Chers lecteurs - trices,

Après un travail acharné de relecture, voici aujourd'hui la troisième partie de la tendre histoire de Dean et Castiel.

Au fur et à mesure que j'avance dans la correction de cette histoire, achevée depuis le milieu du mois de mars 2021 et augmentée d'un épisode entre avril et mai, cette dernière ne cesse d'enfler et de s'enrichir. Cela m'effraye légèrement :)

Je vous souhaite par avance une très bonne lecture, j'espère qu'elle plaira à ceux et celles qui continuent à suivre ce récit sans prétention.

Bien à vous,

ChatonLakmé

Edit du 21/05/21 : Suite à la très exacte et avisée remarque de Thalie.P, je republie cette partie corrigée avec plus d'attention. Le premier fichier m'a presque fait frémir devant les fautes de frappe, les petites coquilles orthographiques ou grammaticales. Toutes mes excuses. Je saurai reconnaître à présent le moment où la fatigue me dit de faire une pause. Une vraie… :)


Angie

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Troisième partie

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Avec un profond soupir de contentement, Dean s'enfonce dans le confortable canapé en tissu de Castiel, léchant soigneusement ses doigts afin de retirer chaque trace de crème un peu collante et sucrée qui y reste. Tout en s'appliquant particulièrement sur son pouce, le jeune homme adresse un petit sourire vainqueur à Gabriel qui boude puérilement de l'autre côté de la table basse. Le blond a perdu le combat destiné à les départager et a dû lui céder la dernière part de tarte, la mort dans l'âme et les yeux pleins de larmes.

Sur la grande télévision qui orne le mur du salon, entourée par une bibliothèque en bois blanc dont les étagères sont également ponctuées de bibelots et de cadres photos, Scarlett O'Hara réalise que le grand amour de sa vie a toujours été Rhett Buttler dans le tourbillon noir des volants de sa robe de deuil.

Portant distraitement son regard sur l'écran, Dean admire en connaisseur la mâle assurance de Clark Gable avant de hausser les yeux au ciel en entendant les lourds sanglots et les appels désespérés de l'héroïne, aussi indifférent que l'acteur qui se coiffe de son chapeau pour quitter ce qui avait été leur maison sur une réplique mémorable.

Tandis qu'il achève de pourlécher son index dans des bruits humides, gloussant légèrement en sentant le coude pointu de son frère s'enfoncer dans ses côtes en représailles, le jeune homme se détourne de la télévision pour contempler un spectacle bien plus séduisant que le film de 1939 multi-récompensé aux huit Oscars.

Castiel, assis à côté de Gabriel sur un autre canapé, a les jambes repliées sous lui et un bras posé sur le dossier. Tout son corps tendu vers l'écran, il murmure à voix basse les paroles des dialogues avec des yeux brillants et le châtain sourit un peu stupidement.

Cette soirée est décidément parfaite et il trouve le brun vraiment trop adorable et charmant.

Dean apprécie vraiment Castiel mais il se rend compte que son environnement, l'intimité de son appartement lui plaisent tout autant et qu'il se projette dans la vie quotidienne du jeune homme avec une facilité qui pourrait presque l'effrayer quand la sienne est vide depuis si longtemps.

L'immeuble du brun lui a immédiatement plu avec ses trois modestes étages, ses grandes baies vitrées et son apparence de maison de bord de mer bardée de bois blanc. L'appartement du jeune homme, un grand quatre pièces, l'a plus séduit encore et quand Castiel le lui a fait visiter, les joues rosies par une adorable fierté tandis que Sam et Gabriel rangeaient leurs achats dans la cuisine, le brun aurait pu lui raconter n'importe quoi que Dean aurait approuvé avec dévotion, trop captivé par ses beaux yeux pétillants.

Il a retenu tant de détails de sa visite que cela en est presque ridicule.

Le grand balcon filant ouvre sur le front de mer et la marina, toute proche, et Dean n'a eut aucun mal à s'imaginer y passer des soirées avec Castiel, pelotonnés l'un contre l'autre sur la banquette en rotin tandis qu'ils boiraient une bière. C'est avec une pointe d'appréhension que le brun lui a montré les affaires d'Angie, semblant attendre son approbation tandis que la jeune chienne se roulait de bonheur sur son vaste coussin, posé devant la baie vitrée et noyé par l'agréable soleil de juin. Il y avait eu la salle d'eau, avec une douche si vaste que Dean avait senti quelque chose picoter dans son aine.

Ils avaient terminé par la chambre de Castiel. Le jeune homme s'était discrètement mordu les lèvres tandis qu'il contemplait le lit large et parfaitement fait dont les draps tirés ne semblaient attendre que les ondulations de deux corps afin de les froisser sous l'effet de la passion.

Quand ils avaient regagné le salon, le châtain avait presque senti sa tête tourner légèrement sous l'effet d'une petite voix susurrant à son oreille combien il serait délicieux d'étreindre le brun dans chaque recoin de cet appartement si accueillant et chaleureux. Que depuis le lit, allongés l'un dans les bras de l'autre et tournés en direction de la grande baie vitrée, ils auraient pu assister à chaque lever du soleil tout en se respirant avec bonheur.

Castiel devait être tellement beau dans la lumière claire du matin, sa peau ivoirine délicatement dorée par les rayons généreux tandis qu'il sortait du lit et que sa belle silhouette ciselée se découpait dans l'embrasure de la baie vitrée. Sans doute sa chair devait-elle prendre également des transparences de nacre lors des matins au ciel obscurci, quand la mer se couvrait de gris perle ou de vert émeraude. Le bourdonnement des vagues venant heurter les pontons dans des gerbes d'écume auraient pu accompagner ses coups de bassin tandis qu'il viendrait encore et encore dans le beau corps du brun pour l'aimer et Dean avait senti ses paumes devenir légèrement moites.

La maison familiale sur le domaine de Second Life a toujours été la sienne mais pour la première fois, une vie dans cet appartement moderne et lumineux bercé par le bruit de la mer lui avait fait effleurer des perspectives plus tendres et moins solitaires, ponctuées par les aboiements joyeux d'Angie et le bonheur simple d'une vie à deux.

Pendant leur soirée, Dean a tout autant aimé voir le brun déguster sa pizza avec des gestes gracieux tout en participant aux conversations, son regard revenant souvent au film, un petit sourire aux lèvres tandis qu'il identifiait le moment et en murmurait toujours quelques mots avant de revenir à eux. Et sa bouche rose qui vient s'ourler délicatement autour du goulot de sa bouteille de bière, laissant la chair fine de ses lèvres légèrement moirée d'humidité en a presque fait oublier au châtain le goût délicieux du pepperoni et celui de la tomate ornant la délicieuse pâte à pain à la croûte dorée.

Après près de quatre heures de film dont il n'a suivi que des bribes distraites, Dean n'a toujours pas véritablement compris en quoi Scarlett O'Hara est une héroïne féministe avant l'heure car Castiel est une source sans fin de distraction et d'admiration discrète.

Son attention ne cesse de revenir aux pieds blancs du jeune homme qui émergent de son jean brut à la toile sombre et qui tranchent sur le canapé bleu roi dont la couleur met en valeur la finesse des chevilles et la forme harmonieuse des orteils. Le contraste est absurdement délicieux, tout autant que celui qui souligne la belle main que le jeune homme a abandonné sur sa cuisse.

Attentive et joyeuse, Angie va de l'un à l'autre avec gourmandise, espérant grappiller quelques miettes. Avec attendrissement, Dean fait semblant de ne pas voir Castiel lui donner de temps en temps un petit bout de croûte ou un peu de crème de sa pizza végétarienne sur le bout de son doigt.

Quand le brun croise brièvement son regard alors que la chienne a posé sa tête sur l'assise du canapé et sort régulièrement la langue pour récupérer un tout petit morceau de gâteau, Castiel se fige avant de rougir légèrement. Le châtain sent les bulles de sa bière descendre le long de son dos avant d'aller pétiller joyeusement dans son aine.

En voyant le jeune homme s'avachir doucement le long du dossier, étonnamment sensuel dans son abandon causé par un début d'ivresse dont témoignent les bouteilles abandonnées dans la cuisine, Dean n'a qu'une envie. Celle de tirer Gabriel du canapé pour pouvoir prendre sa place et permettre au brun de se lover doucement contre lui. Le blond et son frère n'auraient qu'à sortir Angie pour sa dernière promenade de la journée parce que Castiel et lui seraient trop occupés à se bécoter tendrement dès la porte refermée sur eux.

Le jeune homme voit soudain la jeune chienne s'approcher un peu trop du plat à tarte encore marbré de traces de crème, sa langue sortant comiquement à intervalle régulier afin d'attirer à elle le carton souillé, et Dean ricane légèrement.

Tandis qu'il se penche en avant afin de l'éloigner d'Angie, il ne voit pas Castiel faire lentement de même et le châtain se fige en sentant leurs doigts s'effleurer sur l'emballage avant que ceux du brun ne se referment doucement dessus pour le replier sur lui-même. Dean garde le silence, leurs pulpes le picotant doucement au souvenir de la peau brûlante du brun sur la sienne et à ses yeux rendus légèrement brillant par l'alcool.

« Non Angie », dit-il doucement tout en ignorant bravement son petit couinement peiné. « Je t'en ai déjà donné un petit peu, tu ne peux pas finir. Gabriel va s'en charger… »

À côté de lui, le blond claque sa langue contre son palais d'un air satisfait avant de tirer le carton à lui et de récupérer sa cuillère dans son assiette à dessert d'un air vainqueur. Dean pouffe doucement avant de se caler à nouveau contre le dossier du canapé.

« Je me serai déjà acquitté de cette tâche avec ferveur si j'avais remporté la dernière part de gâteau Cassie… », lui répond son frère. « Deanno est tellement négligent. Quand tu trouves du plaisir dans quelque chose, tu vas jusqu'au bout… »

Buvant une petite gorgée de bière, le jeune homme grogne légèrement avant de lui jeter un regard noir.

« Tu es prié de ne pas faire d'allusion sexuelle quand on parle de dessert Gabriel. Tu n'as donc aucun respect ? », lui rétorque-t-il vivement avant de hausser un sourcil taquin. « Et ne sois pas mauvais joueur, je t'ai laissé les miettes… Je suis sûre qu'elles sont presque aussi bonnes que l'énorme et toute dernière part que j'ai dégusté tout à l'heure. »

Dean esquive habilement une serviette en papier roulée sur elle-même, ricanant en la voyant décrire une courbe un peu molle avant de retomber sur le parquet dans un petit bruit mou un peu ridicule.

« Je suis certain que tu as triché… », lui répond le blond d'un air soupçonneux qui lui fait lever les yeux au ciel.

« Et comment aurais-je pu ? Nous avons joué à pierre-papier-ciseau Gabriel. Sur ta suggestion », lui rappelle le châtain d'un ton nonchalant. « Tu ne peux pas réellement m'en vouloir si tu as trouvé ton maître en dextérité et en agilité manuelle. »

Le jeune homme se mord légèrement les joues en réalisant ses paroles et enfonce sa tête entre ses épaules en voyant le blond lui adresser un regard luisant sous ses longs cils dorés tandis qu'il referme sa bouche sur sa cuillère dans un soupir de contentement indécent.

À côté de lui, il entend Sam ricaner doucement.

« Je pourrais faire tellement de sous-entendus à cet instant que cela perdrait presque de sa saveur tant c'est facile. Peut-être devrions-nous demander à Cassie de trancher puisque c'est lui que tu as désigné comme arbitre », ricane Gabriel avant de tourner vers son frère. « Alors Cassie, toi qui nous a observé si attentivement, que penses-tu de la dextérité digitale de Dean ? »

« Je- »

Le brun rougit légèrement et Dean voit avec fascination ses orteils se tortiller de gêne sur le canapé bleu avant que le jeune homme ne lui jette un petit regard en coin.

« …Un arbitre doit rester neutre et objectif », botte-t-il en touche et le châtain ricane légèrement. « Mais je suis sûr que Dean n'a pas triché. Comment veux-tu faire à shifumi Gabriel ? C'est un jeu de hasard. »

« Bien joué Cas… », le salue le châtain en levant sa bouteille de bière devant lui avant d'en boire une gorgée.

Dean essuie discrètement sa paume sur le tissu de son jean.

Jusqu'à présent il ne s'est jamais vraiment interrogé sur ses mains mais assis non loin de Castiel, elles le gênent soudain un peu, burinées et abîmées par le travail manuel. Le jeune homme sait qu'elles savent donner du plaisir et faire jouir mais il se demande brièvement si le brun en apprécierait la rudesse et les légères callosités sur son corps quand lui a les mains blanches et douces des gens travaillant dans un bureau.

Le gémissement plaintif d'Angie brise soudain le silence discret du salon et leur petite assemblée rit en chœur en voyant la chienne contourner habilement le canapé pour aller quémander à Gabriel ce que son maître lui a refusé un peu plus tôt, le jeune homme défendant farouchement son bien.

Angie lui adresse un aboiement un peu outré avant de tourner vivement la tête en direction de la bibliothèque en entendant la petite pendule sonner vingt-trois heures. Dans un bond, la jeune chienne gagner rapidement l'entrée avant d'ouvrir le placard du bout de sa truffe. Un bruit vaguement effrayant leur parvient avant qu'elle ne revienne dans le salon pour venir s'asseoir sagement devant Castiel, sa laisse pendant dans sa gueule.

Un petit sourire tendre aux lèvres, le brun se redresse un peu mollement sur le dossier pour flatter la jolie tête d'Angie.

« Oui, c'est l'heure ma belle… On y va », lui sourit-il d'un air doux.

Castel récupère la laisse et le harnais avant de les poser sur l'accoudoir du canapé et de déplier lentement ses longues jambes. Dans un petit soupir qui vrille quelque chose dans l'estomac de Dean, le brun s'étire longuement tout en leur jetant à tous un petit regard d'excuse.

« Je suis désolé mais quand la dame demande, je m'exécute », rit-il tout en posant ses mains sur l'assise du canapé. « Nous allons faire le tour du parc, je n'en ai pas pour très longtemps. »

« Hum hum… »

Roulé en boule sur le sofa, Gabriel acquiesce silencieusement, trop occupé à pourlécher un peu ridiculement la moindre trace de crème du carton et Dean lève les yeux au ciel, reposant sa bière sur la table basse.

« Tu es sûr Cas ? Je ne suis pas certain que tu arrives à retrouver tout seul le chemin de ton appartement », ricane-t-il.

Castiel coule dans sa direction un regard humide sous ses longs cils noirs qui tord définitivement quelque chose dans le creux de son ventre.

« C'est bien pour cela que je sors avec Angie et pas tout seul. Elle me ramènera, elle est très intelligente tu sais », lui réplique le brun avec une pointe de fierté tout en étouffant un discret bâillement derrière sa main.

Le jeune homme s'appuie un peu plus fort sur l'assise sur canapé afin de se remettre debout.

« Ne reste pas dans mes jambes jeune fille », grommelle-t-il à l'attention de la chienne. « Je vais tomber… »

Alors que le jeune homme se relève lentement, Dean le voit tanguer brièvement et avant qu'il ne puisse tendre la main pour l'assurer, Castiel lui tombe sur les genoux, déséquilibré par Angie qui l'a légèrement bousculé dans son enthousiasme. Le châtain inspire brusquement quand le parfum du jeune homme envahit soudain son nez et il se retient bravement de plonger son visage entre ses omoplates pour y rouler sa tête et inspirer plus profondément son odeur.

Dean appuie une main prudente sur la hanche de Castiel pour le sécuriser tandis que le jeune homme gigote sur ses genoux, tentant de prendre appui sur son épaule afin de se relever. Son parfum est partout, les embaumant tous les deux, et le châtain est certain qu'il ne serait pas plus capiteux s'il plongeait son nez dans son cou ou dans les draps de son lit.

« Oh… Je- Je suis désolé Dean, je- », balbutie-t-il adorablement.

Le châtain serre discrètement les dents. Il sent les fesses de Castiel frotter innocemment contre son bas-ventre alors que le brun essayer de se redresser maladroitement et Dean retient un grondement, resserrant sa prise sur la hanche du jeune homme pour l'arrêter. Il crochète durement ses doigts sur l'os légèrement saillant qu'il sent sous le tissu de sa chemise, tiédi par la chaleur brûlante de sa peau, et le jeune homme entend Castiel expire un petit souffle avant de se figer sur ses genoux.

« Arrête Cas… Tu ne tiens pas debout, cesse de t'agiter ou tu vas tomber », le gronde-t-il doucement et Dean pousse un petit soupir de soulagement en le sentant cesser d'appuyer sur son sexe qui commence doucement à pulser. « Quelqu'un va sortir Angie pour toi ce soir », lui murmure le châtain tout en desserrant légèrement l'emprise de ses doigts sur sa taille.

Il sent la main de Castiel quitter lentement son épaule avant d'aller effleurer la ligne de ses trapèzes jusqu'à sa nuque pour y nouer légèrement ses doigts afin de se maintenir sur ses genoux. Le brun fait une petite moue et Dean bien du mal à retenir le rugissement en lui qui lui ordonne de renverser le jeune homme sur le canapé pour l'embrasser à perdre haleine.

« Non Dean… C'est ma responsabilité, je dois le faire », lui répond Castiel avec une adorable obstination. « J'ai arrangé l'appartement pour qu'elle y soit parfaitement à son aise, c'est aussi à moi de la promener. »

Dean hausse un sourcil avant de lui pincer taquinement les côtes.

« Pas quand tu ressembles à un étudiant qui vient plus ou moins de faire la meilleure fête de sa vie Cas… », ricane-t-il tout en tentant de faire bravement abstraction des doigts chauds qui caressent inconsciemment la peau fine de sa nuque. « Gabriel ? »

Le châtain glousse légèrement en voyant le jeune homme relever vivement la tête à son prénom avant de resserrer sa prise sur un paquet de biscuits dont Dean ignore l'origine d'une manière comiquement désespérée.

Le jeune homme secoue légèrement la tête et passe un bras autour de la taille fine de Castiel afin de l'assurer car le jeune homme recommence à bouger sur ses genoux.

À côté de lui, Sam éclate de rire et pose à son tour sa bouteille de bière sur la table basse.

« Je m'en occupe », lui propose-t-il avec gentillesse et Gabriel lui adresse un regard rempli de reconnaissance, ses joues gonflées par les deux biscuits qu'il vient d'engloutir avec ravissement. « Et tu viens avec moi », ajoute le blond tout en se levant à son tour. « Un peu d'exercice te fera aussi le plus grand bien… Et respirer le grand air aussi. J'ai l'impression que tu vas t'étouffer à manger ces gâteaux et ton taux de sucre doit crever le plafond. »

Dean ne peut manquer le regard brillant que son frère pose rapidement sur lui et Castiel tandis qu'il contourne la table basse pour rejoindre Gabriel et il rosit doucement, se cachant discrètement derrière le large buste du brun. Sa gêne frôle la stratosphère quand, derrière le beau galbe de son épaule tendue de coton noir, il voit le blond le regarder également et ses yeux se mettre à briller de malice.

« D'accord… », opine-t-il de la tête tout en essuyant du revers de la main ses joues parsemées de miettes chocolatées. « Mais je prends les biscuits avec moi. Dean va tous les manger sinon et les partager avec Cassie en lui donnant la becquée… Mon pauvre petit frère a l'air de ne plus savoir comment il s'appelle. »

« C'est faux… », annone Castiel d'une voix pâteuse tout en se tournant mollement vers lui. « J'ai juste… un peu la tête qui tourne. Tu sais que je ne bois pas beaucoup. »

Sa voix meurt lentement dans un souffle et Dean rougit violemment en sentant le brun se pelotonner inconsciemment contre lui, sa tête reposant dans son cou tandis qu'il commence doucement à sombrer dans les brumes de l'alcool. Ses cheveux sombres le chatouillent agréablement, ainsi que le souffle chaud et tranquille qui vient balayer la peau sensible de sa gorge. Il adresse un regard vaguement noir à Gabriel, si peu crédible dans le délice de sensations qu'il est en train de vivre que le blond hausse comiquement ses sourcils avant de ricaner plus fort.

« Oh Cassie… Tu es définitivement et positivement ivre et je ne suis pas sûr que ton état s'améliore si tu renifles ainsi le parfum de Deanno dans son cou », glousse le jeune homme tout en venant caresser un instant ses cheveux noirs.

Castiel se resserre un peu plus contre le châtain, lui faisant resserrer machinalement le bras enroulé autour de sa taille, avant d'agiter lentement sa main en l'air dans un geste un peu puéril.

« Laisse-moi tranquille Gabriel… », marmonne-t-il d'un ton vague. « Tu pourras me taquiner… plus tard. Tu sais que la boulangerie sur Little Bay est encore ouverte à cette heure-ci ? Va donc te distraire là-bas. »

Dean se sent dangereusement frôler la béatitude tandis qu'il referme ses deux bras autour du corps du brun. Il répond mollement au sourire que lui adresse Sam tout en enfilant sa veste et en récupérant la laisse d'Angie, la chienne déjà entraînée dans l'entrée par un Gabriel des plus enthousiastes.

« Occupe-toi de lui, Gabriel et moi n'en avons pas pour longtemps. Et sois prudent toi aussi, tu as les yeux un peu brillants », le taquine-t-il avant de rejoindre le blond qui lace ses chaussures dans un grand désordre de mouvements. « Tu viens vers nous Angie ? »

Un peu méfiante, la jeune chienne renifle prudemment sa main tendue avant de retourner dans le salon dans un petit trottinement et de s'approcher légèrement de Castiel. Sa jolie tête tendue en avant, Dean l'observe toucher légèrement de sa truffe le genou du brun comme pour chercher un peu de réconfort à l'idée que deux inconnus lui fassent faire sa dernière promenade de la journée.

« Vas-y Angie, tout se passera bien », murmure-t-il doucement tout en effleurant de ses doigts son museau. « Ils vont prendre soin de toi et je serai là à ton retour. »

Dean n'a pas besoin de voir le visage du brun pour savoir que Castiel doit arborer ce si beau sourire tendre et doux qu'il aime tant, celui qui ourle si joliment ses lèvres quand il regarde Angie et qu'il aimerait bien lui être adressé.

Sam les rejoint et, la laisse devant lui, demande silencieusement au brun la permission de l'attacher au harnais d'Angie qui bat joyeusement de la queue, parfaitement rassurée.

« Bien sûr Sam, merci », souffle-t-il. « Laisse Angie te guider, elle connaît l'itinéraire que nous prenons. Et une fois à la boutique, empêche mon frère de vider la vitrine sous prétexte que les employés jettent les pâtisseries non vendues. Il dort ici cette nuit… »

« Entendu », pouffe le blond tout en agrippant le mousqueton de la laisse à l'anneau du harnais, Angie se laissant gentiment faire. « À tout à l'heure. »

Dean observe en silence les deux hommes passer la porte de l'appartement, Castiel lui adressant un adorable petit salut de la main avant que le battant ne se referme derrière eux dans un petit déclic discret et métallique.

Tandis que les bruits de leurs pas résonnent légèrement dans l'escalier avant de s'estomper, l'appartement plonge lentement dans un silence confortable et doux.

Semblant peu enclin à descendre de ses genoux, Castiel continue de dodeliner légèrement de la tête contre lui, ses doigts allant et venant distraitement sur sa nuque. Son cœur battant un peu plus fort dans sa poitrine, Dean ne bouge pas non plus, invitant doucement le jeune homme à s'avachir plus lourdement contre son torse tandis qu'il s'appuie contre le dossier du canapé, ses mains nouées ensemble autour de sa taille afin de le garder contre lui. Lui aussi a bu.

Le brun gigote un instant sur ses genoux afin de passer ses deux jambes du même côté et pousse un petit soupir satisfait avant d'enfouir à nouveau son visage dans le cou de Dean. Le châtain remarque que les crédits de la version restaurée d'Autant en emporte le vent défile lentement sur l'écran de la télévision, en blanc sur noir, et il sourit stupidement. Il n'a vraiment rien retenu du film et c'est avec un plaisir non dissimulé qu'il cale à son tour sa tête dans le creux de la clavicule de Castiel.

Bercé par sa respiration tranquille et les mouvements de sa poitrine, sa peau frissonnant légèrement sous la caresse de sa main dans sa nuque, Dean se sent fermer lentement les yeux et s'engourdir dans une agréable langueur. Le corps de Castiel est chaud et doux contre le sien, son flanc se moule parfaitement contre sa poitrine et le jeune homme pense sincèrement à cet instant qu'il pourrait vivre uniquement en avalant son parfum et en buvant son souffle.

Le lecteur DVD émet soudain un bruit un peu ronflant, affichant à nouveau le menu principal sous les lentes notes de piano égrenant le thème mondialement célèbre du film composé par Max Steiner. Le châtain sort à regret de sa torpeur, papillonnant un instant des yeux avant de jeter un petit regard à Castiel.

Le corps du jeune homme se fait peu à peu plus lourd contre le sien, sa respiration plus mesurée tandis qu'il sombre dans un assoupissement un peu ivre. À son grand désarroi, le châtain décide de les faire sortir de leur petite bulle de tendresse non-formulée.

Il n'aimerait rien d'autre que de rester ainsi dans le canapé, Castiel adorablement lové contre lui dans son ivresse et envoyant au diable les ricanements sans fin de Sam et Gabriel à leur retour en les trouvant ainsi. Mais Dean sait qu'il ne peut raisonnablement pas dormir dans l'appartement du brun et laisser le refuge sans surveillance. Castiel et lui n'ont pas non plus parlé l'un avec l'autre de la chose étrange et douce que le châtain espère qu'ils partagent et il ne peut oublier que le jeune homme a bu plus que de raison malgré les quelques bières qui traînent encore sur la table basse, altérant son comportement d'habitude si calme et mesuré.

Un petit soupir de regret aux lèvres, Dean se redresse légèrement dans le canapé, grimaçant en sentant son corps le lancer douloureusement sous le poids de Castiel qui commence à engourdir ses cuisses.

« Cas… », chuchote-t-il doucement contre lui. « Tu ne peux pas t'endormir comme ça. »

« Hum hum… »

Dean sent le jeune homme frotter câlinement son nez contre son cou avant de s'appuyer à nouveau plus fort contre son torse, le faisant glousser.

« Je suis sérieux Cas », pouffe-t-il. « Tu ne peux pas rester dormir dans ton salon et me garder coincé sous toi. »

Le brun renifle légèrement avant de sortir mollement la tête de son cou.

« Tu es confortable Dean… », lui répond-il d'une voix lente et rauque. « Et je dois rester là, Angie va me chercher à son retour… »

« Oh Cas… » Le châtain glousse légèrement, lui pinçant taquinement les côtes. « Je suis sûr qu'elle saura bien te retrouver dans ton lit. Elle dort avec toi non ? »

Castiel se redresse lentement contre lui, gigotant à nouveau sur ses genoux d'un air un peu gêné.

« Non… Pas souvent. Pas trop », marmonne-t-il. « Tu m'as dit que ce n'était pas une chose à faire… »

Le jeune homme crispe soudain sa main sur la hanche du brun, le galbe de ses fesses venant frotter distraitement contre son entrejambe.

« Bon sang Cas, arrête de gigoter. Tu- tu as les os du bassin pointus… », déglutit-il dans un grognement, son sang bouillant en peu plus dans ses veines. « Ne m'oblige pas à te porter jusqu'à ton lit. »

Dean se fige en croisant soudain le regard brouillé de Castiel, à demi-ensommeillé.

Si le brun a cessé de bouger sur ses genoux, il a l'impression de lire tant de choses brûlantes et indistinctes dans ses prunelles que le jeune homme sent son aine pulser plus fort sous la toile épaisse de son jean. Le léger voile qui obscurcit ses yeux lui évoque irrémédiablement l'effet d'un orgasme et Dean ferme un instant les paupières, son souffle manquant une inspiration.

« Tu ferais ça ? », lui demande doucement le brun, ses lèvres s'ourlant en une petite moue interrogative.

Le châtain halète discrètement en sentant les doigts brûlants de Castiel quitter lentement sa nuque avant de courir le long de ses trapèzes, de toucher l'arrondi de son épaule et d'aller effleurer la courbe de son biceps gauche.

« Bien sûr que tu le ferais… », murmure le jeune homme dans un souffle d'une voix rauque tout en effleurant la courbe de son muscle, serré par le tissu fin de son tee-shirt et contracté par l'effort tandis que Dean assure sa position sur ses genoux.

Le châtain gronde.

Ils doivent se lever. Maintenant.

Avant que Castiel ne sente son désir pour lui qui pulse durement dans son jean.

Avant que sa bouche ne ravisse la sienne alors que le brun dodeline doucement de la tête tandis que ses doigts reprennent leurs caresses inconscientes.

Avant que le jeune homme ne le plaque durement contre lui pour onduler furieusement contre son corps souple et parfumé, le couvrant du sien contre l'assise bleue du canapé.

Dans un sursaut de prudence, Dean lui pince taquinement les côtes et Castiel couine légèrement avant de lui jeter un regard vaguement noir.

« Je me vois obliger d'insister », le taquine-t-il avant d'apaiser la morsure de ses doigts d'une discrète caresse. « Je ne me sens pas d'expliquer à ton frère ou au mien pourquoi je suis en train de te retirer ton pantalon ou de te border parce qu'ils rentreraient forcément à ce moment précis… »

Castiel glousse légèrement avant d'hocher la tête.

« Ou pourquoi tu serais en train de m'enlever ma chemise », poursuit distraitement le brun. « Je déteste dormir habiller et plus encore dans des vêtements de ville. Je préfère dormir en sentant le contact des draps sur la peau nue. Toi aussi ? »

« Ou- Ouais, bien sûr… », lui répond Dean d'une voix un peu chevrotante, priant pour que ni Sam ni Gabriel ne regagnent l'appartement maintenant car il ne parviendrait à trouver aucune excuse plausible pour expliquer ses joues brûlantes et ses yeux enfiévrés par le désir.

Le brun lui sourit doucement avant de se relever en prenant appuis sur ses genoux, ses doigts enlaçant le relief de ses rotules presque sensuellement et le faisant discrètement hoqueter.

« Je le savais… Tout comme je sais que tu n'as pas triché contre Gabriel et que tes mains sont particulièrement habiles », pouffe doucement le brun tout en effleurant ses jointures, encore crochetées à sa taille.

La gorge trop serrée pour lui répondre, Dean déglutit difficilement, observant le jeune homme se redresser prudemment et se stabiliser en posant une main sur l'accoudoir voisin. Avec beaucoup moins de grâce, le châtain s'exécute à son tour afin d'éloigner son regard gourmand de la chute de reins de Castiel et de ses fesses, tirant un peu dérisoirement sur le tissu de son tee-shirt pour s'en vêtir comme d'une armure qui cacherait à la face du monde son bas-ventre en feu.

Passant une main nerveuse dans ses cheveux, le châtain écarquille soudain les yeux en voyant Castiel commencer à ramasser avec une grande économie de mouvements les assiettes à dessert posées sur la table basse, cambrant les reins et la toile de son jean moulant ses fesses.

Dean gémit sourdement.

Comment quelques bières peuvent-elles transformer un jeune homme mature et responsable en une créature aussi inconsciemment sensuelle et voluptueuse, parfaitement ignorante de son propre charme et de la beauté de son corps ?

Tandis que Castiel se penche plus encore en avant afin de prendre une bouteille de bière posée sur le parquet, Dean le rejoint en un pas afin de le débarrasser de la vaisselle sale et de l'empêcher de continuer à chanter ainsi d'inconscientes mais hypnotiques mélopées de sirène avec les courbes de son corps.

« Cas… Cesse de t'agiter et va te coucher, je suis sérieux », lui dit-il tout en entassant les assiettes et les cuillères sur la table basse. « Tu tiens à peine debout et les accidents les plus stupides arrivent souvent pour des raisons stupides. »

Le brun lui jette un petit regard en coin avant de pointer un doigt dans sa direction.

« Je suis plus âgé que toi Dean, ne me sermonne pas comme un enfant », bougonne-t-il légèrement.

« Je le ferai si je le juge nécessaire quand, malgré ton âge vénérable, tu persistes à vouloir faire comme si tu n'étais pas ivre », lui répond le châtain tout en levant les yeux au ciel. « Et je te rappelle que notre différence d'âge n'est que de deux ans. »

Un petit sourire aux lèvres, Dean le retient doucement en voyant le jeune homme tanguer à nouveau.

« Deux ans… », murmure Castiel tout en refermant sa main sur son avant-bras. « C'est beaucoup et peu à la fois. C'est joli ». Le brun semble se perdre un instant dans ses pensées avant de passer une main dans ses mèches sombres, jetant un regard de désarroi à son salon. « Ça fait de moi un hôte vraiment horrible Dean… Être ivre à mon propre anniversaire, j'ai presque honte… »

« C'est le signe d'une soirée réussie », lui répond le jeune homme avec taquinerie tout en pressant ses doigts sur les siens. « Laisse-moi ranger ça et va plutôt boire un verre d'eau avant d'aller t'allonger. Ce genre de folie n'est clairement plus de ton âge Cas… »

Castiel lui jette un regard vaguement noir avant de hocher lentement la tête.

« … Tu m'as dit que je portais beau mes trente-trois ans pourtant », murmure-t-il tout en passant entre les deux canapés pour gagner l'arrière de la pièce. « Je commence à avoir de petites rides. Je m'inquiète trop pour Gabriel. »

Une main sur le dossier du canapé, le brun effleure du bout des doigts la commissure de son œil gauche et son front, pourtant parfaitement lisse.

« Tes rides sont charmantes Cas », lui répond le châtain tout en terminant de rassembler la vaisselle sale. « Et je ne pense pas qu'elles aient grand-chose à voir avec ton frère. Tu es juste quelqu'un d'enjoué et de rieur. Ce sont les rides qui montrent que tu es heureux, je pense qu'il y en a des pires tu ne crois pas ? »

Casteil fronce légèrement les sourcils et tandis qu'il se relève avec la pile d'assiettes, le châtain ricane.

« Sauf si tu fais cet air-là », se moque-t-il gentiment tout en gagnant la cuisine. « Je crois que celle-ci s'appelle la ride du lion et elle pourrait sans conteste être la faute de Gabriel. »

« Je suis heureux pourtant… », souffle doucement le brun. « J'ai Angie et je t'ai rencontré. Je- » Le jeune inspire légèrement avant de hocher la tête. « Tu as raison, je vais aller m'allonger un peu. À plus tard Dean… »

Depuis la cuisine, le châtain opine, cachant ses mains légèrement fébriles dans l'évier dans lequel il fait couler une eau chaude et savonneuse. Il ne pense pas à lui dire que Sam et lui seront probablement partis quand il émergera et qu'ils ne se reverront que plus tard. Pas plus qu'il aimerait embrasser et vénérer chacune des petites marques charmantes que l'âge a donné à son corps, si délicates et discrètes mais qui clament à ses yeux gourmands et admiratifs le fait que le brun est légèrement plus âgé que lui. Juste de deux ans.

Dean secoue légèrement la tête et met les assiettes et les couverts dans l'eau chaude afin de les faire tremper un court instant, revenant au salon pour récupérer les bouteilles de bière vides et l'emballage du gâteau qui trône encore à la place de Gabriel.

Le châtain est en train de jeter les déchets dans les poubelles du tri sélectif quand un léger bruissement lui parvient depuis la chambre du brun dont la porte est restée entrouverte. Chaque nouveau bruit discret semble répondre à un de ses gestes qu'il ralentit inconsciemment tandis que le jeune homme tend l'oreille.

Dean n'a pas besoin de rejoindre le brun pour savoir qu'il est probablement en train de se déshabiller, de laisser tomber son jean le long de ses longues jambes et de dénuder son torse blanc sur lequel sa chemise sombre tombe si élégamment. D'un mouvement amolli par l'alcool, Castiel doit ouvrir les draps de son lit avant de s'y glisser, nu ou presque, avant de poser sa tête sur les oreillers avec un soupir de bien-être. Quand le châtain a l'impression d'entendre la structure du lit craquer sous le poids de son corps, il se détourne fébrilement en direction de l'évier, plongeant ses mains dans l'eau pour s'activer avec ferveur et ignorer le sourd picotement qui le lance dans les reins.

C'est donc debout devant l'évier et en train de faire la vaisselle que Dean entend soudain la porte d'entrée s'ouvrir et Angie couiner légèrement, ses griffes effleurant le parquet dans un rythme staccato qui dit assez son enthousiasme.

Après une seconde, il voit la haute silhouette de Sam passer l'angle du petit couloir menant à l'entrée, ses yeux pétillant de malice en le voyant particulièrement affairé.

« Dire que tu ne fais même pas le ménage chez toi après une soirée Dean… Et que Castiel n'est pas là pour voir quel parfait petit homme d'intérieur tu es », le taquine son frère tout en retirant sa veste, le visage malicieux de Gabriel lui succédant soudain.

« Charmant… », renchérit le jeune homme avant de fouiller le salon du regard. « Où est Cassie ? »

« Où veux-tu qu'il soit… », grogne légèrement Dean tout en rinçant la dernière assiette. « Il est dans son lit. »

Le blond claque légèrement sa langue contre son palais de dépit avant de sortir de la poche de son jean un billet de dix dollars froissé et de le donner à Sam sous le regard éberlué du châtain.

« Mon frère est un gentleman, je te l'avais dit », lui dit-il tout en empochant son gain d'un air satisfait. « Mais j'ai vraiment pensé que nous vous trouverions enlacés sur le canapé en train de dormir. Gabriel avait déjà prévu toute une diatribe à te marteler s'il t'avait trouvé dans le lit de son frère. »

« Dans le lit de- Bon sang, Cas est ivre ! Est-ce que vous avez perdu l'esprit tous les deux ? », s'étrangle le jeune homme. « Et vous avez parié ! Qu'est-ce qui ne va pas chez vous… », siffle-t-il de colère et de gêne mêlées.

Gabriel coule dans sa direction un regard si clair que Dean rougit violemment, déposant la dernière assiette sur l'égouttoir dans un bruit effrayant de porcelaine chahutée. Le blond hausse légèrement les épaules avant de s'approcher de l'îlot central, déposant sur le plan de travail un sac en plastique contenant une grande boîte en carton.

« C'était pour te taquiner Deanno, je sais bien que sous tes airs d'ours des montagnes tu es un homme respectable », lui dit-il doucement. « Mais je sais aussi comment est Cassie quand il est ivre, il peut être adorablement câlin. Je n'aurais pas été franchement surpris s'il t'avait retenu au lit pour faire de toi son oreiller. Le sermon, c'était juste pour le plaisir de te voir rougir à en flamber », achève le jeune homme avec malice tandis que Sam hoche lentement la tête à côté de lui.

Les dents serrées, Dean caresse distraitement Angie qui vient de coller sa truffe contre sa paume encore humide et parfumée à la mousse au citron vert.

Il est sur le point de répondre au blond quand il écarquille les yeux en voyant soudain la jeune chienne se détourner de lui et se précipiter vers la chambre de Castiel.

« Non Angie ! », s'exclame-t-il vivement. « Ne va pas- »

Le châtain s'élance pour la rattraper et il crispe la mâchoire de frustration en sentant un court instant le nylon soyeux de son harnais sous ses doigts avant qu'Angie ne lui échappe habilement d'un bond, ouvrant largement la porte d'un coup de museau bien placé.

Sur ses talons, le jeune homme parvient à l'attraper de justesse avant qu'elle ne saute sur le lit juste à côté du brun, la tenant prudemment tandis qu'Angie tend désespérément sa jolie tête en avant tout en couinant. Il étouffe un juron en remarquant que dans sa hâte, il est en train de piétiner les vêtements que Castiel a mollement abandonné sur la moquette avant de se glisser sous les draps, la vision de son visage enfouit dans son oreiller le faisant sourire avec tendresse.

« Doucement Angie », sermonne-t-il la jeune chienne en la sentant tirer plus fort. « Gabriel t'a donné une part de gâteau à la boulangerie ou quoi ?! »

Un bruissement de drap attire son attention et Dean déglutit légèrement en voyant le brun rouler un instant sur le flanc, dénudant l'arrondi séduisant et voluptueux d'une épaule couleur d'ivoire, avant que ce dernier ne papillonne un instant des yeux.

« Dean… ? », murmure-t-il doucement tout en se frottant le visage avant de sourire en voyant Angie entrer dans son champ de vision, le châtain l'ayant relâché en voyant Castiel se réveiller. « Oh Angie… Tu es rentré ma douce ? »

Le brun sort une main paresseuse des draps pour caresser doucement sa tête, la jeune chienne la faisant rouler affectueusement sous sa paume d'un air ravi. Castiel rit joliment quand Angie lèche rapidement le bout de son nez avant de poser sa tête sur le matelas et de fermer doucement les yeux.

« Sam et Gabriel sont bien rentrés aussi ? », demande-t-il dans un chuchotement endormi à Dean qui acquiesce en silence. « Parfait. Vous pouvez dormir ici si vous voulez tu sais. Il est tard et vous avez bu, ça pourrait être dangereux », lui suggère le jeune homme avec une pointe d'inquiétude.

Dean le remercie d'un sourire avant de se pencher pour ramasser ses vêtements abandonnés sur la moquette claire et dans lesquels Angie plonge à présent sa truffe avec enthousiasme. Il frissonne légèrement en sentant les étoffes irradier encore de la chaleur de son corps et les dépose dans un ordre à peu près plié sur le dessus de la commode.

« C'est gentil à toi Cas mais Sam et moi allons rentrer. Nous ne pouvons pas laisser le refuge sans surveillance pour la nuit », lui dit-il doucement. « Nous ne sommes pas très loin et si je ne le sens pas, mon frère conduira. Il est peu amateur de bière. »

Castiel hoche légèrement la tête dans son oreiller avant de frotter son nez contre le tissu.

« Soyez prudent », lui souffle-t-il avant de relever les yeux sur lui. « Merci d'être venu Dean. Je n'osais pas trop m'imposer ou- J'ai passé une très belle soirée d'anniversaire. Même si je vais avoir une gueule de bois que je vais maudire demain matin. »

Dean s'approche doucement du lit.

Lui aussi a définitivement bu un peu trop et c'est ce qu'il se dit quand il tend lentement une main en direction du corps du brun pour aller effleurer tendrement les cheveux noirs un peu ébouriffés.

« Pas de quoi Cas. J'ai adoré aussi… », lui répond-il dans un murmure, comme un secret aussi précieux que les caresses discrètes de ses doigts dans les mèches douces.

Sous son toucher, le jeune homme sent Castiel sombrer peu à peu dans le sommeil, ses lèvres fines laissant échapper un petit soupir de bien-être délicieux qui fait ronronner chaudement quelque chose dans le creux de son estomac. Depuis le salon, il entend Sam qui discute avec Gabriel, l'aidant à ouvrir un des canapés afin de le transformer en lit et le châtain s'éloigne du lit à contrecœur, les cliquètements de la structure en métal annonçant la fin de leur soirée.

Tandis qu'il tourne les talons après un dernier regard sur le corps alangui du brun, Dean distingue malgré la relative pénombre de la chambre Angie couchée sur la moquette à côté de la commode, un bout de tissu bleu entre ses pattes de devant, un autre plus sombre à cheval sur un tiroir ouvert. Le jeune homme ricane et s'approche avant de s'accroupir devant elle.

« Il y a encore du travail ma belle… On avait dit que c'était fini de fouiller dans les vêtements de Cas », la gronde-t-il gentiment tout en tentant de récupérer l'étoffe.

Le châtain s'étrangle quand ses doigts se referment sur le tissu et le retire doucement à la chienne. Ce n'est pas n'importe quel tiroir que Angie a ouvert et auquel elle jette des regards gourmands et enthousiastes, y replongeant son museau avant que Dean n'ait pu l'arrêter. Un peu stupidement, le jeune homme étend devant lui le boxer bleu que la jeune chienne a commencé à mâchouiller avec passion et, dans un juron étouffé, il s'empresse de la repousser et de fermer soigneusement le tiroir.

Bien malgré lui, son regard est attiré dans l'entrebâillement par les sous-vêtements soigneusement pliés et rangés, déclinant un séduisant camaïeu de couleurs sombres et distinguées. Il reconnaît sans peine l'élastique siglé d'une célèbre marque sur certains d'entre eux et le châtain se dit qu'il donnerait tout ce qu'il a pour voir Castiel en porter un. Oui, comme ce boxer noir à élastique blanc, ce bleu sombre… Ou celui couleur lie de vin qui s'accorderait merveilleusement bien avec ses yeux bleus et sa peau blanche.

Alors que Sam l'appelle discrètement depuis le salon, Dean ferme vivement le tiroir de la main et s'enfuit presque de la chambre, les joues brûlantes.

Saluant vaguement Gabriel de la main tandis que le jeune homme est en train de se déshabiller au beau milieu du salon pour aller dormir, le jeune homme s'engouffre dans la cage d'escalier, son frère sur ses talons.

Il se jette presque sur le siège conducteur et démarre l'Impala au quart de tour, ses doigts pianotant légèrement d'impatience sur le volant tandis que Sam s'installe avec calme à ses côtés, une boîte cartonnée sur les genoux.

« C'est pour notre petit-déjeuner de demain », lui explique le blond tout en attachant sa ceinture. « Ils avaient encore beaucoup de choses à la boulangerie et j'ai pris des croissants. Gabriel m'a dit qu'un peu rassis, c'était délicieux à préparer en pain perdu. »

Dean opine machinalement la tête en silence avant de lancer la berline dans la rue en direction de la proche banlieue de Rockport.

Alors qu'il conduit prudemment l'Impala sur la route qui les ramène à Second Life, le châtain est sûr d'une chose.

Il ne sait pas pourquoi Autant en emporte le vent est un chef-d'œuvre du septième art ni la raison qui a poussé Victor Fleming a décidé d'en faire un film de quatre heures mais tout comme Scarlett réalise que son unique amour est et a toujours été Rhett, Dean sait.

Il veut faire partie du quotidien de Castiel.

Il veut pouvoir l'embrasser quand il en a envie, taquiner son corps quand il le désire, le faire frémir sous ses doigts dès que l'occasion se présente.

Il veut pouvoir le faire sourire, rire, bouder, se mettre en colère et le taquiner, le soutenir et le contempler ouvertement quand il travaille. Le jeune homme veut pouvoir venir dormir quand bon lui semble dans l'appartement du brun, collé contre lui dans son grand lit ou la banquette en rotin du balcon filant.

Dean ne craque pas pour l'adorable jeune homme et frère de l'employé le plus agaçant du monde.

Dean Winchester est tombé amoureux.

o0O0o

Lourdement assis au comptoir d'accueil de Second Life, Dean soupire une énième fois.

Son regard morne parcourt une fois de plus et dans le même ordre immuable la fenêtre donnant sur la cour couverte de gravier, l'horloge accrochée au mur en face de lui, l'armoire contenant les dossiers du refuge puis la porte menant à la pièce adjacente qui leur sert de salle d'archives avant de revenir au bureau.

Devant lui, les tableaux de comptabilité du refuge sont ouverts, le curseur clignotant légèrement dans une cellule remplie d'un chiffre au montant probablement erroné et dans le bouquet final de son ballet pensif, le châtain baisse lentement sur la tête afin de contempler ses mains.

Dean fait tourner son téléphone portable entre ses doigts sur le bois usé du bureau, ses angles venant le toucher dans un bruit régulier et discret, plus lent que celui du curseur du logiciel de traitement de texte qui semble clignoter dans une rythmique teintée de moquerie, comme si le monde tournait parfaitement rond et que seul le jeune homme fonctionnait au ralenti.

Le châtain se mordille une nouvelle fois les lèvres et fronce les sourcils en sentant sa chair légèrement sensible et gonflée sous ses dents. Devant lui, les tableaux s'affichent toujours, avec leurs chiffres faux et leurs calculs erronés mais le châtain le remarque à peine, perdu dans des pensées si agitées qu'il recommence à faire tourner son portable entre ses mains, le bruit de ses angles sur le bureau semblant répondre à celui des aiguilles de l'horloge.

Se renversant en arrière dans l'inconfortable chaise de bureau, le jeune homme soupire légèrement, passant une main sur son visage. Il jette un regard noir aux factures entassées à côté de lui et retourne dans un geste volontaire la première afin d'en cacher les colonnes et les lignes précisant les montants, les taxes et les remises de sa dernière commande de matériel.

Dean ne veut pas y penser.

Il n'y parvient pas non plus car son esprit est envahi par quelque chose de plus doux et d'un peu tiède, comme une caresse tendre faite sur une nuque ou l'arrondi d'une épaule.

Depuis la soirée d'anniversaire il y a quelques jours, il ne pense plus qu'à Castiel.

Le brun a envahi toutes ses pensées, tout son être, ne laissant plus la moindre place aux considérations pratiques de la gestion du refuge et à son administration. Dean travaille, promène, répare, nourrit sur pilote automatique, sa peau comme parcourue d'un frémissement perpétuel qui chatouille son sang et sa poitrine.

Castiel est partout avec lui, tout le temps et jusque dans ses nuits et ses rêves quand un songe brûlant l'a fait jouir dans son sous-vêtement.

Le châtain ne se souvient pas vraiment de son contenu. Il n'en a retenu qu'une grande étendue de peau blanche délicatement nacrée par la sueur, une brise marine au parfum d'iode entrant par une grande baie vitrée, un lit énorme, large et voluptueux, dont les draps se froissaient au contact de leurs corps qui allaient et venaient l'un sur l'autre.

Des gémissements de plaisir et des mots tendres murmurés à son oreille qui l'avaient fait s'assouvir avec bonheur dans un gémissement lourd et moite.

À son réveil, Dean avait senti son cœur se pincer douloureusement en constatant que la place à côté de lui était vide et le matelas froid mais cela n'avait pas suffit à apaiser la brûlure de son sang tandis qu'il avait encore l'impression de sentir sur ses lèvres le goût et le souffle de Castiel. Sa délivrance avait été insatisfaisante, trop brève et solitaire, et Dean s'était touché avec fureur entre ses draps, balançant ses hanches dans le matelas comme un adolescent en s'imaginant aller et venir langoureusement dans le corps blanc et ciselé du brun.

Il avait été gêné par le bruit grinçant de son sommier et par ses propres halètements de plaisir, mortifié à l'idée que Sam puisse l'entendre, avant que son second orgasme n'occulte son environnement, noyant son esprit d'un voile blanc et opaque teinté d'un bleu couleur d'azur.

Quand Dean était rentré de l'appartement du jeune homme il y a une semaine, il n'avait pu ignorer son aine qui picotait doucement et ses reins qui le lançaient. Toute sa peau avait été comme enflammée au souvenir de la caresse des longs doigts de Castiel sur sa nuque, du galbe de ses fesses sur son bas-ventre ou du poids de son corps contre sa poitrine. Dans l'Impala, la réalisation de ses sentiments l'avait vaguement troublé par leur force avant de le faire sourire doucement, le feu parsemant la moindre de ses fibres s'apaisant un peu.

Mais s'être avoué la vérité, simple et pure dans son évidence, ne le soulage pas vraiment. Parce qu'à présent, Dean doute.

Depuis qu'il connaît le brun et que leur amitié s'est développée, il lui a bien semblé voir parfois les yeux de Castiel pétiller un peu plus en sa présence et son sourire s'adoucir. Les séances de dressage d'Angie sont propices à les rapprocher, à les faire se frôler leurs mains, leurs épaules et leurs flancs et à partager des confidences.

Mais le jeune homme reste incertain. Il sait que le brun n'a pas énormément d'amis, Gabriel s'est assez plaint auprès de lui du manque de vie sociale de son adorable petit frère. Alors Dean se dit que ce qu'il prend parfois pour des marques d'intérêt de la part de Castiel ne sont que la manifestation un peu candide de la vive amitié qui les lie. Quant au comportement de ce dernier lors de son anniversaire, de sa tendresse presque amoureuse qui a bouleversé Dean et lui a donné envie de le plaquer fortement contre lui pour ravir sa bouche avec adoration, le brun a l'ivresse câline…

Alors depuis une semaine, le jeune homme ronge son frein, hésite et tergiverse à envoyer un message à Castiel pour l'inviter à boire un verre. Juste tous les deux. Il ne veut pas le lui proposer lors d'un de ses passages au refuge parce que Gabriel et Sam l'écouteront avec un petit sourire en coin qui le fera rougir de gêne.

Cette histoire, leur histoire si elle est possible, ne concerne qu'eux deux.

Dean en a en tout cas compris le principe.

Il a lui-même été un adolescent et un tout jeune homme plutôt populaire et vif concernant les choses de la vie mais c'était avant. Avant que Second Life n'aspire lentement son énergie et son insouciance et ne l'enferme entre les quatre murs du domaine pour veiller au seul bien-être de ses adorables pensionnaires.

Le châtain reste donc prudent et un peu maladroit dans sa propre affection. Il y a si longtemps qu'il n'a pas eu envie de partager quelque chose avec quelqu'un qu'il se sent étrangement désarmé, malhabile dans ce domaine de la séduction qu'il maîtrisait pourtant avec art il n'y a encore pas si longtemps. Plus que tout, Dean ne veut pas se tromper car avant d'aimer Castiel, le brun lui apporte une amitié tranquille et douce qui lui donne l'impression de savoir mieux respirer quand ils sont ensemble.

Et Castiel est un homme. Dean sait séduire des partenaires du même sexe que lui pour une nuit ou deux mais pour une vie entière…

Il s'était lié brièvement à un des bénévoles du refuge il y a un peu plus d'un an, un étudiant venu aider par amour des bêtes et qui le regardait avec des yeux si éperdus d'admiration et de désir que le châtain avait cédé. Ils avaient eu du plaisir ensemble, énormément, mais James était encore si jeune dans son esprit, si immature pour de petites choses banales du quotidien… Leur relation avait été un intermède agréable qui s'était arrêté le jour où le jeune homme avait repris le chemin de l'université. Sur le pas de la porte de la maison, il avait embrassé Dean avec délicatesse en le remerciant et tandis qu'il avait suivi du regard sa voiture s'éloigner vers l'ouest pour reprendre la Route 35, le châtain avait senti sa poitrine se pincer légèrement.

Il avait été un initiateur, un professeur dans la volupté et un béguin d'été, constatations vaguement flatteuses pour son ego mais peu satisfaisantes pour son cœur, à peine tiédi par leur histoire.

Mais Castiel est un homme et il est plus âgé que lui. C'est un constat simple et clinique, très factuel et presque brutal mais qui fouette pourtant son sang parce que c'est peut-être ce que Dean attend depuis longtemps sans l'avoir su. Et tout cela l'intimide un peu.

Dean fait craquer son dos contre le dossier avant de soupirer légèrement et de refermer son application de messagerie, effaçant le début du message qu'il a pourtant mûrement répété encore et encore dans sa tête. Une fois de plus, il se dégonfle et recommence à jouer avec le petit appareil.

« Termine au moins ce que tu as essayé de commencer avant de te torturer l'esprit pour des choses simples et évidentes. La comptabilité ne va pas se faire toute seule », marmonne une voix depuis la pièce secondaire dont la porte entrebâillée laisse passer de discrets froissements de papier.

« Je suis quelqu'un de simple et d'évident », lui rétorque-t-il. « C'est la situation qui ne l'est pas. C'est important et je ne veux pas manquer de tout gâcher. »

Le châtain se raidit légèrement en voyant Sam se pencher en arrière afin de le regarder dans l'interstice de la porte à demi ouverte.

« De gâcher quoi au juste ? Votre amitié ? La possibilité d'être heureux l'un avec l'autre ? », lui demande son frère d'un air interdit. « Vraiment Dean, tu frôles un peu le pathétique sentimental là… »

Le jeune homme lui jette un regard noir dans l'embrasure et pose d'un geste ferme et décidé son téléphone sur le bureau avant d'attirer une facture à lui et d'en saisir les chiffres d'un air de défi. Sam ricane légèrement avant de hausser les épaules et de retourner à son rangement et dès que sa haute silhouette disparaît de sa vision, Dean ralentit imperceptiblement le mouvement de ses doigts sur le clavier avant de recommencer à rêver. Devant ses yeux, le curseur clignote toujours.

Il relève vaguement les yeux sur son frère en le voyant venir le rejoindre à l'accueil pour se saisir du gros agenda papier pour vérifier leurs obligations pour la fin de la semaine. Sam s'exécute en silence avant de laisser tomber le lourd volume sur le bureau à côté de Dean, le faisant légèrement sursauter.

« Invite-le bon sang », grogne le blond tout en s'asseyant à moitié sur le rebord du meuble et en croisant ses bras sur sa large poitrine. « Envoie-lui ce fichu message et invite-le à boire un verre avant de l'embrasser enfin. Gabriel et moi te donnons notre bénédiction », achève-t-il d'un air grandiloquent.

« Votre bénédiction ? » Le châtain hausse un sourcil interdit. « Bon sang Sam, j'apprécierais que toi et cet accro au sucre au brother complex aussi vaste que Copano Bay ne vous mêliez pas de ma vie privée… »

« Il le faut bien puisque tu as l'air incapable de t'en sortir seul… », lui répond le blond du tac-au-tac d'un air vaguement désespéré avant de lui jeter un regard taquin. « Et sincèrement, ta vie n'a rien de si privé que cela. Tu ne vois pas la manière dont tu le regardes en pensant être discret Dean. Gabriel et moi avons systématiquement sous les yeux les révolutions cosmiques que tu fais autour de Castiel quand il vient au refuge ou quand vous êtes au parc canin avec Angie et que vous ressemblez au plus parfait de ces petits couples qui peuplent les feuilletons de l'après-midi. C'est attendrissant de maladresse, j'en conviens, mais ni toi ni lui n'êtes des êtres asexués et je suis sincère en disant que rien ne nous ferait plus plaisir que de vous voir vous roulez enfin l'un sur l'autre… Métaphoriquement parlant bien sûr. »

Dean écarquille les yeux de surprise avant de ricaner gauchement en voyant Sam frissonner exagérément de peur. Il sent ses joues chauffer durement et le jeune homme adresse un sourire presque timide à Sam quand ce dernier lui donne un petit coup de coude dans les côtes.

Le châtain se mordille les joues en sentant le regard clair et affectueux de son frère sur son front et il recommence à faire tourner son portable entre ses doigts.

« Qu'est-ce que tu attends Dean ? », lui demande doucement le blond. « Hésiter autant ne te ressemble pas. Je veux bien que tu sois un peu rouillé à force de vivre comme un ours sauvage ici mais tu fais les yeux doux à Castiel depuis des semaines et je sais qu'il s'est passé quelque chose entre vous quand on était chez lui. Gabriel m'avait dit que son frère avait l'alcool tendre et que- »

« Attends une seconde », le coupe Dean tout en se redressant sur la chaise de bureau. « C'est pour cela que vous êtes allé promener Angie sans protester et avec enthousiasme ? Pour nous laisser seuls ? »

« Je pense que l'enthousiasme de Gabriel tenait plus au fait que la boulangerie était encore ouverte mais oui, c'était vaguement l'idée… Castiel nous a bien facilité la tâche d'ailleurs », avoue le blond en haussant les épaules. « Nous n'avons pas parié pour l'unique plaisir de te taquiner Dean, c'est parce qu'on y croyait vraiment. Imagine donc notre déception en rentrant et en vous trouvant séparés… »

Le châtain roule un instant des yeux avant de s'appuyer lourdement contre le dossier et de passer une main sur son visage.

« Je n'y crois pas… J'ai l'impression d'être revenu au lycée », grommelle-t-il tout en lui jetant un regard en coin qui fait ricaner son frère. « Depuis quand tu te joues les entremetteurs Sam ? Je n'ai pas besoin d'aide bon sang ! »

Le blond fronce légèrement les sourcils avant de se redresser contre le bord du bureau, une petite grimace aux lèvres en sentant ses reins le lancer.

« C'est ce que je pensais jusqu'à présent mais tu n'es guère courageux et tu tergiverses pour des broutilles », lui réplique-t-il d'un ton sans réplique. « C'est presque douloureux pour Gabriel et moi de te voir faire un pas en avant pour deux autres en arrière. Je veux que tu sois heureux et tu rayonnes littéralement quand Castiel est là. C'est vrai que c'est un homme et ce n'est pas peut-être pas la grande histoire que tu avais imaginée mais- »

« Ce n'est pas ça », l'interrompt une fois de plus Dean, ignorant son regard noir. « Je n'ai jamais fantasmé une vie avec une femme, un chien et des enfants dans une jolie maison à la barrière blanche et au jardin entretenu. Mais c'est- ça fait tellement longtemps Sam et Castiel est si… tout… »

Le blond pouffe doucement d'un air attendri qui fait remonter la rougeur jusqu'à sa nuque et il le bouscule affectueusement.

« Sans doute oui. Et plus encore, il n'est pas James », reprend prudemment Sam. « Il ne se détournera pas de toi pour rentrer à la fac en te remerciant avec dévotion pour avoir fait son éducation sexuelle et l'avoir ouvert au monde. Castiel est plus âgé, plus mature et assuré, il peut t'apaiser et t'offrir ce dont tu as besoin. »

« Comme quoi ? »

Dean lui jette un regard en coin, semblant le défier de continuer.

Malgré leur proximité, il est rare que les deux frères se confient l'un à l'autre mais les paroles censées et courageuses de Sam sont comme un baume sur ses incertitudes et elles l'apaisent. Alors le jeune homme veut juste en apprendre un peu plus, juste un peu plus pour être sûr que ce dernier le soutient et qu'il ne déméritera pas à ses yeux.

Sam semble le comprendre car il lui sourit doucement, avec une tendresse telle que Dean a brièvement l'impression de voir le sourire de leur mère penchée sur lui, la même petite fossette se creusant à la commissure de ses lèvres.

« Comme une épaule sur laquelle te reposer et souffler un peu quand c'est trop dur, que ce soit au refuge ou ailleurs. Un endroit où te sentira bien et à l'aise et dans lequel tu pourras baisser les armes un instant. Ou tu pourras cacher ce que tu penses être tes faiblesses », lui répond-il doucement. « Je sais que c'est ce que tu as ressenti chez Castiel quand nous y étions pour son anniversaire et quand Gabriel et moi sommes sortis, vous voir l'un contre l'autre dans le canapé a été une telle évidence… C'est la raison pour laquelle il a dévalisé la boulangerie d'ailleurs. Une vague histoire à propos de quelque chose à fêter », achève le blond d'un ton faussement nonchalant.

« L'un sur l'autre serait plus exact », lui rétorque Dean dans un petit ricanement, la peau de sa nuque le picotant légèrement au souvenir de la douce caresse des doigts de Castiel. « … C'était vraiment… bien… », ajoute-t-il un peu timidement.

« Je sais. Tu as quand même fait la vaisselle chez lui et nous savons l'un comme l'autre combien tu détestes ça… », lui répond Sam d'un ton taquin qui le fait pouffer. « Peu importe ce qu'il se soit passé pendant notre absence, ne recule pas cette fois-ci. Pour toi et pour les années qui te restent. »

« Oh Samantha… », minaude Dean tout en tapotant légèrement sur sa cuisse. « Le mariage gay est autorisé dans l'État du Texas depuis 2015 en théorie mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas du droit local du comté d'Aransas. »

Le blond le regarde un instant d'un air ébahi avant d'éclater de rire tandis que le jeune homme écarquille les yeux tout en rougissant violemment.

« Le mariage Dean ? Sérieusement ? Et dire que c'est moi que tu traites de grande fille… », se moque Sam d'un air bonhomme en tentant de calmer son hilarité.

Dean balbutie, hésite, s'embrouille tandis que Sam continue de glousser, esquivant habilement un coup de pied rageur et douloureux dans le tibia avant de contourner le bureau.

Vaguement fier, il pense avoir trouvé une répartie bien sentie quand la porte de l'accueil s'ouvre soudain sur Gabriel, un sourire extatique aux lèvres alors que ses mains sont couvertes de légères griffures et de traces de morsure et son haut parsemé de poils de chat.

« Qui est une grande fille ? », demande-t-il avec un intérêt tout en se glissant jusqu'au comptoir pour s'y appuyer.

Tout en le saluant d'un petit geste de la main, Sam jette un petit regard derrière lui en direction de Dean qui s'est figé derrière le bureau.

« D'après toi… », lui répond le blond d'un air entendu.

« Sam ! »

Le châtain fusille son frère du regard tandis que les deux blonds se jettent un regard de connivence irradiant littéralement de malice.

« Oh… » Gabriel glousse à son tour et appuie son menton dans la paume de sa main, dardant sur Dean ses étonnantes prunelles dorées. « Le grand, sauvage et sexy Dean Winchester est intimidé par mon tout petit frère Castiel ? C'est étonnamment adorable Deanno… », ricane-t-il tout en lui faisant un clin d'œil. « Mais tu devrais faire le premier pas parce que je ne suis pas sûr que Cassie le fasse à ta place. Il n'a jamais été très sûr de son pouvoir de séduction. »

Dean écarquille les yeux, parfaitement incrédule.

« Tu te moques de moi… ?! », lui demande-t-il d'un air éberlué avant de s'embrouiller. « Cas est juste- Enfin, c'est Cas quoi ! Il est- Il est- »

« Hum hum… » Gabriel opine malicieusement en face de lui et le châtain rougit légèrement sous son regard clair. « Je suis tout à fait d'accord avec toi, peu importe ce que tu aies voulu dire dans tes bredouillements. Et avec Angie, il est sans aucun doute devenu une arme de destruction massive aux yeux bleus. »

Le jeune homme se rembrunit légèrement avant de relever vivement les yeux en sentant l'index de Gabriel s'enfoncer dans son front.

« Je comprends ce que Sam voulait dire… », soupire-t-il d'un air blasé avant de lui sourire. « Castiel ne voit que toi imbécile. Alors pourquoi est-ce que tu ne l'invites pas enfin à dîner dans un petit restaurant sur le front de mer pour déguster du crabe ? Sam et moi on gardera Angie pour qu'elle ne vous dérange pas pendant la soirée et… pour la suite », lui suggère le blond tout en haussant un sourcil suggestif. « Mais par pitié, ne faites rien dans les canapés du salon, j'y dors parfois et j'adore regarder des films sur le grand écran de Cassie… »

« Oh Seigneur… »

Dans un marmonnement, le châtain enfouit ses joues brûlantes dans ses mains jointes tandis que Sam éclate de rire à côté de lui. Il se crispe légèrement en sentant Gabriel attraper doucement ses doigts pour l'obliger à cesser de se cacher un peu honteusement.

« Dean… », commence-t-il et le blond pouffe doucement en le voyant relever courageusement la tête, prêt à recevoir bravement ses taquineries. « Tu sais que j'adore mon frère, n'est-ce pas ? Je ne te pousserai jamais vers lui si jamais je jugeais que je n'avais pas une bonne raison de le faire ni que tu n'en étais pas digne. Donc, lance-toi… Je peux t'assurer que tout se passera bien. Vraiment vraiment bien », lui souffle Gabriel avec un petit sourire étonnamment sincère.

Dean déglutit légèrement.

Les traits apaisés, pourtant d'habitude si incroyablement mobiles, du visage du jeune homme et son regard insondable disent à cet instant énormément de choses. Une confiance tranquille, une foi sincère dans la possibilité de leur histoire, un soutien muet et un accord franc. Non pas que l'avis de Gabriel soit fondamentalement important à ses yeux mais le châtain sait que si son employé lui-même parfois la vie dure avec taquinerie, il est tout sauf un homme mauvais ou méchant. Et qu'ils aiment probablement autant Castiel l'un que l'autre.

Brusquement ragaillardi, Dean attrape son téléphone et ouvre son répertoire. Gabriel lui a insufflé une telle confiance en lui que le châtain a envie de faire sa proposition à Castiel directement, bercé par sa voix rauque et profonde qui résonne plus délicieusement encore en lui depuis que le brun a longuement respiré dans son cou.

Alors qu'il s'apprête à porter l'appareil à son oreille, Gabriel, qui ne l'a pas quitté du regard, se hausse légèrement sur la pointe des pieds pour lui faire une suggestion.

« Cassie est en train de courir en ce moment. Tu vas tomber sur sa boîte vocale et je ne veux pas que tu te dégonfles », ricane-t-il. « Envoie-lui plutôt un message, il te répondra dès son retour. »

Dean jette un rapide coup d'œil à l'horloge murale avant de froncer les sourcils.

« Il est un peu tard non ? Il ne doit y avoir grand monde dehors dans son quartier à cette heure-ci », fait-il remarquer tout en ouvrant son application de messagerie.

« C'est adorable d'inquiétude Deanno… », lui répond Gabriel d'un air malicieux. « Il préfère sortir quand les rues sont calmes. Angie est avec lui et elle est moins nerveuse quand il n'y a pas trop de monde autour d'eux. »

Le jeune homme acquiesce légèrement. Tandis qu'il se mord la lèvre pour rédiger sa demande avec attention, il rougit légèrement en sentant sur lui les regards curieux et gourmands de Sam et Gabriel.

« … Vous n'avez pas autre chose à faire ? », leur demande-t-il dans un grognement gêné.

Les deux hommes se regardent brièvement avant de lui sourire de concert, faisant remonter un long frisson le long de son dos.

« Pas vraiment non », lui dit Sam, les yeux brillant de malice.

« Ne te déconcentre pas Deanno », renchérit Gabriel tout en désignant son téléphone d'un petit geste impatient de la tête. « Je peux t'aider pour le début si tu veux, je suis un grand romantique dans l'âme. Cher Castiel, tes yeux ont la couleur d'Aransas Bay et ta peau celle du sable de Rockport Beach au matin. Tu es une envoûtante sirène, un ange magnifique, un homme superbe. S'il te plaît, accepte de dîner avec moi ce soir pour que je puisse boire à ton regard et me nourrir à tes lèvres. Je- »

« Nom de Dieu ! Gabriel ! », jure vivement Dean, écarlate. « Fous-moi la paix ! »

Le sang battant à ses tempes, le jeune homme se réinstalle correctement sur la petite chaise de bureau, ses doigts crispés sur son téléphone Alors qu'il hésite un peu pour formuler sa proposition, il sursaute presque en entendant son portable se mettre à sonner. Souriant un peu stupidement en voyant le nom de Castiel s'afficher sur l'écran, le châtain décroche rapidement, ignorant les ricanements de son cadet et de Gabriel qui ont immédiatement compris.

« Allô Cas ? », le salue-t-il d'une voix qu'il est ravi d'entendre sonner aussi ferme qu'il l'espérait mais qui ne l'empêche pas de gratter nerveusement son jean d'un ongle. « C'est drôle que tu m'appelles, j'allais justement- »

Seule la respiration du brun lui répond de l'autre côté du combiné et le jeune homme fronce les sourcils. Elle est rapide, hachée, rauque. Dans d'autres circonstances, Dean songe qu'elle pourrait être les prémices d'une piquante partie de sexe au téléphone mais Castiel n'est pas comme ça et les deux hommes ne sont même pas ensemble. Malgré le léger trouble induit par le grésillement de la ligne, le jeune homme lui trouve un relent de panique que l'inquiète immédiatement et il se lève rapidement de la chaise de bureau, son corps se raidissant désagréablement.

« Cas ? Est-ce que tout va bien ? Qu'est-ce qu'il se passe ? », lui demande-t-il vivement, secouant lentement la tête quand Gabriel et Sam l'interrogent du regard.

Il crispe ses doigts sur son portable en entendant le brun inspirer brusquement.

« Dean… Dean, je- Angie est blessée », lui répond Castiel d'une voix rauque et lourde d'angoisse. « Tu- tu m'as dit que la vétérinaire avec laquelle tu travailles assure également les urgences. Je- je dois y aller… Je- Oh Dean, je suis tellement désolé. »

Le châtain sent son cœur se serrer en entendant le hoquet un peu étranglé de Castiel et le sanglot qu'il ne parvient pas à retenir. Lui-même sent sa poitrine se tordre douloureusement, bouleversé par les excuses du jeune homme et son désarroi.

« Cas, où es-tu ? Je viens te chercher », lui répond-il tout en contournant le bureau et en récupérant sa veste.

« Oh… Oh non Dean, ne te dérange pas. Je- je peux le faire, je- »

Dean vérifie machinalement que les clés de l'Impala qu'il a sorti un peu plus tôt sont toujours dans la poche de son jean et il se précipite dehors, adressant à peine un regard à Sam et Gabriel. Le gravier de la cour crissant rapidement sous ses pas, le jeune homme se jette presque dans la berline, répondant vaguement au petit hochement de tête inquiet des deux blonds qui l'ont sagement suivi.

« Je suis déjà dans l'Impala. Ne sois pas ridicule Cas », lui rétorque-t-il tout en faisant faire un parfait demi-tour à la voiture avant de gagner la route en contrebas du refuge. « Jo est installée en périphérie de Rockport, tu ne peux pas y aller seul avec un chien blessé. J'arrive. »

À l'autre bout du fil, Dean entend presque le brun hocher la tête, sa respiration s'apaisant à peine.

« D'a- D'accord… », souffle Castiel. « Je suis à l'entrée de Rockport Beach, à côté du Big Blue Crab. Fais vite Dean, je t'en prie… »

Le châtain raccroche et jette son portable sur le siège passager, appuyant si brutalement sur l'accélérateur que la Chevrolet bondit presque en avant sur la route relativement déserte. Il enfonce ses ongles dans le cuir du volant, vaguement rassuré de sentir la surface légèrement grainée et si familière sous sa peau et le jeune homme s'oblige à respirer calmement malgré les pensées et l'inquiétude qui se bousculent et tourbillonnent en lui. Castiel et Angie ont besoin de lui.

Le brun est à Rockport Beach, à une dizaine de minutes en voiture du refuge.

Rockport Beach.

Là où le sable au matin à la couleur ivoirine et nacrée de la peau du brun. Là où Dean s'est parfois laissé aller à rêver à des balades en compagnie de la jeune chienne, leurs épaules tendrement pressées l'une contre l'autre avant que leurs mains ne se trouvent doucement.

Le châtain déglutit douloureusement et tend le cou en avant, comme si à travers la nuit qui est en train de tomber sur Rockport, il pouvait déjà apercevoir Castiel et Angie.