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Chapitre 2
Partager son fardeau
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De son côté, Allen venait de ranger tout l'argent dans deux petites poches en cuir, fier de sa prestation et chercha ensuite l'autre Exorciste des yeux. Il le trouva rapidement, assis au bar, mais le cœur du Moyashi s'arrêta un instant en apercevant la jeune femme près de lui qui tentait bien évidemment de le séduire, ça ne faisait aucun doute. Et malgré lui, un élan de jalousie vint agripper les tripes du plus jeune.

Pourtant, quand il avait appris l'histoire d'Alma, ce n'était pas du tout ce qu'il avait ressenti, loin de là. Il avait même risqué son rôle, sa propre vie, et son pouvoir pour permettre à Kanda de retrouver une dernière fois Alma, les emmenant tous les deux à Matera.

Non, là c'était tout autre chose. Et Allen pouvait difficilement ignorer ce qu'il ressentait. Déglutissant, il laissa tomber le groupe de joueurs qui rouspétaient et se criaient entre eux, pour s'approcher du bar, veste de Kanda jeté par-dessus son épaule. Une fois près de lui, il lui jeta l'uniforme au visage afin d'attirer son attention et celle de son interlocutrice.

« Hey Kanda, au lieu de draguer, regarde un peu, j'ai fait tout le boulot. »

Il lui présenta les deux pochettes au sein de ses paumes de mains et alors que Kanda retirait avec irritation la veste qu'il s'était reçu en plein visage s'apprêtant à répliquer aux inepties du plus jeune, il referma automatiquement la bouche lorsque ses yeux tombèrent sur l'argent bien protégé dans les bourses en cuir. Enfin une bonne nouvelle. Maintenant que le Moyashi avait quitté la partie, plus rien ne les retenait dans ce bar.

« Mais… quel est ce curieux… personnage, » fit soudainement la jeune femme qui garda sa cigarette entre pouce et index, scrutant Allen d'un mauvais œil.

N'ayant pas très envie de faire la conversation avec la femme qui avait essayé de séduire le kendoka, Allen se retourna vers elle dans l'optique de gentiment prendre congé d'elle. Cependant, elle fut plus rapide, ses yeux s'écarquillant en ayant une vue plus clair de son visage.

« Cette marque… Ces cheveux ! » s'exclama-t-elle en quittant prestement le tabouret, sa cigarette s'échouant aux pieds de ses talons hauts. « Es-tu malade ? Ne t'approche pas de moi, le difforme ! »

Habitué à recevoir ce genre de traitement et cela depuis tout petit, surtout depuis que ses cheveux avaient viré au blanc –et encore, elle n'avait pas vu son bras-, Allen laissa courir en refermant la bouche, un soupir s'échappant de ses lèvres. Cependant, contre toute attente, ce ne fut pas le cas de Kanda qui se leva brutalement du tabouret, un regard on ne peut plus meurtrier brillant dans ses pupilles.

Mais avant que Kanda n'ait pu lui hurler quelque chose ou même la frapper –Allen doutait parfois des limites du kendoka-, ou que la jeune femme n'ait encore une fois crié à l'égard d'Allen, le maudit agrippa fermement le brun par le bras afin d'éviter d'attirer trop l'attention vers eux. Il y avait déjà un bon nombre de paires d'yeux qui était venu s'attarder sur eux, et loin de lui l'envie que de bouche à oreille, Apocryphos, les Noé ou même le Central n'apprennent qu'un adolescent aux cheveux blancs et un asiatique aux longs cheveux s'étaient trouvés dans un petit bar en Angleterre.

« Kanda, on doit y aller, il va se faire tard, on ne trouvera pas de quoi dormir si on s'éternise ici, » lui fit calmement Allen sans lâcher le bras de Kanda.

Bras qu'Allen fut contraint de serrer encore plus fort et qu'il sentit trembler d'une colère dont seul Kanda avait le secret.

« Si tu accompagnes cette hideuse bestiole, tu ne dois guère valoir mieux ! » ajouta la jeune femme, dégoût profond se lisant sur son visage peinturé, reculant à nouveau d'un pas comme ne pouvant croire qu'elle avait été précédemment attirée par le Japonais.

« Je vais me la faire, » cingla Kanda en serrant son poing.

« Kanda, non ! »

Soudain, deux mains puissantes vinrent frapper énergiquement la table du bar, attirant l'attention des trois concernés. Le barman chauve était ici, deux mains épaisses pressées contre le bois, lançant des regards noirs au petit groupe.

« Pas de bagarre chez moi, » ordonna-t-il ensuite à l'adresse de Kanda toujours enchainé par les bras du Moyashi. « Et toi, Priscilla, je t'interdis d'insulter ma clientèle, rentre chez toi. »

Mais avant que la fameuse Priscilla n'ait pu répondre, Allen profita de l'arrivée du barman pour raffermir son emprise autour du bras de Kanda afin de le tirer avec lui en arrière. D'un geste rapide, il récupéra son manteau près de la table où il avait mangé et les dirigea tous les deux jusqu'à la sortie de l'établissement.

Une fois à l'extérieur, la lourde porte claqua derrière eux et un vent glacial vint frapper leurs deux corps. Allen lâcha Kanda et fut rapide à enfiler sa veste, puis dans le silence de la ruelle dans laquelle il se trouvait actuellement, se retourna vivement vers son camarade.

« Kanda, t'es pas du genre à te laisser alors comme ça. D'habitude, tu ignores ce que l'on dit de toi. »

« Tu laisses les gens parler ainsi ? » s'exclama Kanda avec aigreur. « T'es vraiment le plus bête des deux ! »

« Je suis-… »

Mais Allen se coupa soudain, ses yeux s'arrondissant. Après réflexion, Kanda ne s'était pas braqué parce que la jeune femme l'avait critiqué par l'intermédiaire de sa présence auprès de Kanda, mais dès lors qu'elle avait jeté son venin sur Allen lui-même.

Le Japonais avait perdu son calme pour lui. Merde. Allen sentit ses joues s'empourprer et rapidement détourna les yeux et ignora les nouvelles émotions qui venaient s'emparer de son cœur.

« Ce traitement n'est pas inédit, » dit-il, sa main droite venant enserrer sa main porteuse de l'innocence dissimulée derrière un gant noir. « Depuis gosse on voit de travers mon bras et mon visage. »

« Et tu t'es toujours laissé faire ? » l'interrogea Kanda visiblement toujours bien irrité.

« La violence ne résout rien, Kanda ! Même à la Congrégation, on m'a déjà beaucoup regardé de travers, on m'a même critiqué dans mon dos. Tu n'en as pas fait tout un plat. C'est devenu une partie de ma vie, c'est comme ça. »

« Tu crois que je faisais attention aux messes basses de la Congrégation ? Tu crois que j'en avais quelques choses à foutre ? »

« Tu rejoins donc mon point de vue, Kanda. »

Allen croisa les bras contre sa poitrine, penchant un peu la tête sur le côté, challengeant le kendoka de continuer. Cependant, le brun fut plus intelligent et après un « tss » agacé, tourna les talons, ses longs cheveux foncés suivant son mouvement.

« Cette conversation me gave, » siffla-t-il. « Allons trouver une chambre pour la nuit avant qu'on ne soit contraint à dormir dehors. »

Un petit sourire doux s'étirant sur ses lèvres, Allen finit par hocher la tête, et le suivit dans la pénombre de la ruelle, refermant son manteau pour conserver la chaleur de son corps. Il n'aimait pas qu'on prenne sa défense quand il pouvait se défendre lui-même, ça avait toujours été le cas. Cependant, le petit coup de mécontentement de l'autre Exorciste avait été apprécié, quelque part dans son cœur.

Kanda marchait devant lui, leurs souffles étaient visibles par les bouffées blanches qui s'échappaient de leurs lèvres. Le calme plat de la ville et la fraicheur de l'air ambiant étaient en parfait contrastes avec le cœur du pauvre Moyashi qui tambourinait férocement contre sa cage thoracique.

Et dans un petit coin de son esprit, il soupira quelque chose :

Je tombe de plus en plus amoureux de cet idiot… quelle poisse.

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Aucun des deux ne mentionna ce qui s'était déroulé au bar, pas même une fois qu'ils furent installés dans l'une des rares chambres qui était encore libre dans un coin de la ville, au beau milieu de la zone industrielle. Cependant, ils n'allaient pas faire la fine bouche, en plus de cela, ils avaient de quoi se payer à manger à dormir pour une longue semaine, et ça, ce n'était pas donné à tout le monde.

La lit d'Allen était placé près de la seule fenêtre de la chambre exigüe, dominant la ville en contrebas, dévoilant les hautes cheminées des usines et les petites ruelles qui en journée, étaient très animées. Il contempla la lune à l'extérieur, repensant tristement à Timcanpy qui lui avait été d'une si précieuse compagnie avant qu'Apocryphos ne vienne foutre le bazar en Angleterre.

Derrière lui, Kanda retirait ses bottes qu'il jeta aux pieds de son lit sans cérémonie et vint ensuite planter son regard vers le Moyashi assis sur son propre matelas, attention perdue vers l'extérieur.

« C'est bon, t'es décidé à me raconter ton histoire ? » l'interrogea donc le brun, d'une voix certes dure mais agrémentée d'un curieux calme et compassion.

Allen se réveilla soudain de sa rêverie, ses yeux s'abaissant jusqu'en contrebas, vers les ruelles sombres et vides de vie. Sa main gauche à l'air libre vint se poser contre le rebord en bois de la vitre, grattant alors les irrégularités de la surface. Même de dos, le Moyashi ne lui faisant pas fasse, il pouvait désormais très clairement ressentir une forme de nervosité émaner de lui.

« Ça risque d'être assez long, » le prévint Allen dans un dernier espoir que l'autre homme laisse tomber.

« Ça tombe plutôt bien, j'ai toute la soirée et je suis loin d'être fatigué, » répondit aussitôt le concerné, croisant les jambes et les bras avec détermination.

Allen se mordit la lèvre inférieure, puis lâcha le rebord de la fenêtre et se tourna vers l'autre homme, se plaçant en tailleur sur son lit. Kanda ne le quittait pas de ses yeux profondément bleus, offrant d'autres frissons nerveux au plus jeune.

« Très bien… » céda Allen après un soupir. « Par où commencer… ? »

Mais Kanda ne le pressa pas, et attendit qu'Allen démarre son récit. En réalité, il connaissait peu le passé d'Allen Walker. Il savait seulement qu'il avait été élevé par un homme au nom de Mana, que ce dernier était mort et qu'Allen l'avait transformé en Akuma ce qui lui avait valu sa malédiction et que Marian Cross l'avait ensuite pris sous son aile. C'était le petit bout de récit que la plupart des amis d'Allen connaissaient. Mais il semblait y avoir tellement plus.

« Peut-être par le jour où mes parents m'ont vendu à une troupe de cirque parce qu'ils ne voulaient pas de moi, et avaient besoin d'argent pour se nourrir, » ajouta donc Allen qui paraissait toujours réfléchir par où débuter son récit.

« Tu te rappelles d'eux ? De tes parents ? » lui demanda Kanda aux traits soudain plus tirés.

Il tenta de dissimuler l'animosité qui avait directement germé au sein de ses entrailles tout droit dirigée vers les parents de sang d'Allen. Pourtant, ce n'était pas étonnant, mais la réalité sortant de la bouche du Moyashi était plutôt chagrinante.

« Non, pas le moindre souvenir, » lui répondit Allen en haussant les épaules. « Et à vrai dire, ça ne m'a jamais posé problème. C'est pas comme si j'avais très envie de les rencontrer. »

Évidemment. Kanda tenta alors de faire bifurquer un peu la conversation et ses pensées s'échappèrent toutes seules de sa gorge :

« Moi non plus, j'ai plus aucun souvenir. »

Cette fois-ci, Allen reporta un regard curieux vers lui.

« J'avais cru comprendre que… tu t'étais souvenu de ta vie passée, » reprit Allen qui minimisa pourtant ses propos, sachant qu'il avait à peine dit à Kanda qu'il avait vu toute son histoire. « Je pensais que-… »

« Oui tu as très bien compris, » le coupa Kanda en refermant les yeux, soudain un peu agacé. « Mais jamais entièrement. C'est resté très flou, et avec le temps, ce sont surtout les souvenirs ayant précédé mon réveil en tant qu'Exorciste de seconde génération qui ont persisté. »

Allen sentit alors une peine le gagner. Il serra fermement ses poings contre ses genoux croisés et baissa les yeux vers les draps blancs de son lit :

« Je suis désolé, Kanda. »

« Oublie ça. J'aurais toujours quelques fragments de cette vie bien inscrits dans ma mémoire. Et puis… je n'oublierais jamais ce que tu nous as offert, à Alma et moi. Ces derniers moments à Matera. Ils m'appartiennent et tout regret a été lavé. »

Surpris par les propos de son ainé, Allen osa un nouveau regard vers l'homme sur le lit en face de lui. Kanda paraissait perdu dans une certaine nostalgie, scrutant un point invisible sur le côté de la pièce. En effet, l'agacement avait été remplacé par une expression plus calme sur son visage, et Allen sentit à lui aussi, la peine s'estomper.

Il ne pensait réellement pas que Kanda mentionne à nouveau le prénom d'Alma devant lui, peut-être par fierté, par gêne ou bien bloqué par son stoïcisme. Mais non, il avait dit tout cela sans l'ombre d'un remords.

« Tu m'en vois soulagé, » lui sourit alors Allen.

Les yeux bleus de Kanda vinrent alors croiser ses pupilles dans le silence de la pièce qui suivit leur petite conversation.

« Bien assez parlé de moi. À ton tour, » lui fit le kendoka en se penchant un peu en avant, pressant ses bras contre ses cuisses pour se soupeser.

Oui, c'était légitime. Et puis, il ne savait pas trop pourquoi, mais Allen avait soudain envie… de se confier. De tout lui raconter. De partager sa propre histoire. Ainsi, ne s'étant jamais senti aussi prêt, il se redressa et se racla la gorge.

« Alors, j'ai été vendu au Garvey Circus, et là-bas, on me nommait Red, à cause de mon bras et parce que je n'avais tout simplement pas de nom. »

Et les mots sortirent tous seuls. Il ne s'était jamais imaginé raconter tout cela à quelqu'un un jour. Il aurait pensé ne pas savoir comment mettre des mots sur ce qui s'était déroulé durant sa jeunesse, et pourtant, son discours fut fluide, clair, et le chagrin s'était estompé. Il lui raconta tout.

En parler à Kanda fut… facile ?

« Après cela, tu connais la suite, » finit alors Allen en haussant les épaules, petit sourire amusé se répandant sur ses lèvres. « J'arrive à la Congrégation et je me fais menacer de mort par la première personne que je croise. »

Kanda leva les yeux au ciel à cette entente et laissa retomber légèrement son corps en arrière, prenant appui sur ses bras. Il détailla un instant le Moyashi des yeux dont le récit venait de se terminer, emmagasinant ce qu'il venait d'apprendre là.

« De quelle couleurs étaient tes cheveux, avant tout ça ? » lui demanda finalement Kanda, ses yeux se reposant sur sa tignasse blanche.

Automatiquement, le blandin porta une main à ses cheveux, le bout de ses doigts venant entourer quelques mèches maintenant un peu longues, la plupart attachées en arrière à l'aide de son fidèle ruban rouge.

« J'avais les cheveux foncés, » dit-il, soudain plus nostalgique. « Pas autant que toi, loin de là. Ils étaient châtains, mais ça remonte à si loin que j'en ai que de très vagues souvenirs. »

Difficile d'imaginer le Moyashi avec les cheveux châtains. Kanda se contenta alors de hocher lentement la tête, puis, il se leva, sommier du lit grinçant sous son poids et se tint debout

« Bien, maintenant que tu m'as tout raconté, on est sur la même longueur d'onde. Qu'est-ce que tu souhaites qu'on fasse à présent ? »

Le cœur d'Allen s'agita, scrutant l'autre homme comme s'il avait dit une connerie plus grosse que le Comte Millénaire. Ils allaient avancer à deux. Ils étaient une équipe. Kanda serait là pour l'épauler quoi qu'il arrive.

« Kanda, juste pour qu'on soit clair… » commença cependant Allen en fronçant les sourcils. « Cette dette dont tu m'as parlé, que tu me dois. Elle n'a pas besoin d'être payé, j'ai-… »

« Ce que tu peux être pénible ! » s'exclama aussitôt Kanda qui s'en serait presque arraché les cheveux. « Et encore, je suis trop courtois ! Tu me fais chier, Moyashi ! Accepte l'idée que je fais ça par choix, que je suis libre et qu'il me revient de droit de décider ce que je fais de mon destin ! Rentre-toi bien ça dans le crâne une bonne fois pour toutes avant que je t'en colle une ! »

Et il leva son poing afin d'accentuer ses propos, faisant rire jaune le pauvre Allen. Très bien, il allait accepter. Pour le moment. En plus de tout ça, il se sentait… étrangement bien, après avoir pu partager toute son histoire. Son cœur lui paraissait plus léger.

« Je ne suis pas lié à toi par une stupide dette, c'est clair ? » ajouta ensuite Kanda en abaissant son poing, son regard s'étant soudain quelque peu adouci.

Hochant finalement la tête, Allen retint un sourire soulagé, plus se mit à réfléchir quelques instants à ce qu'il avait appris par l'intermédiaire de son maître lorsqu'il était prisonnier du rêve de Neah.

« Il y a un manoir, quelque part dans le monde. Entouré de champs dorés, avec un arbre équivoque qui semble être aussi âgé que la Terre, » expliqua-t-il, ses yeux se perdant vers le parquet de la pièce. « Je m'y suis rendu lorsque j'étais enclavé dans l'esprit de Neah, et j'y ai pu rencontrer une projection de mon maître. Je ne sais pas trop quel est le niveau de réalité là-dedans, mais… je suis persuadé qu'il faut que je retrouve cet endroit. »

Kanda l'écoutait attentivement, poings serrés, n'étant pas décidé à remettre en doute les décisions et les perceptions du Moyashi. Puis, Allen leva la tête vers Kanda, déterminé :

« Il s'agit de l'endroit où a vécu Neah. C'est là que nous allons trouver des réponses. »

Hochant lentement la tête, Kanda s'approcha du lit où se trouvait le plus jeune.

« Et donc, où se trouve cette bâtisse ? » lui demanda-t-il.

« C'est ça le hic, » s'empressa de répondre Allen, se grattant alors nerveusement le crâne. « J'en ai pas la moindre idée. »

« Quoi ? »

« Eh bien, c'est pas comme si j'avais eu une carte sur moi lorsque je me trouvais devant cette villa. J'ai seulement le visuel en tête, c'est tout… »

Allen se sentit soudain embrassé vis-à-vis de leur objectif qui paraissait si peu clair et sans fondations résistantes. Pourtant au fond de lui, il savait pertinemment qu'il fallait qu'il se rende là-bas.

« Génial, je sens que ça va être une partie de plaisir, » grogna Kanda en se massant les tempes.

Allen aurait pensé que le kendoka s'agace contre lui, lui reprochant de ne pas avoir de plus claires informations à lui fournir. Ou bien ne pas du tout croire en ce qu'il avait pu voir dans ce rêve éveillé. Et pourtant, il sembla qu'à aujourd'hui, il lui offre sa confiance.

Finalement, ils allaient peut-être s'en sortir, tous les deux !

« Rien ne t'oblige à-… »

Mais Allen fut brutalement coupé par l'index que leva Kanda et les yeux profondément meurtriers qu'il lui offrit, lui intimant implicitement de ne surtout pas finir sa phrase. Allen ricana alors et leva ses mains en signe de reddition.

« On s'en occupera demain, après une bonne nuit de sommeil, » annonça ensuite Kanda, regagnant son lit pour tirer la couverture blanche. « J'suis sûr que toi aussi, t'as pas pioncé sereinement depuis des décennies. »

Il disait vrai, le sommeil était venu rarement lors de ses nuits seul avec Timcampy lorsqu'il avait troqué son titre d'Exorciste pour artiste de rue avant que Johnny et Kanda ne le retrouvent. De plus, les derniers événements l'avaient tout bonnement éreinté.

« Que de sages paroles, Kanda. Tu m'épates, » lui fit Allen en lui souriant, lui aussi, retirant la couette pour s'engouffrer avec envie dans le lit.

« Pousse pas trop ta chance, Moyashi, » le prévint Kanda qui s'allongea dos à Allen, ses longs cheveux noirs tombant en cascade contre ses épaules.

« Mon prénom c'est Allen. »

Et cette nuit-là fut l'une des premières nuits depuis un certain temps où Allen parvint à s'endormir rapidement, et à obtenir un bon sommeil réparateur sans cauchemar à l'horizon.

O

Ou du moins jusqu'au petit matin, où Marian Cross vint pénétrer dans ses rêves, habillé de l'uniforme qu'il portait à la Congrégation il y a quelques mois de cela, lui répétant quelques mots. Une simple phrase qui, lorsqu'il l'eut entendue la première fois, avait retourné son estomac.

Lorsque le temps sera venu, il te faudra tuer un être cher.

Allen se réveilla en sursaut, sueur perlant contre ses tempes, le souffle court. La lumière du soleil éclairait toute la pièce et de sa position, le Moyashi qui retombait petit à petit sur terre, pouvait entendre l'animation extérieure.

« Cauchemar ? » lui fit la voix de Kanda à sa gauche.

Allen tourna vivement la tête vers le kendoka qui se trouvait assis sur le rebord de son lit à nettoyer son fidèle Mugen, cheveux attachés comme il pouvait avec ce qu'Allen comprit être une des plumes à écrire qui s'était trouvé dans le pot du petit bureau de la pièce.

« Non, c'est rien, » lui répondit le concerné tout en se frottant les yeux. « Quelle heure est-il ? »

« Le clocher a sonné neuf coups y'a quelques minutes. »

Quoi ? Neuves heures passées ? En général, les premiers rayons du soleil le réveillaient aussitôt. La fatigue avait dû être très intense. Ainsi, Allen retira prestement la couverture qui retomba sur le parquet de la petite chambre, et sauta hors du lit pour se préparer. Alors que Kanda restait calme à astiquer sa lame, le plus jeune enfila un pull à la va-vite au-dessus de sa chemise blanche et entra dans ses bottes.

Tandis qu'il les laçait, assis sur le rebord de son lit, il remarqua du coin des yeux qu'une mèche des cheveux de Kanda était retombée devant son visage et que ce dernier la tirait derrière son oreille. C'était si rare de le voir cheveux détachés, mais aujourd'hui il n'avait pas l'embarras du choix pour les dompter.

Ainsi, une fois près, Allen se pencha vers la table de nuit et récupéra le ruban rouge qui lui était fidèle depuis un long moment désormais, pour ensuite se lever et la tendre à son aîné.

« Tiens prends ça pour attacher tes cheveux. Tu me fais pitié avec ta plume à écrire qui va se faire la malle dans les dix secondes. »

Kanda prit le temps de passer encore deux coups experts contre sa lame puis porta un regard blasé jusqu'au Moyashi qu'il détailla d'un œil critique. Ses cheveux blancs lui arrivaient désormais aux épaules et étaient dans une pagaille sans nom.

« T'en a besoin pour les tiens aussi, imbécile, » répliqua Kanda en reprenant son nettoyage. « T'as vraiment une coupe à faire peur, et puis t'es sans cesse à réarranger les mèches qui gênent ta vision. »

Pas faux. Et tout à fait par reflexe, Allen repoussa quelques mèches en arrière, certaines se piégeant derrière son oreille droite, d'autres retombèrent devant ses yeux gris.

« T'en fais pas, je compte me couper tout ça aujourd'hui, » lui répondit-il en haussant les épaules.

En plus de cela, trop de fois on l'avait pris pour une fille auparavant suite à son visage plutôt fin, loin de lui l'envie de sa recommence avec la longueur de ses cheveux.

« Laisse-moi faire, » lâcha soudain Kanda en se levant.

Mugen en main, le kendoka fit face au Moyashi qui blêmit soudain, reculant d'un pas pour ensuite préciser d'une voix qu'il voulut ferme :

« Chez un coiffeur, Kanda. »

« Gâche pas notre fric pour si peu. »

Et c'est qu'il avait l'air sombrement sérieux, l'autre idiot. Allen déglutit et fronça les sourcils.

« Notre fric ? » répéta-t-il. « C'est moi qui ai tout gagné pendant que tu draguais cette fichue-… »

« C'est elle qui est venue vers moi, » le coupa le Japonais, l'irritation le gagnant d'une traite.

« C'est ce qu'ils disent tous. »

C'était pour le taquiner, Allen adorait pousser les bons boutons. Mais il ne pouvait pas ignorer les souvenirs de la veille, de la jalousie qui l'avait soudain pris pour la première fois à l'égard de Kanda et des mots terriblement blessants de la jeune femme. Allen était habitué, certes, mais alors que dans un petit coin de son esprit, il aurait aimé plaire à Kanda, entendre cette prostituée lui dire tout cela près du kendoka lui avait foutu un coup.

Cependant, il ne put s'étendre sur la question puisque Kanda plaça vivement Mugen juste sous sa gorge.

« OK, tu m'as gavé, » siffla-t-il entre ses dents. « C'est définitivement MOI qui vais m'occuper de ta putain de tignasse. »


Quelques petits moments de douceurs, de partage et de compréhension entre ces deux-là.
J'espère que vous avez pu aimer ce nouveau chapitre, lui aussi très en retard, pardon!

Je vais essayer de poster le plus vite possible, et le plus régulièrement possible. Kiss!