CH 3 Découvertes nocturnes

Après avoir ouvert d'un coup sec la porte, Jonathan s'écarta pour laisser passer McCullum qui s'installa dans ce qu'il restait du salon. Une fois avoir vérifié que personne ne les avait suivis, Jonathan ferma l'abri et commença à inspecter chaque placard à la recherche de médicaments et bandages. Il installa les antiseptiques, les bandelettes, compresses et calmants sur la table propre avant de tirer une chaise et s'installer devant Geoffrey qui l'observait attentivement.

"-Je vais commencer par ton épaule, indiqua Reid. Puis je m'occuperais de tes griffures et tes plaies.

-Fais ce que tu veux Reid, gronda le garde. Mais active toi.

-Prends ceci avant tout, c'est un calmant. Tu devrais avoir moins mal.

Un léger soupir traversa le Garde, le temps que le produit face effet, Jonathan désinfecta les aiguilles pour recoudre les plaies.

-Tu devrais enlever le haut, je pourrais mieux te soigner.

Geoffrey obtempéra, se déshabillant du mieux qu'il pouvait, faisant tomber sa chaine et son crucifix en argent sur le torse. Reid s'approcha à nouveau de son patient, sa chaleur glacée enveloppa l'humain qui tenta de rester calme. Le praticien plia le bras au niveau du coude, puis l'a fait lentement pivoter en l'éloignant du corps. Un petit claquement se fit entendre, signe que l'articulation était revenue à la normale. Une écharpe s'installa la base du bras en passant par le poignet.

-Heureusement que je suis ambidextre, râla McCullum.

-Je vais mettre des bandages aux blessures les moins profondes, expliqua Reid qui ne semblait pas avoir vraiment écouté. Je ferais des sutures aux autres.

-Jonathan, soupira l'humain. Tu n'es pas obligé de commenter tout ce que tu fais.

-Désolé, déformation professionnelle, ricana le vampire en s'activant déjà. Le côté positif, c'est que tu m'as appelé deux fois par mon prénom. Il y a des progrès, chasseur.

La surprise se figea sur le visage de Geoffrey pendant que Reid finissait de couvrir ses plaies. Le docteur attrapa l'aiguille et tira le poignet gauche et plongea son instrument dans la peau de l'humain qui gronda.

-Désolé, lâcha Reid. L'anesthésiant ne doit pas faire tout à fait effet.

En fait, Geoffrey souffrait plus de l'étrange réaction de la bise froide des doigts du médecin que de la morsure de l'aiguille. Il en avait vu d'autre et des bien pire, comme pouvaient en attester les nombreuses cicatrices qui couvraient les membres. Alors qu'il allait répliquer, il pouvait observer les perles de sueurs apparaitre sur le visage contrarié de Jonathan, bien que net et efficaces, les mains du médecin souffraient de légers tremblements, ses pupilles n'étaient que deux traits noirs dans le bleu délavé de ses yeux. Le pauvre luttait pour ne pas céder à la tentation de plonger ses crocs dans la chair vive de l'humain. Pendant un court instant, Geoffrey eu pitié de lui, sa nature vampirique essayant de prendre le dessus sur la salvatrice. Quand le médecin eu enfin finit, il entoura le tout d'un bandage.

-Comment tu fais, Reid ?

-Quoi ? Répliqua le vampire à bout de souffle.

-Arrêtes ton char Jonathan ! S'écria le chasseur. Depuis combien de temps tu n'as pas mangé ? Tu t'es fait avoir comme un bleu face à Dylan, tu trembles comme une feuille en voyant quelques coutes de sang et tu ne te régénère plus. Depuis combien de temps ?

-Depuis...que je suis allé affronter le Désastre, avoua le praticien.

Sois presque trois jours. McCullum poussa un long soupir.

-Tu te rends compte de ce que tu me dis ! Répliqua Geoffrey comme s'il grondait un enfant. Tu aurais pu y passer ! Tu t'es battu avec juste ta petite seringue de sang dans les veines, tu es complétement à l'ouest ! On aurait pu crever !

-Je sais Geoffrey, souffla l'Ekon. J'en suis désolé.

Râlant plus pour le fond que la forme, le Garde tira avec les dents sur le bout de tissu que le docteur avait mis tant de temps à faire avant de lui présenter son poignet.

-Tu m'as sauvé deux fois en deux soirs d'affilés, gronda l'irlandais. Considère ceci comme un remerciement de ma part.

Plaquant sa main sous le nez du vampire, le Garde l'incita d'un regard sombre à boire. Jonathan inclina la tête, reconnaissant et plongea ses crocs dans la peau. La chaleur glacée des lèvres et de la morsure arracha un grognement à l'homme. L'attitude presque craintive de l'homme de science fit se poser bien des questions à Geoffrey. Avait-il déjà bu le sang d'un humain ? Est-ce la première fois depuis qu'il avait posé ses lèvres sur la nuque de sa sœur ? N'avait-il vraiment tué aucune personne depuis qu'il était vampire ?

En y repensant, quand Reid s'est battu contre lui au Pembroke, il n'avait à aucun moment essayer de le mordre, il n'avait utilisé que deux de ses seringues. Les cadavres des Gardes de Priwen qui avaient été sur sa route ne comportaient que des blessures à armes blanches ou à feu. Aucun autre cadavre n'était à mettre sur le dos de sa soif de sang. Jonathan se détacha enfin du poignet, il n'y avait que deux petits trous où s'étaient enfoncés les crocs. Le vampire s'écarta vivement comme pour s'éloigner le plus possible d'une chose particulièrement toxique.

-J'ai assez bu, cru-t-il bon de répliquer pour sa défense. Merci Geoffrey. Tu devrais manger quelque chose toi aussi.

-Décidément Jonathan, tu es...

-Quoi ? S'interrogea l'Ekon.

-Laisse tomber."

Geoffrey se leva cherchant dans les maigres ressources que contenait le placard, quelques boites de gelée d'anguilles, des lamelles de bœufs séchés, une bouteille de bière du Docteur Garett's Ale et une miche pain dure comme un caillou. Alors que Ried rangeait la table Geoffrey se vautra sur le lit dans un coin du salon en manchonnant son bœuf séché.

"-Une idée de la suite des événements doc ?

Jonathan retira son manteau, le posant sur le dossier de sa chaise et s'y installa.

-La piste de Dylan et Margaux n'a rien donné.

-Cornwall est toujours une possibilité, gronda l'homme en mastiquant bruyamment.

-On ignore tout de cet homme, où il est, qui il est, énuméra le médecin.

-Ascalon saura, ils savent tout sur tout eux ! Tu es un vampire, tu devrais pouvoir leur demander.

-Je ne suis plus le bienvenu, avoua Reid. J'ai refusé de transformer Aloysius Dawson et Lord Redgrave n'a pas apprécié que je ne suive pas ses directives.

Geoffrey ne cacha pas sa surprise face à ces révélations.

-Un passage en force ne nous sera pas favorable, réfléchi le docteur. J'ai vu comment ont fini tes hommes.

-Pourtant, tu y es bien retourné pour quémander le sang de Marshal, répliqua le garde en terminant son bœuf.

-J'ai dû affronter un puissant ekon pour daigner lui parler et obtenir son aide, expliqua Jonathan. Comment sais-tu pour le sang de Marshal ?

Geoffrey lorgna le vampire d'un air partagé.

-Je me souviens de chaque ingrédient de cette fichue recette Reid, gronda l'homme. Le reste n'est que pure déduction. Je sais que ces sangsues gardent une relique ancienne, tu avais besoin du sang d'un vampire très ancien et quoi de mieux que ton Créateur, hein ?

-Ce n'est pas mon Créateur McCullum, s'énerva Jonathan.

-Qui est-ce alors ? Interrogea calmement Geoffrey avec un sourire satisfait.

Il y était arrivé, il avait fini par l'avoir, Reid avait mordu à l'hameçon, la sangsue était rentrée dans son jeu comme prévu. Cette question sans réponse depuis leur combat au Pembroke. Qui avait créé ce vampire s'y puissant qui avait suscité l'intérêt de Ascalon alors qu'il venait de renaitre et de transformer sa sœur, morte par la faim consumante de Jonathan.

-C'est...Myrddin.

Un coup de massue avait frappé la nuque de Jonathan qui avait craché le morceau à contre cœur. Hébété, Geoffrey cherchait où était la blague, mais l'attitude de Reid lui indiqua qu'il n'y en avait pas.

-Merlin, le Merlin de la légende ? Répéta Geoffrey.

Un lent signe de tête accueilli sa réponse. Ça alors, s'il s'attendait cet aveu, Geoffrey n'aurait jamais posé la question.

-Même pour Priwen ce type est une légende, avoua le Garde. Et toi, tu me dis qu'il est ton Créateur et qu'il se promène dans Londres.

-Il ne se montre pas physiquement, confessa l'ekon. Il me parlait à travers mon esprit et n'est rien d'autre qu'une forme éthérée. Mais depuis que j'ai vaincu le Désastre, il m'a fait comprendre qu'il devait lui aussi se rendormir jusqu'au prochain réveil de la Reine.

Geoffrey pouvait presque entendre la majuscule du mot reine dans la bouche de Jonathan. Est-ce cette Reine qu'il avait dû affronter dans les égouts ? Qui était-elle par rapport à lui et Myrddin ? Si Myrddin devait se rendormir, combien de fois s'était-il réveillé ? Combien de descendant avait-il eu ? Toutes ces questions donnèrent le tournis à Geoffrey qui se frotta la tempe.

-Nous parlerons de tout ça une autre fois, concentrons-nous sur le meurtrier d'Henry.

Jonathan accepta, reconnaissant. Il avait parlé bien plus qu'il ne l'avait souhaité. Geoffrey connaissait bien plus de chose sur lui que Lady Asbury et Edgard. Le médecin repensa à la fuite de la femme vampire et la mort de celui qu'il pensait être son ami. Tous les deux l'avaient utilisé dans leur petit jeu malsain. Eux. Et Myrddin. Le seul dans cette fichue histoire à avoir été honnête, c'était bien celui qui se frottait le visage face à lui. Geoffrey McCullum, chasseur de vampire émérite, chef de la Garde de Priwen. Son ennemi. Comment les choses avaient pu se tordre et se bouleverser en seulement quelques semaines. Son retour du Front semblait être à des années lumières de lui.

-Réfléchissons à comment entrer au club des vampire sans ressortir en morceau, Geoffrey. Puis nous passerons une bonne nuit de repos."

L'homme acquiesça et discuta avec son allié des meilleures façons de procéder.