Printemps 1769
Voilà maintenant 3 années et demi qu'Oscar avait été rendue à sa véritable nature. Elle avait désormais quatorze ans. Grand-Mère, Louise de Jarjayes, ainsi qu'une myriade de servantes avaient fait en sorte qu'Oscar devienne une demoiselle accomplie. Et elle l'était devenue. Porter une robe était devenu une routine quotidienne que la jeune fille avait complètement accepté même si parfois elle pestait silencieusement car elle avait commencé à porter des corsets depuis peu. Elle excellait à la broderie et au piano. Sa mère Louise avait aussi fait en sorte qu'Oscar apprenne à converser de type de sujet qui sied à une demoiselle de son rang.
Physiquement, Oscar était passée de l'enfance à l'adolescence. Ses jolis traits n'avaient fait que s'affirmer. Son visage était toujours encadré de beaux cheveux blonds, mèches parfois folles, désormais relevées en une coiffure en vogue pour l'époque, avec une anglaise retombant souplement sur son épaule. Ses yeux, d'un beau bleu, n'avait pas perdu de leur air mutin et combatif mais Oscar avait désormais appris à cacher ce regard la plupart du temps. Elle avait désormais un corps de jeune fille, et Oscar se sentait quelque peu ridicule avec ses nouvelles formes naissantes.
Elle trouvait ses journées terriblement ennuyeuses, la vie d'une demoiselle n'était décidément pas pour elle. C'en était d'autant plus dur qu'elle avait eu un avant goût d'une vie Hors du commun, qui selon sa mère lui aurait permis de vivre dans une relative liberté. Malheureusement non, elle devrait passer sa vie assise et à sourire, à prétendre que parler de la couleur de sa robe soit un sujet passionnant, et complimenter ses futures amies sur leur coiffure et leurs bijoux.
Le futur pour elle était maintenant tout tracé, dans un an ou deux, elle ferait son entrée à la cour de Versailles en tant que demoiselle de compagnie pour un membre de la famille royale. Et il sera temps pour son père de lui trouver un mari. Cette idée faisait horreur à Oscar, car elle avait secrètement déjà décidé qui elle voudrait épouser. Son cœur se serra à cette idée, car celui qu'elle aurait voulu pour mari, elle ne pourrait jamais l'épouser.
Arrêtant ses pensées tristes, Oscar se regarda une dernière fois dans le miroir. C'était la fin de l'après-midi et l'heure pour elle de rejoindre son ami de toujours.
"Comme j'ai hâte de te voir!" Dit-elle au miroir, comme si son reflet était André. Elle prit une lettre qu'elle avait écrite sur son bureau, et sortit de son salon.
Oscar avait reçu dans son enseignement toute une instruction par rapport à la société et l'importance de sa naissance. Elle apprit qu'il y avait des règles encadrant les relations entre nobles et roturiers.
Malgré le bouleversement dans la vie d'Oscar et les années passées, Oscar et André avait toujours trouvé un moyen de rester en contact. Ils se voyaient très peu maintenant qu'André était devenu palefrenier et passait la plupart de ses journées aux écuries. Mais ils avaient parfois la chance de se rencontrer très brièvement. Ils échangeaient quelques mots mais trop rapidement. Ce fut l'occasion pour chacun d'élaborer de nouvelles manières de communiquer. Ils créèrent un signe secret pour se saluer, qui consistait à se passer la main sur le sourcil droit. Cela devait être discret car personne n'avait jamais rien remarqué. Un jour, Oscar décida d'écrire une lettre à André, et c'est ainsi qu'une relation principalement épistolaire s'installa entre les deux adolescents. Ils s'écrivaient à propos de leurs journées, leur activités. Mais aussi leur sentiments. Oscar ne cessait d'écrire à André qu'il lui manquait. Ce dernier semblait bien plus réservé dans ses lettres et parfois Oscar s'était demandé si il l'aimait toujours comme sa plus chère amie. Mais un jour André décida qu'ils devaient s'écrire des messages codés pour que personne ne puisse découvrir ce qu'ils s'écrivaient. Oscar ne compris pas mais accepta, et ils établirent ainsi leur propre alphabet. Cet événement changes beaucoup de choses, André se mit à écrire plus ouvertement à Oscar, il se mit à lui dévoiler aussi à quel point elle lui manquait, à quel point elle comptait pour lui. Plus d'une fois, Oscar avait relu certaines de ses lettres jusqu'à tard dans la nuit avant de les cacher dans sa boite secrète sous son lit.
Aujourd'hui Le château de Jarjayes était très calme. Le général était absent depuis 2 semaines et son retour n'était pas prévu avant au moins une autre semaine. Louise de Jarjayes passait beaucoup de temps à Versailles ces temps-ci. Et bon nombre de domestiques étaient occupés dans leur tâche, y compris Grand-Mère qui préparait le dîner avec quelques domestiques.
Oscar se faufila hors du château en direction des jardins. Le domaine de Jarjayes comptait également un petit bois dans lequel la jeune fille s'aventura. Marchant silencieusement, elle s'arrêta au pied d'un grand et gros chêne. Soudain, une main se posa sur son épaule, faisant sursauter la jeune fille.
"Bon sang André! Comme tu m'as fait peur! Dit-elle en se retournant.
"Pardon Oscar, mais c'était trop tentant!" s'exclama André en plongeant ses yeux dans les siens avec un air taquin.
André avait beaucoup changé en 3 ans, il avait désormais seize ans. Il avait grandi au point d'être désormais presque aussi grand que le Général de Jarjayes. Le travail qu'il effectuait devait être très physique, car son corps avait aussi indéniablement changé. Il était bien plus musclé que l'enfant qu'il était 3 années auparavant. Ses cheveux, noirs de jais, avaient été coupés au niveau de ses épaules car c'était plus pratique pour son travail. Ses yeux, d'un vert profond, semblaient toujours atteindre l'âme d'Oscar quand il la regardait. Il était toujours habillé très modestement avec sa chemise blanche et ses culottes marrons. Oscar n'en avait que faire, pour elle, il avait toujours été son égal.
"Comme tu me manques André! C'est si injuste. Je voudrais être avec toi comme avant. Comme quand nous galopions à cheval et nous battions à l'épée"! Oscar s'était jetée dans les bras de son ami et l'enlaçait tendrement.
"Tu me manques aussi Oscar… Énormément"
"Viens! Marchons ensemble!" Lui dit-elle en lui prenant la main.
Les deux adolescents s'était promenés dans le bois et avaient essayé de rattraper le temps perdu. Depuis le temps qu'ils étaient incapables de se parler correctement. Oscar semblait tellement heureuse, André était ravi et en oublia tout, jusqu'au temps qui s'écoulait. Il jouèrent comme les deux enfants qu'ils étaient auparavant et se coururent après. André finit par rattraper la jeune fille et la garda dans ses bras, redevenant sérieux, il la regardait encore une fois de cette façon si intense. Oscar caressa doucement sa joue. S'arrêtant soudainement, la jeune fille se retourna, elle semblait nerveuse.
"André… je t'ai écrit une lettre…
Oh merci Oscar, pardonne moi, je n'ai pas écrit cette fois ci, j'étais tellement pressé de te rejoindre...". Annonça il, penaud.
"Peu importe André, l'important c'est que tu sois là, et que nous puissions être ensemble maintenant. J'ai posé mes mots sur le papier car…". Oscar s'interrompit, elle avait l'air tellement nerveuse, son visage s'empourpra quelque peu.
"Je pensais que j'aurais plus de courage si je préparais mes mots à l'avance". Finit elle d'un rire nerveux.
"Je peux lire la lettre si tu veux". Proposa André.
"oui, hum… s'il te plais".
Oscar sortit la lettre de la poche de sa robe et la tendit à André, qui l'ouvrit et commença à la lire.
"Mon cher André" commença il. " Voilà plus de 3 ans que nous ne pouvons plus être amis comme avant. Je regrette tellement le temps que nous avons passé ensemble dans notre enfance. Tu me manques tellement, j'aimerais que nous retournions à cette époque. Mais je voudrais aussi que tu saches que pour moi, d'autres choses ont changé. André, mes sentiments ont changés. Je ne peux m'empêcher de penser à toi…". Les mots moururent sur les lèvres d'André. Oscar le regardait, les yeux pleins de peur et de doute. André continuait à lire la lettre dans sa tête, une émotion grandissante s'emparant de lui. Sa voix n'était plus qu'un doux murmure. Après d'interminables minutes, le jeune homme plia la lettre et la mit dans sa poche.
"Dis quelque chose…" Oscar n'osait le regarder, elle fixait le sol, les bras le long du corps. André fit un pas vers elle, puis deux et Oscar se retrouva dans ses bras. Levant les yeux vers lui, elle retint son souffle quand, d'un doigt délicat, il lui caressa la joue en lui souriant, avant de s'en emparer plus fermement.
"Oscar…"
Elle s'apprêtait à l'entendre parler mais ce qu'il fit fut bien plus surprenant pour elle. Il s'approcha d'elle jusqu'à ce que leurs corps se touchent, et posa ses lèvres sur les siennes, lui donnant son tout premier baiser.
"Je t'aime", murmura Andre.
Ces mots amenèrent des larmes dans les yeux d'Oscar. Ses sentiments étaient partagés. André l'embrassa une nouvelle fois. Ce baiser était différent. Les lèvres du jeune homme était chaudes et agréables. André avait pris le visage d'Oscar entre ses mains, agissant d'instinct, il avait commencé à caresser ses joues. La jeune fille nageait dans des sensations inconnues. Elle sentit son cœur battre si fort au point qu'elle du se détacher de lui.
"Je… Je dois partir André. Mais je promets, je n'oublierai jamais, jamais ce moment"!
Encore un peu perdu dans les sensations du baiser qu'il avait donné à Oscar, André lui répondit d'une voix à peine audible.
"Moi non plus Oscar, Je veux te revoir vite".
"Je trouverais un moyen. Je m'en vais maintenant", Fini elle en s'élançant dans le bois en direction du château.
André, resta là, la regardant courir, adossé à un arbre. Puis il sortit la lettre de sa poche, et relut son merveilleux contenu.
Mon cher André,
Voilà plus de 3 ans que nous ne pouvons plus être amis comme avant. Je le regrette tellement, le temps que nous passions ensemble. Tu me manques, j'aimerais que nous retournions à cette époque où tu devais être à mes côtés pour toujours. Mais je voudrais aussi que tu saches que pour moi, d'autres choses ont changé. André, mes sentiments ont changés. Je ne peux m'empêcher de penser à toi. Ton regard et ta présence me rendent plus heureuse que si je possédais toutes les richesses du Royaume.
Je te trouve beau, André. Je sais que je ne devrais peut-être pas dire cela car tu devrais être comme un frère pour moi. Mais la vérité, c'est que les sentiments que j'ai pour toi ne sont plus fraternels. Je voudrais que nous puissions être ensemble réellement, sans interdiction. Pour se parler quand nous le voulons, jouer et galoper également!
J'ai peur du futur André. Je rêve secrètement de notre mariage dans quelques années, dans une jolie prairie, aux abords d'une magnifique forêt, entourés des personnes qui nous sont les plus chères. Mais je réalise que nous n'avons pas le droit d'être ensemble, et cette pensée me rend de plus en plus triste. Je trouve horrible que le fait que je sois noble et toi roturier nous empêche d'être ensemble.
André, Je t'aime. Je voudrais savoir si tu tiens à moi comme je tiens à toi. Si tu ne partage pas mes sentiments, Je resterais ton amie pour toujours si tu me le permets.
Oscar
À suivre...
