Merci pour vos commentaires! C'est très motivant et j'adore vous répondre!
Tirose: Super de te revoir! J'aime aussi quand ça monte doucement, je suis contente que ça te plaise! Je vais continuer à faire bouillir la marmite alors :)
L0r13 : Hahaha tu veux dire le côté un peu vampire d'Eren? Oui, j'avais presque envie d'insister sur le côté "soudaine attirance incontrôlée pour le sang" mais ne nous égarons pas, je vais essayer de ne pas dériver vers Sirius and the Jaeger ou Blood+... Restons concentrés, le Canon (à peu près)!
The Mushu: Ooh ma Beta Readeuse! Mais quel plaisir de vous voir ici! Sachez que cette écriture n'est rendue que meilleure grâce à vos corrections magiques. Il faut savoir que j'adore Sasha et Hanji (comme tout le monde je pense), mais je ne sais pas pourquoi j'ai énormément de tendresse pour Sasha! Ce que vous allez peut être voir dans la suite d'ailleurs…
Mute: Merci, j'espère que la suite va te plaire. N'hésite pas à me dire ce que tu as préféré lire, et même ce que tu as moins aimé bien sûr!
LunaticRay : La voilà ;)
Bonne lecture!
Levi n'en revenait pas. La bouche entrouverte, les yeux légèrement écarquillés, il fixait Eren sans pouvoir réagir. Il avait sentit la langue chaude du plus jeune passer sur son index, tandis que ses yeux émeraudes, à demi-fermés et baissés sur sa main, flamboyaient d'une lueur étrange. Une lueur bien plus ardente que celle de la petite torche qui brûlait dans le foyer de la cheminée. Sa langue s'était figée au moment où son regard brillant avait croisé le sien, et ses yeux s'étaient écarquillés de stupéfaction.
Pendant quelques secondes qui semblèrent durer une éternité, Eren ne bougea pas d'un poil, le corps glacé par l'effroi et par la douche froide que le regard du Caporal avait provoqué en lui.
« Lâche. Ce doigt. Immédiatement. », siffla finalement Levi d'un ton menaçant.
Eren ouvrit la bouche comme un poisson mort, lâchant la main de son supérieur, et baissa les yeux. Levi l'observait toujours, les yeux noirs.
« Je ne sais même pas dans quelle catégorie d'infraction ce genre de comportement devrait être reporté, Eren. Insubordination? Agression? Outrage envers un supérieur? »
Il s'était assis au bord du canapé et essuyait son doigt avec le mouchoir déjà tâché de sang qu'il avait dans la main droite.
« Ou peut-être qu'il va falloir inventer une punition sur mesure pour toi et tes délires de détraqué. »
Levi se releva et fixa une dernière fois Eren, qui tentait tant bien que mal de dissimuler la couleur pivoine de ses joues en gardant la tête baissée, ses longs cils voilant ses yeux. Il était tenté de lui asséner un bon coup de pied dans le plexus, pour le remettre à sa place et punir son insubordination, mais bizarrement, sa honte apparente lui paraissait être une humiliation bien suffisante. Il tourna les talons et se dirigea vers l'entrée pour prendre son tour de garde.
C'était sa première relève, et il sentait que la nuit allait être longue. Il avait encore le cœur qui battait fort. Et ça ne lui ressemblait pas. Il n'avait pas pour habitude d'être surpris par les bizarreries que ses collègues, camarades (qu'il se refusait d'appeler "amis") ou toute autre connaissance, se permettaient de régurgiter de temps à autre. Après tout, il était habitué aux différentes excentricités et transes lubriques d'Hanji à chacune de ses trouvailles scientifiques. Certes, elle était, malgré lui, sa collègue la plus proche mais la normalité ne la caractérisait clairement pas. Et puis, ce n'est pas comme si l'univers dans lequel ils évoluaient ne leur réservait pas de l'imprévisible à la pelle qu'il fallait analyser, assimiler et accepter au plus vite afin de pouvoir limiter les dégâts éventuels. Ce qui avait tendance à rendre fou un paquet de gens. Des habitants des souterrains en complet délire, ou des soldats de l'armée du paradis qui finissaient par parler à leurs ombres ou même par se suicider, il en avait vu. La dernière fois qu'il avait vu un soldat être pris d'une crise nerveuse, c'était juste après l'attaque de Trost. Un homme de la garnison qui n'avait pas abandonné son poste sur le champ de bataille, n'avait pu contenir son mal être plus longtemps une fois rentré et s'était mis à hurler au beau milieu de la salle des repas. Raccompagné dans ses quartiers, il avait continué ainsi pendant des heures, glaçant les os des recrues qui n'osaient plus passer près des dortoirs. Plutôt glauque.
Et il préférait ne pas trop penser aux fous qui peuplaient les souterrains…
Oui, il ne connaissait que trop bien les comportements "loufoques" et inhabituels de ses pairs.
A vrai dire, il était tellement habitué à ce genre de situations qu'elles ne provoquaient jamais de grands troubles chez lui. Cette indifférence avait grandement participé à forger son sang froid légendaire et dont il se parait automatiquement dans chaque situation périlleuse.
Pourtant, assis là dehors, son cœur battait trop fort à son goût. Ça l'agaçait. Personne, jamais personne, n'avait osé le toucher de cette façon. Quelle sorte d'impulsion avait conduit ce crétin à prendre son doigt dans sa bouche, pour le sucer? Il sentait encore la langue du titan caresser la longueur de son index, ses lèvres l'emprisonnant doucement.
Il ne dormait pas quand le jeune titan s'était penché sur lui. Il dormait peu en général, et lorsqu'il se trouvait en compagnie d'autres personnes, il préférait prétendre s'être assoupi pour éviter le malaise d'un silence qu'il imposait la plupart du temps, et qui pouvait les amener à commencer une discussion un peu forcée. Il détestait les mondanités, et vénérait le calme. Il prétendait alors dormir, pour pouvoir reposer ses muscles et essayer de se détendre tout en restant alerte. Il avait donc entendu Eren descendre et tourner dans la pièce avant de s'asseoir. Puis plus rien. Pendant un long moment, il avait senti que le plus jeune le regardait sans bouger, assis sur le tapis. Il s'était donc préparé à tout, et était préparé à bondir quand il avait senti le souffle du plus jeune lui caresser l'épiderme. Ce à quoi il ne s'attendait pas, c'était la profondeur des deux iris noires qui le fixaient quand il ouvrit les yeux, et l'intensité du vert envoûtant qui les entourait. Il avait déjà remarqué les grands yeux émeraudes du titan auparavant, et le petit choc électrique qu'ils lui avaient provoqué l'avait irrité. C'était des yeux qui ne laissaient personne indifférent… En l'observant, ces dernier mois, il avait d'ailleurs pensé plus d'une fois que le gamin ne devait être soit pas du tout intéressé par la séduction et la romance, soit carrément stupide pour ne pas remarquer les regards et flirts indécents de ses camarades et même parfois, de ses supérieurs. Du moins, ceux qui n'avaient pas peur de lui… Sa réputation de Titan avait eu l'air de provoquer deux réactions bien tranchées au sein de l'armée du Paradis. Entre ceux qui le fuyaient comme la peste, et ceux qui le regardaient comme un dieu et en étaient attirés comme un aimant, il était difficile de lui rester indifférent, et quand il pavanait son corps de félin au milieu des troupes, on pouvait être sûrs de voir de nombreuses têtes se tourner dans sa direction, yeux brillants et bouches béantes.
Bref, sa nouvelle recrue attirait autant qu'elle effrayait. Mais si lui-même n'avait jamais ressenti la moindre peur à ses côtés, il portait récemment une attention toute particulière à son égard, une espèce de curiosité pour la façon qu'il avait de se débattre tout en endossant son statut "d'élu". Il ne pouvait pas non plus ignorer qu'à cela se mêlait aussi une certaine admiration pour la détermination sans borne du garçon.
Puisqu'il lui incombait de commander, et par la même occasion, de protéger Eren qui faisait maintenant partie son escouade, ils passaient naturellement beaucoup de temps ensemble, si bien qu'il ne savait plus trop d'où venait cette attention accrue qu'il avait développée pour lui. Il se remémora la première fois qu'il avait vu le soldat, avant de lui exploser la tête en plein tribunal à coups de pied, et la vague envie qui l'avait traversée de s'occuper personnellement de son cas pour en savoir plus sur lui. Non… Il avait alors déjà une curiosité piquante pour le soldat qu'on appelait à disséquer, et pour les curieux deux personnages qui étaient attachés à lui comme deux moules à leur rocher.
Mikasa Ackerman… ce n'était plus de l'attachement qu'elle montrait pour lui, mais une obsession maladive. Elle lui donnait la chair de poule. Ses regards noirs qui le transperçaient dès qu'il adressait la parole à Eren l'agaçaient au plus haut point, et s'il avait eu un tempérament plus impétueux, il serait sûrement volontiers rentré dans son jeu et aurait tenté de la pousser à commettre une insubordination qu'elle aurait regretté. Pourtant, sur le terrain, leurs styles de combat s'accordaient à merveille. Elle était un soldat exceptionnel, possédant une force et une agilité qu'il avait rarement vu avant… non, qu'il n'avait jamais vu avant. Et quand ils combattaient ensemble, elle mettait sa hargne de côté, redevenant professionnelle et efficace, et il avait eu la sensation qu'il combattait aux côtés de quelqu'un qu'il connaissait depuis longtemps.C'était plutôt troublant, qu'il puisse se sentir aussi proche d'une personne qui le haïssait clairement et qu'il ne portait pas dans son coeur non plus.
Quant à Armin… Ce gamin semblait si frêle, si hésitant en comparaison qu'il se demandait comment ces trois là pouvaient être devenus un trio amical si fort. Il contrastait avec les deux autres non seulement par son physique, mais par son sens de la mesure, sa vivacité d'esprit et son respect de la hiérarchie et de l'ordre établi. Levi haussa les épaules. Il sentait bien qu'autre chose les unissait, ces trois-là, et il se serait menti à lui-même s'il avait affirmé de ne pas vouloir savoir quoi. Cette curiosité l'agaçait, car elle n'avait rien à voir avec la seule raison pour laquelle il devait connaître ses recrues un peu mieux: protéger le reste de l'humanité entre les murs. Prédire leurs doutes, leur façon de penser, pour pouvoir communiquer avec eux le plus efficacement possible et pouvoir anticiper leurs décisions une fois sur le terrain, c'était primordial pour arriver à les protéger, et achever leur mission. Il y avait eu trop d'hésitations qui leur avaient été fatales, et bien trop de trahisons. Connaître ses combattants, oui, c'était essentiel. Et Eren était la clé qui leur permettrait non seulement de récupérer le mur Maria, mais de découvrir une nouvelle pièce manquante du grand puzzle qu'ils essayaient tous aveuglément de reconstituer. Le connaître mieux pour pouvoir diriger l'opération et l'accompagner dans leur découverte en anticipant tout problème était donc essentiel, oui… mais pourquoi sentait-il cette curiosité accrue s'immiscer en lui, et avec elle, cette sorte de nappe sombre lorsqu'il pensait aux risques que le jeune homme encourait?
Penché en avant les avant bras calés sur ses genoux, il caressa la pulpe de son index, songeur.
La nuit allait être longue.
Quand Eren se réveilla, après sa troisième ronde, les souvenirs de nuit qu'il venait de passer lui parurent un peu flous. Les gardes nocturnes qu'il avait effectué, et qui n'avaient abouti à rien puisque les bandits n'étaient pas revenus, avait rythmé une nuit monotone, ponctuée seulement par quelques discussions inintéressantes avec ses camarades, et le Caporal…
Le Caporal. Les souvenirs de son geste honteux lui revinrent tout à coup, et il se sentit rougir de la tête au pied. Il se souvint aussi de l'anxiété qui l'avait peu à peu envahi durant l'heure qu'il avait passée avec Armin, se rongeant les doigts à l'idée de devoir aller parler à Levi pour le relayer. Finalement, le Caporal n'avait pas bronché lorsqu'il s'était approché timidement pour le prévenir de changer de poste, et lui avait laissé sa place sans un regard. Peut-être qu'il avait décidé d'ignorer ce qu'il s'était passé? Ou peut-être attendait-il un moment plus propice pour lui faire payer? Eren se ravisa, car il savait que si Levi était terrifiant, il n'était pas vraiment du genre à mijoter une vengeance. En effet, s'il voulait faire payer quelqu'un, il avait plutôt tendance à le faire sur le moment, et sans scrupules.
Il essaya de se concentrer sur les préparations du retour et de penser à la discussion qu'il planifiait d'avoir avec Historia, pour chasser cette sensation de gêne qui pesait encore sur son estomac, un peu trop vide par ailleurs. Malgré la fouille méticuleuse de Sasha, aucune nourriture n'avait été trouvée sur les lieux à part quelques feuilles de thé, qu'ils s'étaient contentés de faire bouillir dans une grande théière pour tromper leur faim.
Levi avait décidé de retourner à la ferme aux alentours de dix heures. Si les bandits revenaient, ça ne serait certainement pas en pleine journée, et sans de quoi se sustenter ils risquaient de s'épuiser et de se mettre en danger plus qu'autre chose. Tant pis pour les informations précieuses qu'ils auraient pu rapporter.
Ils arrivèrent vers l'heure du déjeuner, et furent tous soulagés d'être accueillis par un repas préparé par les soins de Mikasa et Jean. Historia avait l'air d'être sortie de son état de choc, même si elle demeurait complètement silencieuse. Après s'être rassasiés, ils se rassemblèrent tous autour de la table et écoutèrent Hanji qui leur expliqua la situation.
« Le poisson que vous nous avez ramené à la tête dure. Je n'ai pas voulu l'interroger cette nuit car j'ai jugé que nous avions tous besoin d'une bonne nuit de repos après nos aventures d'hier. Cependant, je me suis levée aux aurores avec Moblit pour tenter de grappiller quelques informations, mais le type a la tête dure, il ne pipe pas un mot! Aucune conversation! C'est pire qu'un titan! Je me tâte à passer à l'arrachage d'ongles dès maintenant mais j'aimerais voir si je peux le persuader avec d'autres moyens que la torture. Après tout, mes talents de persuasion pacifiques en ont gagné plus d'un par le passé, n'est ce pas Levi? »
Celui-ci haussa un sourcil, l'air pas très convaincu : « Hanji, si tu as peur de passer aux choses sérieuses, je peux m'en charger. Même si je n'ai jamais vraiment fait ça avant…
- Oh certainement pas mon cher, l'arrachage de mots par la force est un subtil mélange d'art de scène et d'artisanat qui se sublime quand il est fait en équipe. Et quelle meilleure équipe que nous deux, même novice!
- Je suis prêt à vous assister dans cette tâche! » s'écria Conny, les yeux fixés sur la table. Ses poings étaient crispés sur ses genoux, et il tremblait légèrement.
Un silence lourd passa.
Hanji sourit doucement, lui répondant finalement : « J'ai bien conscience que cette interrogatoire a beaucoup de valeur pour toi. Tu aimerais savoir comment et pourquoi ta famille s'est retrouvée transformée, et crois moi, nous respectons ton désir de comprendre. Mais je pense que nous avons besoin d'interroger cet homme en gardant la tête froide, et tu risques d'être trop émotionnel. Ça pourrait compromettre l'opération. Si nous arrivons à obtenir une quelconque information, sache que tu seras le premier à le savoir. Je t'en fais la promesse. »
Conny baissa la tête et ses épaules s'affaissèrent. Mikasa et Eren s'échangèrent un regard, tandis que Sasha le couva des yeux, pleine de sympathie.
« Je me demande pour quelle raison il reste silencieux, questionna Armin, les sourcils froncés dans un effort de réflexion. S'il ne veut pas parler, c'est qu'il cache certainement quelque chose Maintenant, est-ce que ça a vraiment à voir avec Ragako? Peut-être que c'est autre chose?
- Il sait pourquoi il est là, j'ai été assez claire ce matin. Ce qui m'indique qu'il est au courant de quelque chose qu'il ne peut ou ne veut pas lâcher. Sinon, il aurait déjà parlé pour se sortir de là.
- Quel sera le plan s'il ne parle toujours pas, même après votre… "intervention"? Jean demanda, grimaçant un peu en prononçant les derniers mots.
- Il n'y aura pas grand chose à faire malheureusement, à part le ramener à Trost pour le garder prisonnier. Levi doit s'y rendre afin de discuter avec Erwin de cette mission de reconnaissance. Il en profitera pour l'y amener » Répondit Hanji. Elle tourna la tête vivement vers le Titan : « Eren, avant de commencer, j'aimerais faire une ou deux expériences avec toi cet après midi! »
Encore? Pensa Eren. Levi le regarda comme s'il avait entendu ses pensées. Son regard perçant s'attarda sur lui tandis que Hanji résumait les plans de la journée en essayant de contenir son excitation.
« … et nous finirons en beauté! Levi, tu devrais commencer par essayer ta méthode douce sur le muet pendant que je m'occupe de titanifier Eren, je te rejoindrai après.
- Si tu permets Hanji, je vais me laver d'abord. Je viens de passer une nuit de garde dans une bicoque crasseuse et notre invité mérite au moins d'avoir des bourreaux propres pour sa séance "d'arrachage de mots" comme tu dis.
Entendu! Les autres, allez relayer les soldats sur leur mirador, les pauvres n'ont pas dormi de la nuit et ils enchaînent de nouveau ce soir! »
Eren rattrapa Historia qui trottait derrière Connie en direction du mirador est : «Historia! » Elle se retourna et son visage s'illumina d'un faible sourire.
« Tu… tu sembles aller mieux qu'hier.
- Oui… Mikasa et Conny se sont relayés pour veiller sur moi, la nuit dernière », dit-elle, les yeux balayant le sol, un peu perdue. Elle prit une grande inspiration et releva les yeux vers Eren : « Je sais que tu veux savoir ce qu'il s'est passé dans ma tête. J'ai fait quelque chose d'horrible Eren, que je ne comprends pas moi-même. Je ne pourrais donc pas te donner d'explications. Tout ce que je sais, c'est que je ne suis plus la Christa que vous connaissiez. Et que j'essaie de comprendre qui est Historia, pour pouvoir l'apprivoiser et avancer.
- Je ne suis pas là pour te demander des comptes. Tu as peut-être fait quelque chose d'horrible, et tu es la seule à savoir te pardonner. J'avoue que je suis plutôt curieux de comprendre qui est Historia, et ce qui l'a fait réagir hier. Mais ça, on a tout le temps pour le découvrir, et ensemble, tous ensemble. » Historia esquissa un nouveau sourire, plus confiant. « Merci… Historia a été enfouie si longtemps derrière un masque que j'ai peur de la regarder en face. Mais quelque chose me dit qu'elle n'est plus du genre à accepter que les membres du Bataillon se fassent injurier. Je n'accepte pas qu'on déshonore ceux qui se sont battus à nos côtés et se sont sacrifiés au nom de l'humanité! » Elle avait redressé la tête et prit une posture assurée, le torse bombé.
Eren la regarda s'éloigner. Elle ne paraissait plus si petite, tout d'un coup.
Ils découvrirent les bouteilles au retour d'Eren.
La séance d'expérimentation n'avait pas duré très longtemps, au grand soulagement d'Eren. Hanji lui avait juste demandé de se transformer pour le faire ensuite ramper et se faufiler entre des arbres, afin de tester son "agilité" dans les espaces restreints. Elle avait ensuite rejoint Levi dans la grange, non sans souffler de frustration à l'idée de laisser son petit protégé au milieu de ce qu'elle considérait comme une séance inachevée. C'est plutôt anti-climatique pour elle qui prenait d'habitude tout son temps et semblait n'être satisfaite de ses expériences que lorsque qu'Eren finissait inconscient… Mais ça avait été une transformation plutôt réussie, malgré la fatigue, et il sentait poindre une note d'espoir dans le tableau noir de ses émotions. Il n'avait cependant pas eu la chance de retirer son uniforme tridimensionnel depuis qu'il était revenu et commençait à se sentir un peu à l'étroit. Il souffla en étirant ses muscles endoloris, avant de se diriger sereinement vers la ferme. Le soleil se couchait lentement et toute la plaine était inondée d'une lumière douce et chaude. Avant même d'atteindre l'entrée, il entendit les voix de Sasha et Jean retentir dans la cuisine. Il marqua une pause pour savourer pendant quelques instants la familiarité des voix qui résonnaient à l'intérieur, et qui lui réchauffèrent le cœur, avant de franchir le pas de la porte, souriant.
« Eren, regarde ce que j'ai trouvé! » Sasha était accroupie, brandissant fièrement deux bouteilles de vin. Son visage était fendu d'un sourire béat, et debout à côté d'elle, Jean se pinçait l'arrête du nez. « Sasha, pose ces bouteilles. Tu vas encore nous foutre dans une situation pas possible… » Conny l'interrompit: "Ne l'écoute pas Sasha, cet idiot a juste peur de s'effondrer devant nous au bout d'un verre. Arrête de prétendre que tu te soucies de ce que pensent tes supérieurs, on sait que t'es un lèche-botte mais pas à ce point!" Jean hurla : "Quoi? Tu te fous de moi? Donc pour toi éviter d'agir comme un crétin c'est être lèche-cul? "
Armin essaya tant bien que mal de couvrir leurs cris pour expliquer à Eren : « Sasha a trouvé une caisse pleine de bouteilles… Elle était cachée dans le fond d'un buffet qu'on n'avait pas pris la peine de fouiller. Sasha essaye de convaincre Jean de les ouvrir. »
Le groupe semblait divisé. Conny et Jean s'échangeaient maintenant des insultes jamais entendues avant, Sasha sautillait sur place en suppliant chaque personne une à une de partager ses trouvailles, et Mikasa regardait la scène, les bras croisés et les sourcils froncés. Difficile de savoir quel était son avis sur la question. Armin semblait presque amusé derrière son air timoré habituel, tandis qu'Historia était visiblement partagée. Elle oscillait entre Jean et Sasha, semblant vouloir dire quelque chose, et se ravisant à chaque fois.
Eren pensa à Hannes. "…Si l'alcool s'invitait, il n'y avait pas de quoi fouetter un chat…" Ils avaient clairement besoin de se détendre un peu.
« Et pourquoi pas? » s'exclama alors Eren, réduisant le tumulte à un silence stupéfait. En vue du comportement à la fois distant et impétueux qu'il avait adopté récemment, ce n'était pas étonnant que ses camarades s'attendent à ce qu'il s'éclipse dans un haussement d'épaule ou un soupir d'exaspération. « On en a bien bavé dernièrement, vous ne trouvez pas? Quoi de mal à relâcher un peu la pression, on n'est pas en mission. Et puis, je suis sûr que la plupart d'entre vous n'a jamais gouté d'alcool avant, non?
- Tchk, parle pour toi le puceau », Jean cracha dédaigneusement.
« Oui, Eren, ça ne sera pas la première fois pour moi non plus…, débita Sasha. Dans ma famille, on buvait toujours un petit verre à la fin d'un bon repas, et d'ailleurs, on produisait notre propre liqueur mira-prune, un mélange savoureux de prunes et mirabelles fermentées pendant 3 semaines dans une eau-de-vie fait maison, puis distillée et conservée pendant plus d'une année dans des tonneaux de bois de cerisier… », Elle avait pris un air professoral, le doigt pointé en l'air. Conny profita qu'elle reprenne sa respiration pour se lancer à son tour : "Mon oncle était alcoolique, et ça le faisait marrer de nous donner un petit verre sous la table quand mes parents avaient le dos tourné. Il faisait souvent ça quand on criait beaucoup, il disait que c'était une 'potion pour les champions' et que ça nous rendrait plus sages. Et c'est vrai qu'on dormait plutôt bien après… » Il se tut soudain, plongé dans ses souvenirs. Historia rapporta à son tour : "Oui, moi aussi j'ai déjà bu quelques verres de vin!", et Mikasa ouvrit enfin la bouche : "Moi aussi, j'ai déjà bu". Eren la regarda, surpris, puis continua un peu agacé : « Bon très bien, ce n'est pas nouveau pour nous… Mais Armin, lui, n'a jamais bu. N'est ce pas Armin? » Celui-ci rougit et balbutia : « Ben… non pas vraiment, non.
- Et voilà, ça en fait un qui doit essayer, plus d'excuses! »
Sasha rugit d'allégresse et entreprit d'ouvrir les deux bouteilles qu'elle tenait, tandis que Jean poussait un soupir en capitulant.
Les premiers verres détendirent clairement l'atmosphère, et alors que l'alcool échauffait leurs esprits, les langues se délièrent un peu. Commençant leur discussion sur les conditions générales de leur séjour dans la ferme qui leur servait de cachette, la conversation glissa doucement vers prisonnier qu'ils avaient ramené et qui se faisait interroger par Levi et Hanji. « Je vous promets que si on me laissait avec lui, dans cette grange, il cracherait le morceau! Conny s'exclama alors.
- Et depuis quand es-tu devenu un expert en techniques de questionnement? » Se moqua Jean : « Pas besoin de "techniques", c'est l'intimidation qui compte, et une bonne dose de sang froid! Rétorqua Conny.
- Si la torture de Levi et Hanji ne marche pas, je ne vois pas ce qui pourrait le faire parler! Armin s'exclama, On sait que tu veux savoir la vérité mais ça m'étonnerait que tu puisses rivaliser avec Hanji et Levi en termes d'intimidation…
- Armin a raison Conny, le gnome et quatr' yeux sont des tarés du couteau et tu es aussi fragile qu'un lapin qui vient de naître, tu ne fais pas le poids niveau intimidation », commenta froidement Mikasa. La bouche de Conny s'ouvrit en rond alors que les autres s'esclaffèrent. C'était toujours cocasse de l'entendre décrire d'autres personnes dans ces termes, connaissant son propre potentiel d'intimidation. Sasha ajouta entre deux hoquets de rire : « En revanche je pense que Mikasa serait une assistante parfaite! » Elle lança un regard noir à l'assemblée et les rires continuèrent, mais Jean se reprit plus vite que les autres : « Ces techniques de barbares, ça me dégoute… A oublier notre humanité, on en vient à être réduit au même niveau que les Titans…
- Hé! N'oublie pas qui ils ont été avant d'être transformés en Titans! Des hommes et des femmes comme nous! » s'insurgea Conny, le poing levé.
« C'est de ma faute! » Historia avait crié, tremblante. Elle regardait le sol, les yeux humides et les joues rosies par la boisson, et balbutia l'air un peu perdue : « S-Si je n'avais pas… t-tué cet homme… », Commença-t-elle doucement pour finir en s'écriant : « On aurait eu plus de chances de récolter des informations! On aurait trouvé un moyen de les faire parler en les manipulant! On aurait su… » Mikasa l'interrompit, en saisissant au vol le poing qu'Historia brandissait pour se frapper la poitrine à chaque exclamation : « Ça n'a rien à voir avec toi, arrête ta comédie tout de suite. Je pensais que tu avais changé Historia, que tu n'étais plus la petite Christa dénuée d'aspiration et qui se posait en victime tout le temps! » Eren la regarda, choqué. Il était habitué à sa franchise, mais là, elle était franchement dure. Était-ce l'alcool qui parlait? Sasha la regarda aussi, mais elle avec des yeux brillants et la bouche ouverte: « Haaaa Mikasaaa… comment fais-tu pour être aussi méchante en restant si jolie? » Mikasa haussa le sourcil. De son côté, Historia sembla encaisser le coup et souffla : « Elle a raison. Je suis différente maintenant… La question est, qui suis-je, et est-ce que vous n'allez pas vous enfuir en courant quand vous le découvrirez? » Eren la rassura : « Je te l'ai dis Historia, on va le découvrir ensemble, tu ne seras pas seule et on ne t'abandonnera pas. » Jean renchérit : « Tant que tu ne te jettes pas sur moi pour me saigner comme un cochon, moi ça me va!
- Dans ce cas, je vous conseille de ne pas parler de cheval devant elle! » pouffa un Armin complètement exalté par le vin qu'on lui avait généreusement versé et qu'il avait bu docilement. Eren ne put s'en empêcher : « Pas besoin d'en parler, avec face-de-cheval dans la même pièce… » Ils éclatèrent tous de rire, et Jean serra les dents en le foudroyant du regard.
Mais, quand, tout en vidant vidant son verre d'une lampée, il bougonna d'une voix un peu éraillée qu'il n'avait jamais vu une bande de bras cassés pareille, et qu'avec un Titan rachitique en guise d'espoir pour l'humanité, on risquait justement de la réduire à néant, cette humanité…, Eren sentit un poids lui tomber dans l'estomac. Jean avait probablement voulu lui rendre la pareille, avec sa maladresse habituelle, et il aurait d'habitude renchérit en criant plus fort jusqu'à en venir aux poings s'il le fallait. L'affrontement classique de deux alphas en quête de reconnaissance et d'attention, avec une pointe d'orgueil et une bonne dose d'immaturité. Mais Jean avait une fois de plus touché un point sensible, et un peu décontenancé, il sentit ses épaules s'affaisser malgré lui. Il articula, la bouche pâteuse: « Promettez-moi… de ne jamais oublier pourquoi vous êtes ici. Si je n'arrive pas… promettez moi de ne jamais abandonner vos idéaux, vos rêves, de vous battre jusqu'au bout pour protéger ce qui vous est le plus cher. » Il les regarda un par un. « Armin, découvrir la mer, et ce qu'il y a au-delà. Conny, retrouver tes parents, Jean, ton aspiration à une vie tranquille et sans remous… » Celui-ci fronça les sourcils. « Mikasa… »
Et il s'arrêta net. Elle le regardait, les yeux noirs suppliants et pleins de larmes.
Ses lèvres tremblaient comme pour lui intimer de se taire, de ne jamais articuler les mots qui aurait pu donner à cette pensée une réalité avec laquelle elle ne pourrait jamais vivre. Ces yeux pleins de larmes, c'étaient les mêmes qu'il avait provoquées lorsqu'elle était entrée dans sa vie. Lorsqu'elle s'était logée à ses côtés, pour ne plus jamais le quitter. Des premières larmes de reconnaissance tendre qui avaient envahies l'enfant alors seule au monde, avait pansé sa détresse, et qui s'étaient ensuite muées en quelque chose de plus complexe. Il avait toujours choisi d'ignorer la portée de ces larmes, s'efforçant de les transformer en force et en rage pour les diriger contre ce en quoi il croyait profondément lui-même. La vengeance, et la destruction totale des Titans. Il comprenait soudain que le lien qui les unissait, que personne ne pouvait comprendre, était aussi indispensable qu'indestructible. Né d'une tragédie qui avait à jamais empreint leur relation d'une teinte sombre et tragique, mais nécessaire à leur survie. Et qui avait poussé Mikasa à sombrer avec lui, dans des eaux bien plus troubles qu'il n'avait pu imaginer alors. Et maintenant qu'il envisageait sa propre perte, il ne pouvait soudain pas se résoudre à imaginer sa vie sans cette présence, même sombre, à ses côtés. Il ne se le pardonnerait jamais, même au nom de leur lien tenace, fusse-t-elle sacrifiée dans leur lutte commune.
Il pencha légèrement la tête sur le côté dans un geste d'excuse implorant, qu'elle accepta en fermant les yeux.
Sasha interrompit soudain le silence embarrassant qui s'installait en s'écriant : « Ce n'est pas possible d'avoir à faire à des geignards pareil! Est-ce qu'on est obligé de tous pleurer les uns après les autres? Moi ce que j'aimerais savoir, c'est si Mikasa a de plus gros muscles qu'Eren. Parce que d'après ce que j'ai vu, Eren va avoir beaucoup de pompes à faire pour rattraper la masse musculaire qu'elle cache sous ses vêtements » Elle avait saisi le pan de sa jupe et faisait mine de la soulever. Jean s'offusqua : « Arrête Sasha, tu vas mettre Mikasa mal à l'aise avec tes insinuations » Mikasa, qui s'était ressaisie, répondit posément : « Tu ne la crois pas, Jean? Aurais-tu peur d'avoir moins de muscles que moi? » Jean rougit et tenta de se rattraper : « N-non, c'est juste que tu n'as pas l'air d'être beaucoup plus épaisse que le suicidaire, même si on est tous d'accord pour dire que tu es bien plus forte que lui! » Eren haussa le sourcil et fit la moue, alors que Sasha s'interposait en tentant de rassurer Jean : « Mais c'est tout à fait normal de voir des femmes plus fortes ! Ma tante était beaucoup plus musclée que mon père et tout le monde se moquait de lui à la rivière, mais ce n'était pas méchant! Il en rigolait aussi! Et puis, on pouvait bien voir la différence avec leurs autres attributs, si vous voyez ce que je veux dire… » Un nouveau silence eut le temps de tomber, celui-ci scrutateur, avant que Conny ne lui réponde : « Non, pas vraiment… qu'est ce que tu veux dire par là? » Ce fut au tour de Jean de s'exclamer : « Comment ça la rivière… Les attributs…? … Sasha, ne me dis pas que vous vous baigniez tous ensemble à poil dans la rivière dans votre village?!
- Ben, pourquoi, pas vous? » Son élocution ralentie trahissait un état d'ébriété avancé que seul celui d'Armin égalait, ce dernier pouffant dans son coin en écoutant ses camarades parler. Jean la regarda avec des yeux ronds, Conny la scruta attentivement et demanda d'une voix insinuante d'où pointait une curiosité un peu perverse : « Euh … non, Sasha, ça ne m'est jamais arrivé. Mais dis moi, nu… comment? » Eren roula les yeux au ciel : « Conny, laisse là tranquille! » Jean s'offusqua : « Parce que toi tu trouves ça normal Jaëger, de se balader à poil devant ta famille et tes amis? Il ne me viendrait jamais à l'esprit d'aller me baigner dans la rivière nu avec vous, même sous la menace!
- Pourquoi Jean, tu as peur qu'on ne sache pas faire la différence entre toi et moi? C'est à cause de tes attributs ou de mes muscles? » Coupa Mikasa.
On pouvait apercevoir un sourire espiègle tirer le coin de ses lèvres, et Jean se figea complètement, rougissant violemment. Mikasa troublait le garçon, beaucoup plus qu'il n'osait l'avouer. Elle réussissait toujours à provoquer des réactions vives chez lui, que ce soit par sa présence irradiante de puissance brute et sa beauté diaphane, ou par les remarques franches et autoritaires auxquelles elle les avait tous habitués. Mais elle jouait rarement de son aura intimidante pour humilier gratuitement ses pairs. Il était si peu habitué à entendre des commentaires espiègles venant de cette dernière, et encore moins concernant quelque chose d'aussi sensible que sa masculinité, qu'il ne sut quoi répondre. Ils s'esclaffèrent tous de bon cœur et Sasha se lova tout contre Mikasa, dans un élan d'affection spontané. Sasha, Conny et Jean continuèrent d'échanger quelques anecdotes sur leur enfance, détendus et bien contents de pouvoir se vider l'esprit, loin des préoccupations sordides du bataillon. La chaleur douce de l'alcool engourdissait leur corps à mesure que les bouteilles se vidaient, et Historia finit par s'endormir sur sa chaise au milieu du groupe qui se chamaillait gentiment. Quand Mikasa dû soutenir Sasha pour l'amener au lavabo afin qu'elle soulage son estomac malade et qu'Armin s'endormit sur sa chaise lui aussi, ils étaient arrivés à bout de toutes les bouteilles présentes dans la caisse. Eren sentit son corps s'engourdir et un besoin pressant de soulager sa vessie. Alors qu'il sentait sa peau lui brûler, il se rappela qu'il portait toujours son uniforme et que les sangles commençaient sérieusement à lui couper la chair. Il était grand temps de se mettre à l'aise.
Il quitta le groupe qui s'était largement réduit, Mikasa accompagnant maladroitement Sasha au lit et Jean et Conny menant une discussion inintelligible, pour se diriger vers les toilettes communes qui se trouvaient à l'extérieur. Elles étaient situées dans un abri coquet en pierre rustique, sur lequel grimpait une vigne rouge, et se constituaient de quelques toilettes ainsi que de deux lavabos rudimentaires.
Il soulagea sa vessie en fermant les yeux, prenant note de la légère vague d'ivresse qui le berçait doucement et bourdonnait dans ses oreilles. C'était agréable. Il se sentait vulnérable et invincible à la fois. Un sentiment d'allégresse l'envahit, il voulait crier au monde sa reconnaissance d'être en vie, puis sentit les larmes l'envahir en pensant aux morts laissés sur leur route. Il inspira profondément et s'attela à défaire son équipement qui lui sciait les membres. Le haut était bien trop serré et lui comprimait le torse, mais il arriva finalement à s'en détacher, le laissant pendre sur ses jambes. Mais lorsqu'il commença à vouloir défaire les sangles de sa cuisse gauche, il rencontra une résistance qui l'empêcha d'ouvrir le fermoir. Il avait beau s'acharner, ses doigts glissaient sur la boucle et les bandes de cuir semblaient avoir complètement fusionnées avec la boucle en fer. Le manque de clarté de la pièce n'aidait pas sa besogne.
Il jura entre ses dents au même moment où la porte grinça, et lorsqu'il releva la tête pour voir qui s'apprêtait à entrer, il tomba sur les prunelles noires fulgurantes du Caporal. Ce dernier le fixa d'un air insondable, ses deux mains maintenues en l'air et recouvertes de sang. Il s'approcha du lavabo sans un mot et commença à se nettoyer, tandis qu'Eren, qui s'était d'abord redressé devant lui, se remit à essayer d'ouvrir la sangle. En vain. Ces sangles étaient décidément collées, et de surcroît, ses mains s'étaient mises à trembler. Il jura une nouvelle fois, sentant la frustration monter.
Levi, qui se lavait toujours les mains en silence, ouvrit alors la bouche et demanda calmement : « Un problème, Eren? » Celui-ci souffla, irrité : « Je n'arrive pas à défaire mes sangles Caporal, elles sont coincées. » Levi marqua une pause avant de lui répondre, avec toujours autant de flegme : « Tu n'as pas enlevé cet uniforme depuis deux jours Eren. Je n'imagine même pas la merde qui a dû s'y accumuler pour qu'il se bloque. »
Il avait raison. Deux jours sans enlever son uniforme, c'était suffisant pour que la poussière et sa propre sueur, mêlées à la chaleur, fassent gonfler et coller le cuir jusqu'à le coincer complètement. Il devait sûrement y avoir aussi un peu d'alcool tombé sur le tout… Eren se sentit sale et honteux.
« Caporal, si vous me prêtiez votre couteau, je pourrais peut-être arriver à faire levier, ou au pire, à couper un bout de la sangle.
- Pour que tu te taillades la jambe et salisses mon couteau par la même occasion? » Eren se sentit rougir quand il se rappela comment il l'avait sali la dernière fois. « Demande à tes amis, ils seront ravis de voler à ton secours. » Titubant légèrement, Eren replongea sur la sangle et s'acharna une fois de plus : « Ils ne sont pas trop en état… enfin, ils sont sûrement allés se coucher. » Il souffla bruyamment et grogna de frustration, et sentit son énervement se muer dangereusement en début de rage. Levi s'essuyait maintenant les mains avec son mouchoir blanc, et s'était tourné pour lui faire face: « Tu ne m'as pas l'air très "en état" non plus, morveux. » Les sourcils froncés et la mâchoire crispée, Eren l'ignora, préférant passer sur l'explication de son état et se concentrer sur la sangle avec laquelle il s'était lancé dans un duel acharné. Quand Levi vit les traits du plus jeune se déformer peu à peu, il s'interposa : « Ok, donne moi ça. » Il mouilla son mouchoir d'une main et agrippa la sangle de l'autre. Il tira dessus pour approcher Eren du lavabo, et le poussa pour qu'il s'appuie sur son rebord. Il commença alors à frictionner la boucle et le cuir avec son mouchoir mouillé.
« Si on m'avait dit qu'être Caporal de l'escouade élite du Bataillon impliquait de torcher le cul de mes recrues, j'aurais peut-être réfléchi à deux fois avant de m'engager. »
Eren n'écoutait pas, ou plutôt n'entendait pas. Levi parlait, mais il n'arrivait à se concentrer que sur deux choses. La nuque de Levi, à cinq centimètres de sa tête. Et ses mains fermes qui frottaient contre sa jambe.
« Tu pues l'alcool gamin, c'est dégueulasse. Encore une de vos idées brillantes? »
Nuque. Eren fixait l'undercut de Levi qui lui était exposé, si près. L'odeur du Caporal lui rempli les narines, musquée, enivrante. Il ferma les yeux un instant, mais l'effluve prit alors une forme bien plus intense lorsqu'elle révéla une fragrance de bois de santal suivit d'une touche de jasmin, dont la sensualité frappa Eren de plein fouet. Friction. Les mains du Caporal s'attelaient à nettoyer la sangle, et il ne savait plus quel geste le troublait le plus : la main qui agrippait fermement la sangle et ou celle qui frottait vigoureusement contre sa cuisse? Elles étaient placées dangereusement près de son aine en tout cas, et hébété, Eren ne sut anticiper l'effet que cela lui produisit. Lorsqu'il sentit une vive chaleur lui lécher l'entre-jambe, c'était déjà trop tard. Il détourna vivement la tête sur le côté, ferma les yeux et pria pour que le Caporal ne se rende compte de rien. Il faisait peut-être assez sombre pour qu'il ne voit pas. Mais Levi continuait, frottant toujours au même endroit, et loin de calmer son trouble, Eren sentait son érection durcir de plus belle. Il serra les dents et ferma les yeux plus fort, des gouttes de sueur se formant sur son front. Il finit par souffler, d'un ton presque suppliant : « Caporal… Dépêchez vous… » Levi fixa sa recrue, surpris, et vit sa tête tournée sur le côté, complètement crispée. Il scruta le jeune homme de haut en bas, suivant la direction de sa tête, et tomba finalement sur son entrejambe. Il releva la tête au moment où Eren rouvrit les yeux, inquiet de l'immobilité soudaine du Caporal, et leurs regards s'accrochèrent. Levi murmura alors après quelques secondes : « Un problème, Eren? » Il avait planté son regard dans le sien, et avait repris ses mouvements de mains, bien plus lentement cette fois-ci. Eren en eut le souffle coupé. A quoi jouait-il?
L'excitation qui montait maintenant en lui était indescriptible. Un mélange d'anticipation fébrile des gestes du Caporal se joignait à la sensation étrangement délicieuse et un peu honteuse de se sentir si vulnérable sous la poigne ferme de son supérieur. Hypnotisé par les gestes de Levi et happé par son regard, il sentait sa tête s'approcher de plus en plus près de la sienne, lorsqu'une soudaine douleur lui enserra la cuisse, suivie d'un cliquetis métallique.
Levi l'avait brutalement libéré de sa sangle. Il gémit sourdement sous la surprise de la douleur, rapprochant sa tête encore plus près de celle du Caporal. Celui-ci murmura alors près de son oreille :
« Reprends-toi en main, Eren. »
Eren suffoqua. Quand il reprit son souffle, il s'appuya légèrement sur le torse de son supérieur pour se dégager et se précipita dehors en titubant. L'ivresse l'avait quittée, mais quelque chose de plus bouillonnant s'était installé, quelque chose de fiévreux et dangereux. Il traversa la cuisine où ses camarades à moitié endormis firent à peine attention à lui, et grimpa les escaliers quatre à quatre. Une fois dans la chambre, il se débarrassa de son équipement et arpenta la pièce, essayant de faire redescendre cette fièvre persistante qui lui dévorait le corps. Il ne pouvait pas avoir eu cette réaction sous les mains du Caporal, ce n'était pas possible… Son admiration et son respect pour cet homme avaient franchi un territoire qu'il n'était pas sûr de comprendre, mais qui l'avait complètement hypnotisé. Quand il l'avait observé longtemps, la veille, il avait ressenti le même désir fiévreux de s'approcher plus près, de le toucher… Et il s'était brûlé les doigts.
Il s'allongea sur le lit, vaincu, et ferma les yeux. L'odeur de Levi lui emplit les narines immédiatement, réduisant ses pensées à un tumulte d'images enivrantes et sensuelles. Les frissons qui naissaient dans sa nuque et voyageaient le long de son dos pour atterrir entre ses reins lui arrachèrent un soupir étouffé. Un bras sur son front, il fit doucement glisser son autre main sous son pantalon, remerciant le ciel que personne n'ait encore ramené Armin dans sa chambre. Il saisit son membre tendu et se caressa longuement, jouant avec les souvenirs précis et obsédants qu'il avait de Levi et de sa nuque, son odeur, ses mains, son regard magnétique…
Lorsqu'il explosa finalement, en sueur et haletant, les yeux du Caporal ne l'avaient pas quitté une seule fois.
