La journée d'Hermione n'aurait pas pu être pire : depuis son réveil jusqu'à ce cours-ci, rien n'allait dans son sens. Elle se sentait désemparée, comme si tous les efforts qu'elle faisait pour s'intégrer dans ce nouveau monde était vain.

Tout avait commencé par son levée : habituellement, la jeune fille était la première du dortoir à descendre donc obligatoirement la première à se laver. Mais aujourd'hui, elle s'était réveillée plus tard qu'à son habitude car elle avait longuement relu son livre de Potions durant la soirée précédente, afin d'être parfaite pour le premier test de l'année. Or n'ayant pas l'habitude de se préparer tout en devant partager leur salle de bain, Hermione avait dû attendre longuement pour avoir enfin la chance de s'apprêter à peu près convenablement. Résultat : elle avait loupé le petit-déjeuner et surtout, elle était en retard pour sa première heure de cours. Or McGonagall ne plaisantait pas avec les retardataires !

Ensuite, après une journée d'apprentissage bien chargée, la jeune Gryffondor affamée pensait pouvoir enfin profiter d'un moment de répit. Mais non, il avait seulement fallu d'une marche, une toute petite marche ratée pour qu'elle s'étale misérablement au sol, devant bien sûr l'intégralité de sa classe. Comme si sa réputation n'était déjà pas assez basse ! Il fallait maintenant ajouter « Deux Pieds Gauches » à sa longue liste de surnoms ridicules, tout aussi démoralisants les uns que les autres : « Miss-Je-Sais-Tout », « Nid d'oiseaux » et j'en passe...

Bref Hermione, mortifiée, s'était réfugiée dans la bibliothèque afin d'échapper aux moqueries insupportables de ses camarades. Les larmes aux yeux et les joues brûlantes de honte, elle n'était absolument pas prête à passer l'heure la plus stressante de la journée en compagnie du fiant Maître des Potions de Poudlard. D'ailleurs la brunette pensait pourtant que sa journée n'aurait pu se dégrader davantage, mais c'était sans compter les remarques horripilantes de Rogue et surtout le comportement habituel des Serpentards. Ils l'avaient à nouveau traité de « Sale Sang-de-Bourbe », se moquant ouvertement de ses parents et la menaçant. Hermione savait parfaitement qu'ils étaient juste de petits garnements immatures et capricieux. Pourtant elle ne pouvait s'empêcher d'avoir mal en entendant ces mots. Ils ne faisaient que lui rappeler qu'elle n'avait en aucun cas sa place ici et que peu importe le prix de ses efforts, elle n'appartiendrait à aucun monde, sorcier ou moldu. De plus, personne n'était là pour prendre sa défense ou l'aider : c'était bien le plus douloureux, cette solitude permanente. C'est pourquoi, ses insécurités prenant une nouvelle fois le dessus, la fillette avait couru à la volière, sachant qu'au moins, là-bas, personne ne viendrait interrompre ce flot lamentable de rage et de tristesse, trop longtemps retenu.

A présent arrivée en haut de la tour, le souffle court et les yeux brillants, Hermione laissa enfin échapper un grognement de pure fureur. Ce trop plein d'émotions qui ne faisait que s'alourdir depuis la rentrée devait maintenant exploser, pour sa propre santé mentale et physique. Hermione était à bout de forces, elle ne voulait plus croiser quiconque, seulement se rouler en boule ici et ne plus bouger pour l'éternité. Les chouettes qui l'entouraient, battant des ailes et hululant sans interruption, étaient bien les seules avec qui la fillette se sentait en sécurité : au moins aucune remarque acide ou coup bas n'était à attendre d'elles !

-Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça, bon sang ! Déjà que je me prends à longueur de journée des insultes par les Serpentards, des regards dégoutés par les filles de mon dortoir et les remarques de cet imbécile de Ronald... il a fallu que je m'humilie davantage ! Je ne suis vraiment qu'une bonne à rien, même pas capable de supporter des comportements infantiles, sanglota Hermione, sa tête à présent nichée entre ces maigres genoux tremblants, refroidis par la souffrance et le vent glacial. Après tout peut-être qu'ils ont raison, peut-être que je ne mérite pas ma place : je ne suis qu'une sale Sang-de-Bourbe.

-Qui a prononcé ce mot ?

Hermione sursauta à l'entente de ces paroles, proférées par une voix grave et grondante. Elle pensait enfin trouver la solitude dans la volière du château : ce n'était pas la première fois qu'elle venait à cette heure-ci, pour souffler et relâcher la pression. Pourtant depuis les trois semaines de rentrée, personne n'était venu l'interrompre, surprendre son lâcher-prise minable ; sinon la sorcière aurait entendu courir de nouvelles rumeurs à son compte.

La volerie était l'un des endroits les plus hauts de Poudlard, là où le règne humain s'éteignait pour laisser place à la supériorité de la hiérarchie ailée. Il y avait d'ailleurs quelque chose de réconfortant à observer ces dizaines d'allée-et-venues majestueuses, s'étalant comme un ballet parfaitement orchestré et qui ne donnait pas la moindre attention aux quelques être-humains qui y venaient. Ce désintérêt total était en soi la seule source de chaleur de la pièce pour Hermione : de grands courants d'air, renforcés par un vent mortellement froid, la balayaient, entrant et sortant par les multiples ouvertures destinées aux oiseaux. La jeune fille frissonna puis releva vivement sa tête pour observer à travers ses yeux mouillés le visage enflammé d'un roux aux tâches de rousseurs, à présent cachées par la fureur.

-Fred...mais qu'est-ce que tu fais là ? s'écria-t-elle faiblement, tentant de cacher tout signe de sa faiblesse.

-Là n'est pas la question ! Répond d'abord à la mienne plutôt : qui est le tocard qui t'a insulté avec ce mot, que je le démonte ?

Stupéfaite, la fillette resta bouche grande ouverte, yeux écarquillés, devant la fureur grandissante du dénommé Fred Weasley, car c'était bien lui, debout face à elle, poings serrés et mâchoire contractée. Sentant sa peur et sa souffrance, le garçon se baissa immédiatement vers Hermione, dont la seule priorité était son bien-être. Ne voulant pas empiré son état, il l'attira sans un mot dans ses bras, lui frottant doucement le dos de la paume de sa main droite afin de rassurer ce petit corps recroquevillé. Sa colère n'avait pas disparu mais elle avait même augmenté en constatant que les sanglots redoublaient. Cependant Fred ne voulait pas terroriser la fillette et rendre l'insulte plus grave qu'elle ne l'était déjà. Malheureusement il savait que cela faisait partie d'une sale manie des Serpentards, qui ne faisait que croitre ces derniers temps. Alors dégouté par leur comportement ignoble et indigne d'un sorcier respectable, il serra doucement Hermione dans ses bras, lui chuchotant des paroles de réconfort.

-Tu n'as pas à t'occuper de ce que les autres pensent, tu n'en es pas responsable. La seule chose qui te concerne est toi-même : tes envies, tes réussites, tes échecs... Alors tu vas me faire le plaisir de tourner le dos à ces imbéciles. Assemblés, ils n'arrivent même pas à ta cheville alors qu'ils prétendent pourtant être soi-disant plus magique que toi. Tout ceci n'est qu'une stupide histoire de jalousie et de pouvoir. Tu sais Hermione, j'ai entendu de nombreux professeurs vanter ton intelligence alors que nous ne sommes qu'au début de l'année ! Tous ces gens que te critiquent, t'insultent ou font courir des rumeurs sont jaloux, la plupart de ton intelligence remarquable et certains parce qu'ils y voient une perte de pouvoir considérable. Mais tu es bien plus forte que ce ramassis de bruits de fond, n'est-ce pas ? Tu vas leur montrer qu'une Granger est digne et assurément plus forte qu'eux ! s'exclama-t-il, en se redressant fièrement. Gryffondor ne t'a pas choisi pour rien ! Quant aux autres, Georges et moi, nous nous ferons un plaisir de nous en occuper ok ?

Toujours incrédule, la petite fille leva vers lui un visage hésitant. Elle ne comprenait pas très bien pourquoi ce grand rouquin la défendait et franchement elle ne voulait même pas la raison, tant qu'il la tenait serrée entre ces grands bras. Son étreint était chaude et rassurante, comme celle de son père qui lui manquait tellement. Ce petit discours avait cependant réussi à rallumer en elle la sa flamme si caractéristique de la détermination : elle ne devait pas baisser les bras, jamais. Hermione pouvait faire mieux, elle le ferait, se le jurant intérieurement. A regrets, elle s'extirpa de ce cocon paisible, puis se remit debout, époussetant sa robe de sorcière toute neuve.

-Merci Fred, tes mots m'ont réellement touché. Je t'en serais éternellement reconnaissante et je te promets d'être plus forte, déclara-t-elle solennellement, en lui tendant sa petite main encore mouillée de ses pleurs effacés à la va-vite. Fred, surpris par sa voix si assurée malgré un semblant de tremblement, la secoua lentement. À cet instant précis, il sut que se tenait devant lui, en cette fillette d'apparence frêle, une des femmes les plus fortes de la future génération de sorcier. Cette poignée scella entre eux sous silence un engagement éternel, l'un de toujours la protéger, l'autre de toujours le rendre fier.

Sans un mot, les deux sorciers redescendirent les escaliers de pierre, Hermione en tête, menton dressé, défiant chacun d'obstruer son chemin. Elle se sentait invincible ; soulevée par ce sentiment d'euphorie, elle était prête à en découdre avec n'importe qui l'importunerait elle ou son protecteur, Fred. Ce dernier la suivait, un sourire en coin et les yeux pétillants de fierté face à son attitude. Ils quittèrent alors arrivés dans la salle commune de Gryffondor, Hermione montant directement dans son dortoir, fatiguée par ce pic d'émotions ascensionnel. Fred, tout content, rejoignit son frère jumeau assis dans un fauteuil rougeâtre, plutôt rebondi, tandis que son utilisateur ne cessait de marmonner des paroles décousues, penché sur un parchemin froissé. Plus loin, le rouquin aperçut son ami Lee, accompagné d'Angelina Jolie, l'air désespéré à cause du comportement déroutant de son colocataire.

-Tu sais que Lee est en train de s'inquiéter de ton état mental, mon cher Gred !

-Ah te voilà toi ! Où était-tu passé ? Je crois que j'ai enfin trouvé la solution à notre problème de notre potion Ursulante. En fait, il fallait simplement rajouter une poignée de poudre d'as...

-J'ai trouvé Hermione en pleurs dans la volière.

-Hein quoi ! Notre petite Hermione ! Qui ? Comment ? Pourquoi ?

Fred grogna et passa sa main sur son visage, se frottant machinalement les tempes. Sa colère, qui était pourtant redescendue quelques minutes plus tôt, commençait de nouveau à gronder en lui. Son poing se serra sous l'impulsivité et il répondit rapidement à son frère :

-Des putains de Serpentards qui l'ont insulté de Sang-de-Bourbe. Tu aurais vu l'état dans lequel elle était. Et je suis prêt à parier que c'est comme ça depuis la Répartition !

-S'attaquer aux plus faibles...quelle attitude déplorable ! Je crois, mon très cher Forge, qu'une petite visite à ces vermines de serpents ne sera pas de trop, n'est-ce pas ?

-Tu m'ôtes les mots de la bouche, dis donc ! Et mon poing me démange fortement depuis un petit moment d'ailleurs. Je vais chercher la Carte et toi préviens Lee : on va enfin pouvoir s'amuser un peu ! Ce début d'année était bien trop calme, je trouve !

George acquiesça, un sourire malicieux aux lèvres, et se dirigea vers le dernier membre de leur trio infernal, pour lui chuchoter quelques mots à l'oreille. Fred sentit l'impatience montée en lui et soupira en avance de satisfaction : ils allaient voir comment les Gryffondors défendaient les leurs, ces imbéciles !

Le lendemain matin, Hermione fut réveillée par les gloussements de ses camarades de dortoir. Encore abrutie par le sommeil, elle entrouvrit difficilement les tentures de son lit à baldaquins, laissant les rayons de lumière l'aveugler de plaine face. Gémissant de douleur, elle roula sur son flanc droit et se murmura des paroles d'encouragement. « Tout va bien se passer, rien d'horrible na va t'arriver Hermione. Regarde dehors, c'est un samedi lumineux, profites-en ! Et puis bon sang, bouge-toi et agis comme une vraie Gryffondor pour une fois ! »

A demi-rassurée par l'idée qu'en descendant elle croiserait les jumeaux et surtout Fred, la brunette émergea de son lit, passant rapidement par les sanitaires communs pour un brin de toilette, s'habilla puis s'empara de son sac. Elle jeta un regard sarcastique en arrière, constatant que ce qu'elle avait effectué en seulement cinq minutes, durerait surement encore une bonne demi-heure pour les autres filles. Soupirant de leur futilité, Hermione dévala légèrement les escaliers, souriant gentiment à Neville qui passait, courant après son crapaud.

Arrivée à la Grande Salle, la sorcière s'assit à un coin de table, un livre d'une main et un toast de l'autre. Plongée dans sa lecture, elle ne remarqua pas l'arrivée moquée d'une certaine bande de Serpentards, qui s'asseyaient bien amochés, la tête honteusement baissée. Les rumeurs allaient de bon train mais Hermione, plongée dans son monde, ne s'en préoccupait pas. En fait ce n'est qu'en entendant des cris perçants, qu'elle sursauta comme tout le monde, abaissant son livre pour se tourner vers la source de l'agitation. Quelle ne fut sa surprise lorsqu'elle remarqua ces garçons habillés de vert, debout, agités dans tous les sens, criant aussi aigu qu'une fillette de six ans à qui on aurait voler sa poupée préférée. Puis Hermione constata l'état de leur visage : outre les bleus, attelles ou bosses, les Serpentards concernés étaient recouvert d'horribles pustules blanchâtres, comme sur le point d'exploser à la vue du reste des élèves. Des rires éclataient de partout, tandis que les personnes les plus proches s'écartaient de dégout : la petite sorcière ne pouvait que participer à l'amusement général, d'autant plus que cette bande l'avait déjà insulté violemment à plusieurs reprises, profitant de sa solitude et de son innocence. Sans même le vouloir, elle avait été vengée, comme si quelqu'un veillait à son bien-être.

-Alors, comment tu les trouves ces idiots ?

Hermione se retourna et vit deux têtes quasi-identiques attablées en face d'elle. Réprimant un grand sourire, elle se pencha vers eux et chuchota le plus discrètement possible :

-Fred ! George ! C'est vous ça ?

-Hum, laisse-moi réfléchir...il se pourrait bien oui.

-On n'allait pas les laisser s'en sortir comme ça, Mione !

-Mione ? interrogea curieusement celle-ci, en sentant le rouge lui venir aux joues. Fred haussa les épaules, puis lui sourit innocemment.

-Ils l'avaient bien mérité, et puis tu n'es pas la seule à subir leurs méfaits.

-Les jumeaux seront toujours à ton service, ma petite Mione !

Sur ces mots, George lui lança un clin d'œil, adoptant directement ce nouveau surnom, et se releva direction leur groupe d'amis non loin d'Hermione. Celle-ci se sentit encore plus gênée et baissa son regard vers son assiette maintenant vide.

-Vous n'allez pas vous faire prendre, hein ?

Fred eut un petit rictus amusé devant sa mine adorablement inquiète. Il lui releva doucement le menton et lui dit doucement :

-On est des pros, ne t'inquiète pas pour ça, ok ? Et puis ils auraient mérité bien pire crois-moi : ce n'était qu'un avertissement. A l'avenir, préviens-moi ou George si quelqu'un t'embête Mione. On sera toujours là !

Puis il se releva, son célèbre sourire taquin au coin des lèvres, et partit rejoindre son jumeau qui amusait la galerie à quelques mètres de là. Hermione garda les yeux fixés sur eux pendant un bon moment, contemplant la joie qu'ils dégageaient. Sans le savoir, la sorcière avait gagné en une nuit deux fidèles protecteurs qui n'hésiteraient pas à mettre tous les moyens à disposition afin de garder cette étincelle de bonheur allumée.