"Les adultes craignent l'enfance, symbole de leur mort."

Yolande Chéné, Peur et Amour


Il était là. Devant nous. Autour de la table, manquaient nombre de mangemorts. Certains étaient morts, plusieurs étaient toujours à Azkaban, quelques-uns fuyaient. Vainement. Quand j'entrais dans la salle, ses yeux se posèrent sur moi. Il était là. Devant moi. Ma raison d'être. La seule que je connaissais alors. Ma vie pouvait reprendre. Ça n'avait été qu'une longue pause depuis 14 ans. J'avais 19 ans et on me réveillait.

-Mes amis, nous voilà réunis, à nouveau. Mais je vois que certains sont absents. Nous libérerons ceux qui m'ont été fidèles. Nous ferons payer à ceux qui sont partis. Et toi, mon arme, tu vas m'y aider.
-Oui, Mon Seigneur.

J'acquiesçai. Je n'avais pas appris à faire grand chose d'autres malgré les 14 ans de son absence.

-Dis-moi, mon arme, as-tu douté de mon retour ?
-Non, Mon Seigneur.
-As-tu cru que j'avais complètement disparu ?
-Non, Mon Seigneur.
-Alors, toi, une enfant, as fait preuve de plus de fermeté d'esprit et de loyauté que des adultes ?
-Oui, Mon Seigneur.
-Qu'est-ce qui t'a empêchée de douter de mon retour, mon arme ?
-Si vous aviez complètement disparu, alors j'aurais disparu avec vous. Je ne vis que pour vous servir. Si vous disparaissez, je n'ai plus d'utilité. Je dois donc disparaître avec vous.
-Ahah ahah.

Le rire de Mon Maître n'a pas fait rire les mangemorts présents. Au contraire, ils ont davantage baissé la tête. Je suppose que ce n'était pas un rire chaleureux.

-Eh bien, vous ne saluez pas notre jeune recrue. Celle qui devrez vous faire honte, vous qui m'avez abandonné.
-Nous n'avons jamais abandonné, maître. Nous avons essayé…
-Pas assez apparemment, Lucius. Je crois vous avoir demandé de saluer, mon arme.

Les mangemorts se sont regardés. Je crois que mon maître rappelait sa domination : ils n'étaient rien face à ses choix. Il dirigeait. Ils obéissaient.

-Bonjour, Kid.
-Bonjour, ai-je répondu.

J'ai appris que ce qu'ils ressentaient c'était le malaise. Ils étaient gênés par ma manière de parler. Ils étaient gênés de nous voir réunis à nouveau, notre maître et moi. Ils n'avaient plus le choix d'obéir. Ils ne pourraient jamais fuir. Ils ne pourraient jamais trahir le Seigneur des Ténèbres. Parce qu'ils savaient. Ils savaient qu'ils ne m'échapperaient jamais. On m'a appris la patience, la ruse, la cruauté. On m'a dépourvue de sentiments altruistes. Je n'avais qu'un maître, qu'un ordre : lui obéir.

Le Seigneur des Ténèbres nous a expliqué son plan, les missions qu'il nous confiait. Nous avions souvent des réunions pour faire des rapports, obtenir nos nouvelles missions.

J'ai participé aux raids contre les moldus. J'ai détruit des maisons, j'ai détruit des vies, des familles. Mais je ne savais pas ce que représentait une famille, aujourd'hui non plus. Qu'est-ce que c'est une vie ? Tous criaient et cherchaient à partir. Je n'ai jamais compris ces réactions. On m'a dit qu'ils avaient peur. Je ne sais pas ce que ça fait d'avoir peur.

J'ai accompagné le Seigneur des Ténèbre près de la prison d'Azkaban. Peut-être que ça a été sa première erreur.

-Vois-tu, mon arme, nous allons bientôt libérer nos alliés.
-Oui, Mon Seigneur.
-Nous allons faire d'une pierre deux coups. Nous allons aussi gagner des alliés.
-Lesquels, Mon Seigneur ?
-Les détraqueurs.
-Les gardiens de la prison ? Ils ont été créés dans un seul but et il n'est pas possible de les faire changer de mission.
-Il suffit de savoir les convaincre. Ce sont des êtres qui veulent se repaître du malheur des autres. Si on leur propose d'avoir accès à un plus grand nombre de victimes, ils n'auront aucune raison de refuser.

Azkaban est sur une île au milieu de nulle part, de la mer. Aucune terre n'est visible. Aucun auror n'assure la garde. Qui aurait encore l'envie de fuir ou n'importe quelle envie d'ailleurs après avoir eu ses espoirs, ses joies aspirés par des monstres sans visage ? Qui en aurait la force ? Quelqu'un qui n'a pas de pensées ou quelqu'un comme moi, je suppose.

Il a parlé avec eux. Autant qu'on peut parler avec eux. Il a montré ses volontés. Ils ont semblé intéressés, selon mon maître. Nous n'avons été assurés de leur bonne volonté que durant l'été quand ils ont attaqué Potter et son cousin. Mais nous n'avons été complètement sûrs de leur alliance que lorsqu'ils ont déserté Azkaban et nous ont permis de libérer les nôtres. En janvier, nous y sommes retournés pour libérer les mangemorts emprisonnés. Nous avons ouvert, explosé serait sûrement le mot juste, les murs. Une fois fait, nous sommes repartis. Mon maître était certain qu'ils suivraient. Il n'a pas eu tort.

Nous étions à nouveau autour de cette table. Nous avions multiplié le nombre de soldats et le cercle intérieur avait regagné ses membres. Enfin, sauf ceux que mon maître a voulu que je poursuive. J'ai passé un mois a pourchassé les fuyards durant l'été. Ils n'étaient pas nombreux mais le monde est vaste quand on ne le connaît pas. Suivre leur piste n'a pas été un problème. Mais c'était la première mission en solo que me confiait mon maître. Je suppose qu'on peut dire que c'était sa deuxième erreur. J'ai vu ce qu'on m'a refusé : l'espace. J'ai rempli ma mission : j'étais programmée pour ça.

Une fois que je les ai tués, je suis rentrée auprès de mon maître. C'était mon ordre. Je n'avais pas encore appris à poser des questions.

Quand je suis entrée dans la salle, le Seigneur des Ténèbres a repris le discours qu'il avait prononcé plus de six mois auparavant.

-Mes amis, cette fois, nous sommes tous ensemble. Cette fois, nous sommes au complet. Je me réjouis de vous revoir tous autour de moi. Je sais que vous, qui avez vécu enfermé pendant de si longues années, avez tout risqué pour me retrouver. Vous m'avez été si fidèles. Votre fidélité sera récompensée. Avec vous et votre puissance, nous parviendront à montrer au monde que seule la pureté peut régner. Avec vous et avec toi, mon arme. L'avez-vous saluée ? Entre, mon arme.
-Oui, Mon Seigneur.
-Eh bien, Azkaban vous aurait-elle privés de votre politesse en plus de votre force ?
-Bonsoir, Kid.

Tous avaient parlé sauf Bellatrix qui me regardait fixement, étrangement. Je crois qu'elle éprouvait une certaine forme de curiosité. Je m'assis à côté d'elle à droite de mon maître.

-Bellatrix, je ne t'ai pas entendue saluer mon arme. Je sais qu'elle n'est que cela mais tout de même.
-Pardon, mon Seigneur. Mais je suis surprise de la revoir ainsi. Tant d'années ont passé. Ce n'est plus vraiment une enfant... Bonsoir, Kid.
-Bonsoir, Bellatrix.
-J'ai de grands projets pour vous. Harry Potter est toujours vivant. Nous allons y remédier mais avant j'ai besoin de lui et de vous pour récupérer un objet très spécial. Toutefois, vous avez besoin de reprendre des forces. Je n'aurais que faire d'hommes et de femmes à peine assez forts pour se lever. Mon arme, tu les remettras en forme. Tu leur permettras de récupérer leur force et leur énergie.
-Oui, mon Seigneur.

Je les ai regardés. J'avais vraiment un doute que certains puissent réellement récupérer. Ils étaient des ombres. Mais c'était ma mission, alors je me suis pliée à la décision de mon maître. Certains ont protesté.

-Nous n'avons pas besoin d'une enfant.
-Nous savons nous débrouiller.
-Nous sommes assez forts.
-Que peut-elle nous apprendre ?
-Vous savez très bien ce qu'elle a réalisé enfant et je sais ce qu'elle a réalisé pendant que vous étiez enfermés. Elle vous entraînera. Si vous êtes si en forme que cela, vous n'aurez que peu de temps à passer en sa compagnie si cela vous dérange tant.

Ils se sont tus. Je crois que j'aurais dû être vexée mais je ne comprenais pas leurs réactions. Qui refuserait de s'entraîner, d'être plus forts ? J'ai compris plus tard que ce qui les dérangeait, c'était moi. Ils me craignaient. Ils ont finalement accepté, comme s'ils avaient le droit de refuser, et sont partis. Nagini est venue vers moi. Je ne l'avais pas vu pendant un an après sa fuite de ma chambre et je ne l'avais croisée que rarement depuis le retour de mon maître. Elle était devenue un élément de ma vie. Je tenais à elle, ce que, encore une fois, je ne comprenais pas à l'époque. Bellatrix était restée et continuait de me regarder. Je tournai le regard vers elle et elle y plongea le sien. Elle essayait de lire mes pensées. Mais il n'y avait rien à lire. Je n'avais pas vraiment de souvenir. Je ne savais pas interpréter mes émotions.

-J'ai hâte de m'entraîner avec toi, Kid, dit-elle avant de partir.

J'étais seule dans ce grand salon du manoir Malefoy avec le Seigneur des Ténèbres et Nagini qui s'enroulait autour de moi.

-Bellatrix est un élément essentiel de mon armée, mon arme. Je veux que tu sois plus dure qu'avec tous les autres. Elle finira par te résister. Je ne sais pas si elle pourra t'égaler mais elle est la plus puissante parmi tous. Je veux que ses capacités soient à leur maximum avant de l'envoyer au combat.
-Oui, mon maître.
-Que penses-tu d'eux ? Parle franchement.
-Ils ne semblent pas vaillants. Ils sont fatigués, amaigris, malades pour certains. Il faudra beaucoup de temps pour qu'ils se remettent.
-Ils ont quelques mois. Tu as quelques mois, n'échoue pas.
-Oui, mon maître.
-Que penses-tu de Bellatrix ?
-Elle est en meilleure santé et en meilleure forme. Elle dégage une certaine énergie. Mais elle est imprévisible.
-Elle est capable de tout pour la cause. C'est la meilleure mais c'est aussi la pire. Tu as raison, elle est imprévisible.

Il se leva et me tourna le dos. Il réfléchissait.

-Demain, à six heures tu commences l'entraînement. Un elfe te mènera à ta chambre. Tu as interdiction d'en sortir à moins qu'un elfe ne vienne te chercher ou que j'en donne l'ordre, est-ce compris ?
-Oui, mon maître.