Une fois rentrée chez elle cette nuit-là, après avoir vu Raphaël ne pas se souvenir d'elle, la Capitaine, aussi forte était-elle, resta chez elle pendant plusieurs jours, le cœur brisé, le désespoir pour seule compagnie. Balthazar, son légiste, l'avait oubliée. Les souvenirs finirent par s'ajouter au désespoir, la torturant un peu plus.
Puisque la flic avait pris tous les congés accumulés, elle n'avait pas à s'inquiéter de ce côté-là. De toute façon, l'état de l'homme qu'elle aimait lui procurait une bien trop grande inquiétude, si grande qu'il n'y avait pas de place pour le reste.
Pourtant, au bout d'une semaine, la Capitaine se força à retourner à l'hôpital. Peut-être que la situation avait changé, se surprit-elle à espérer. Sur cette note d'espoir, cette première note positive depuis son retour chez elle la semaine précédente, Hélène se rendit à l'hôpital, où elle retrouva Eddy et Fatim, qu'elle n'avait pas vu depuis sa dernière visite de jour.
Le trio discuta rapidement, mais le duo ne dit rien sur la condition de Balthazar à Hélène, si ce n'était qu'il était fatigué et qu'il dormait beaucoup. Mais ça, la Capitaine s'en doutait. Et puis un médecin vint voir la blonde et la prit à part, dans son bureau. Là, la flic se dit que quelque chose n'allait pas du tout. Malheureusement, elle était bien loin de se douter à quel point son instinct était vrai.
En effet, après avoir discuté quelques minutes avec elle, le médecin lui apprit la terrible nouvelle. Jamais Raphaël Balthazar ne retrouverait la mémoire. Hélène lui fit un signe de tête pour le remercier – ne faisant pas confiance à sa voix à cet instant précis – et quitta les lieux. La belle blonde n'adressa aucun regard à la chambre de son légiste, ni à ses collègues dont Balthazar se souvenait, ce que jalousait Hélène.
D'après ce qu'elle avait compris, Balthazar avait oublié sept ans de sa vie, sans aucune explication, puisqu'il ne s'était rien passé de particulier à cette période de la vie du légiste. Il aurait été plus logique, et plus facilement explicable, qu'il oublie plus de treize ans – donc la mort de Lise –, mais le cerveau humain était étrange parfois.
Cette annonce fit s'effondrer le monde du Capitaine Bach, qui tomba dès lors dans une profonde dépression. Hélène ne sortait plus du tout de chez elle, n'allait plus travailler, ne mangeait quasiment plus, passaient ses journées dans son lit. Les premiers jours furent accompagnés de larmes, de crises d'angoisse, de crises de nerfs, de douleurs et d'une myriade de sentiments, parmi lesquels se démarquaient parfois la haine ou l'injustice. C'était comme un deuil pour la jolie blonde.
Puis les jours passèrent, ne laissant rien d'autre qu'un vide immense. Raphaël ne lui reviendrait pas. Il avait totalement oublié son existence, et il ne s'en souviendrait absolument jamais. Hélène, qui ne croyait pas aux miracles, se fit une raison, et ce fut cela qui la conduisit à sa perte.
Bien que ses amis, collègues et sa famille passaient chez elle, la blonde ne leur ouvrait pas, ne répondait plus au téléphone non plus. Les plus proches, à savoir ses enfants et Delgado, entraient dans l'appartement à chaque fois qu'ils y passaient, s'assuraient qu'Hélène fasse quand même le minimum : manger, boire, et se laver. Ils n'obtenaient rien de plus d'elle, même pas un mot, quand ils arrivaient à obtenir ne serait-ce que ces quelques nécessités. Hélène s'était murée dans un silence total, et personne ne parvenait à l'en faire sortir.
La Capitaine Bach, femme la plus forte que certains avaient rencontré au cours de leur vie, avait laissé place à Hélène Bach, une femme totalement détruite par un amour perdu. C'était digne des plus grandes tragédies, et personne n'y pouvait rien.
