Pour cette histoire, ça sera du Orphée/Sorrento. J'avais envie d'écrire sur un couple de musiciens, ils étaient donc parfaits pour cela.

D'autant plus, ça sera le premier OS de ce recueil sur Orphée avec un marina, suite à sa mise en couple avec un chevalier, puis un spectre (enfin plutôt un dieu mais un être des Enfers quoi). Donc le cycle est bouclé en quelque sorte, pour le prochain ça sera sûrement avec un chevalier à nouveau.

Disclaimer : les personnages ne m'appartiennent pas.


Concerto pour flûte et lyre

Par une belle et rafraîchissante journée d'automne, Poséidon accompagné de son fidèle marina : Sorrento de la Sirène, s'étaient déplacés jusqu'au Sanctuaire d'Athéna. Cette dernière les avait invités à lui rendre visite, afin de pouvoir s'entretenir avec eux et parler de diplomatie, il fallait qu'ils préservassent les liens entre les deux sanctuaires. En effet, depuis la fin de la guerre sainte contre Hadès, les dieux avaient décidé de mettre chacun du sien pour établir un pacte de paix entre eux, épuisés par ces conflits millénaires. Ainsi furent ravivés tous les soldats, qui au fond n'étaient que des victimes du destin et des sombres desseins des dieux. Ce n'était donc que justice de leur rendre ce qu'ils avaient perdu au combat, dorénavant, ils ne vivraient que pour eux-mêmes.

Touchés par cette attention, la plupart des guerriers avaient décidé de rester au service de leur divinité. Destin ou non, ordre divin ou pas, ils avaient été leurs serviteurs pour beaucoup de leur propre-chef, et ils n'allaient pas remettre en question leur choix et ce qu'ils étaient jusqu'à présent.

Poséidon qui entre-temps s'était réveillé, avait participé d'une certaine manière à la guerre, fut donc aussi concerné par le traité. Il retrouva tous ses généraux, Sorrento seul survivant fut nommé nouveau chef des marinas. Ensemble, avec l'aide des deux autres camps, ils avaient commencé à reconstruire le Sanctuaire sous-marin de la Méditerranée. L'esprit du dieu résidait dans l'enveloppe charnelle de Julian Solo, néanmoins, ils s'étaient concertés et étaient parvenus à un accord : Poséidon ne se manifesterait que lors des événements diplomatiques, dans les cas d'urgence et quand il devrait donner des ordres spécifiques à ses troupes, le reste du temps, Julian aurait pleine possession de son corps et serait libre de faire ce qu'il voulait.

Arrivés au pied du domaine sacré, ils furent accueillis par Kanon des Gémeaux, ce dernier était chargé de les escorter jusqu'à la déesse. A l'étonnement générale, ce fut le gémeau lui-même qui s'était porté volontaire pour effectuer cette tâche. Personne n'avait osé contester sa décision, en voyant le sérieux et la détermination qui émanaient de lui, pas même son frère qui s'inquiétait de cette futur rencontre. Saga était au courant du passif qu'avait son frère avec le dieu des océans, ce fut loin d'être glorieux : son cadet avait l'avait dupé des années durant, il avait peur qu'il en subît son courroux quand il le verrait. Et malgré tout ce qu'il s'était passé, il tenait énormément à lui et refusait de le perdre encore une fois... C'était pour cela qu'il le surveillait de loin, si les choses venaient à déraper, il serait là pour lui venir en aide.

De son côté, Kanon avait tenu à le faire, bien qu'il sût que cela impliquerait qu'il dût revoir celui qu'il avait trompé autrefois. C'était justement pour cela qu'il avait insisté, pour lui faire face, il ne voulait pas fuir ses responsabilités. Le gémeau ne savait pas comment il serait perçu, mais il s'en moquait bien, s'il devait recevoir un châtiment de la part du dieu, qu'il en fût ainsi. Rien ne le ferait reculer, il irait jusqu'au bout, c'était sa manière à lui de se repentir.

Les deux invités furent bien surpris d'apprendre que c'était lui qui les guiderait, honnêtement, ce fut bien la dernière personne qu'il penserait voir ! Et pour cause, au vu de leur passé, ce serait logique de s'éviter. Poséidon lui gardait encore une certaine rancœur pour s'être joué de lui, mais en vertu du traité de paix, il ne ferait rien qui pût lui porter préjudice. Quant à Sorrento, lui aussi éprouvait encore de l'animosité envers l'ancien Dragon des mers, c'était en parti de sa faute s'ils avaient combattu à l'époque, et pour la plupart mourir au nom de ses idéaux, et non ceux de leur divinité. Cependant, le jeune musicien pouvait deviner son désir sincère de pardon, cela atténua quelque peu sa rancune.

Le trajet se fit donc sans encombre, ils arrivèrent au temple d'Athéna, après avoir gravi les escaliers zodiacaux. La déesse et le Grand Pope les y attendaient, suite aux salutations et autres formalités, leur réunion pouvait commencer.

Tout se déroula pour le mieux, les discussions allaient de bon train, rien à signaler ni à redire. Le dieu des océans fut agréablement surpris par le changement qu'il y avait eu chez la jeune fille : elle avait mûri et sa personnalité était plus affirmée que la dernière qu'il l'avait vue. Saori Kido était devenue une déesse confirmée et prenait son rôle très à cœur. La réunion s'acheva donc sur des notes positives. Saori leur avait apprêté des chambres et mis du personnel à leur service, elle avait tout soigneusement préparé pour qu'ils passassent un bon séjour dans son domaine. Elle avait même organisé un concert qui serait donné en l'honneur du dieu, une attention qui plut au concerné.

Le soir même après un somptueux dîner, ils se retrouvèrent dans l'amphithéâtre, récemment construit pour ce genre d'événement. Tous les chevaliers étaient présents : bronzes, argents, ors... aucun ne manquait à l'appel, sauf un en particulier. Poséidon prit place à droite d'Athéna, Sorrento s'installa à côté de son seigneur.

L'édifice était plongé dans la pénombre, seules les lumières des astres éclairaient le lieu. Quand le calme régna, une personne fit son apparition sur la scène : un jeune homme aux cheveux bleu céleste et aux yeux aigue-marine, tenant une lyre d'orfèvrerie. Il s'agissait d'Orphée, le chevalier d'argent de la Lyre. Ce dernier avait accepté de jouer pour leurs hôtes, à la demande de la déesse.

Sans plus de cérémonie, il commença à pincer doucement les cordes de son instrument, et dès les premières notes jouées, l'enchantement opéra. Le son que produisait sa lyre était un vrai délice pour leurs oreilles, une sonorité claire et pure comme le cristal. Ajouté à cela, son talent de musicien et d'interprète, qui les emportait complètement. Le voir jouer d'un air paisible sur cette scène baignée par le clair de lune, resplendissant dans son armure d'argent rendue étincelante par la lumière sélénite, lui conférant une aura mystique empreinte de sérénité, ainsi qu'un aspect éthéré. La mélodie jouée était douce et un brin mélancolique, celle-ci émut l'auditoire, tous écoutaient attentivement dans un silence religieux.

Parmi tous les spectateurs, il y en avait un qui était encore plus fasciné par l'artiste que les autres : Sorrento ne pouvait détourner son regard tant la vision était à couper le souffle, c'était à peine s'il osait cligner des yeux, ne voulant pas rater une miette du spectacle. Alors c'était lui Orphée, le virtuose dont il avait tant entendu parler, sa réputation dépassait les frontières du Sanctuaire et elle n'était pas à refaire ! Jamais il n'aurait cru un jour l'écouter jouer, c'était encore mieux que ce qu'il imaginait ! Quel charisme, quelle prestance… Son interprétation était tout simplement sublime, l'Autrichien n'avait rien vu, ni entendu quelque chose de similaire auparavant. Tous ses sens furent en éveil, essayant de capter toutes les nuances de sonorités, les différents timbres, le tempo et le rythme de la musique, d'enregistrer l'image que renvoyait Orphée à cet instant. Ce fut alors ainsi qu'il ressentit toute une palette d'émotion, c'était à la fois de la joie et de la tristesse… Était-ce ce que voulait transmettre le lyrode ? Dans tous les cas, cela l'émouvait au point qu'il en eut les larmes aux yeux. Jamais une mélodie ne lui avait fait autant d'effet, c'était incroyable.

Quand le récital s'acheva, il y eut un moment de silence avant qu'un tonnerre d'applaudissements résonnât. Tous furent ébranlés par cette prestation, même Poséidon reconnut son habilité, il comprenait maintenant comment Hadès fut charmé par ce chevalier. Peu de personne était insensible au son de sa lyre, et il ne faisait pas exception. Aussi, il s'était empressé d'aller féliciter le virtuose, ayant grandement apprécié ce concert qui lui avait été dédié. Des louages qu'Orphée reçut avec modestie, bien que flatté d'avoir su toucher le cœur de leur invité.

Le lendemain, Sorrento se promena machinalement à travers le Sanctuaire, il repensait encore à ce chevalier d'argent dont l'image et l'habilité l'avaient marqué au fer rouge. Il devait avouer qu'il aurait aimé pouvoir discuter avec lui, et pourquoi pas se lier d'amitié aussi. Cependant, le lyrode fut introuvable, d'autant plus, il devait admettre qu'il se sentait un peu intimidé face à l'immense talent de ce musicien… De toute manière, il devrait bientôt repartir, ils ne se reverraient peut-être jamais ? Tant pis, il faudrait qu'il se fît à cette idée.

Un peu dépité, il s'arrêta au bord d'une falaise surplombant la mer, s'installa sur un rocher et contempla le paysage. Mine de rien, regarder l'océan, le ressac des vagues et humer l'air marin, l'apaisaient. Ce n'était pas étonnant qu'il fût un des généraux marins, tous aimaient l'océan et se sentaient dans leur élément. Cela lui inspira, soudainement, l'envie de jouer de la flûte. Alors il sortit son instrument, ferma les yeux et commença à jouer un air entraînant.

Alors que l'Autrichien jouait de façon insouciante, loin de se douter qu'il était seul dans cet endroit. Une personne passant par-là, à ce moment précis, et fut attirée par la mélodie.

Cela s'avérait être Orphée qui se baladait à travers le domaine, et entendit tout à coup le son d'une flûte. Il trouvait cela intriguant, ne connaissant personne dans l'enceinte du Sanctuaire capable de jouer de cet instrument. D'autant plus que ça devait être un vrai musicien, pas juste un amateur, qui pratiquait : il n'y avait aucune fausse note, la mélodie était belle et envoûtante. Le Grec se dirigea donc vers la source du son, et fut surpris de découvrir que ce fût le marina produisait une telle ariette.

Ce fut la première fois qu'il le voyait, il avait déjà entendu parler de ce fameux guerrier, mais il était loin de se douter qu'il s'agissait d'une personne aussi jeune. Malgré tout, il reconnaissait sans mal le talent de ce garçon aux cheveux mauve. Il y avait quelque chose de beau dans sa manière de jouer, suscitant, chez lui, l'émoi comme aucun autre musicien n'avait su le faire, jusqu'à maintenant. Cette symphonie lui procurait lui procurait une sensation de bien-être et de béatitude, il pourrait l'écouter pendant des heures sans se lasser, tant elle était agréable.

Sorrento sentit une présence près de lui et interrompit son morceau, en tournant la tête, il fut ébahi de constater qu'il s'agissait du lyrode. Il ne s'attendait pas à le revoir à un tel moment ! Ni à le revoir tout court d'ailleurs... Pris au dépourvu, il ne sut quoi dire. Ce fut Orphée qui brisa le silence.

« Oh je suis désolé si je vous ai perturbé dans votre performance. Je n'ai pas pu m'empêcher de m'arrêter pour écouter cette belle mélodie. Le son de cette flûte est vraiment ravissant.

— V-Vraiment ? Un tel compliment de la part de quelqu'un d'aussi reconnu que vous est un honneur.

— Eh bien... je suis flatté que vous pensiez cela de moi. Mais ce n'est pas un peu exagéré ?

— Oh que non ! Votre réputation n'est pas surfaite ! Votre récital d'hier était réellement magnifique... J'en ai encore des frissons rien que d'y repenser...

— Cela vous a plu ? Je suis ravi de le savoir, et honoré, par la même occasion, de recevoir un tel éloge. Surtout venant d'un autre musicien, qui plus est pas moins brillant.

— Je... Je ne sais que dire... Ma façon de jouer n'a rien de bien exceptionnelle...

— Ne soyez pas si modeste, je le pense sincèrement. La musique vient du cœur, le vôtre est bon et pur... cela se ressent dans votre jeu qui a su m'émouvoir. »

Incroyable, Shun d'Andromède lui avait dit la même chose lors de leur affrontement. Et le fait qu'Orphée, une personne d'un tel calibre, confirmait ses dires, ne fit qu'accroître ce sentiment de fierté qui naissait dans sa poitrine.

Ce fut le début d'une belle amitié entre les deux guerriers, ils passèrent le reste de la journée ensemble, à parler de musique, apprendre à mieux se connaître. C'était agréable d'échanger avec une personne ayant les mêmes passions que soi, ce fut dommage qu'il n'y eût pas d'autre instrumentiste au sein de leur sanctuaire respectif. Alors autant en profiter et saisir l'occasion quand elle se présentait. Le temps passa si vite, qu'il fut déjà le dernier jour du séjour des deux invités, l'heure des aux revoir avait sonné. Le marina de la Sirène fut un peu triste et déçu de devoir se séparer de son nouvel ami aussi vite, il aurait tant aimé pouvoir passé plus de temps en sa compagnie...

Voyant l'air attristé de Sorrento, le Grec lui promit qu'ils se reverraient, car lui aussi aimerait discuter de nouveau avec lui. Cette promesse l'avait empli de joie, il avait hâte de leur prochaine retrouvaille !

Un mois passa depuis leur venue au Sanctuaire d'Athéna, une routine s'était installée chez Poséidon et se déroulait comme à l'accoutumée. Mais pas aujourd'hui, quelque chose inattendue était arrivée : ils recevaient de la visite, celle d'Orphée de la Lyre. En effet, les différents domaines sacrés avaient décidé d'envoyer des émissaires, une fois de temps en temps, en tant que représentant de leur divinité pour parler d'affaire. Et ce fut le chevalier d'argent qui s'était porté volontaire pour faire le trajet jusqu'au Sanctuaire sous-marin. Bien sûr, ce fut en parti pour revoir son ami, néanmoins, il n'était pas du genre à ne pas faire son travail ou à le bâcler. Une fois sa mission accomplie en bonne et due forme, il consacra le reste de son temps à le passer en compagnie du flûtiste.

Orphée eut le privilège d'écouter Sorrento, à nouveau, jouer de sa flûte traversière dorée. Ah vraiment, ce son l'avait manqué, c'était un véritable bonheur de le réentendre. Une idée germa, tout à coup, dans son esprit.

« Et si nous jouions ensemble ? Proposa-t-il de but en blanc.

— En-Ensemble ? Tu veux dire... toi et moi, en même temps ?

— Oui, toi à la flûte et moi à la lyre. Ce serait intéressant et amusant, je pense.

— Oh c'est une excellente idée ! Ce serait une grande faveur pour moi de t'accompagner.

— Non, pas en tant qu'accompagnateur. Nous formerons un vrai duo, ça me ferait très plaisir de faire un tandem avec toi.

— Le plaisir est partagé. J'espère que je serai à la hauteur...

— Je n'en doute pas une seule seconde, je pense savoir quelle musique nous conviendrait pour accorder nos deux instruments. »

Le Concerto pour flûte et harpe en ut majeur K. 299/297c de Mozart, telle fut la composition qu'avait choisit le chevalier, une sélection judicieuse qui devrait leur convenir. L'Autrichien en avait déjà entendu parler, après tout, il venait du pays de cet illustre compositeur, et avait été un étudiant en musique avant d'être général marina. C'était justement son amour pour ses œuvres, notamment l'opéra de La Flûte enchantée, qui l'avait poussé à suivre la voie de la musique.

Ils répétèrent ainsi longuement avec ardeur, à chaque fois qu'ils eurent l'occasion de se voir. Mettant à profit leur temps libre pour faire une activité qu'ils appréciaient, pratiquer l'un avec l'autre était exaltant. Qui aurait crû qu'ils pourraient s'entendre avec leurs ennemis d'hier ? La paix était réellement bénéfique, quelle joie de pouvoir en profiter pour faire de nouvelles rencontres et mener de nouvelles expériences. Au terme de nombreuses heures d'entraînement commun, ils finirent par réussir à jouer, ensemble, en harmonie. Malgré le fait que la partition fût pour un flûtiste et un harpiste, grâce au génie d'Orphée qui sut l'adapter pour sa lyre.

« Nous avons réussi ! Nous sommes parvenus à un résultat satisfaisant ! S'engoua Sorrento.

— Oui, c'était grisant ! Je n'avais jamais fait de duo auparavant, faute de n'avoir rencontrer aucun autre musicien. J'aimerais continuer à jouer avec toi, c'est si plaisant.

— Je suis tout à fait d'accord, j'ai vraiment adoré. Nous devrions remettre ça, et essayer de trouver d'autres musiques.

— Je suis partant. Et nous pourrions, un jour, organiser un concert pour nos deux sanctuaires.

— L'idée me plaît beaucoup. Et peut-être que ça inspirerait d'autres personnes à s'initier à la musique ?

— Ça serait génial ! Commençons à planifier tout cela. »

Les mois passèrent, les deux mélomanes continuèrent à se rendre visite régulièrement pour perfectionner leur morceau. Cependant, quelque chose changea : de nouveaux sentiments émergèrent suite à autant de rencontres, ce qui les avait grandement rapprochés, et l'admiration se transforma en une sensation plus forte. Ce sentiment inédit perturba Sorrento, chaque fois qu'il fut proche du lyrode, il sentit son cœur s'accélérer, accompagné d'une chaleur monter en lui. Il le trouvait beau et attirant, il se surprit à penser qu'il souhaiterait demeurer à ses côtés. Jamais auparavant, il eut de telles pensées pour quelqu'un. Toutefois, est-ce que le sentiment était réciproque ? Orphée avait l'air d'apprécier sa compagnie certes, mais est-ce qu'il le regardait comme lui le voudrait ? Il fut intimement convaincu que non, le chevalier lui avait parlé de sa vie précédente, il savait qu'il avait perdu celle qu'il aimait et que cette tragédie lui faisait encore mal. Quelque part, savoir cela le rendait malheureux : d'une part parce que le Grec souffrait, d'autre part parce qu'il ne pouvait rien faire pour soulager sa peine et qu'il n'aurait aucune chance avec lui. Résigné, il avait tenté de réprimer ses sentiments mais en vain. Son trouble se ressentait dans son jeu, et rien n'échappait à l'oreille absolue d'Orphée.

« Qu'y a-t-il, Sorrento ? S'inquiéta-t-il.

— Oh... Eh bien, rien de spécial... Qu'est-ce qui te fait croire que quelque chose ne va pas ?

— La musique ne ment pas. J'ai remarqué que tu ne jouais plus avec autant d'entrain que d'habitude, j'ai l'impression que ton cœur n'y est pas. Quelque chose te tracasse ?

— Je... Je ne peux pas... Je ne peux rien te cacher, n'est-ce pas ?

— Eh bien... Disons que c'est comme si la mélodie était empreinte de tes émotions, j'arrive à les percevoir. Tu sembles attristé par quelque chose... ou peut-être quelqu'un ? »

C'était ahurissant, le jeune homme aux cheveux bleu avait visé dans le mille. Sa capacité, à deviner les sentiments des autres rien qu'en écoutant leurs performances, était effarante. Le flûtiste sut qu'il n'arriverait pas à jouer correctement, s'il ne se libérait pas du poids qui lui pesait sur le cœur. Alors autant être honnête, quitte à en souffrir, avec le temps la douleur s'en irait.

« A vrai dire... C'est toi qui occupes mes pensées, admit-il.

— Ai-je fait quelque chose qui t'a déplu ? S'inquiéta-t-il.

— Non, rien de cela. En fait, je t'idolâtre grandement : tu es un véritable virtuose, je me sens chanceux de pouvoir être aussi proche de toi. Cependant, mon adulation pour toi a fini par évoluer en un sentiment plus profond. Je pense que je... je suis tombé, irrémédiablement, amoureux de toi. Ne le prends pas mal, je sais que c'est absurde, que mon amour est à sens unique mais c'est comme ça. Ne t'inquiète pas, rien n'ébranlera notre amitié et l'admiration que j'ai à ton égard.

— Attends, Sorrento. Qu'est-ce qui te fait penser cela ?

— Tu aimes Eurydice, non ? Je sais que c'est le cas.

— Oui, je l'ai aimée et je l'aimerai toujours. Je pense qu'elle demeura la seule femme à qui j'ai dédié ma vie. Toutefois, les choses ont changé : je suis en vie, alors qu'elle est morte. Et je suis intimement persuadé qu'elle aurait voulu que je l'oublie et que je refasse ma vie avec quelqu'un d'autre. C'est impossible, jamais je ne pourrai faire ça ! Du moins... c'est ce que j'avais pensé au début. Puis tu es apparu, de façon magistrale, dans ma vie : dès que mes yeux se sont posés sur toi, tu as de suite capter mon attention. Je savais que je voudrais être ami avec toi, cette pensée avait égayé mon quotidien. Mon souhait a été exaucé, je ne pouvais pas être plus heureux. Mais là encore, je me trompais... tout ton être me fascinait... ton âme et tes sentiments sont si purs... qu'ils ont su capturer mon cœur.

— Tu veux dire que... tu... commença le marina, n'osant y croire.

— Oui, je suis également tombé amoureux de toi. Je n'aurais jamais pensé que je serais capable d'aimer quelqu'un à nouveau un jour, et pourtant c'est bel et bien le cas !

— Oh... Orphée... je... je suis ému, je n'ai pas les mots pour exprimer ce que je ressens...

— Dans ce cas, laisse la musique le faire pour toi. »

D'abord un peu hésitant, le marina se laissa finalement aller, il porta sa flûte traversière à hauteur de ses lèvres puis souffla, amorçant un air qui inspirait le soulagement et le bonheur. Le Grec avait raison, la parole n'était pas la seule façon de communiquer : en tant qu'instrumentistes, ils pouvaient transmettre leurs émotions à travers leurs mélodies. Ce dernier écouta attentivement, touché par la sincérité qui découlait de ce morceau. Ah Sorrento était vraiment un être exceptionnel, il aura beau dire qu'il était le plus grand musicien qu'il connaissait, pour lui c'était l'Autrichien le plus talentueux.

Quand la général marina Sirène acheva son interprétation, il sentit deux mains encadrant son visage et des lèvres se poser, doucement, sur les siennes. Le chevalier était en train de l'embrasser ! Son cœur battait à la chamade, et ses joues devinrent cramoisies, il ne s'attendait pas à un tel contact ! Néanmoins, il y répondit avec ferveur pour le plus grand plaisir de son compagnon. Suite à cela, leur romance débuta réellement, tout deux prêts à tourner une nouvelle page.

Un mois et demi plus tard, sur la scène de l'amphithéâtre du Sanctuaire, se tenaient les deux hommes accompagné d'un orchestre symphonique. Ils étaient là, face au large public composé des deux armées de leurs sanctuaires respectifs. Après un regard et un sourire échangés, ils entamèrent le concerto, sous le regard admiratif de l'auditoire. Leur duo marqua les esprits et devint une légende au fil des générations : l'amour, qui les unissait, sut rester inscrit dans l'Histoire.