoy haussa les épaules d'un air blasé.
- Ted… mon client est un des gros bonnets de EON Production, la société qui gère la franchise James Bond.
- Je sais ce qu'est EON Production ! Bon sang, j'ai vu tous les James Bond !
- Moi aussi. Mais j'en ai vu un de plus que toi.
Harry ronchonna. La sortie officielle n'était prévue que pour le mois d'octobre.
- Tu l'as vu ? demanda-t-il.
- Le film ? Evidemment ! J'ai…
- Daniel Craig !
Malefoy fit un sourire en coin.
- Je ne te savais du genre groupie, Potter…
- Je ne suis pas une groupie ! J'apprécie seulement beaucoup cet acteur.
- Hm hm. Son talent ou son physique ?
Le retour du serveur dispensa Harry de répondre. Il posa sur la table une large théière, une assiette de scones tièdes et des ramequins contenant de la confiture de fraises et de la clotted cream, puis il remplit les tasses en filtrant le thé à l'aide d'un petit tamis en argent.
-Bon appétit, Messieurs, dit-il en s'éloignant.
Draco prit un scone qu'il sépara en deux.
- Il n'est pas très causant, dit-il en étalant un peu de confiture sur une moitié.
- Qui ?
- Daniel Craig.
- Tu l'as rencontré ? Vraiment ?
- EON donnait une réception après la projection du film. Daniel Craig était là mais il n'est pas resté longtemps. Nous non plus, ceci dit. Ted devait partir pour Los Angeles le soir-même.
- Oh… vous n'avez pas… je veux dire… tu n'as pas dû…
- Bien sûr que si.
- Mais…
- C'est à ça que servent les limousines, Potter.
Harry fit un sourire crispé.
-Oui. Evidemment.
Il prit une cuillère de crème qu'il étala méticuleusement pour se donner une contenance.
-Ça t'embarrasse, n'est-ce-pas ? dit Draco. Tu prétends que non, mais je vois bien que si.
Harry soupira.
-Non, dit-il. C'est juste que… j'aimerais comprendre certaines choses, te poser des questions… mais j'ai peur de paraître… indiscret.
Malefoy se raidit.
-Que veux-tu savoir au juste ? siffla-t-il d'une voix dangereusement basse. Si je suis en dessous ? Oui, dans 80% dans des cas. Ce qui me convient très bien car, vois-tu, la trique n'est pas toujours au rendez-vous. Est-ce que je simule ? Oui, la plupart du temps, ou en tout cas, j'en rajoute car je suis payé pour ça. Est-ce que je suis bien payé ? Absolument. En trois ans, j'avais de quoi m'acheter l'appartement dans lequel je vis actuellement. Est-ce que j'accepte les rapports non protégés ? Oui, car ils sont tarifés deux fois plus chers et que je ne prends aucun risque, vu que je suis un sorcier et que j'utilise un sort de protection plus efficace que n'importe quel préservatif. Je suis testé tous les trois mois pour toutes les maladies sexuellement transmissibles et je suis totalement clean. Est-ce que la Nature m'a gâté ? Putain, oui. Ma position préférée ? Les cuillères ou la balançoire car ainsi, je ne vois pas leurs visages et ils s'abstiennent de m'embrasser car j'ai horreur de ça. Voilà. Tu veux savoir autre chose ?
Harry tourna doucement sa cuiller dans sa tasse de thé.
-En fait, je voulais juste savoir si tu étais heureux. Rien de plus.
Draco le regarda fixement. Il sembla à Harry qu'il mit une éternité avant de répondre.
- Je ne sais pas… je suppose que oui. En tout cas, je suis plus heureux que quand j'ai quitté le monde sorcier.
- Alors, c'est tout ce qui compte, dit Harry en souriant.
C'était un sourire large et sincère. Le même sourire que Draco lui enviait quand ils étaient à Poudlard. Il ne l'aurait jamais avoué, même sous la torture, mais à l'époque, il aurait aimé que ce sourire lui soit destiné. De temps à autre. Bien sûr, c'était illusoire. Il n'y avait aucune raison pour que cela arrive.
Et pourtant… le temps avait passé, de l'eau avait coulé sous les ponts et ils étaient là, assis tranquillement, en train de parler et de boire du thé. Et Potter lui souriait. A lui.
- Alors ? dit-il pour dissiper le drôle de sentiment qui naissait en lui. Comme ça, c'est la femme d'Aidan qui l'a tué ?
- Oui, acquiesça Harry, avec la complicité de son éditeur, Oliver Morton.
Il entreprit de raconter à Draco tout ce qu'il avait découvert, depuis les détournements de fonds jusqu'à sa rencontre avec Isaac Thomas et enfin les aveux de Morton et de Samantha Hirsch. Draco l'écouta attentivement, une expression indéchiffrable sur le visage.
- Je comprends, dit-il finalement en se versant une autre tasse de thé.
- Tu comprends quoi ?
- Qu'Aidan ait choisi ce… Isaac, plutôt que moi. Ça n'avait rien à voir avec le fait que je sois un escort. Isaac Thomas le soutenait dans son projet, il s'est battu pour que ses dernières volontés soient respectées. Il l'aimait bien plus que moi.
- Je ne suis pas d'accord, dit Harry. Aimer quelqu'un, c'est aussi lui dire ce qu'il n'a pas envie d'entendre. Tu avais raison… j'ai lu une partie du roman, et la manière dont il décrit la relation entre Ethan Gold et Isaac Phillips n'est vraiment pas convaincante. C'est une succession de clichés !
Draco haussa les épaules.
- Peut-être qu'Isaac Thomas ne lui a jamais menti. Peut-être qu'il aimait vraiment son écriture.
- Peut-être, admit Harry.
Ils restèrent silencieux quelques instants avant qu'Harry ne demande :
-Tu étais déjà tombé amoureux d'un client avant Hirsch ?
Malefoy sembla réfléchir à la question. Il but une gorgée de son thé et reposa délicatement la tasse sur la soucoupe.
- Je n'ai jamais été amoureux d'aucun client. Pas même d'Aidan.
- Mais…
- Je l'aimais beaucoup, c'est vrai, mais je n'étais pas amoureux de lui.
- Pourtant, ta réaction quand je t'ai annoncé son décès était…
- Egoïste.
- Je ne comprends pas.
Malefoy soupira doucement.
- En dépit du fait que je travaille pour une agence très sélecte, que je fréquente des endroits luxueux et des gens extrêmement riches, il n'en reste pas moins que tout cela a quelque chose de… sordide.
- Quoi ? Non ! C'est…
- Je couche avec des gens pour de l'argent. Bien sûr que c'est sordide.
Il baissa les yeux.
- Parfois, pour oublier ce que je fais, je… j'essaye d'imaginer que l'homme allongé à côté de moi n'est pas un parfait étranger. J'imagine que nous sommes peut-être au début de… quelque chose. Evidemment, c'est plus facile avec mes clients réguliers… j'apprends à les connaître, à les apprécier… et je me prends à rêver que je pourrais espérer davantage…
- C'est ce qui est arrivé avec Aidan ?
- Oui. De plus, Aidan était le seul sorcier dans la clientèle de Monica. Il savait qui j'étais et de quel côté était ma famille pendant la guerre, pourtant, à aucun moment, il ne m'a jugé ou fait le moindre reproche. Je suppose que c'est une des raisons pour lesquelles je me suis rapproché de lui. Mais ce n'était pas de l'amour. J'aimais l'idée d'aimer et d'être aimé. J'aimais l'idée qu'Aidan ne soit pas seulement… un homme qui passe.
Harry hocha la tête. Il comprenait. Ce qu'il ne comprenait pas, par contre, c'était…
- Pourquoi tu fais ça ? Je connais les raisons pour lesquelles tu as quitté le monde magique. Ta mère m'a tout expliqué. Mais… pourquoi avoir décidé de devenir escort ?
- Par facilité.
- Quoi ?
- Quand j'ai quitté le monde magique, je n'avais pas beaucoup d'argent. Bien que Maman et moi avions été innocentés, toute la fortune familiale était encore saisie pour des raisons obscures et certainement illégales. Maman n'a pas cessé de se battre pour récupérer nos biens, mais moi… j'en avais assez. Assez de l'hypocrisie du Ministère, de la haine des gens, de tout. Quand je suis arrivé à Londres, le peu d'argent que j'avais a été rapidement dépensé en logement et en nourriture. J'ai voulu trouver un travail mais… la réalité, c'est que je ne savais rien faire de mes dix doigts. C'est Monica qui m'a repéré le jour où j'ai renversé sur elle le verre de vin rouge que j'étais censé servir à sa voisine de table. Au lieu de m'engueuler, elle m'a donné sa carte et m'a dit que si le sexe ne me rebutait pas, elle avait un travail pour moi.
Malefoy fit de nouveau son petit sourire en coin.
- Le sexe n'était certainement pas un problème. J'avais déjà de l'expérience à ce moment-là… alors, je me suis présenté à l'agence. Monica m'a expliqué en quoi consistait le travail et j'ai dit oui tout de suite.
- D'accord, dit Harry. Je comprends. Mais pourquoi tu continues encore aujourd'hui ? Les biens de ta famille ont été débloqués depuis lors… même si tu ne veux pas rentrer dans le monde magique, tu pourrais gagner ta vie autrement.
- Oui, sans doute.
- Alors, si tu continues, c'est par facilité également ?
- Oui, et non. Disons qu'avec le temps, j'ai fini par me convaincre que c'est la seule chose que je suis capable de faire correctement.
- Bordel, sûrement pas ! s'exclama Harry. Tu as goûté tes pâtisseries ?
- C'est ça que tu me suggères ? Faire de la pâtisserie ?
- Et pourquoi pas ?
Draco eut un petit rire désabusé.
-Tu n'as pas changé, Potter. Tu es toujours aussi idéaliste.
Il porta la main à l'intérieur de sa veste et en sortit un portefeuille.
- Laisse, dit Harry en faisant la même chose. C'est pour moi.
- Pourquoi ? Tu es un client ? Si c'est le cas, sache que je coûte bien plus cher que du thé et des scones.
- Quoi ? s'offusqua Harry. Je n'ai jamais insinué que tu étais… que je… c'est…
- Excuse-moi, soupira Draco. Je sais bien. C'était idiot de ma part de réagir comme ça. C'est juste que…
Il baissa la tête, incapable d'exprimer correctement ce qu'il ressentait.
- Ce n'est pas grave, dit Harry en rangeant son portefeuille. J'accepte avec plaisir que tu m'invites.
- Je comptais uniquement payer ma part, Potter.
Voyant l'air complètement abasourdi de Harry, Draco partit d'un grand rire.
-Oh, bon sang, c'est si facile de te faire marcher, dit-il en sortant deux billets de vingt livres sterling.
Harry se mit à rire à son tour en se disant confusément que c'était la toute première fois qu'ils riaient ensemble. Et c'était fichtrement bien.
Quand ils quittèrent le Wolseley, ils se dirigèrent spontanément vers Green Park, comme si l'un et l'autre ne souhaitaient pas mettre fin à cet agréable moment. Ils discutèrent de choses et d'autres, comme deux vieux amis qu'ils n'avaient pourtant jamais été.
Finalement, au beau milieu du parc, Harry se décida à poser la question qui le taraudait depuis un bon moment.
- Quand tu as dit tout à l'heure que… que tu avais de l'expérience… tu veux dire que déjà à Poudlard… tu… hum… enfin… tu…
- Je préférais les garçons ? Oui. J'avais onze ans quand j'ai commencé à me poser des questions et quatorze quand j'en ai eu la certitude.
- Oh bon sang, grommela Harry. J'ai dû attendre d'en avoir dix-neuf pour m'en apercevoir.
- Que veux-tu ? Tu as toujours été lent et empoté.
- Je te remercie !
- Pourquoi ça t'inquiète ?
- Ça ne m'inquiète pas… c'est juste que… si je l'avais su plus tôt, peut-être que… peu importe.
- A ta décharge, ta rouquine était plate comme une sole limande. Ça a dû t'induire en erreur.
Harry bougonna en levant les yeux au ciel, tandis que Draco ricanait.
- C'était quand ta première fois ? demanda Harry après un moment.
- Cinquième année. Terrence Higgs. Je n'étais pas très dégourdi mais Terrence a été plutôt cool. Il m'a appris pas mal de trucs.
- Vous êtes restés longtemps ensemble ?
- On n'était pas vraiment ensemble. De toute façon, Terrence a quitté Poudlard cette année-là. On ne s'est pas revu.
- Je ne me souviens pas t'avoir vu sortir avec des gars. Tout le monde pensait que tu étais avec Parkinson.
- Je savais être discret. Et c'est vrai que Pansy était une bonne couverture.
- Tu la vois encore ?
- Non. Je n'ai plus vu personne depuis que je suis parti.
Harry ne fit aucun commentaire car il ne savait pas vraiment quoi dire. Ils continuèrent leur chemin en silence mais ce silence n'avait rien d'inconfortable. Arrivés à la sortie du parc, sur Constitution Hill, Draco s'arrêta. Il regarda Harry avec une surprenante intensité.
- J'ai passé un excellent moment, Potter, dit-il.
- Tu as l'air étonné, répliqua Harry en souriant. Je suis de bonne compagnie, tu sais. Tu aurais pu t'en apercevoir à Poudlard si tu n'avais pas passé ton temps à me chercher des ennuis.
- Hm. J'aurais pu m'en apercevoir, en effet. Si tu avais accepté de me serrer la main.
Harry fit une petite grimace.
-Touché, Malefoy.
Ils échangèrent un sourire et Draco tendit la main. Cette fois, Harry la serra sans hésiter.
- Peut-être à un de ces jours, Potter. Qui sait ? Une autre enquête t'amènera peut-être à nouveau dans le Londres moldu. J'espère juste qu'elle ne me concernera pas cette fois.
- Je n'ai pas besoin d'une enquête pour fréquenter le Londres moldu. J'habite ici.
- Vraiment ? s'étonna Draco. Où ça ?
- Square Grimmaurd.
- Square Grimmaurd ? Mais c'est là où vivait la famille de ma mère !
- Oui. J'ai hérité de la maison de Sirius.
Draco ouvrit de grands yeux.
- Comment peux-tu vivre dans un endroit aussi sinistre ?
- C'est la question qu'Hermione me pose à chacune de ses visites, soupira Harry. Elle dit aussi que c'est la raison pour laquelle mes relations ne durent jamais longtemps… les mecs je ramène s'enfuient littéralement de la maison.
- Ne me dis pas que tu as conservé les têtes d'elfes empaillées ?
- Non, mais je ne suis jamais parvenu à me débarrasser du portrait de la mère de Sirius. Elle n'arrête pas d'insulter les gens.
- Qu'est-ce que tu attends pour déménager ?
Harry haussa les épaules.
-Une maison, c'est une maison. Celle-là ou une autre… et puis, elle a appartenu à Sirius.
Draco leva les yeux au ciel.
- Ce que tu peux être sentimental. Affligeant.
- Bon, on va en rester là. Tu risquerais de devenir désagréable.
- Je t'emmerde, Potter.
- A un de ces jours !
Ils prirent chacun une direction séparée. Et l'un et l'autre souriaient comme des benêts.
A suivre...
