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« Espèce de connard ! »
Les mots hurlés réveillèrent Harry en sursaut et il s'assit tout en cherchant sa baguette. Un toucher glacial caressa sa joue et il leva sa main pour la sentir. Sa main traversa la même froide sensation puis il perçut un mouvement flou.
« Malfoy ? » interpella Harry en réalisant qu'il devait avoir touché la forme fantomatique de Malfoy.
« Sais-tu à quel point cela a été horrible ? » lança Malfoy d'une voix rageuse. « As-tu la moindre idée à quel point cela a été compliqué de reprendre forme ? Si je pouvais tenir une baguette, je te… je te… »
« Heureusement que tu ne peux pas tenir une baguette alors », rétorqua Harry sèchement et il attrapa ses lunettes. Il les posa sur son nez et Malfoy devint net : il n'avait rien d'anormal. Harry inclina sa tête sur le côté.
« Tes cheveux sont différents. »
« …flottais çà et là dans le château en de centaine de minuscules morceaux… quoi ? » Malfoy stoppa sa diatribe et tendit sa main pâle pour se toucher la tête. « Que veux-tu dire par mes cheveux sont différents ? »
En un bruissement d'air, Malfoy était parti, directement à travers la porte fermée de la salle de bain.
Il revint un moment plus tard.
« Mes cheveux sont toujours pareils, pauvre idiot. Si tu essaies de te débarrasser de moi, tu te mets le doigt dans l'œil, car... »
« Je veux dire que c'est différent par rapport à ce qu'ils étaient avant... » Harry agita sa main. « Quand nous étions ici. En tant qu'élèves. »
Pour la première fois, Harry sembla avoir rendu le crétin muet.
« Oh », fit finalement Malfoy. « Alors, j'ai changé de coupe quand j'ai quitté Poudlard. Je m'occupais de moi-même pendant un an avant que... »
Il grimaça et Harry remplit les blancs. Avant que je ne meure. Le souvenir sembla ramener à la surface sa rage bouillonnante et il dirigea son regard noir sur Harry.
« Maintenant. Où étais-je ? Oh oui, je crois que c'était Artemisia. » Malfoy se retourna et flotta à nouveau vers la chaise avant que ne s'élève sa voix à des niveaux stridents. « Artemisia est aussi connu sous le nom d'armoise. Il est fréquemment infusé et transformé en thé ou en teinture... »
Harry gémit de dépit et retomba en arrière contre ses oreillers. Ce sera une longue nuit.
« N'es-tu jamais fatigué ? »
Harry posa la question rudement, se réveillant d'un somme pour trouver Malfoy jacassant à propos de basilic. Ironiquement, un de ses usages était la lutte contre l'insomnie. Harry était trop épuisé pour même trouver cela vaguement amusant.
« Non, Potter, je ne suis jamais fatigué. Je n'ai ni soif ni faim ni n'ai besoin de sommeil. Je n'ai pas mal au pied ou n'ai de douleurs d'estomac. Je n'ai ni chaud ni froid, je ne sens ni l'humidité ni l'aridité ni putain de rien du tout ! Je suis mort ! »
Harry ferma les yeux. Malfoy était flou dans les ténèbres de toute manière.
« Bon, apparemment tu peux toujours ressentir de la colère. »
Le silence régna pendant un moment, puis Malfoy murmura : « Ouai, ça ne disparaît jamais. »
Harry fronça les sourcils. De ce qu'il savait des fantômes, ce n'était pas toujours la colère qui les retenait sur terre, mais souvent le remord. Ça et la peur de la mort. Que lui avait-il dit Nick-quasi-sans-tête il y a si longtemps ? Quelque chose à propos de certaines personnes trop effrayées par ce qui se trouvait de l'autre côté pour continuer convenablement, ainsi ils choisissaient de s'accrocher à ce qu'ils connaissaient et essayaient de préserver leur ancienne vie ? Pourquoi Malfoy aurait-il peur de la mort ? Pensait-il que Voldemort l'attendait derrière le voile ? Ou était-ce pour une autre raison ?
Alors que Malfoy se lançait dans les utilisations du basilic pour le traitement des migraines et de la coqueluche, Harry décida que maintenant n'était pas le moment de poser des questions. Il se retourna dans le lit et remit l'oreiller sur sa tête, essayant d'oublier la voix ennuyante.
Malgré la promesse faite à Minerva, il était fortement tenté d'envoyer un autre Patronus à Malfoy, surtout pour avoir quelques précieuses heures de silence.
Quelque temps plus tard son alarme pénétra le brouillard qu'était son esprit et il trébucha hors du lit, maudissant Malfoy et l'univers.
« Reste foutrement ici, enculé de bâtard », menaça Harry et il se dirigea vers la salle de bain, en passant près de Malfoy qui lui jeta à peine un coup d'œil et se reposa dans la chaise comme s'il ne passerait pas complètement à travers s'il continuait à reculer.
Harry jura dans sa barbe et garda un œil sur la porte, mais Malfoy semblait content d'avoir ruiné son sommeil pour la seconde nuit de suite. Harry ôta son pyjama et tourna le robinet de la douche.
L'eau chaude l'aida à se réveiller et il soupira de contentement. Il venait juste de shampouiner ses cheveux et se tourna pour rincer les résidus quand il vit Malfoy alangui contre le mur de la douche, le regardant avec un large sourire.
Harry glapit et se retourna. L'eau chuta sur sa tête et envoya du savon dans ses yeux.
« Malfoy ! Quel bordel ? Sors d'ici ! »
« J'apprécie juste le spectacle, Potter », annonça Malfoy d'une voix langoureuse.
« Moi aussi ! » La voix était jeune et pleine de gloussements enjoués.
Harry cria d'une voix perçante et frotta furieusement ses cheveux : il ne voulait rien de plus que de fuir la douche soudainement remplie.
« Mimi ! » cria Malfoy. « Va-t'en ! »
« Tu n'es pas drôle », protesta-t-elle, mais elle cria ensuite et Harry sentit quelque chose de froid effleurer son côté. Louchant à travers des yeux douloureux, il vit Malfoy poursuivre Mimi, mais elle plongea dans le tuyau d'évacuation et disparut.
« Merde ! » rugit Harry et il abattit sa main sur le robinet avant de tirer d'un côté le rideau et chercha à tâtons une serviette. Il sécha ses yeux et se tourna pour crier sur Malfoy, mais le fantôme n'était plus là.
Après un apaisant lavage des yeux, Harry se sécha les cheveux, ensuite s'entoura la taille d'une serviette. Il entra dans la chambre prêt à attraper sa baguette et à renvoyer Malfoy au pays des particules, mais la peste n'était nulle part.
D'humeur noire, Harry s'habilla et se rendit à la Grande Salle pour le petit-déjeuner. Il maudissait tous les fantômes du monde magique et un en particulier.
A nouveau, Harry ne vit pas Malfoy jusqu'à sa seconde classe. Il supposa qu'il devait être content que Malfoy épargnait les plus jeunes élèves de son comportement odieux, mais les élèves plus vieux étaient beaucoup trop amusés par les pitreries de Malfoy.
Cette fois Malfoy choisit d'apparaître près de l'épaule droite d'Harry et de chanter à tue-tête des chansons de bain pendant qu'Harry essayait vainement de l'ignorer.
« C'est cela, Regina, brandit un peu plus vivement ta baguette… tu dois le vouloir, comme n'importe quel autre sort. »
« Des petits canards en bois, à la surface de l'eau
Des petits canards en bois, splash splash splash ! »
« Et n'oublie pas de garder en tête ton souvenir le plus heureux. Je sais que c'est difficile, particulièrement quand il y a des distractions pénibles. »
« Des petits canards en bois, à la surface de l'eau
Des petits canards en bois, quack quack quack ! »
Harry serrèrent ses dents si fortement qu'il pensait lui être impossible de parler en fourchelangue sans commettre une erreur. Malheureusement, ce langage l'avait déserté avec la mort de Voldemort, alors ce serait un pauvre substitut.
Plusieurs élèves chantaient les chansons de Malfoy et beaucoup d'autres gloussaient tellement qu'ils ne pouvaient jeter aucun sort. Seulement un élève réussit à former partiellement un Patronus et sa contenance était si sévère qu'il ressemblait à un mini Snape selon Harry.
« Très bien, Gerald. Je pourrais presque voir la forme que prendra ton Patronus à ce moment-là. Continue comme ça. »
« Je suis assez surpris que le tien est un cerf, Potter », commenta Malfoy en arrêtant de chanter.
Harry grinça des dents. Il préférait ignorer le fantôme mais engager une conversation était beaucoup moins distrayant pour les élèves qu'écouter des chansons enfantines.
« Pourquoi ça, Malfoy ? » demanda Harry calmement.
Malfoy haussa des épaules. Harry vit le mouvement du coin de l'œil.
« Je ne sais pas. C'est juste que ça ne te ressemble pas vraiment. Je me serais attendu à quelque chose de plus voyant, comme le lion de Gryffondor ou un Eruptif. »
Harry roula des yeux. « Tu me connais si peu, Malfoy. Quel est le tien ? »
Malfoy soupira. « Je ne le saurais jamais, n'est-ce pas ? Il n'y avait pas vraiment besoin de jeter un Patronus au service du Seigneur des Ténèbres, non ? Nous avions d'autres moyens de communication. »
Le bras gauche de Malfoy tressaillit et Harry hocha de la tête.
« Dommage. J'aurais voulu connaître ce qu'il était. »
« Pourquoi ? Tu espères que ce serait risible ?
Harry fit un son évasif. « Te connaissant, je doute que ça aurait été risible. »
Malfoy sembla incertain s'il devait ou non prendre la déclaration comme une insulte, alors il choisit de se lancer dans une autre chanson évoquant de la mousse. Harry secoua sa tête et soupira. Son mal de tête se renforçait.
« Cela doit s'arrêter ! N'y a-t-il pas un moyen pour… Je ne sais pas… le contenir ? » demanda Harry.
Minerva le regarda avec une expression sérieuse. « Avez-vous essayé de parler avec lui ? »
« Parler ? Je peux à peine sortir un mot avec toutes les chansons et les récitations d'ingrédients de potion et les… Savez-vous qu'il était dans ma douche ce matin ? Dans ma douche ! »
Harry savait que sa voix était stridente et qu'il ressemblait probablement à une épave, mais il était fatigué et lessivé et ce n'était que son deuxième jour à Poudlard.
Heureusement, le bureau de la directrice était la seule pièce sûre contre le crétin nébuleux.
« Vraiment, Harry, si vous l'ignorez, il s'ennuiera et s'en ira. »
Il lui donna un regard sardonique. « Belle théorie, mais Malfoy est un fantôme. Cela prendre des siècles avant qu'il ne s'ennuie. »
Elle attrapa sur son bureau un globe trouble d'un support en cristal et l'examina en plissant du front.
« Bon, peut-être qu'il vous revient d'assister Malfoy pour qu'il passe de l'autre côté. »
« Passer de l'autre côté ? Que voulez-vous dire ? »
« Il me semble évident que Draco est devenu un fantôme pour une certaine raison. Peut-être que vous devriez déterminer ce que c'est et l'aider à le résoudre. Ainsi, il relâchera sa poigne sur cette vie et poursuivra sa route quelle qu'elle soit. »
Harry fronça des sourcils. Était-il possible « d'aider » un fantôme à passer de l'autre côté ? Cela a-t-il été déjà accompli ? Il soupira, il percevait plus de recherches dans le futur bien que rendre visite à Hermione lui sauverait probablement du temps et lui donnerait une idée d'où commencer ses recherches.
« Comment est-il mort ? » demanda Harry
« Peut-être que vous devriez lui poser la question. »
Harry se renfrogna, mais ses mots suivis par un regard insistant et par un judicieux déplacement de papiers, le congédièrent. Il s'en alla.
Malfoy l'attendait dans le couloir et semblait un peu trop humain à cause de sa posture désinvolte contre le mur.
« Tu t'es plains de moi ? » demanda-t-il.
« Ne t'envoie pas des fleurs », claqua la voix d'Harry même s'il rougit au mensonge.
« Elle ne peut pas faire quelque chose contre moi, n'est-ce pas ? Elle t'a dit de trouver quelque chose par toi-même ? »
« Je ne suis pas la première personne que tu as hantée, n'est-ce pas ? » demanda Harry sèchement alors que Malfoy marchait à ses côtés.
« Je savais que tu te plaignais de moi », répondit Malfoy d'un air suffisant.
« Pourquoi fais-tu cela ? » demanda Harry en pointant la prétendue marche de Malfoy. « Pourquoi ne pas juste... » Il fit un geste de glissement avec ses mots.
« Parce que je n'ai pas envie », rétorqua Malfoy. Quand ils atteignirent les escaliers, Malfoy soupira et dit : « Ça, ça me manque en revanche. »
Il s'assit sur la rampe et glissa tout le long pendant qu'Harry descendait les marches. Glisser sur les rampes était interdit, mais les étudiants le faisaient à tout moment. Ils savaient tous qu'il y avait des sortilèges de Coussinage permanents en bas pour empêcher toutes blessures quand quelqu'un tombait.
Malfoy atteignit le poteau en bas et passa à travers avant de se retourner et de continuer sa pseudo glissade au prochain étage. Il se déplaçait beaucoup plus lentement qu'une vraie glissade pour rester au niveau d'Harry.
« Comment es-tu mort ? » lâcha Harry.
Le regard de Malfoy sembla aussi intense que lorsqu'il était en vie. « Pourquoi ne suis-je pas surpris que tu ne le saches pas ? » Avec ça, il plongea à travers la rampe, et puis à travers les marches et disparut.
« Si j'avais su que c'était tout ce qu'il fallait pour me débarrasser de toi », grommela Harry, « J'aurais posé la question deux nuits plus tôt. »
Cependant il se sentit un peu coupable de ne pas savoir.
