Chapitre 3

La nouvelle de la mort de Flavien eut l'effet d'une bombe sur l'équipage. Tout le monde fut atterré par l'événement, même Brad sembla attristé. Lorsque le Capitaine avait fait l'annonce officielle de la mort du second officier, tous furent choqués et ils essuyèrent chacun leur peine à leur manière. Bob alla s'empiffrer pour essayer d'oublier, Serge alla se recharger, Brad s'enfouit sous une montagne de calculs, et Valence et Charles s'enfermèrent tous les deux pour pleurer la mort de leur ami. Pétrolia elle, s'enferma dans la salle des machines et y resta assise pendant des heures sans bouger. Elle fixait un point devant elle mais elle ne pouvait pas pleurer, elle en était incapable.

Dans sa consternation immobile, elle avait mal, tellement mal à l'intérieur. Elle aurait voulu pleurer pour se libérer de cette souffrance qui l'affligeait, mais certaines douleurs sont juste trop grandes pour les larmes. Le chagrin lui faisait une constriction sur le cœur, la torturait. Elle avait l'impression que sa poitrine allait se déchirer. Sa gorge était bloquée, ses côtes élançaient. Elle n'avait jamais imaginé avoir aussi mal, être si affligé pour quelqu'un. Juste la pensée de ne plus jamais revoir Flavien était un supplice atroce.

Elle avait l'impression que le monde autour d'elle s'était écroulé et que bientôt, ce serait elle-même qui s'écroulerait.

Flavien ouvrit lentement les yeux, encore endormi par une sensation oppressante, lourde, comme s'il avait été plongé dans un sommeil interminable et qu'il avait encore besoin de se reposer. Il faisait très sombre, presque noir. La seule lumière provenait de petites fentes très haut au plafond qui laissaient filtrer la lueur des deux lunes de la planète. Il semblait être dans une espèce de grotte, ou plutôt, un souterrain abandonné depuis des lustres. Les structures semblaient âgées, la pierre commençait à s'effriter et aux colonnes manquaient quelques morceaux qui leur donnaient un air centenaire.

Flavien ferma les yeux un instant. Il se sentait faible, épuisé. Il ne savait pas comment il était atterri là, mais son esprit ne lui permettait pas de penser plus loin, trop affaibli et confus. Il se laissa bercer par le sommeil qui menaçait bientôt de le ramener avec lui mais la tonalité lointaine des explosions le ramena peu à peu à la réalité.

Il regarda faiblement autour de lui et remarqua la jeune fille, assise près de lui, le bras tendu vers son torse. Sa main délicate était appuyée sur sa poitrine, là où le métal avait pénétré avec le souffle de l'obus. Les yeux clos et la posture bien droite, elle semblait concentrée sur une quelconque tâche. Flavien l'observa.

Ses longs cheveux sombres comme la nuit étaient toujours tirés en arrière et attachés avec d'une mince lanière de cuire. Elle portait les mêmes vêtements couleur de lys rivalisaient avec son teint ivoirien. Les cils qui bordaient ses paupières closes laissaient paraître un contraste frappant sur ses joues légèrement teintées de rose. Elle ressemblait à une divinité féerique issue d'un conte fantastique.

Flavien se dit qu'il n'avait jamais vu de pareille beauté…mais se rectifia rapidement en pensant à sa chère Pétrolia. Pour lui, personne ne dépasserait jamais l'élégance et la finesse de la jeune technicienne. Revoyant son image dans sa tête, une larme s'échappa de ses yeux. La reverrait-il jamais? Quitte à ne jamais la revoir, il préférait mourir maintenant plutôt que de vivre sans elle.

La jeune fille près de lui ouvrit ses yeux cristallins sans toutefois enlever sa main de son torse et plongea son regard tendre dans ses yeux sombres embués de larmes.

-Ne vous inquiétez pas, Dit-elle de sa voix mélodieuse, Vous la reverrez.

Flavien releva la tête brusquement, surpris par cette affirmation.

-C…Comment avez-vous…su ce que je pensais, Répondit-il difficilement.

Il avait sûrement passé plusieurs jours sans parler car sa voix lui semblait rauque même à ses propres oreilles.

La jeune fille sourit seulement. Flavien leva un sourcil.

-Qui…êtes-vous? Demanda-t-il lentement.

-Je me nomme Laëllia. Je suis une Hörinui, ou si vous préférez, une guérisseuse. Je possède le don de soigner les maladies et les blessures, mais surtout, je suis capable de soulager les gens de leur douleur.

-Vous m'avez soigné…Murmura Flavien.

Ses yeux descendirent lentement pour observer le bras de la jeune fille sur sa poitrine, puis il releva la tête.

-Vous soulagez ma douleur? Demanda-t-il en essayent de se redresser sur ses couvertures.

-Ne bougez pas, Répondit doucement Laëllia, Vous allez vous faire du mal. Oui, je soulage votre douleur, je la prends pour moi même.

Flavien fixa sa main à nouveau.

-Vous…voulez dire que vous ressentez ce que je devrais normalement ressentir.

-Oui. Ne vous inquiétez pas, vous êtes presque guéri, ça ne me fait pas tellement mal. Seulement, essayez de ne pas bouger.

Le jeune homme tenta de détendre ses muscles pour lui causer le moins de douleur possible. Il ferme les yeux un instant et inspira profondément.

-Merci, Murmura la jeune Hörinui.

-Merci à vous, Répliqua Flavien, reconnaissant de son aide, Pouvez-vous vraiment ressentir tout ce que je ressens, même mes émotions?

Laëllia secoua lentement la tête, faisant bouger les ombres sur son visage.

-Non…je reçois seulement les échos de vos émotions les plus fortes.

-Comme pour Pétrolia, Murmura le jeune officier.

-La jeune fille pour qui vous éprouvez tant d'amour?

-Oui, Répondit doucement Flavien.

-Ne désespérez pas, vous trouverez sûrement un moyen de la retrouver.

Laëllia glissa sa main sur la tempe du technicien radar qui sentit immédiatement son esprit se calmer comme si le toucher de la jeune fille avait eu un effet hypnotique sur ses angoisses et ses doutes.

À suivre…