Couple : Minos x Rune

Rating : 12+

Univers: Canon série origine, se passe avant la guerre sainte

Genre : romance fluffy

J'avais écrit cette histoire au début de la saison des fraises


Le fraisier qui devint laurier

Rune s'était installé à l'ombre d'un arbre dans les jardins du château d'Heinstein. Il profitait du temps printanier agréable pour y lire tranquillement. Minos et lui avaient l'après-midi de libre. Ils aimaient profiter de ces moments pour remonter à la surface afin d'apprécier un peu la clarté du soleil. Ils avaient beau être des spectres au service du Seigneur des ténèbres, ils restaient tout de même des humains ayant un besoin presque vital de luminosité pour leur santé et leur moral.

Avec l'arrivée des beaux jours, les deux norvégiens ne manquaient pas l'occasion de s'oxygéner. Ils s'installaient simplement en pleine nature, l'un contre l'autre, chacun lisant un livre ou discutant du futur. Minos aimait aussi s'allonger dans l'herbe, la tête sur les genoux de Rune afin de profiter d'une petite sieste dans son giron, lorsqu'il ne s'amusait pas avec ses longues mèches argentées.

Pour le moment, seule la brise soulevait ses cheveux. Minos s'était absenté pour préparer du thé au sein même du manoir. Il en mettait du temps ! Peut-être était-il encore en train de se chicaner avec Rhadamanthe de la Wyverne, en repos également. Ces derniers jours, les nerfs du juge blond étaient mis à rude épreuve à cause de son allergie au pollen qui l'empêchait de profiter de la douce météo.

Les deux frères entretenaient une relation à la fois respectueuse, admirative mais également pleine de rivalité. Ils s'appréciaient et respectaient la force l'autre, mais d'un autre côté, ils ne pouvaient s'empêcher de se quereller pour la moindre broutille. Presque une relation fraternelle normale finalement. Rune sourit en les imaginant en train de se balancer des vannes.

– Qu'est-ce qui te fait sourire ? demanda Minos qui revenait vers lui, les bras chargés d'un encombrant plateau.

Il s'agenouilla pour déposer son fardeau au sol avant de se rapprocher du Balrog pour réclamer un baiser. Leurs lèvres s'unirent tendrement et leurs mains se trouvèrent pour entremêler leurs doigts. Minos bougea son bras libre pour venir enlacer la taille de son très cher assistant et l'attirer davantage contre lui. Les deux hommes passaient une grande partie de leurs temps ensemble, que ce soit dans leurs fonctions aux Enfers ou lors de leurs moments de repos, même leurs repas et leurs nuits. Ils partageaient tout sans se lasser, sans étouffer. Ils s'aimaient follement et ressentaient ce besoin viscéral d'être proche l'un de l'autre, comme un végétal qui apprécie le soleil pour se développer.

– Tu as faim, mon cœur ? demanda le juge. Je t'ai rapporté un en-cas de qualité.

Sur le plateau, Minos, en plus du thé, avait rajouté un récipient rempli de fruits rouges, des fraises. Enfin elles étaient là ! Son fruit favori, même si Rune ne l'avait jamais dit à voix haute, pas même à Minos. Aimer les fraises avait une connotation mignonne, bien indigne d'un spectre de son grade. Si Rune ne craignait pas la mort, ni la guerre, il redoutait affreusement de déshonorer son Seigneur.

A ses yeux, Minos était le plus prestigieux et le plus important des juges. L'assister et même le remplacer à la cour des défunts le couvraient d'honneur. Chaque jour, il mettait tout en œuvre pour s'appliquer dans ses tâches et garder une attitude droite et fière en toute circonstance, ou presque. Il lui arrivait parfois que le stress ne lui fasse perdre ses moyens, mais Minos savait apaiser ses nerfs au moyen de câlineries.

– Il me semble que tu les aimes, n'est-ce pas ?

– Les fraises ont effectivement de bonnes valeurs nutritionnelles. En consommer est bénéfique...

– Rune, tu sais que tu n'as pas besoin de me cacher quoi que ce soit, sourit Minos amusé par l'esquive de son compagnon.

– Comment ça ?

– Tu crois que je ne sais pas que tu aimes les fraises.

– J'aime tous les fruits en général. Ils sont une bonne source de vitamines et de fibres.

– Et plus particulièrement la saveur acidulée et très parfumée de la gariguette. Rune, cela fait une éternité que je t'observe. Je commence à bien connaître tes changements d'expressions en fonction des circonstances ou ce que tu manges. Qu'importe la génération, tu ne changes jamais, à mon plus grand bonheur parce que je raffole de ton visage. Il est d'une incroyablement richesse. Tu es un trésor à toi tout seul, mon trésor à moi.

– Arrêtez Seigneur Minos.

Le procureur détourna la tête, affreusement gêné par les propos de son supérieur. Son teint s'était harmonisé avec celui de ce fruit printanier qu'il adorait. Depuis le début de leur relation, Minos n'avait jamais été avare en compliment, mais Rune les acceptait toujours difficilement. Jamais il n'oserait prétendre être aussi splendide que ce prestigieux juge et cet ancien roi. Des éloges venant de cet homme l'honoraient autant que s'ils venaient des Dieux eux-mêmes.

La pointe d'une fraise vint se déposer sur ses lèvres. A ses côtés, Minos souriait comme un bienheureux. Ses yeux d'or brillaient plus que l'astre solaire qui les gâtait depuis plusieurs jours.

– Ouvre la bouche, mon cœur.

– Je peux les manger tout seul.

– Tu risquerais de tacher ton livre.

– Mais je...

– Ruuuuune, susurrait Minos en insistant bien sur le nom de son partenaire, oserais-tu me contrarier ?

La technique secrète de Minos, l'intimidation en jouant sur son statut de supérieur et d'ancien monarque, terriblement efficace sur Rune qui lui obéissait aveuglément, non par soumission mais par fascination. Une sorte de manipulation sentimentale à laquelle il cédait volontiers.

En vrai, Rune n'était pas tenu d'obéir. Minos ne le forçait pas réellement. C'était plus un jeu entre eux, lorsque l'humeur était au rendez-vous comme à cet instant. Le Griffon connaissait suffisamment son compagnon pour savoir quand user de cet atout.

– Jamais mon Seigneur, répondit immédiatement le Balrog en laissant le fruit pénétrer sa bouche.

La première fraise de cette année. Une délicieuse gariguette qui, dès qu'il la croqua, inonda son palais de son jus si exquis. Une saveur inoubliable mais qui le surprenait de nouveau chaque année. Cette fois encore, le charme opéra. Ses papilles émerveillées enclenchèrent une myriade de réaction en chaîne dans son corps. Tous ses sens s'éveillèrent. Ses yeux pétillèrent de bonheur. Un long frisson chatouilla sa peau et son visage se déforma en une expression de complète satisfaction. Même son nez oublia la fragrance du pollen que faisait voler la brise. Son odorat n'était captivé que par le parfum du fruit qu'il mastiquait avec lenteur, appréciant ce moment qui ne se produisait qu'une seule fois par an. Définitivement, la fraise était son fruit préféré, et la gariguette la meilleure variété.

Rune avait même fermé les yeux pour capter son attention sur le goût. Tout à sa dégustation, il ne remarqua pas la jalousie s'emparer petit à petit de Minos. Le juge fronçait les sourcils. Est-ce qu'il était en train de se faire voler la vedette par une baie ?

Comme pris d'une intuition, il saisit subitement le visage de Rune pour l'embrasser frénétiquement. Surpris, le Balrog s'empressa d'avaler sa fraise pour répondre à l'ardent baiser de son partenaire. Leurs langues et leurs salives se mélangèrent. Les restes du jus fruité titillèrent quelque peu les papilles de Minos qui comprit immédiatement la béatitude de Rune. Oui, les fraises étaient délicieuses. Lui aussi les adorait, mais était-ce une raison suffisante pour le cocufier de la sorte ? Minos se promit de lui faire payer ce petit écart.

Le majestueux Griffon adorait trouver le moindre prétexte pour jouer les dominants. Son esprit ne manquait pas d'imagination pour infliger de douces tortures à son bel amant. Au sommet de ses fétichismes, il se plaisait à immobiliser Rune pour stimuler ses zones érogènes, chatouiller ses points sensibles, chuchoter dans ses oreilles des textes ou des lois célèbres tout en taquinant les lobes de sa langue. Il glissait également ses doigts dans ses cheveux, peignant ainsi ses splendides mèches argentées, jouissant de leur douceur. Il effleurait aussi son dos du bout des ongles, lui provoquant d'intenses frissons avant de descendre plus bas, vers son point culminant, et tout ça en se délectant de ses soupirs de plaisir.

– Rune, dit tout bas Minos, son front contre celui de son procureur, je ne laisserai rien ni personne me détrôner dans ton cœur. Pas même une fraise, aussi bonne soit-elle.

– Qu'est-ce que tu racontes ? Rien ne peut te remplacer. Je t'aime Minos, plus que les fraises, plus que les livres, plus que tout. Tu es mon met favori.

– Et je suis à volonté toute l'année, pas juste trois pauvres mois.

Leurs lèvres se trouvèrent à nouveau et leur bras se resserrèrent sur leurs corps minces et musclés. Minos poussa Rune pour l'allonger doucement dos au sol, sans rompre leur baiser. Le dos de la main caressait le visage bien-aimé, tandis que celles de Rune frottaient le dos du juge.

– Le thé va refroidir, dit alors Minos en se redressant et en tendant sa main à Rune pour l'aider à faire de même.

Ils dégustèrent l'intégralité du récipient de fraises qu'avait rapporté Minos, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une qu'aucun d'eux n'osait prendre.

– Où les as-tu trouvées ? demanda Rune.

– Ici. Il y a une serre au fond du jardin. Aucune culture semée, mais comme les fraisiers sont des vivaces, ils sont toujours là, probablement de l'époque où ce lieu était encore vivant. Dame Pandore a dû continuer à les arroser pendant toutes ces années.

– Il y a en a d'autres ?

– Au moins une centaine de pieds de différentes variétés. On va pouvoir s'en régaler tout le printemps. Ça devrait te réjouir, non ?

Face à ce sous-entendu, Rune décida de voler la dernière fraise du récipient pour la coincer entre ses lèvres. Minos comprit son idée et se rapprocha pour venir croquer l'autre moitié du fruit, faisant ainsi encore entrer leurs lèvres en contact. L'embrassade se poursuivit, faisant couler du jus sur leurs mentons. Gêné, Rune recracha carrément sa moitié de fraise dans l'herbe avant de revenir à la charge. Il posséda fébrilement les lèvres du Griffon, les savourant bien plus que n'importe quel autre met, lui prouvant ainsi qu'il avait d'ores et déjà résolu ce dilemme.

– Je renoncerai à tout ce qui régit ce monde. A des fraises, à des livres, même à mes fonctions, mais jamais à toi, Minos. Alors s'il-te-plait, ne sois pas jaloux que j'apprécie de manger quelques fraises en dessert, sinon je te réserve un digestif que tu n'es pas prêt d'oublier.

– Quand je pense que c'est moi qui avais l'intention de te sévir pour avoir fait les yeux doux à ce récipient.

– Merci de me prévenir que je dois rester sur mes gardes. Je te conseille d'en faire autant, sourit lubriquement Rune.

– Tu veux me soumettre ? Rune, oserais-tu me contrarier ? tenta à nouveau Minos.

– Ce n'est que justice, mon Seigneur.

Le jeu de domination de Minos avait une faille, et c'était bien celle où Rune décidait de se rebeller en arguant la justice comme défense. De fausses hostilités s'engageaient alors entre les deux hommes. Question d'imagination et de clairvoyance pour piéger l'autre et échapper à leur sentence, ils jouaient clairement dans la même catégorie. La première fois où Minos s'était fait avoir en beauté par un Balrog déterminé à le dominer, il avait été bien surpris de l'audace dont était capable son sérieux procureur. Rune n'était définitivement pas à sous-estimer, même si la plupart du temps, il se montrait coopératif, docile et d'une sensualité appétissante qui le charmait à chaque fois. Vraiment le partenaire idéal.

– Viens, dit Minos plus calmement en prenant la main de Rune pour l'installer sur ses jambes. Je suis en train de me dire que notre amour est comme un fraisier.

– Pardon ? Mais les fraises ne poussent qu'au printemps. Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

– Les fraisiers sont productifs sur une petite période, mais ils ne meurent jamais. C'est un peu comme nous depuis des générations. Nous dormons pendant deux siècles avant de renaître encore et encore en tant que spectre. Nous nous aimons intensément, sur une courte durée, avant de finalement retourner à notre sommeil car nous n'avons jamais gagné la guerre. C'est dur, c'est long, comme d'attendre le prochain printemps pour manger à nouveau des fraises. Mais le plus important c'est qu'à chaque fois, nous nous retrouvons et notre amour peut à nouveau fleurir.

Cette petite comparaison, au lieu d'émerveiller Rune, lui embua les yeux. Il s'empressa d'essuyer ses larmes naissantes, mais l'idée que Minos pouvait potentiellement mourir une fois de plus l'emplissait de tristesse. Même avec la garantie de se retrouver sur une nouvelle génération, il ne voulait plus revivre ça, et il savait que Minos non plus d'ailleurs.

– Rune ? s'inquiéta Minos. J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas, mon cœur ?

– Je ne veux pas de ça. Je ne veux plus te perdre, Minos. Je veux qu'on gagne la guerre cette fois. Je veux qu'on vieillisse ensemble. Je ne veux pas qu'on soit une plante vivace, mais un arbre ou un arbuste persistant et robuste qui tient le coup même en hivers. Comme un laurier, le symbole de la victoire.

Minos essuya la larme qui coulait sur la joue de son amour avant de bécoter tendrement le sillon qu'elle avait laissé. Il s'en voulait un peu de le faire pleurer. Ce qu'il pouvait se montrer indélicat par moment, oubliant combien Rune était sensible. Il rapprocha son homme tout contre lui, l'enlaçant avec tendresse pour le réconforter et l'incitant à déposer sa tête sur son épaule.

– Nous gagnerons cette fois, mon amour, le rassura Minos. Les rapports disent que l'armée d'Athéna de cette génération s'est considérablement affaiblie à cause de conflits internes. Nous avons tous les atouts de notre côté. Le nombre, l'organisation, la puissance, alors n'aie crainte, cette fois-ci est la bonne. Par Hadès, moi aussi je rêve de te serrer dans mes bras chaque jour pendant des années. Je renoncerai à bien des choses pour ne plus avoir à me soucier de notre survie. A vrai dire, je rêve que nous passions nos hivers isolés dans un chalet à la montagne, dans le belle Norvège qui nous a vus naître tous les deux à cette génération. J'ai vraiment un coup de cœur pour ce pays.

– Moi aussi. Ce programme me convient parfaitement mais… qui est-ce qui s'occuperait de la bibliothèque en notre absence ? Je m'en voudrais si quelqu'un venait à les abîmer.

– J'étais sûr que tu dirais ça, s'esclaffa Minos. Rassure-toi, on trouvera quelqu'un de confiance, et on lui fera bien comprendre ce qu'il risque s'il faillit à sa tâche. Ce n'est pas une bibliothèque qui va me faire renoncer à un hiver douillet avec toi.

– Il faudra prévoir des livres si on s'isole pendant des mois.

– On louera une semi-remorque juste pour transporter les livres, rit le juge.

– Tu te crois drôle, répliqua Rune amusé lui-aussi.

– Entre toi et moi, en fait j'exagère à peine. Surtout que je n'ai pas l'intention d'acheter d'objet électronique comme une télévision, une radio ou quelque chose dans le genre. De vrais tue-l'amour ! Rien ne vaut les livres papiers, les journaux, les tourne-disques, un feu de cheminée, une large baignoire, un grand lit dans lequel on se blottirait ensemble sous d'épaisses couvertures.

– Pas trop grand le lit, spécifia le procureur. Je ne veux pas mettre de distance être nous.

– Pas d'inquiétude là-dessus. Au programme de l'hivers prochain, ce sera lecture dos à dos, cuisine côte à côte, randonnée main dans la main, câlin collé serré, bain réchauffant relaxant, érotique aussi, ça va de soi.

Nouvelle rougeur de Rune qui cacha expressément son visage dans l'épaule de Minos, lequel se moqua légèrement en embrassant ses cheveux.

– Et juste devant l'entrée, on plantera deux lauriers robustes pour nous rappeler que nous avons gagné et que nous pouvons rester ensemble pour toujours, conclut le Griffon en repensant aux paroles de Rune.

– J'ai hâte qu'arrive le prochain hiver.

– Pour aujourd'hui, est-ce que ça te dirait qu'on aille ensemble jusqu'à la serre piquer d'autres fraises ? Il y a beau avoir plus de cent pieds, Eaque est assez gourmand pour tous les manger lui-même.

– Je te suivrai jusqu'au bout du monde, Minos.

Ils marchèrent un peu dans les jardins d'Heinstein, doigts entremêlés, appréciant encore la brise qui faisait voltiger leurs cheveux.

– Après la guerre, je me demande si je ne vais pas me mettre à écrire des histoires, songea Minos.

– Vraiment ? s'intéressa immédiatement Rune, les yeux brillant d'impatience et de curiosité.

– J'ai envie d'écrire une histoire qui parle d'un fraisier qui devint un laurier.

Ou une métaphore de leur amour.