Bonjour bonjour !

Héhéhé, voici venu le nouveau chapitre ! Un de mes préférés, celui-là (d'ailleurs, faudrait que je me remette à l'écriture, je commence à plus en avoir d'avance X)

Disclaimer : L'univers appartient à Eichiro Oda, les OCs à moi

RAR anonymes :

Lilo Wolgen : Et bien trouvé pour le titre ! Je ne vais généralement pas chercher trop loin X) *ricane* Pour l'action sur le bateau, dis-toi que tu n'as encore rien vu...

Bonne lecture !


Le bruit du racloir contre la coque du navire devenait presque agréable après plusieurs heures à gratter les moules qui avaient grandi dessus. Émeraude luttait contre la somnolence alors que le soleil était haut dans le ciel, installée sur un genre de balançoire qui lui permettait d'accéder aux flans de Tempérance sans peine. Mais, dès que sa tête dodelinait et qu'elle menaçait de s'endormir, un rire léger retentissait.

Le Klabautermann veillait sur elle, assis sur le rebord du ponton, et s'assurait qu'elle ne tomba pas à l'eau, ce dont elle l'aurait remercié. À entendre Laufey et Jørgen, il s'agissait de la pire idée au monde, mais cela restait un choix logique. Noûr et Théa s'occupaient de vider le navire et d'en chasser les rats, tandis que William triait les objets pour savoir si certains pouvaient leur être utiles ou avoir une valeur marchande. Et ses deux amis faisaient les repérages des magasins en ville, pour trouver le meilleur rapport qualité-prix.

Elle regarda ses jambes, qui lui donnaient l'impression d'être découpées en plusieurs endroits. Elle aurait dû utiliser sa canne pour tout effort physique, pour ne pas rendre la douleur plus intenable encore. Elle soupira, observant l'instrument en bois qui semblait la narguer, accrochée à une des cordes accrochées à la planche sur laquelle elle était assise, puis les gants qui recouvraient ses mains et descendaient sous sa chemise.

Les écailles avaient encore grignoté un peu de terrain sur sa peau, quoique plus lentement qu'auparavant. Même si elle n'en prenait plus, la drogue était toujours là, vivace, rongeant son corps comme un chien acharné son os. Elle n'osait penser au temps qu'il lui restait à vivre, comparé à celui d'Enat. Elle craignait de ne pas avoir le temps d'atteindre ses objectifs. Elle craignait de ne pas réussir à faire tomber David et Doflamingo.

La crainte d'échouer à nouveau creusait profondément son terrier dans son cœur, amenant des larmes à ses yeux.

Une sensation de chaleur l'enveloppa soudain et elle s'aperçut que Tempérance était descendu jusqu'à elle pour l'envelopper de ses petits bras impalpables. Émeraude se mordit la lèvre, alors que le petit être au visage masqué par sa capuche lui souriait. Un second soleil brillait contre elle, au ciré vert menthe qui avait repris de l'éclat.

— Pas... Pleurer... Toi... Survivre... Comme moi.

La femme-coyote écarquilla les yeux à ces mots, prononcés d'une voix enfantine, qui semblaient à la fois venir de nulle part et de partout à la fois ; ils résonnaient entre ses côtes comme une pure vérité. Elle sourit malgré elle, secouant lentement la tête pour nier les propos qu'elle soupçonnait de venir du Klabautermann. Elle ne voulait pas lui mentir. Elle baissa le foulard qu'elle mettait devant son nez, très légèrement imprégné d'un léger parfum pour inspirer une odeur agréable plutôt que celle de la pisse et du vomi de marins alcoolisés.

— Je sais que ça me tuera, Tempérance. Je l'ai accepté. Mais Laufey et Jørgen ne te laisseront pas mourir avec moi, je te le promets.

Elle avait parlé de l'esprit à ses deux seconds. S'ils étaient restés dubitatifs, ils n'avaient pas remis sa parole en doute. Cela ne l'aurait de toute façon pas empêchée de croire en son existence, puisqu'elle le voyait et le ressentait sans peine. Tempérance fit la moue et défit son étreinte, avant de remonter sur le rebord. Il lui tira la langue, puis croisa ses bras sur son ciré en détournant la tête, visiblement mécontent.

Un gloussement s'échappa des lèvres de la capitaine alors qu'elle se remettait au travail. Si elle arrivait ne serait-ce qu'à faire la moitié de la coque aujourd'hui, ils pourraient bientôt l'amener au chantier naval. Au moins, ils avaient déjà sorti le navire du cimetière sans l'abîmer, si ce n'était quelques égratignures supplémentaires.

Soudain, des cris résonnèrent dans le port calme. Elle haussa un sourcil, avant de les froncer en entendant Théa s'égosiller, un flot d'insultes plus colorées les unes que les autres résonnant dans l'air. Elle soupira, se pinça l'arête du nez, avant de saisir une des cordes qui pendaient pour la tirer, remontant la planche grâce à un système de poulies.

Elle attrapa sa canne avant de poser un pied sur le pont et descendit sur le quai en faisant fi de la douleur qui remontait le long de ses jambes. Les doigts crispés sur le pommeau ciré, elle serra les dents alors qu'elle arrivait sur les lieux. Théa se disputait avec un groupe d'étrangers et Noûr s'était mise devant William, comme pour le protéger. Nul doute qu'en deux jours, la cuisinière avait su qui était le plus faible de l'équipage.

Elle observa alors le groupe face à Théa. Son regard fut irrémédiablement attiré par l'homme blond au centre, de grande taille et au front tatoué de plusieurs triangles. Elle sentit qu'il était le meneur, plus qu'elle n'en avait de preuves ; aussi elle s'avança face à lui, faisant signe à Théa de se taire de la main. La renarde fut vexée, mais il restait un relent de peur qui l'entourait, comme elle s'inquiétait sans nul doute pour elle.

— Puis-je savoir ce que vous voulez à mes camarades, messieurs ? demanda-t-elle poliment.

— L'un de vos hommes nous a volé notre Log Pose ! s'exclama un homme blond, dont la chemise était ouverte sur son torse. Il était avec le brun aux dreadlocks hier, dans un bar, quand il me l'a volé !

Il se fit soudain tout petit sous le regard de son chef, avant que ce dernier ne lui offre de nouveau son attention.

— Mon nom est Basil Hawkins. Un de mes hommes accuse l'un des vôtres de l'avoir volé et je venais régler la situation à l'amiable. Je préfère éviter le combat.

Il tira soudain un jeu de cartes de sa poche, se mettant à le mélanger sans cesser de la fixer. Elle s'appuya un peu plus sur sa canne, redressant la tête pour avoir moins l'impression d'être dominée par son vis-à-vis, alors même qu'elle n'était plus si petite qu'enfant. Mais son mètre soixante-dix semblait soudain misérable.

Il tira une première carte et haussa un sourcil, avant de la fixer à nouveau. Son coyote grogna et elle serra les dents, s'obligeant néanmoins au calme. Son manque de sang-froid avait déjà causé beaucoup de mal, elle ne pouvait plus se permettre de se laisser aller à la colère. Sinon, d'autres personnes auxquelles elle tenait risquaient de périr aussi.

— Pour être honnête, je ne sais pas de quoi votre homme parle.

Au contraire, elle le savait parfaitement, Laufey ayant obligé Jørgen à avouer l'origine du Log Pose. Mais elle ne le dénoncerait pas. À vrai dire, elle se moquait bien de l'amour-propre piétiné de l'homme volé. Cependant, elle voulait que cette histoire soit réglée au plus vite pour retourner à son travail et s'asseoir. Rester ainsi immobile était pire que tout.

— J'imagine que s'il avait vu le vol se produire, il se serait battu. Et, puisqu'il pense que ce préjudice a été causé par l'un de mes hommes... Je lui propose donc un duel au premier sang. S'il gagne, je vous rembourse. Si je gagne, je veux simplement que vous ne nous cherchiez plus des puces à l'avenir.

— Trop facile ! éclata de rire le blond, avant que son capitaine ne lui fasse signe de se taire.

Il obéit dans la foulée, retenant visiblement son sourire, tandis que le dénommé Hawkins s'asseyait, retournant cinq cartes sur le sol. Il fronça les sourcils, les ramassa et les rebattit, lui adressant un regard curieux. Émeraude se demandait quand même ce qu'il cherchait à voir dans ces bouts de carton. Mais elle ne voulait pas mettre l'homme en colère, alors elle se contentait d'observer en silence.

Il retira ses cartes et posa la dernière en soupirant, avant de se tourner vers son subordonné.

— Elle gagnera quoi que tu fasses.

— Alors vos cartes se trompent, déclara-t-il en levant les yeux au ciel. J'vais me la faire.

Il avança et craqua ses doigts. La femme-coyote échangea un regard avec le capitaine, un long échange silencieux où les mots étaient superflus. Elle ne le connaissait pas, mais elle comprenait soudain qu'il laissait faire cet échange pour que ses hommes respectassent les décisions prises en se fiant à ses cartes. Mais si elle échouait quand même ? Si elle faussait ses prévisions, ce qui lui semblait probable au vu de son état ? Elle avait des chances de gagner par surprise, certes, mais elle n'écrasait tout de même pas cet homme en combat, si ?

Après tout, ce n'était pas son problème.

Elle grogna, passa une main dans ses cheveux rendus indisciplinés par le vent ; elle inspira profondément pour tenter d'oblitérer la douleur qui faisait presque trembler ses jambes. Elle agrippa le haut du manche de sa canne entre ses doigts, réfléchit à la stratégie à adopter puisqu'elle n'avait pas ses dagues sur elle. Elle ignorait si son corps supporterait la transformation, même partielle, en coyote, donc elle n'avait plus que « sa troisième jambe » pour parer et rendre les coups, si elle ne voulait pas le faire à mains nues.

— Reculez, ordonna-t-elle à ses propres camarades.

Son adversaire se mit en garde et commença à tourner autour d'elle. Elle ne se fatigua pas à le suivre du regard, se concentrant sur son odorat et son ouïe pour le suivre. Il l'attaquerait sans doute par-derrière, pensant la prendre par surprise. Il n'était guère plus grand qu'elle, donc elle visualisait avec aisance son allonge. Juste en remontant sa canne derrière elle quand il passerait à l'action, elle aurait accès à sa zone de danger et pourrait le toucher, comme elle aurait une meilleure portée. Et, plus il irait vite, plus l'embout lui ferait mal.

Bon, s'il voyait le coup venir, peut-être parerait-il avec son bras pour dévier l'attaque. Mais il semblait tellement sûr qu'elle était impotente qu'il ne serait sans doute pas assez sur ses gardes.

Lorsqu'elle l'entendit se précipiter, elle appliqua son plan et un léger sourire ourla ses lèvres lorsqu'elle entendu le son d'une respiration qui se coupait. Aussitôt, elle se retourna, fit glisser sa canne entre ses doigts pour agripper l'embout, et frappa fort sur la nuque de l'imbécile. Ce dernier percuta le sol dans un craquement sinistre et un cri de douleur lui échappa.

Émeraude reprit correctement sa canne et s'appuya dessus, le souffle légèrement plus rapide ; la douleur remontait le long de ses jambes pour planter ses griffes dans son diaphragme, rendant chaque respiration plus difficile. Mais au moins, lorsque son adversaire se redressa, il avait une main devant sa bouche et le nez sanglant. Quelques dents traînaient sur le pavage ensanglanté, alors qu'elle se retournait vers le devin aux cartes.

— Ai-je donc un accord avec vous ?

— Je pense. Nous ne vous affronterons plus sans raison... Même si je doute que nous nous revoyions avant votre mort.

Son sang se glaça dans ses veines et elle plissa les yeux, s'appuyant un peu plus sur sa canne alors que le belligérant vaincu rejoignait son groupe, mort de honte. Comment Hawkins savait-il qu'elle était condamnée ? À quel point ses cartes lui étaient réellement utiles ?

— Vous avez quatre-vingt-dix pour cent de chances de mourir avant notre prochaine rencontre, souffla-t-il, avant de tirer une nouvelle carte.

Avec un sourire mystérieux, il la retourna vers elle. La carte montrait une femme avec de riches vêtements ; Émeraude se tendit un peu plus, grondant sourdement. Ses cartes lui avaient-elles soufflé à l'oreille sa naissance, aussi ?

— L'Impératrice. Je suis curieux, je dois dire, de voir ce que vous deviendrez si vous êtes dans les dix pour cent de chance de survie, miss ?

— Émeraude, monsieur Hawkins.

Il inclina légèrement la tête pour la saluer et elle le lui rendit, esquissant malgré elle un sourire. Elle avait des chances de survie. C'était plus qu'elle n'espérait encore il y avait quelques minutes. Elle devrait presque remercier Jørgen pour son action, finalement. Le blond tourna les talons et ses hommes le suivirent. Alors qu'ils s'éloignaient, elle fut prise d'une brusque inspiration et sans se retenir, cria :

— Si jamais je survis, je vous appellerai Basil !

C'était stupide, vraiment. Mais elle avait un sourire plus grand que le soleil alors qu'elle songeait qu'elle voulait qu'on se souvienne d'elle, même si elle ne faisait que passer dans la vie des gens. Même si elle n'était qu'une flaque sur leur route, elle voulait les marquer, ne plus être qu'une ombre derrière Law, si brillant et fort qu'il éclipsait les autres.

Le blond s'arrêta et se retourna vers elle, l'observa calmement, avant de se fendre à son tour d'un léger sourire.

— Je suis pressé de l'entendre, alors.

Il reprit sa route et Émeraude se retourna vers ses camarades en sifflotant gaiement. Cependant, elle cessa en voyant Noûr se retenir de rire, Théa la fixer avec des yeux de poisson mort et William déprimer, assis sur le quai. Elle cligna des yeux sous l'incompréhension qui la saisissait, les observant tour à tour. Elle posa ses poings sur ses hanches en haussant un sourcil, avec un air soudain plus sévère.

— Vous m'expliquez ce qui se passe ?

— Tu... Tu étais en train de flirter, là, Em, bégaya Théa.

Noûr ne fit même plus d'effort pour retenir son rire, éclatant comme un cuivre un jour de fête, tandis que c'était au tour de la jeune capitaine d'être abasourdie. Elle, flirter avec le blond ? L'idée la fit grimacer. Il ne lui inspirait pas ce que les gens affiliaient au flirt. Elle ne ressentait rien, absolument pas une goutte de ce qui ressemblait à du désir. Elle voulait juste marquer son esprit, qu'il ne l'oubliât pas plus vite qu'une herbe foulée au bord du chemin.

— Certainement pas. Retournez donc au boulot au lieu de m'inventer une vie ! râla-t-elle avec un sourire.

Sourire qui ne la quitta pas pendant une bonne heure au moins, tandis qu'elle continuait à racler les coquillages sur la coque.


— Je pensais que tu t'effondrerais avant que la journée ne soit terminée.

— Quelle confiance. J'ai une condition physique excellente, ou je n'aurais pas fait long feu en tant que pêcheur de perles.

— C'est sûr, en même temps, faire long feu dans l'eau...

— Jørgen !

Laufey offrit un air indigné à la tablée, tandis que William ne se gêna pas pour ricaner. Il leva sa main et le roux tapa la sienne contre, tandis que la tireuse d'élite levait les yeux au ciel, exaspérée. Théa menaçait de s'endormir dans son vin chaud ; Noûr la rattrapa de justesse alors qu'elle penchait pour plonger son museau dans sa chope.

— Je vais coucher la petite, souffla-t-elle.

La plus âgée du groupe se leva, tapotant l'épaule de Théa pour la réveiller quelque peu. Cette dernière grommela quelque chose qui ressemblait à "Mais je suis pas fatiguée", avant de se lever en bâillant. Elle vacilla et Noûr la retint de tomber d'une main dans le dos, la stabilisant sur ses jambes chancelantes. La cuisinière adressa un dernier signe de tête à la tablée, avant d'aider la Mink à rejoindre son lit, dans une des chambres à l'étage.

Émeraude esquissa un sourire, amusée et touchée plus qu'elle ne le voudrait pas le côté maternel de leur potentielle future cuisinière. Elle se pinça les lèvres alors que l'ombre de Simen se glissait dans son dos pour y faire peser le poids des souvenirs. Elle aurait aimé lui dire qu'elle était désolée, avant de partir. Qu'elle était désolée pour son silence, pour les mots durs qu'elle ne pensait pas, et pour toutes ces années d'affection dont elle ne pourrait jamais assez la remercier.

Elle aimait Simen plus que celle qui l'avait mise au monde. Et les regrets se bousculaient à la porte, plus lourds et massifs les uns que les autres, comme si elle ne se sentait pas assez coupable. Ils attendaient chacun leur tour pour lui arracher un bout de son cœur fantôme et les pitreries de ses camarades les maintenaient à peine à distance. Ils attendaient leur heure, comme des loups affamés qui chassent l'animal agonisant.

— Em ?

La voix de Laufey la sortit de ses pensées ; un sourire sans âme se dessina automatiquement sur son visage, pour ne pas l'inquiéter. Son amie n'eut pas l'air dupe une seule seconde, avant de prendre quelque chose dans la besace qui pendait à sa chaise. Elle lui tendit un journal avec un sourire en coin qui ne lui disait rien de bon. Émeraude s'en saisit tout de même, méfiante.

— Tu devrais monter te coucher et lire la page des petites annonces, lança la blonde, mine de rien.

Elle plissa les yeux et grogna, plus pour la forme que réellement menaçante, alors qu'elle sentait la joie qui se dégageait de sa camarade. Elle se saisit du journal et, sous le regard de son amie, décida de suivre son conseil. Elle devait bien se reposer de sa journée, plus riche en émotions qu'elle ne l'avait imaginée.

Un sourire prit place sur ses lèvres tandis qu'elle repensait au blond qu'elle avait rencontré, Hawkins. Peut-être que ses cartes avaient eu tort sur ses chances de survie, mais il lui avait donné une occasion d'espérer, une occasion de briller ; son cœur était léger dans sa poitrine, tandis qu'elle montait les marches de l'escalier menant aux étages.

Sa canne ne lui semblait même plus aussi indésirable qu'avant. Les gens semblaient penser que cela signifiait qu'elle n'était pas capable de leur tenir tête. Mais sa force était toujours là et son combat de l'après-midi le lui prouvait bien. Si elle ne pouvait sans doute pas affronter des monstres de puissance comme Law de face, elle pouvait se servir de son cerveau pour s'en sortir. Elle ne devait plus foncer tête baissée en laissant son coyote décider sur l'instant.

Elle inséra sa clé dans la serrure de sa chambre et s'y glissa, verrouillant derrière elle pour ne pas avoir de mauvaises surprises. À la lumière de la lune, qui filtrait à travers la fenêtre, elle posa sa canne et le journal sur son lit, avant d'allumer la lampe à huile sur la table de chevet. Elle tira ensuite le rideau, puis enleva lentement ses vêtements et se dirigea vers le baquet d'eau froide. Elle saisit d'une des deux serviettes-éponges posées sur le rebord et la plongea dans l'eau froide, retenant un frémissement, avant de saisir le savon posé à côté pour se nettoyer.

Au moins n'y avait-il pas de miroir. Ainsi, elle pouvait faire comme si les écailles qui parcouraient son corps n'existaient pas. Elle les sentait pourtant, quand elle passait la serviette dessus, mais elle refusait de les regarder. Même si son corps réussissait à résister au poison qui le rongeait, elle en garderait toujours les traces. Et les plaques de lys irisées avaient beau être belles, elles étaient telles les fleurs de belladone : magnifiques et mortelles.

Elle enfila le pull qu'elle utilisait pour dormir, s'obligeant à ne pas penser qu'il avait appartenu à Law autrefois et qu'elle lui avait piqué car il était chaud et confortable. Au moins masquait-il la plupart des cicatrices et des écailles qui la recouvraient, afin qu'une personne rentrant par effraction ne puisse rien voir.

Elle déplaça la canne à côté de son lit et se glissa entre ses draps, récupérant le journal pour l'ouvrir aux pages des petites annonces, se demandant pourquoi Laufey tenait tant à ce qu'elle les lise. Elle parcourut les premières rapidement, soupira d'ennui, avant de se figer en arrivant au milieu de la page. Ses doigts se serrèrent sur le papier, tandis que des larmes coulaient sur ses joues sans qu'elle ne puisse les retenir.

De Grim et Simen à Coyote : Nous sommes désolés d'avoir échoué à te protéger. Nous t'aimons malgré tout. Est-ce que tu vas bien ? S'il te plaît, réponds-nous. Nous sommes inquiets.

Un sourire lumineux étira ses lèvres, tandis qu'un hoquet la secouait. Une sensation de chaleureux l'étreignit et elle n'avait pas besoin de plus pour savoir que les deux adultes en qui elle avait placé sa confiance l'aimaient encore, l'aimaient toujours, et s'inquiétaient pour son bien-être.

Elle aurait tant voulu les serrer contre elle à cet instant et s'excuser du mal qu'elle leur avait fait, même s'ils le balayaient comme si de rien n'était. Elle se sentirait sans doute toujours coupable de la douleur qu'elle leur avait infligée, mais elle était heureuse de savoir qu'ils la pardonnaient.

Cependant, son sourire disparut à l'annonce suivante.

De Doc à Coyote : Rentres.

Le message était froid, insensible, comme celui qui l'avait écrit. Elle ne doutait pas un seul instant qu'il s'agissait de Law. Comment pouvait-elle deviner ses réelles intentions ainsi ? Lui avait-il pardonné ou au contraire, lui vouait-il une haine immodérée, qu'il cachait dans l'espoir de la ramener vers lui ? Elle n'arrivait à comprendre et cela lui faisait mal. Elle aurait préféré la violence de l'honnêteté au poison vicieux de l'incertitude.

Elle préféra oublier cette annonce-là et déchira seulement l'autre, la plia avant de la poser sur la table de chevet, ignorant où elle la rangerait pour l'instant. Elle laissa ensuite tomber le journal au pied du lit, posa sa tête sur l'oreille en soufflant de soulagement. Son sourire revint en pensant au message de Simen et Grim et elle ferma les yeux, espérant que le sommeil ne tarderait pas.

Un cliquetis, presque inaudible, lui fit cependant soulever ses paupières. Elle tendit alors sa main vers la canne posée contre le mur et la récupéra, la glissant sous sa couette. Elle était tendue et aux aguets, chaque fibre de son corps prête à agir. S'il s'agissait de l'un de ses camarades qui voulait la voir, ou il aurait attendu le lendemain, ou il aurait frappé à la porte.

Si quelqu'un s'amusait à crocheter les serrures, ce n'était pas pour son bien.

Ses doigts libres se refermèrent sur ses draps, alors qu'elle tentait de garder sa respiration calme. Peut-être n'était-ce qu'un voleur, mais peut-être était-ce la même personne que celle qui lui avait tiré dessus. Elle ne prendrait pas de risques.

Un déclic retentit dans la pièce et son cœur s'emballa ; un mince filet de lumière illumina la chambre un court instant, avant que l'obscurité ne reprenne ses droits. Elle devait avouer que la personne qui approchait de son lit était très discrète. Une personne normale ne l'aurait sans doute pas entendu arriver. Cependant, elle percevait le frottement du cuir de ses chaussures contre le parquet, elle sentait l'odeur de soufre et de poudre brûlée de l'ombre.

Mais pas ses intentions. Comme si son aura était effacée et qu'iel n'éprouvait pas une seule émotion qu'Émeraude connaissait.

Elle læ sentit se pencher sur elle, l'entendit dégainer une lame. Son sang battait à ses tempes et son cœur battait à cent à l'heure, tandis que sa respiration devenait un peu plus rapide. Elle serra un peu plus fort ses doigts sur sa canne et les draps, sentant le coyote affleurer à la surface, prêt à défendre sa vie. Dans sa bouche, ses crocs pointèrent alors qu'une lame se glissait sous sa gorge.

— Que Notre Père t'accueille en sa maison.

Sa voix était rauque, comme la sienne l'était lorsqu'elle ne parlait pas pendant des heures. Mais elle était douce, calme, et elle ne ressentait pas son envie de tuer. C'était perturbant. Elle ne savait même pas pourquoi elle, pourquoi l'ombre qu'elle supposait être un homme à son timbre tentait de la tuer, mais elle était certaine que ce n'était pas Law qui l'avait envoyé. Il était trop à cheval sur ses principes pour faire quelque chose de ce style.

Vive comme l'éclair, elle redressa soudain sa canne pour frapper violemment l'homme au ventre. Surpris, il recula d'un pas, sans lâcher son arme. Sans hésiter, elle le mordit au poignet, enfonçant ses crocs dans la chair tendre et le cuir épais. Il lâcha un cri de douleur et son poignard ; elle relâcha sa prise pour le frapper une nouvelle fois au ventre, toute douleur oubliée sous le coup de l'adrénaline. Son coyote hurlait de faire payer son acte à l'homme. Mais, alors qu'elle se jetait sur lui pour le faire basculer au sol, elle réussit à se maîtriser et se retint d'enfoncer ses crocs dans la gorge à sa portée.

Elle ne deviendrait pas une meurtrière. Pas en perdant le contrôle. Elle ne laisserait pas l'animal prendre le dessus et repeindre les murs d'écarlate et de chair.

Émeraude se contenta de poser le pommeau de sa canne sous sa gorge, promettant un choc douloureux à l'assassin s'il bougeait. Le torse de l'inconnu se soulevait entre ses cuisses, faisant tinter un objet métallique, et une fragrance de résignation s'éleva soudain. La femme-coyote fit une moue, observant comme elle le pouvait l'homme qu'elle tenait en joue. L'obscurité ne jouait pas en sa faveur, mais elle grava son odeur intime dans sa mémoire, avant de palper ses membres et ses poches.

Elle ne tenait pas à essuyer d'autres tentatives de meurtre dans la soirée. Sa respiration était presque sifflante et la douleur reprenait petit à petit ses droits sur son corps, mais elle ne pouvait pas se relâcher maintenant. L'homme avait beau sembler calme, il devait sans doute étudier toutes les possibilités pour reprendre le contrôle. Avec un sourire satisfait, elle lui ôta trois autres dagues et sa bourse, qu'elle fit glisser sous son lit. Elle se redressa ensuite, canne toujours pointée vers lui, et lui désigna la porte de la tête.

— Dégagez avant que je ne vous botte le cul.

Sa gorge sèche piquait, lui donnant une irrépressible envie de tousser ; elle se mordit les lèvres, avant de se rappeler qu'elle avait toujours les crocs sortis. Le goût métallique du sang envahit sa bouche et elle cracha sur le sol pour tenter de s'en défaire, aux pieds de l'assassin. Celui-ci se redressa lentement dans la pénombre et elle se tendit, prête à encaisser une attaque. Qui ne vint pas.

— Vous regretterez de ne pas m'avoir tué aujourd'hui. Il y a un contrat sur votre tête, souffla-t-il doucement.

Ah. Un contrat. Soudain, elle avait une bien meilleure idée de qui était derrière cet assassin. William n'était sans doute pas le seul à l'avoir reconnue sur son île natale et David avait dû en entendre parler. Comme si elle n'avait déjà pas assez d'ennuis comme ça ! Elle gronda, montrant les crocs sans même y penser, avant de redésigner la porte.

— Si ce n'est pas vous, ça sera un autre ! cracha-t-elle.

Au moins, elle connaissait désormais son odeur. Elle le sentirait venir. Il n'aurait plus de chances de la tuer, elle se le jurait. Hors de question que David arrive à ses fins, ce serait bien plus terrible que de mourir ! Elle était déjà pratiquement condamnée, en plus.

Ses poumons se mirent à leur tour à lui brûler, comme un feu intérieur dont la fumée s'accumulait dans les alvéoles. Malgré ses tentatives de se retenir, elle se mit à tousser, à s'en arracher la gorge. La douleur la fit se plier en deux et elle tomba à genoux, une main devant sa bouche. Un liquide toucha sa paume et ses yeux s'écarquillèrent alors qu'elle sentait son sang couler sur ses doigts. Elle voulut se redresser pour tenter de se défendre contre l'inconnu qui profiterait sans doute de la situation, mais ne réussit qu'à ranimer un pic de souffrance qui la traversa comme un éclair. Elle gémit, les larmes aux yeux, et s'effondra sur le parquet, terrifiée. Pourquoi maintenant ? Pourquoi son corps devait la trahir alors qu'elle était en danger de mort ?

Pourtant, l'assassin ne l'approcha pas. Il la dépassa pour récupérer ce qu'elle lui avait pris, avant de se diriger vers la porte. Sa quinte de toux se calma alors et elle rampa en arrière, vers la fenêtre, récupérant en tremblant sa canne pour la pointer vers lui, maigre rempart si l'homme décidait de finir son boulot.

Il sembla hésiter, avant de fouiller dans ses poches. Il se rapprocha de quelques pas, restant à distance respectable et lui lança quelque chose de doux qui atterrit sur sa jambe. Elle sursauta, avant de comprendre qu'il s'agissait d'un mouchoir lorsqu'elle le prit entre ses doigts. Ses crocs se résorbèrent, tandis qu'elle s'essuyait la bouche, jetant un regard méfiant à l'assassin qu'elle ne comprenait soudain plus. Pourquoi n'en avait-il pas profité ? Pendant quelques secondes, elle avait été à sa merci complète !

— Vous m'avez épargné. Je ne vous tuerai pas ce soir, mais je reviendrai. Si votre maladie ne vous a pas tué avant.

— C'est pas... incompatible... Avec la profession, de dire que vous reviendrez ?

Elle ne pouvait pas s'empêcher de répliquer, animal blessé qu'elle était. Mais elle pouvait presque sentir son sourire tandis qu'il tournait les talons, ouvrant cette fois la porte sans s'arrêter. et, avant que le battant ne se referme derrière lui, elle entendit ses derniers mots, dits d'une voix presque amusée :

— C'est le principe, quand la cible est plus résistante que prévu.

Émeraude se laissa tomber au sol lorsqu'elle fut à nouveau seule et lâcha un rire nerveux, consciente d'avoir à nouveau échappé de peu à la mort. Elle devrait faire encore plus attention, désormais, même si dans son malheur, elle semblait être tombée sur un assassin pétri de principes. Elle serra le mouchoir tâché entre ses doigts, songeuse, avant de lutter contre la douleur pour revenir s'échouer sur son lit.

Elle repenserait à tout ça demain, à tête reposée et le corps elle l'espérait moins douloureux.


*glousse*

(pas de fanart ou d'aesthetic cette fois-ci, Basil étant un personnage du manga !)

Prochain chapitre en mai, normalement, courage à tous pour le confinement !