Hanamiya ne pensait pas être un jour confronté à ce genre d'enfantillage.

Il pesta, secoua ses chaussures au-dessus de la poubelle pour se débarrasser des punaises qu'on y avait glissées.

Kirisaki Daichi était un lycée de haut niveau qui accueillait la plupart du temps de petits cons issus de familles aisées. Makoko ne faisait bien sûr pas partie de ce genre de personne: sa mère gagnait suffisamment pour les faire vivre, rien de plus. Cela agaçait donc bon nombre d'élèves de voir un 'sale pauvre' obtenir les meilleurs résultats, sans parler que le 'pauvre' en question était doté d'un caractère exécrable.

Pourtant, malgré tout cela, Hanamiya n'avait jamais été harcelé. Du moins, pas jusqu'à maintenant. Sérieusement, certains élèves n'avaient rien de mieux à faire de leur temps ? Surtout que ce n'était sûrement pas l'unique piège qu'ils avaient dû prévoir.

Makoto retint un sourire : si de sombres crétins pensaient pouvoir le piéger, ils allaient s'en mordre les doigts.

Ainsi, lorsque Hanamiya parvint à sa salle, il n'entra pas immédiatement. C'était bien connu qu'il appréciait arriver en dernier, histoire de ne pas supporter le chahut incessant de ses camarades de classe, et ceux qui souhaitaient le piéger devaient le savoir. De plus, Makoto remarqua rapidement qu'aucun bruit ne provenait de l'intérieur, comme si les autres élèves attendaient quelque chose.

Hanamiya aurait pu rire de leur bêtise. A la place il profita des couloirs vides pour se dissimuler derrière des casiers et guetta le moment où son professeur arriva et entra en classe. Un bruit se fit entendre, suivi d'un hurlement de colère. Le basketteur attendit quelques minutes que les cris cessent, jusqu'au moment où son professeur renvoya deux élèves de la pièce :

« Si vous trouvez cela si drôle, allez donc dans le bureau du proviseur !

— Mais, monsieur ... ! », se plaignit un élève.

Les deux adolescents ne purent se défendre, on leur claqua la porte au nez.

Hanamiya choisit ce moment pour sortir de sa cachette, un sourire arrogant sur le visage :

« Le piège de l'effaceur plein de craie. Un classique. »

Les deux autres sursautèrent, se tournèrent vers lui avec terreur. Hanamiya les reconnut à peine : c'était deux élèves de sa classe, certes, mais il s'en foutait tellement qu'il n'avait même pas pris la peine de retenir leurs noms.

Avant que l'un d'eux réagisse, Makoto les gratifia d'un regard noir qui les fit déglutir. Il les dépassa et entra dans la classe, s'excusant brièvement pour son retard. Le professeur, le visage encore plein de craie, l'invita à venir s'asseoir et repris son cours.

Hanamiya s'en sortait bien : à présent il savait à qui il avait à faire et il espérait avoir suffisamment intimidé ces gêneurs.

Malheureusement ce ne fut pas le cas, le basketteur le réalisa à la pause quand il aperçut les deux énergumènes ainsi qu'un troisième gars – sûrement d'une autre classe – en train de le suivre. Qu'avaient-ils encore prévu ? Hanamiya avait sa petite idée et, l'air de rien, il pénétra dans les toilettes pour se rendre dans une cabine.

Il n'eut pas à attendre longtemps puisque des rires étouffés se firent entendre. Makoto tendit l'oreille, compta jusqu'à trois et donna brusquement un coup dans la porte qu'il n'avait pas fermé à clé. Un cri retentit, signe que l'un des gars s'était bien mangé le coup.

Hanamiya observa le type à terre ainsi que le seau d'eau que ces abrutis avaient lâché de surprise. Le coup de l'eau balancé dans la cabine, sérieusement ... Ces mecs étaient les pires enquiquineurs qu'il ait pu connaître.

Il ne prit même pas la peine de leur parler et quitta simplement les toilettes, déjà fatigué de leurs piètres tentatives.

La journée continua ainsi. Hanamiya déjoua chacun de leurs pièges, toujours plus mauvais les uns que les autres, et cela commença sérieusement à l'agacer.

Quand il rentra chez lui ce soir-là, ce fut avec un soulagement qu'il ne connaissait que rarement. Il s'écroula dans le canapé sans daigner enlever ses chaussures et se passa une main sur le visage. Sa mère n'était pas encore rentrée. Il souffla, alluma la télé et profita d'un petit moment de détente, jusqu'au moment où on toqua à la porte.

Il grogna. Mais sa mauvaise humeur fut balayée par le sourire angélique de Kamine qui se tenait tout contente devant la porte.

« Bonjour Mako-nii-san !

— Bonjour Mine. Encore tes devoirs ?

— Non, je me suis beaucoup beaucoup avancée ! Je peux venir quand même ? »

Comment dire non à ce petit ange ? Makoto hocha la tête et la laissa entrer.

Ils s'installèrent tous deux dans le canapé et le lycéen se retrouva à regarder des dessins animés pour petits. Le problème quand on était un génie comme lui c'était qu'on analysait tout et qu'on partait beaucoup trop loin. Ainsi, après six épisodes de "Petit ours brun", Hanamiya vint à la conclusion que le personnage principal était une allégorie de la sexualité réprimée en milieu hostile.

Bon. Autant dire qu'il n'allait faire part de cette théorie à personne.

Il fut coupé dans ses réflexions par Kamine qui lui attrapa la main en tremblant. Immédiatement, le plus âgé s'inquiéta :

« Mine, qu'est-ce qui se passe ?

— ... Dis, nii-san ... Est-ce que Yuki-nee ne reviendra plus ... ? »

Makoto ne sut quoi répondre.

La situation familiale de la petite était assez compliquée. Ses parents étaient en plein divorce et le père était parti vivre dans une autre ville. Quant à Yuki, sa grande sœur, on ne savait pas trop. Un coup elle était là, le lendemain elle disparaissait ... Hanamiya se doutait que Yuki devait se faire héberger par ses amis, il ne s'inquiétait donc pas vraiment. Non, ce qui l'inquiétait c'était Kamine.

Cette dernière continua, toute fébrile :

« Nee-san est rentrée aujourd'hui ... Maman et elle n'ont pas arrêté de crier. C'est vraiment pas drôle ... Soit je suis toute seule, soit tout le monde crie. Dis, Mako-nii-san, pourquoi maman et papa ne s'aiment plus ? S'ils s'aimaient, Nee-san ne partirait plus ... C'est à cause de moi ? C'est parce que je suis pas sage ? »

Makoto sentit son cœur se serrer. Il l'a pris dans ses bras avec douceur, lui offrant un réconfort maladroit. La voir souffrir était bien la pire chose qu'il pouvait lui arriver.

« Non, Mine. Ça n'a rien à voir. Les adultes sont stupides, ils se concentrent sur une seule vision du monde, leur vision du monde. Et un jour, leur vision se casse. Ils réalisent leur erreur. Ils réalisent qu'ils ont été stupide.

— ... Comme ton papa ? »

Makoto la serra un peu plus contre lui, la gorge nouée :

« ... Oui. Comme mon papa. »

Le silence se fit, seulement entrecoupé par la télé qui continuait de diffuser.

Le lycéen embrassa tendrement la petite sur le front. Puisse qu'elle ne grandisse jamais, qu'elle ne devienne jamais une adulte. Qu'elle ne devienne jamais comme son père, ou même comme lui ...


Ce matin-là, en arrivant au lycée, Hanamiya eut pour réflexe de regarder dans ses chaussures. Certes il avait très peu dormi la veille et il était complètement dans les vapes, mais cela ne l'empêchait pas d'être quand même sur ses gardes.

Il ne fut même pas surpris en y trouvant une nouvelle fois des punaises, mais contrairement à la veille il ne les jeta pas. Au contraire, il les glissa dans sa poche avant de se rendre en cours.

Il n'eut aucune hésitation en entrant en classe : il savait que les abrutis ne prendraient pas le risque de piéger le prof une nouvelle fois. Ainsi il put s'asseoir sans danger, malgré les regards haineux qu'il sentait dans son dos.

A la pause, il fut surpris de recevoir un sms de Seto. Ce dernier l'invitait à déjeuner avec toute l'équipe sur le toit. Hanamiya hésita un peu avant de répondre par l'affirmative. Avant il mangeait toujours avec l'équipe de basket car cela concordait avec leurs horaires d'entraînements. Donc, depuis la fin de la Winter Cup, il n'avait plus déjeuner avec eux.

Son coéquipier lui répondit assez vite :

De : Kentaro

Cool, je t'attendrais devant ta salle.

Je vais être honnête : ce sera pas la première fois qu'on déjeune ensemble. Les gars et moi on s'est plusieurs fois réunis depuis la Winter Cup et personne n'était chaud pour t'inviter. Mais vu que t'as pris des bonnes résolutions, je pense que tu peux venir.

Hanamiya se doutait déjà que ses coéquipiers se réunissaient sans lui, mais l'apprendre était d'autant plus vexant. Il soupira, jusqu'à recevoir un nouveau message :

De : Kentaro

Je suppose que c'est toi le coup d'hier, avec Moriyama ?

Tient, il était déjà au courant ? Makoto retint cette fois un sourire.

Il avait dit qu'il aiderait Yamazaki et c'était chose faite. Quelques jours plus tôt, lorsqu'il avait dit vouloir "jouer les entremetteurs", il ne plaisantait pas : à peine rentré chez lui, le capitaine s'était procuré le numéro de Moriyama, et quelques 'mystérieux' textos avaient poussé le joueur de Kaijo à se rendre à un magasin de musique. Magasin où traînait, comme par hasard, Yamazaki.

Heureusement que Hanamiya connaissait par cœur l'emploi du temps de ses joueurs, sinon il n'était pas sorti d'affaire !

De : Makoto

Effectivement, c'était moi. Comment as-tu deviné ?

De : Kentaro

Yamazaki qui croise Moriyama pile le lendemain de notre discussion, c'est une étrange coïncidence non ? Ca a très bien fonctionné : apparemment ils ont échangé leurs numéros :p

De : Kentaro

Oh, j'ajouterai que Yama est avec moi et qu'il lit les textos!

Hanamiya manqua de s'étouffer. QUOI ?

De : Makoto

Tu m'as balancé ?

De : Kentaro

Faut bien qu'il sache qu'il a un ange gardien :p

De : Makoto

Je vais te tuer. Longuement et douloureusement.

Il éteignit son téléphone, embarrassé, alors que le cours reprenait. Il espérait sincèrement que c'était une plaisanterie, parce que sinon ... Bon sang, quelle réputation il allait avoir auprès de son équipe ? Il avait déjà bien assez de Imayoshi et Seto pour se foutre de lui !

Il grogna, maintenant complètement désintéressé du cours. De toute manière, il connaissait déjà le programme. Sa présence au lycée n'était qu'un moyen pour éviter les convocations à répétition chez le proviseur.

Une boulette de papier vint voler jusqu'à ses pieds. Il haussa un sourcil, y jeta un coup d'œil curieux jusqu'à s'apercevoir que c'étaient les deux harceleurs qui lui avaient envoyé. Quel piège avaient-ils encore manigancé ceux-là ? Au vu de leur gestuelle, Hanamiya comprit qu'il devait ouvrir le papier.

Ce qu'il ne fit pas.

Et puis quoi encore, il avait autre chose à foutre ! Comme élaborer un plan pour tuer Seto, ou travailler les sessions d'entraînements. Il sortit son cahier de stratégie et griffonna plusieurs idées en ignorant superbement les deux énergumènes qui essayaient vainement de lui faire signe.

Quand la sonnerie retentit, Makoto rangea naturellement ses affaires et se prépara à quitter la pièce. Mais bien sûr, les harceleurs du dimanche vinrent lui barrer la route :

« Hanamiya, tu ne peux pas fuir, grogna l'un des deux.

Ecoute, sur ce papier il y une horaire et un lieu. Notre boss veut te voir, ne loupe pas le ren ... »

Hanamiya les dépassa promptement, les bousculant en toute connaissance de cause, et sortit dans le couloir sous leurs regards médusés. Il chercha immédiatement des yeux Seto et le remarqua un peu plus loin, en train de se diriger vers lui.

« Yamazaki est parti devant, indiqua Kentaro.

Il est vraiment au courant ?

— Yep.

— Je vais te tuer. »

Le plus grand des deux afficha un sourire amusé tandis que l'autre était passablement énervé. Ils parvinrent au toit en quelques minutes, qui était interdit d'accès et donc désert si l'on exceptait leurs coéquipiers déjà installés. Ceux-ci étaient en pleine discussion mais s'interrompirent à l'arrivée de leur capitaine.

Et Hanamiya sut. Il sut, juste en croisant leurs regards, qu'il était TOUS au courant pour son rôle d'entremetteur.

Il vit Seto ricaner en le voyant contenir son malaise mais il l'ignora, et sans daigner dire 'bonjour' il alla également s'asseoir et sortit son bento. En bref, c' était exactement comme d'habitude. Du moins c'est que qu'auraient pensé ses coéquipiers s'ils n'avaient pas remarqué le visage légèrement rouge de leur capitaine. Ils échangèrent un regard entendu et Hara vint passer un bras autour des épaules de Hanamiya :

« Alors capitaine, on t'a manqué ?

— Est-ce que tu tiens à tes genoux ? »

Celui aux cheveux mauves déglutit et s'écarta en vitesse. Gêné ou non, Hanamiya Makoto restait terrifiant. Cela fit rire Seto qui vint également s'asseoir et qui débuta son propre repas, tout en engageant une conversation avec Furuhashi concernant un nouveau jeu vidéo. Yamazaki, Hara et Matsumuto ne tardèrent pas à s'incruster, chacun venant donner son avis, et une dispute éclata entre Yamazaki qui soutenait que "Lucina masquée était super classe" tandis que Furuhashi rétorquait "Qu'elle était bien plus mignonne à visage découvert".

Hanamiya écouta leur conversation futile sans faire le moindre commentaire mais se surprit à apprécier ce moment. Pourtant il avait repris l'habitude de déjeuner seul et ne souffrait pas de la solitude. Alors pourquoi cela lui faisait autant de bien d'être ici, en présence de ses coéquipiers ?

A force de regarder le groupe, son regard capta celui de Seto. Ce dernier lui offrit un sourire et Makoto détourna le regard avec embarra. Grossière erreur : son coéquipier profita de son inattention pour venir piquer un aliment de son bento.

« Qu ... Rends-moi ça ! », s'écria le génie.

L'autre l'ignora et mangea avec délice, souriant avec satisfaction :

« Depuis le temps que je voulais goûter ta cuisine ! »

Hanamiya ne savait plus vraiment à quel moment il avait avoué à son équipe qu'il cuisinait. L'information était juste tombée comme ça, un peu au hasard, quand on l'avait interrogé sur les bentos qu'il amenait chaque jour. Mais puisque le sujet n'avait plus été abordé, le capitaine était persuadé que tout le monde avait oublié. Visiblement il avait tort.

« Moi aussi je veux goûter, avoua Furuhashi.

J'avoue, il n'y en a que pour Seto ! ajouta Matsumuto.

Cassez-vous, c'est mon repas ! », s'énerva Hanamiya.

Mais des baguettes sauvages firent leur apparition. Makoto usa de fuite mais ce fut inefficace. Hara utilisa ruse, parvint à attraper un aliment et détala en vitesse pour éviter la fureur de son capitaine. Hanamiya s'apprêtait à le frapper mais fut distrait par Furusahi qui parvint également à attraper de la nourriture.

Acculé de toute part, le génie n'eut d'autre choix que de se lever pour écarter son bento de ces goinfres. Mais le souci était que malgré son incroyable QI, il restait le joueur le plus petit. Seto n'eut aucun mal à le maîtriser, bloquant son bras de façon à ce que Yamazaki et Matsumoto puissent également prendre leur part. Les quatre basketteurs croquèrent en même temps et Kentaro lâcha enfin son capitaine en sachant qu'il ne pouvait plus récupérer ses biens.

« Bande d'enfoirés ! », les insulta Hanamiya en contemplant avec agacement son repas à demi-vide.

Mais ses coéquipiers ignorèrent son insulte, les yeux pétillants :

« Putain, c'est vraiment bon ! affirma Hiroshi surpris.

C'est clair, je m'attendais pas à ça ! », ajouta Itsuki

Makoto les regarda avec étonnement.

« J'y crois pas, en plus d'être bon en cours et en basket, il est bon en cuisine ? soupira Kazuya. Je commence sérieusement à être jaloux.

— Mm ... Hanamiya, tu veux pas nous faire nos déjeuner ? demanda Furuhashi.

Et puis quoi encore, démerdez-vous ! », grogna leur capitaine.

Hanamiya se rassit sans leur jeter le moindre regard, mais son visage était devenu si rouge que cela stupéfia ses camarades. Putain, ça y était, tout sa crédibilité s'était volatilisée ! Déjà que son équipe n'écoutait plus rien, ça allait être encore pire maintenant !

Makoto senti qu'on lui ébouriffait les cheveux. Il releva légèrement la tête, bougon, pour apercevoir Seto qui riait.

« Faut que tu viennes avec nous plus souvent, affirma le plus grand.

Crève », répliqua le capitaine.

Mais au fond, Hanamiya songeait que ce n'était pas une si mauvaise idée.


Hanamiya en avait oublié le soi-disant 'rendez-vous' que les deux abrutis de harceleurs lui avaient donné, et à dire vrai il en avait toujours rien à foutre. Non, ce qui le gênait davantage, c'était qu'il avait la désagréable impression d'être suivi depuis qu'il avait quitté le lycée, et quelques coups d'œil en arrière lui avaient permis d'apercevoir des ombres peu discrètes se dissimuler derrière des murs ou autres.

Les enflures. Que lui voulaient-ils à la fin ? Une vengeance ? Était-ce seulement ces guignols qui lui voulaient du mal, ou bien était-ce leur fameux 'boss' qui donnait les directives ? Dans tous les cas, Hanamiya ne pouvait se permettre de leur divulguer son adresse. Il était hors de question que Kamine ou sa mère soient victime d'un piège stupide.

Ainsi Makoto fit un grand détour par le centre-ville, veillant à bien rester dans les endroits bondés, et envoya un sms d'excuses à sa mère expliquant qu'il n'allait pas rentrer tout de suite. Il ne pouvait pas lui confier qu'il était harcelé : elle s'inquiéterait bien trop, chose qui n'était pas utile puisqu'il pouvait parfaitement s'occuper de ça.

Mais à force de tourner en rond et de faire semblant de s'intéresser aux vitrines, Hanamiya sentit l'impatience s'insinuer en lui. Il retint un soupir, frotta ses doigts glacés. Quitte à traîner, autant le faire devant un bon chocolat chaud.

Il échoua donc dans un café quelconque, plutôt raffiné et très calme, et s'installa dans un coin tranquille. Son chocolat dans une main, il griffonnait de l'autre sur son cahier. L'esprit à nouveau tourné vers le basket, il s'attarda sur les duos les plus efficaces ainsi que sur les techniques individuelles.

« Ah, mais c'est Makoto ! », entendit-il soudain.

Il souffla en reconnaissant la voix et releva la tête pour apercevoir Hayama qui lui faisait de grands signes de main, le sourire aux lèvres. A ses côtés se tenaient Mibuchi et Nebuya.

Les trois membres de Rakuzans vinrent naturellement s'installer à la table de ce pauvre Makoto qui n'avait rien demandé.

« Que fais-tu fais ici ? demanda Reo. C'est rare de te voir dans le coin !

— Je traîne où je veux.

— Oh, ne sois pas si ronchon Mako ! »

Hanamiya aurait bien répliqué mais un mouvement vers la fenêtre l'interpella. Il grogna, se détourna de la vitre pour se concentrer sur son chocolat chaud. Nebuya fronça les sourcils en remarquant son geste :

« Dis-moi, tu ne serais pas suivi ? »

Makoto s'étouffa, lui lança un regard ahuri. Hayama s'étonna :

« Nebuya, tu parles des trois types chelou devant le café ?

— Quoi, ils t'embêtent Mako ? », intervint Mibuchi.

Hanamiya haussa les épaules :

« Si ce sont les mêmes qu'aux lycées, alors oui. Ce sont trois gamins stupides.

— Au lycée ? Ils te suivent depuis le lycée ? Oh, mon pauvre Mako, tu te fais harceler ?

— Arrête de m'appeler comme ça. »

Reo leva les yeux au ciel : pourquoi Hanamiya ne leur répondait-il pas clairement ?

« Il n'y a pas de honte à se faire harceler tu sais ? On peut s'en occuper si tu le souhaite !

— Je peux me démerder. Et qu'est-ce que vous faites là d'abord ?

— On vient souvent dans ce café ! signala Hayama. Ils font de super bons cappuccinos ! C'est Akachi qui nous en a parlé, et habituellement il vient avec nous et Mayuzumi ! Mais aujourd'hui ils n'ont pas pu venir à cause d'un empêchement. Mais c'est cool de te tomber dessus ! Il manque seulement Kyoshi et les rois seront au complet ! »

Makoto se crispa à l'évocation de Teppei, ce que remarquèrent les trois joueurs de Rakuzan.

Nebuya, le moins subtile, demanda franchement :

« Pourquoi tu t'excuse pas si tu regrettes ?

— M'excuser de quoi ? pesta le joueur de Kirisaki Daichi.

De lui avoir pété le genou, l'obligeant à arrêter le basket pendant un temps et le forçant à se rendre régulièrement à l'hôpital. »

Hanamiya baissa les yeux, les poings serrés :

« Tu crois que c'est si simple ? Qu'il me suffit de m'excuser pour que tout soit oublié ?

— Mako, voyons ...

— Quoi, tu vas me tenir le même discours Mibuchi ? Tu vas me dire que Kyoshi est adorable, qu'il me pardonnera si je suis sincère ? Même lui a compris que j'étais impardonnable ! J'ai fait tant de mal, j'ai détruit les rêves de tant de personnes et lui, lui ... je ... »

Il se tût un instant, comme hésitant. Hayama posa une main sur son épaule, à l'écoute comme ses deux amis ... jusqu'à ce que Makoto ricane, qu'il relève son visage arrogant vers eux :

« Vous y avez cru, bande de crétins ? »

Les trois, surpris, réalisèrent bien vite que l'autre se moquaient d'eux. Mibuchi se leva avec violence, vexé et énervé :

« Bon sang Makoto, tu es insupportable ! Ne t'étonnes pas si tout le monde te laisse tomber, avec cette attitude ! »

Il partit sans attendre de réponse. Nebuya et Hayama, étonné que leur coéquipier s'emporte autant, se levèrent à leur tour et gratifièrent Hanamiya d'un regard noir :

« Il a raison, affirma le blond. On fait des efforts pour toi, pourquoi t'es pas foutu de faire pareil ?! »

Ils quittèrent également le café et Makoto se retrouva de nouveau seul.

« Mais, ils sont partis sans payer ! », s'exclama une serveuse.

Hanamiya soupira, lui fit signe qu'il paierait pour eux, puis acheva son chocolat. Mais celui-ci avait un goût bien plus amer à présent.

Le basketteur soupira. Hayama avait raison : pourquoi n'arrivait-il pas à faire pareil?