Ceci est une traduction de la fanfiction The Drinny Thing écrite par Colubrina (lien pour la VO sur mon profil).


Drago l'attendait à l'entrée du village. Il lui rappelait une peinture à l'encre japonaise qu'elle avait vue une fois dans un livre où une masse noire devenait une falaise de granit. Ses mains étaient fourrées dans ses poches et il était assis avec insouciance, d'une aisance aristocratique, sa tenue noire se détachait, contrastant brutalement avec les couleurs douces de la campagne environnante.

« Oh c'est bien, dit Luna. Tu as un ami. » Elle salua Drago de la main, étreignit le bras de Ginny et ajouta : « Je dois retrouver quelqu'un. On se retrouve au château ? »

Ginny lui confirma qu'elles se verraient après la sortie puis Luna s'en alla, s'évaporant comme la brume à l'aube du jour.

« Tu es jolie » dit Drago.

Ginny regarda son uniforme et essaya de ne pas pousser un grognement réprobateur. Elle ne portait pas l'uniforme scolaire bien sûr, puisqu'elle n'était pas en classe ou en pause repas et qu'elle avait toujours trouvé prétentieux de le porter en dehors des horaires de cours. D'autant plus que le sien était abîmé et rapiécé. Au moins, la robe grise et démodée qu'elle portait avait été achetée pour elle, même si elle était d'occasion. Il était clair que chaque vêtement sur le corps de Drago avait été cousu spécialement pour lui. « Je ressemble à une écolière » dit-elle, ravalant ses questions sur le prix des vêtements sur-mesure.

« Une jolie écolière, corrigea Drago. Où veux-tu aller ?

- Madame Rosmerta ? » Suggéra Ginny.

Drago secoua la tête. « Impossible, dit-il. Je n'ai pas le droit d'y aller. Banni à vie.

- Chez Abelforth ? » Demanda Ginny mais il secoua la tête à cette nouvelle suggestion, l'air légèrement embarrassé - peut-être même honteux, se dit-elle.

« Je crains que ce soit l'une des fâcheuses complications lorsqu'on sort avec moi, dit-il. Il existe un certain nombre d'endroits où je ne serai jamais le bienvenu. »

Même si l'estomac de Ginny vacillait rien qu'à y penser, elle émit l'idée du salon de thé désespérément rose dans lequel les élèves avaient leurs rencards amoureux et, avec une grimace, Drago accepta. Ce n'était clairement pas aussi chic que le restaurant de leur premier rendez-vous mais on leur proposa une table et du thé trop sucré accompagné de gâteaux secs furent déposés devant eux. Drago lui posa quelques questions polies au sujet de ses cours jusqu'à ce que la serveuse s'éloigne et qu'il puisse jeter un Assurdiato autour d'eux. Alors il prit ses mains dans les siennes, caressant du pouce une cicatrice qu'elle avait sur le poignet, souvenir d'un sortilège des Carrow et lui dit : « Tu sais que je ne suis pas une bonne personne, n'est-ce pas ?

- Ça me paraît sévère, dit Ginny. Est-ce que tu comptes entrer dans une sorte de fureur meurtrière ? Faire tes propres horcruxes ? »

Il eut un sourire blême et prit une inspiration. « Non, dit-il. J'envisage juste de prendre le contrôle de la presse et du gouvernement avec l'aide de mes amis. »

Voilà, pensa-t-elle, ce qu'il ne disait pas dans ses lettres. C'était ce qu'il entendait par "n'être à la merci de personne", formule qu'il avait lancée pour éveiller son intérêt, dans son bureau, le premier jour. C'était pour cette raison qu'il pensait qu'elle refuserait peut-être de lui écrire après ce rendez-vous ; il ne savait pas si elle accepterait de le suivre ou bien si elle le repousserait.

Elle retira une main des siennes, souleva sa tasse et prit une gorgée de cet horrible thé, ne sachant quoi répondre.

« Par la violence ? » Demanda-t-elle après un moment qui avait dû paraître horriblement long à l'homme en face d'elle.

Drago était très doué pour contrôler ses réactions. Ginny avait déjà remarqué qu'il excellait à paraître absolument neutre. Pourtant il changea quand elle mentionna la violence. Son regard devint lugubre et ses doigts se crispèrent. « Non, dit-il. Un coup d'état sans verser de sang.

- Pourquoi ? Demanda-t-elle.

- Parce que j'ai déjà connu assez de violence, répondit-il. Je crois t'avoir déjà dit que j'étais un lâche, Ginevra. Je préférerais ne plus jamais voir quelqu'un mourir sous mes yeux. »

Elle ressentit soudain le besoin de poser sa main contre sa joue et de lui dire que tout allait bien se passer. Cela semblait absurde de vouloir consoler un homme qui préparait une révolution mais elle en avait envie. « Ce n'est pas ce que je voulais dire, dit-elle. Pourquoi ne pas laisser les choses telles qu'elles sont ?

- C'est compliqué » répondit-il. Il détourna son regard du visage de Ginny et observa la pièce de plus en plus bondée autour de lui. « Les gens nous fixent. Si tu veux préserver ta réputation, je suggère que tu retires ta main des miennes. Me gifler ne serait pas de trop. »

Ginny regarda derrière elle et vit qu'en effet, les regards étaient vissés sur eux. Les gens rapprochaient leurs têtes et chuchotaient. Certains les pointaient même du doigt. Elle s'inclina sur son siège et vit ses yeux gris vaciller. Il pensait qu'elle allait le faire. Cela l'offensa qu'après des semaines de correspondance, il put penser qu'elle allait le laisser en plan simplement à cause de quelques regards insistants. Elle avait été possédée puis consolée avec du chocolat chaud, elle avait vécu l'enfer puis s'était entendu dire qu'elle n'était pas assez âgée pour se battre. Elle avait survécu à la guerre puis compris qu'elle ne faisait pas partie des héros importants pour le Ministère. Elle déplaça méticuleusement le service à thé sur le côté de la table pour ne pas tremper sa chemise dans la boisson puis colla ses lèvres contre celles de Malefoy.

En termes de premier baiser, ce fut un échec. Il glissa une main dans son cou mais garda les lèvres chastement fermées, même lorsqu'elle lécha sa lèvre inférieure. Quand elle s'éloigna, il jeta quelques pièces sur la table, bien plus que nécessaire pour payer les pâtisseries qu'ils n'avaient pas mangées, et dit : « Alors c'est comme ça que tu veux la jouer.

- Et si on sortait marcher ? Suggéra-t-elle.

- Un endroit plus privé serait le bienvenu. »

Tandis qu'ils sortaient, elle sentit une main la pousser mais, quand elle se retourna pour en découdre, tout le monde semblait occupé à chercher une table ou à passer commande et elle ne put pas dire qui l'avait bousculée. Drago lui tint la porte et elle sortit dans l'air frais de l'automne.

Ils marchèrent en silence. À quelques mètres du monstrueux salon de thé rose, Ginny glissa sa main contre celle de Drago et leurs doigts s'enroulèrent. Quand elle leva les yeux vers lui, un sourire doux rencontra le sien. Ils connaissaient tous les deux, comme tous les élèves de plus de quinze ans, tous les coins isolés de Pré-au-Lard et ils ne furent pas longs à s'installer contre un arbre, à l'abri des regards derrière un mur en briques.

Ginny se serra contre lui jusqu'à ce qu'elle sente chaque courbe du corps de Drago contre le sien. Comme elle, il était d'une minceur caractéristique des attrapeurs, les membres fins et le torse musclé par les heures passées sur un balai. Comme elle, ses mains avaient les callosités qui s'attrapent en restant agrippé au manche d'un balai, penché en avant pour résister au vent. Il glissa une main dans son dos et elle releva la tête jusqu'à ce que leurs nez se frôlent. « On en était où ? Demanda-t-elle.

- Je t'expliquais pourquoi tu devrais te méfier de moi ? » Dit Drago, mais il passa sa langue sur sa lèvre dans un geste qui suggérait que ses pensées étaient désormais loin des détails de son plan - encore fallait-il qu'il ait voulu lui partager ces détails un jour, ce dont Ginny doutait. Elle avait plutôt l'impression qu'il ne comptait rien partager du tout.

« Mmmmh » fit-elle. Elle serait patiente. Elle attendrait de connaître les détails. Elle l'embrassa à nouveau et s'attendit à ce qu'il soit plus entreprenant maintenant qu'ils étaient seuls et que c'était un vrai baiser et non un affront à ceux qui les dévisageaient . Sa respiration s'accéléra légèrement mais ce fut tout. Il ne glissa pas sa langue dans sa bouche, il n'entrouvit pas même les lèvres. Elle se recula et le regarda. Elle sentit le sang lui monter aux joues et maudit sa peau qui rougissait si vite. « Désolée, murmura-t-elle. Je croyais- »

Elle essaya de se redresser mais il la retint contre lui. « Je m'y prends mal, c'est ça ? Demanda-t-il.

- Je- » Commença-t-elle puis elle s'arrêta et réfléchit. Il n'était pas sorti avec Pansy. Il était trop pris par la guerre pour avoir une petite amie. « Drago ? » Questionna-t-elle, hésitante quant à la marche à suivre. « Est-ce que tu…

- Manques d'expérience ? Lança-t-il malicieusement. On peut dire ça, oui. »

Elle leva une main et la passa le long de son visage, comme elle en avait eu envie plus tôt. « À quel point tu manques d'expérience ? » Demanda-t-elle. Sa peau était douce sous sa main, il s'était rasé juste avant de venir la voir et elle pouvait voir une petite cicatrice au bord de son nez. Sûrement due à un match de Quidditch. Le genre de blessure qu'il n'avait pas cru bon de soigner. Bien sûr, c'était peut-être la marque d'une blessure bien plus sombre. Elle en savait quelque chose.

« Une jolie fille m'a embrassé dans un salon de thé une fois » répondit-il, interrompant ses pensées.

Elle prit une inspiration et posa sa deuxième main sur son autre joue, elle étudia son visage. « Est-ce que ça te gêne que je ne sois pas… » Elle cherchait ses mots. « Inexpérimentée ? »

Elle s'attendait à ce qu'il dise oui. Elle avait été populaire et enjouée et elle aimait les garçons. Elle avait aimé beaucoup de garçons et les avait utilisés pour repousser les souvenirs du premier garçon qu'on avait envoyé pour la séduire. Ses frères lui avaient certainement fait comprendre qu'elle avait trop de copains, qu'elle en changeait trop souvent. Ron explorait le fin fond de la gorge de Lavande au petit déjeuner puis se plaignait parce qu'il l'avait vue embrasser Dean Thomas au déjeuner. Les doubles standards faisaient partie de sa vie depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne.

« Non. » Le mot était très doux, chuchoté contre sa peau par Drago qui avait baissé la tête pour ne pas avoir à croiser son regard. « C'est juste que… Je sais comment réparer une armoire à disparaître et je sais utiliser le sortilège de l'Imperium et l'effet que ça fait de lancer un Endoloris mais… Je peux être un leader, Ginny. Si je le voulais, je pourrais faire en sorte que des hommes meurent pour moi. Il existe une technique précise pour ça, même si tu es un monstre, et j'ai observé silencieusement toutes ces années, j'ai appris, mais… » Son ton se fit faussement détaché : « Embrasser des filles n'était pas au programme des rencontres entre Mangemorts, j'en ai peur. Il n'y avait personne pour donner l'exemple.

- On sait tous les deux faire des choses terribles » dit-elle. Elle releva le visage de Drago et embrassa le coin de sa bouche, puis l'autre. « Je crois que ça, c'est le genre de chose qui s'apprend en pratiquant, dit-elle. C'est grâce à l'entraînement qu'on atteint la perfection. »

Maintenant qu'elle savait que son hésitation n'était pas due à de l'indifférence ou de la répugnance, elle se laissa aller au plaisir d'embrasser un homme qui semblait savourer chaque contact, qui ne la pelotait pas ni n'essayait de dégrafer son soutien-gorge, pressé de passer à la suite. Quand elle glissa sa langue entre ses lèvres enfin ouvertes, les doigts de Drago accentuèrent leur pression contre son dos et son désir devint évident mais il en resta à un baiser. Quand elle se recula à nouveau, il était essoufflé et ses pupilles étaient dilatées. « Tu es une très bonne professeure, parvint-il à articuler. Mais plus d'entraînement ne me ferait pas de mal. »

Elle ne trouva rien à redire à cela. Quand ils s'assirent enfin sur l'herbe fraîche, les lèvres gonflées, il la prit dans ses bras et l'attira sur ses genoux. « Tu vas encore plus me manquer maintenant, dit-il. La prochaine sortie à Pré-au-Lard me paraît bien loin. »

Elle s'appuya contre lui et sentit son cœur battre. Elle réfléchit à ce qu'elle allait dire. « Tu sais que je n'ai pas juste… Je ne me suis pas arrêtée là avec les autres garçons. Est-ce que- » Elle s'interrompit.

Elle avait senti le corps de Drago se raidir. « Ton passé ne me concerne pas, dit-il. Je suis sûr que tu… Un gentleman ne pose pas de question. »

Il ne paraissait pas convaincu par ses propres paroles donc elle insista : « Y compris avec des Nés-moldu. »

Cela provoqua un soupir chez Drago. « Tu sais ce que j'en pense. Je ne compte pas demander pardon à Granger mais, comme je te l'ai dit, ton passé te regarde, pas moi. »

Elle laissa sa tête reposer sur son épaule. « D'abord, c'est quoi ton problème avec les Nés-moldu ? » Sa question n'était pas si innocente. Elle voulait savoir si son coup d'état sans violence, comme il disait, impliquait de priver toutes les personnes qui n'étaient pas des Sang-Pur de pouvoir. Est-ce qu'il avait apprécié que le Ministère confisque des baguettes pendant la guerre ? Est-ce qu'il voulait se débarrasser d'eux ? Elle pouvait tolérer qu'il ne sorte qu'avec des filles de Sang-Pur mais elle ne pouvait accepter les autres pensées qui fusaient dans son cerveau et qui la poussaient à envisager le pire.

« Ils sont… » Il hésita. « Je n'aime pas le changement » finit-il par dire. Il sembla comprendre qu'il paraissait ridicule et acerbe car il essaya de se justifier : « Le Ministère qui nous disait d'aimer les Nés-moldu est le même qui a dit que le Seigneur des Ténèbres n'était pas de retour alors qu'il était confortablement installé dans mon salon. Cela me rend un peu suspicieux quant à leurs déclarations.

- Ce n'est pas de la faute d'Hermione si le personnel du Ministère est-

- Peut-être, dit-il. Mais elle y est en ce moment même, non ? Elle les aide à reconstruire.

- Mais-

- Ce sont des mensonges. » Il était frustré. « Ils nous ont menti. Ils ont toujours été corrompus, Ginevra. Ma famille en fait partie depuis des générations donc tu peux me croire, je le sais. Ils ont menti, et pas seulement pour filer des places de Quidditch gratuites au collègue qui t'a aidé à sortir ton fils de l'embarras. C'était un écran de fumée pour essayer de nous faire croire que le fou-furieux n'existait pas et nous avons tous payé pour ces mensonges. » Elle entendait les oiseaux gazouiller dans les arbres et le bruit des élèves qui riaient en retournant à Poudlard. « Personne ne s'intéresse à ce qui nous est arrivé. À ce qui t'est arrivé, à ce qui m'est arrivé. Même à ce qui est arrivé à Potter ! »

Elle attendit en silence pour voir s'il allait continuer quand il ajouta enfin : « Le grand défenseur des Nés-moldu, c'était Dumbledore, tu sais, et il n'était pas… Ce n'était pas un de mes fans. Il m'a laissé… Je suis assez réticent à aimer ce qu'il aimait. »

Ginny ferma les yeux et essaya de retracer le passé de Drago. Dumbledore n'avait pas été honnête avec Harry. Cela ne l'étonnait pas qu'il ait pu être pire avec d'autres.

« Donc tu veux le pouvoir parce que-

- Si on fait confiance au Ministère, tout va recommencer. Un autre mage noir. Un Grindelwald. Un Vo-Voldemort. »

Elle se leva et s'étira longuement. « Je vais devoir y retourner.

- Oui, bien sûr. » Il se leva et retira des brins d'herbe collés à sa tenue. « Je comprends. »

Elle pencha la tête vers lui. « Tu me raccompagnes jusqu'au portail ?

Ses mains s'arrêtèrent un instant dans leur quête pour les derniers brins d'herbe qui avaient osé s'attacher à lui, puis il dit : « J'en serais ravi. »


Merci Carlita pour ta review en anonyme, j'espère que le chapitre t'a plu.

Merci à tous et toutes pour votre lecture. C'est étrange d'entendre les arguments de Drago, ils ne tiennent pas beaucoup la route à mon avis... On verra ce qu'en pense Ginny !